Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bluestar Silicones France (BSF) a demandé, par deux instances distinctes, au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des procédures de règlement amiable en cours entre l'administration fiscale française, d'une part, et les administrations fiscales espagnole, britannique, brésilienne et chinoise, d'autre part, et, à titre subsidiaire, le rétablissement des dégrèvements obtenus dans le cadre de sa demande de plafonnement de la taxe professionnelle au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, et la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2007.
Par un jugement nos 1406484 et 1406673 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2016, et des mémoires, enregistrés les
28 février 2017, 6 et 25 mars 2019, 17 juin 2019, 14 et 29 octobre 2019 et 18 novembre 2019, la société Bluestar Silicones France (BSF), devenue Elkem Silicones France SAS (ESF), représentée par Me A..., demande à la cour :
1° d'infirmer ce jugement ;
2° s'agissant de la retenue à la source, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires qui lui sont réclamées au titre de l'exercice clos en 2007 ;
3° s'agissant de la taxe professionnelle qui lui est réclamée au titre des années 2007 à 2009, à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des procédures de règlement amiable en cours entre l'administration fiscale française, d'une part, et les administrations fiscales espagnole, britannique, brésilienne et chinoise, d'autre part et, à titre subsidiaire, que lui soit accordé le rétablissement des dégrèvements obtenus dans le cadre de sa demande de plafonnement de la taxe professionnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009 ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dans le cadre des négociations bilatérales, les rehaussements en base portant sur les transactions réalisées au cours de l'exercice clos en 2007 ont été limités à la somme de 1 961 000 euros pour les transactions réalisées avec la société Bluestar Siliconi Italia Spa, à la somme de 1 229 845,35 euros pour les transactions réalisées avec la société Bluestar Siliconas Espana SAU et à la somme de 2 994 000 euros pour les transactions réalisées avec la société Bluestar Silicones UK ; par conséquent, elle se désiste de ses demandes tant en matière de retenue à la source que de taxe professionnelle correspondant en base à ces sommes ;
- la retenue à la source imposée en 2007 et qui reste en litige correspond à des prix de transfert pratiqués au profit de la filiale du groupe Bluestar Silicones International établie à
Hong Kong, lesquels ne constituent pas des transferts de bénéfices ; aucune convention fiscale n'existant entre la France et Hong Kong en 2007, aucun recours amiable n'a pu être engagé ;
- le tribunal a inversé la charge de la preuve au regard de l'article 57 du code général des impôts, la démonstration de l'anormalité des prix de vente intragroupe incombant à l'administration, laquelle doit établir l'existence de l'avantage consenti, l'anormalité de celui-ci et le montant de l'avantage devant être réintégré ; or, le tribunal ne fait état d'aucun élément objectif rapporté par l'administration pour démontrer une insuffisance de prix ;
- il n'y a pas eu transfert de bénéfices ; sa méthode de construction des prix du groupe n'a pas changé et le respect du principe de pleine concurrence a été démontré par une étude du cabinet Taj selon la méthode transactionnelle de la marge nette et les critiques adressées à ses prix sont infondées ; en qualité d'entrepreneur principal du sous-groupe, ses résultats doivent être analysés dans le contexte d'investissements lourds réalisés par le sous-groupe Bluestar Silicones International, et qu'elle a financés à 80 %, lesquels sont à l'origine des lourdes pertes constatées au titre des premiers exercices du sous-groupe pour les années 2007 à 2009 ;
- les rectifications opérées ne sont pas justifiées au vu des comparables dont il ressort que les profits réalisés par les filiales ne sont pas excessifs ;
- il doit être sursis à statuer dans la mesure où le plafonnement selon la valeur ajoutée de la taxe professionnelle au titre des années 2007 à 2009 ne pourra être calculé qu'à l'issue des procédures amiables engagées ;
- les rectifications de taxe professionnelle sont injustifiées dès lors qu'ainsi qu'il a été démontré, les prix de transfert pratiqués ne constituaient pas des transferts de bénéfices ;
- l'absence de facturation des " management fees " ne révèle pas un acte anormal de gestion et leur facturation aux filiales chinoise et brésilienne était impossible en raison des législations locales ; en outre, le montant des rectifications est inexact s'agissant de l'année 2009 ; jusqu'au 1er janvier 2013, les règles de facturation étaient définies par l'instruction administrative du 7 août 2003 référencée 3 CA-136 n° 21 à 26, laquelle ne vise que les opérations effectuées sur le territoire français conformément à l'article 289 du code général des impôts ;
- les frais liés à trois salariés expatriés non facturés ne constituent pas davantage un acte anormal de gestion ; en effet, elle avait un intérêt à soutenir sa filiale chinoise, sa politique de prix de transfert aurait dû la conduire à effectuer un versement complémentaire au profit de la filiale chinoise du groupe, la réglementation chinoise lui interdisait de procéder au règlement de frais de cette nature, le travail des trois expatriés concernés lui a directement bénéficié et, enfin, il s'est agi d'une opération circonscrite sans rapport avec les volumes de produits qu'elle a vendus à la société chinoise entre 2007 et 2009.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., avocat de la société Elkem Silicones France SAS.
