Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Clinique Internationale du Parc Monceau a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de la décharger de la redevance pour pollution d'origine domestique et modernisation des réseaux de collecte d'un montant de 14 164,81 euros, mise à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012 par ordre de recettes du 23 mai 2014, émis par l'établissement public Eau de Paris pour le compte de l'Agence de l'Eau Seine-Normandie.
Par un jugement n° 1600691 du 20 février 2018, le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise l'a déchargée des redevances pour pollution des eaux d'origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte mises à sa charge au titre de l'année 2010, à hauteur de 6 247 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018 et régularisée le 29 mai 2018, et des mémoires en réplique, enregistrés les 6 et 9 septembre 2019, la SAS Clinique Internationale du Parc Monceau demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;
2°) de la décharger des redevances pour pollution d'origine domestique et modernisation des réseaux de collecte laissées à sa charge au titre des années 2011 et 2012, soit la somme de 7 917,81 euros ;
3°) de remettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de rejeter les conclusions présentées par l'établissement public Eau de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de rejeter les conclusions présentées par l'Agence de l'Eau Seine-Normandie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les redevances en litige ont été établies en méconnaissance du principe général des droits de la défense, lequel s'applique en l'absence de principe plus protecteur bénéficiant aux assujettis aux redevances de lutte contre la pollution et de modernisation des réseaux de collecte ;
- elle n'a reçu aucune information utile préalable lui permettant de faire valoir ses observations ;
- elle n'a dirigé son recours qu'à l'encontre de l'établissement public Eau de Paris et n'a pas à supporter de frais d'instance à l'égard de l'Agence de l'Eau Seine-Normandie qu'elle n'a pas appelé en la cause.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 mai 2014, l'établissement public Eau de Paris a transmis à la SAS Clinique Internationale du Parc Monceau une facture de 14 164,81 euros, portant sur la régularisation des sommes dues au titre de la redevance pour pollution d'origine domestique et de la redevance pour modernisation des réseaux de collecte, pour les années 2010, 2011 et 2012. Par la requête susvisée, la SAS Clinique Internationale du Parc Monceau fait appel du jugement du 20 février 2018 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après l'avoir déchargée de cette redevance pour pollution des eaux d'origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte à hauteur de 6 247 euros au titre de l'année 2010, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la compétence du juge administratif :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ".
3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " Dans chaque bassin ou groupement de bassins visé à l'article L. 212-1, une agence de l'eau, établissement public de l'Etat à caractère administratif, met en oeuvre les schémas visés aux articles L. 212-1 et L. 212-3, en favorisant une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l'alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques. (...) ". Aux termes de l'article L. 213-10-1 du même code : " Constituent les redevances pour pollution de l'eau, d'une part, une redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique et, d'autre part, une redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique. ". L'article L. 213-10-3 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose : " I.- Sont assujettis à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique : / 1° Les personnes abonnées au service d'eau potable, à l'exception de celles acquittant la redevance visée au I de l'article L. 213-10-2 ; / 2° Les personnes visées au même I dont les activités entraînent des rejets d'éléments de pollution inférieurs aux seuils visés au IV du même article ; / 3° Les usagers visés à l'article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales ; / 4° Les personnes disposant d'un forage pour leur alimentation en eau, qui mettent en place un dispositif de comptage de l'eau prélevée. / II.- L'assiette de la redevance est le volume d'eau facturé à l'abonné. Pour les personnes visées au 2° du I du présent article, l'assiette de la redevance est plafonnée à 6 000 mètres cubes. Pour les personnes visées aux 3° et 4° du même I, cette assiette comprend également le volume d'eau prélevé sur des sources autres que le réseau de distribution. Le volume d'eau utilisé pour l'élevage est exclu de cette assiette s'il fait l'objet d'un comptage spécifique. / Lorsque la tarification de l'eau ne comporte pas de terme proportionnel au volume d'eau consommé, et en l'absence de comptage de l'eau distribuée, l'assiette de la redevance est calculée sur la base d'un forfait par habitant déterminé par décret. / III.- L'agence de l'eau fixe, dans la limite de 0, 5 euro par mètre cube, un taux par unité géographique cohérente (...). / IV.- La redevance est perçue auprès de l'exploitant du service d'eau potable par l'agence de l'eau. Elle est exigible à l'encaissement du prix de l'eau distribuée. L'exploitant facture la redevance aux personnes abonnées au service d'eau potable définies au I dans des conditions administratives et financières fixées par décret. / Le recouvrement de la redevance auprès de l'assujetti est réalisé comme en matière de redevances perçues par le service d'eau potable. (...) ".