Considérant ce qui suit :
1. La société Bluestar Silicones France (BSF), devenue Elkem Silicones France SAS (ESF), qui a pour objet social la production de silicones et de différents produits qu'elle vend aux autres sociétés internationales appartenant, comme elle, au groupe Bluestar Silicones International, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos le
31 décembre des années 2007 à 2009, à l'issue de laquelle ont été partiellement remis en cause les dégrèvements de taxe professionnelle dont elle avait bénéficié au titre des années 2007, 2008 et 2009 et mis à sa charge des cotisations supplémentaires de retenue à la source au titre de l'exercice clos en 2007, en raison de la politique de prix de transfert mise en oeuvre au cours de l'exercice 2007 et de l'absence de facturation, au titre des années 2007 à 2009, de frais de gestion exposés au bénéfice des filiales chinoise et brésilienne du groupe Bluestar Silicones International et des frais rémunérant trois personnels expatriés en Chine. Par la requête susvisée, la société ESF fait appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions précitées.
Sur l'étendue du litige :
2. Par ses mémoires, enregistrés les 25 mars 2019, 17 juin 2019 et 18 novembre 2019, la société ESF a déclaré se désister de ses conclusions en décharge des rehaussements de retenue à la source au titre de l'exercice 2007 et des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle de l'année 2007 restant à sa charge à la suite de procédures amiables ouvertes dans le cadre de conventions fiscales, et correspondant à la limitation des rehaussements en base à hauteur des sommes de 1 961 000 euros, 1 229 845,35 euros et 2 994 000 euros pour les transactions réalisées respectivement avec les sociétés Bluestar Siliconi Italia Spa, Bluestar Siliconas Espana SAU et Bluestar Silicones UK. Ce désistement partiel étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :
3. Si la société ESF demande à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue des procédures de règlement amiable engagées entre l'administration fiscale française, d'une part, et les administrations fiscales espagnole, britannique, brésilienne et chinoise, d'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que des accords sont intervenus avec les autorités italiennes, espagnoles et britanniques. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que d'autres accords devraient intervenir à brève échéance avec les autorités brésiliennes et chinoises. En outre, et ainsi d'ailleurs que le fait valoir la requérante, aucune procédure amiable n'a été engagée avec les autorités de Hong Kong alors que les sommes restant en litige résultent notamment de la retenue à la source appliquée à raison des sommes réputées distribuées en faveur de la société BSI Hong Kong. Dans ces conditions, compte tenu de l'ancienneté du dossier et dès lors que la cour n'est pas tenue de faire droit à une demande de sursis à statuer, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins de sursis à statuer présentées par la société ESF.
Sur les transferts indirects de bénéfices résultant des prix de transfert pratiqués au cours de l'année 2007 :
4. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) ". Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...) A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transfert de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.
5. D'autre part, aux termes du 2° de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition. (...) ". L'article 1647 B sexies du même code, dans sa version applicable, dispose : " I. - Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. (...) ".
6. L'administration a qualifié de transfert indirect de bénéfices à l'étranger, les prix de vente des produits silicones fabriqués par la société BSF, facturés aux filiales étrangères du groupe BSI. Cependant compte tenu des accords intervenus en cours d'instance, ne demeurent en litige devant la cour que les prix de transferts pratiqués avec la société BSI Hong Kong installée à Hong Kong.
7. D'une part, pour justifier du caractère anormalement bas de ces prix, au regard de ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement ou, à défaut d'une telle comparaison, de leur caractère insuffisant en raison de l'existence d'un écart injustifié entre ceux-ci et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu, l'administration se fonde, tout d'abord, sur la situation structurellement déficitaire de la société BSF, dont il est constant qu'elle a la qualité d'entrepreneur principal du groupe BSI, comparativement aux autres sociétés de ce groupe qui ont dégagé des bénéfices. Toutefois, cette seule circonstance est insuffisante à caractériser par elle-même un prix anormal appliqué à des relations intra-groupe, ainsi qu'il incombe à l'administration de le démontrer.
8. D'autre part, il est constant que l'administration n'a recouru à aucun comparable interne ou externe pour tenter de démontrer que les prix de transfert pratiqués par la société requérante étaient anormalement bas, alors même qu'il résulte de l'instruction que la société BSF réalisait une part, largement excédentaire au titre de l'année 2007, de son activité avec des clients ne présentant aucun lien de dépendance avec elle.
9. Enfin, à défaut de comparables, pour tenter de démontrer que les prix de transfert pratiqués par la société BSF étaient inférieurs à la valeur vénale des biens cédés, l'administration a soutenu, initialement dans la proposition de rectification, après avoir critiqué la méthode dite du cost + 10 % appliqué en 2007 par la société et avoir également critiqué la méthode transactionnelle de la marge nette mise en oeuvre par la société en 2008 à la suite d'une étude réalisée par le cabinet Taj, qu'il convenait d'appliquer la méthode dite du partage de bénéfice en attribuant un taux de rentabilité à chacune des fonctions de routine en s'appuyant partiellement sur les conclusions de l'étude réalisée par le cabinet Taj complétée ou amendée sur certains points. Dans sa défense, devant la Cour, elle paraît avoir renoncé à défendre la méthode de partage de bénéfice pourtant utilisée par son vérificateur dans la proposition de rectification et semble soutenir qu'il conviendrait de retenir la méthode de la marge transactionnelle nette utilisée par la société en 2008, tout en maintenant certaines critiques à son égard. Compte tenu des contradictions dans les positions soutenues successivement par le service et des incertitudes qui existent sur la méthode qu'il entend revendiquer en dernier lieu, ce dernier ne peut être regardé comme apportant ainsi la preuve qui lui incombe et qu'il ne saurait reporter sur la société, de l'existence d'un écart injustifié de prix entre ceux-ci et la valeur vénal des biens cédés et donc de l'existence d'un transfert indirect de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts, à raison des prix de transfert pratiqués par la société BSF au cours de l'année 2007 avec la société BSI Hong Kong. Dès lors, il y a lieu d'ordonner la décharge des rappels de retenue à la source appliquée à ce titre pour l'exercice clos en 2007 à raison d'un transfert de bénéfices, ainsi que, par voie de conséquence, la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle de l'année 2007 découlant de ce chef de redressement à la suite de la remise en cause du dégrèvement obtenu par la société requérante dans le cadre de sa demande de plafonnement de la taxe professionnelle selon la valeur ajoutée.
Sur l'absence de facturation des frais de gestion :
10. Il est constant que la société BSF n'a pas refacturé au cours des exercices clos de 2007 à 2009 des frais de gestion relatifs à divers services administratifs et commerciaux, dits
" managements fees ", rendus aux sociétés du groupe établies en Chine et au Brésil. L'administration a notamment relevé l'absence d'intention de la part de la société requérante de faire supporter aux sociétés du groupe établies dans ces deux pays, les frais de gestion assumés pour leur compte, faute de toute inscription comptable de ces derniers. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la société BSF aurait conclu avec les sociétés chinoise et brésilienne du groupe BSI des conventions de facturation des frais de gestion, ainsi qu'elle l'a fait avec les sociétés anglaise et italienne appartenant au même groupe.