4. D'autre part, s'agissant de la redevance pour modernisation des réseaux de collecte, aux termes de l'article L. 213-10-6 du code de l'environnement, dans sa version applicable aux années en litige : " Les personnes qui acquittent la redevance visée à l'article L. 213-10-3 et qui sont soumises à la redevance d'assainissement mentionnée à l'article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales sont assujetties à une redevance pour modernisation des réseaux de collecte. / La redevance est assise sur les volumes d'eau pris en compte pour le calcul de la redevance d'assainissement, à l'exception des volumes d'eau retenus pour le calcul de l'assiette de la redevance mentionnée à l'article L. 213-10-5. / Lorsque la tarification de l'eau ne comporte pas de terme proportionnel au volume d'eau consommé, et en l'absence de comptage de l'eau distribuée, l'assiette de la redevance est calculée sur la base d'un forfait par habitant déterminé par décret. / Son taux est fixé par l'agence de l'eau en fonction des priorités et des besoins de financement du programme d'intervention mentionné à l'article L. 213-9-1 dans la limite d'un plafond de 0,3 euro par mètre cube. / La redevance est perçue par l'agence de l'eau auprès de l'exploitant du service assurant la facturation de la redevance d'assainissement en même temps que celle-ci. L'exploitant facture la redevance aux personnes visées au premier alinéa dans des conditions administratives et financières fixées par décret. Le recouvrement de la redevance auprès de l'assujetti est réalisé comme en matière de redevance perçue par le service d'assainissement. ".
5. Enfin, aux termes de l'article L. 213-11 du code de l'environnement : " Les personnes susceptibles d'être assujetties aux redevances mentionnées aux articles L. 213-10-2, L. 213-10-5, L. 213-10-8, L. 213-10-9, L. 213-10-10 et L. 213-10-11 et les personnes qui facturent ou collectent les redevances mentionnées aux articles L. 213-10-3, L. 213-10-6 et L. 213-10-12 déclarent à l'agence de l'eau les éléments nécessaires au calcul des redevances mentionnées à l'article L. 213-10 avant le 1er avril de l'année suivant celle au titre de laquelle ces redevances sont dues. Ces personnes sont les contribuables mentionnés aux articles L. 213-11-1 à L. 213-11-13. / (...) ". L'article R. 213-48-35 du même code dispose : " L'exploitant du service d'eau potable et l'exploitant du service assurant la facturation de la redevance d'assainissement facturent aux usagers du service et encaissent respectivement la redevance pour pollution d'origine domestique et la redevance pour modernisation des réseaux de collecte définies aux articles L. 213-10-3 et L. 213-10-6 en même temps que les sommes qui leur sont dues au titre de la fourniture d'eau ou de la redevance d'assainissement. Le montant de ces redevances apparaît distinctement sur les factures (...) ".
6. Les redevances perçues par les agences financières de bassin en application de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques doivent être rangées parmi les impositions de toute nature dont l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement.
7. Toutefois, en l'espèce, le litige qui est soumis à la cour oppose la société Clinique du parc Monceau en sa qualité de consommateur d'eau et l'établissement public Eau de Paris émetteur de sa facture. D'une part, le recouvrement des deux redevances en litige, prévues aux articles L. 213-10-3 et L. 213-10-6 du code de l'environnement, auprès de l'assujetti est réalisé comme en matière de redevances perçues par le service d'assainissement, à savoir par le gestionnaire du service de l'eau, lequel est le contribuable en vertu de l'article L. 213-11 du code de l'environnement. D'autre part, l'assiette de ces redevances est le volume d'eau facturé ou, le cas échéant, un volume forfaitaire fixé par habitant. Dès lors, le litige qui n'oppose donc pas le contribuable à l'Agence de l'eau Seine-Normandie pourrait être regardé comme se rattachant à la refacturation par l'opérateur assujetti auprès du consommateur final d'un élément non détachable de la facture émise par un service public industriel et commercial à l'encontre de l'un de ses usagers. Dans ces conditions, il apparaît que le litige est susceptible de relever de la compétence de la juridiction judiciaire.
8. La cour d'appel de Paris, primitivement saisie par la SAS Clinique Internationale du Parc Monceau, ayant, par un arrêt du 15 décembre 2015 qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, il convient, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce Tribunal.
DÉCIDE :
Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la SAS Clinique Internationale du Parc Monceau tendant à la décharge des redevances pour pollution d'origine domestique et modernisation des réseaux de collecte laissées à sa charge au titre des années 2011 et 2012, soit la somme de 7 917,81 euros, jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur ces conclusions.
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N° 18VE01404