11. Pour justifier de ce renoncement à facturer les dépenses qu'elle a exposées au profit de ces deux sociétés étrangères, la société requérante invoque tout d'abord la nécessité de développer commercialement les sociétés partenaires mais n'en justifie pas par la seule production de tableaux dont les données ne sont pas authentifiées. Par ailleurs, elle ne démontre pas, en l'absence notamment de refus formellement opposé par les autorités chinoises et brésiliennes, que la législation de chacun de ces pays interdirait le règlement de frais de la nature de ceux en litige par des sociétés résidentes à des sociétés françaises. En outre, la société ESF ne justifie pas davantage de l'erreur dont elle se prévaut au motif que les frais auraient dû être partagés avec la société Bluestar Silicones Services ou de la compensation résultant des ajustements de sa nouvelle politique de prix de transfert à compter de 2008. Enfin, les dispositions de l'article 289 du code général des impôts, ainsi que les paragraphes n° 21 à 26 l'instruction administrative du 7 août 2003 référencée CA-136 qui le commentent, à supposer même que la société BSF ait entendu s'en prévaloir, sont en tout état de cause sans porté utile dès lors qu'ils concernent la facturation de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, l'administration était fondée à considérer que la renonciation de la société BSF à facturer des frais de gestion aux sociétés chinoise et brésilienne du groupe Bluestar Silicones International a constitué un acte anormal de gestion. Elle était ainsi en droit de corriger le bénéfice de la société et de corriger également la valeur ajoutée de la société pour la détermination de sa taxe professionnelle.
Sur les frais de mise à disposition de trois salariés expatriés en Chine :
12. Il résulte de l'instruction que la société BSF a conclu avec Bluestar new chemical material col td Jiangxi Xinghuo organic silicon plant, soit la société XingHuo, filiale du groupe China national Bluestar, un contrat " technology and know how license " concernant un site de production de silicones à Jiangxi. L'administration établit, notamment par la production d'un document interne du groupe Chem China du mois d'octobre 2008, dont le contenu n'est pas contesté, que les frais en litige concernent la rémunération par la société BSF de trois de ses salariés pour accompagner ce transfert de technologie lors de la construction d'une usine. La renonciation à refacturer de telles charges exposées pour une entreprise tierce est constitutive par nature d'un acte anormal de gestion. Par suite, il incombe à la société requérante de prouver que cette renonciation comportait pour elle une contrepartie suffisante et qu'elle n'a pas, en définitive, commis d'acte anormal de gestion.
13. Si la société BSF fait valoir qu'elle retirait un bénéfice direct de la mise à disposition de ces trois expatriés par le développement des ventes de la filiale chinoise, elle ne l'établit pas alors qu'il est démontré que le chef de projets et les deux techniciens travaillaient sur le site de Jiangxi, lequel se dotait de la technologie utile à la fabrication de produits similaires à ceux jusqu'alors achetés par la filiale chinoise à la société BSF et donc potentiellement concurrents. L'impossibilité de facturer de tels frais en raison de la législation chinoise n'est pas davantage démontrée, pas plus qu'une éventuelle compensation résultant d'une insuffisance des prix de transfert pratiqués. Dans ces conditions, la société requérante ne démontre pas que l'avantage accordé à la société chinoise avait une contrepartie suffisante dans l'intérêt de son exploitation et, par suite, était justifié par une gestion normale de ses intérêts propres. Par conséquent, c'est à juste titre que le service a réintégré les sommes correspondant à la rémunération des trois salariés ayant exercé leur activité de 2007 à 2009 dans la société XingHuo de Jiangxi, dans les bénéfices de la société requérante. Elle était ainsi également en droit de corriger la valeur ajoutée de la société pour la détermination de sa taxe professionnelle des années 2007 à 2009.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société ESF est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a refusé de la décharger des cotisations supplémentaires de retenue à la source mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2007 et des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre de l'année 2007 découlant de la correction opérée par l'administration fiscale de ses prix de transferts pratiqués avec la société BSI Hong Kong.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société ESF d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement partiel d'instance des conclusions de la société Elkem Silicones France SAS tendant à la décharge des rehaussements de retenue à la source au titre de l'exercice 2007 et des restitutions de taxe professionnelle au titre de l'année 2007 correspondant à la limitation des rehaussements en base aux montants de 1 961 000 euros, 1 229 845,35 euros et 2 994 000 euros.
Article 2 : La société Elkem Silicones France SAS est déchargée des rappels de retenue à la source mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2007 découlant de la correction opérée par l'administration fiscale de ses prix de transfert pratiqués avec la société BSI Hong Kong.
Article 3 : La société Elkem Silicones France SAS est déchargée des rappels des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2007 découlant de la correction opérée par l'administration fiscale de ses prix de transferts pratiqués avec la société BSI Hong Kong.
Article 4 : L'Etat versera à la société Elkem Silicones France SAS la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le jugement nos 1406484 et 1406673 du 3 décembre 2015 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la société Elkem Silicones France SAS est rejeté.
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N° 16VE00352