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09/06/2022 | FRANCE | N°20VE02151

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 juin 2022, 20VE02151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Chez Saïd a demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes correspondant aux années 2012 et 2014.

Par un jugement n° 1804538 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. r>
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 août 2020 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Chez Saïd a demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes correspondant aux années 2012 et 2014.

Par un jugement n° 1804538 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 août 2020 et 8 mars 2021, la SARL Chez Saïd, représentée par Me Labalette, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge des impositions contestées résultant de la prise en compte de la méthode de reconstitution de sa comptabilité qu'elle propose ou, à titre subsidiaire, la décharge de ces impositions résultant d'une réduction de 20 % du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration fiscale ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service a, à tort, sans justification valable, écarté sa comptabilité et rejeté le déficit comptabilisé à la clôture de l'exercice 2011 et imputé sur le résultat de l'année suivante ; la mauvaise utilisation de la caisse enregistreuse, non obligatoire au cours des exercices vérifiés, ne saurait lui être reprochée ; l'existence d'un relevé quotidien n'était pas irrégulier au regard de l'article 286 du code général des impôts, les recettes inférieures à 76 euros étant d'évidence la norme en boulangerie ;

- le rejet du déficit comptabilisé à la clôture de l'exercice 2011 est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en l'absence de motif de droit le justifiant ;

- la méthode de reconstitution de recettes est viciée dans la mesure où elle est sans lien avec la nature de la société ; une méthode correspondant aux usages de la profession aurait dû être privilégiée ; le service ne saurait arguer de l'absence de production de certains éléments pour justifier le recours à la méthode des espèces alors qu'une méthode plus favorable existait ;

- la méthode qu'elle propose, fondée sur les achats de farine, l'utilisation dans la fabrication et les prix de vente des articles, ne saurait être écartée à raison d'une absence de justificatifs des factures d'achats alors que la nature même du contrôle de l'administration devait amener cette dernière à prendre connaissance et analyser ces documents ; cette méthode a été utilisée par un vérificateur lors du contrôle de la deuxième boulangerie de son gérant, donnant des coefficients de marge de 2,81, 3,21 et 3,07 inférieurs à ceux retenus en l'espèce ; deux boulangeries du secteur géographique ont des marges de 3,44 et 3,63 ;

- le service ne saurait lui opposer le fait de n'avoir pas rempli les tableaux transmis par le vérificateur, ni le fait de ne pas avoir fourni la totalité des éléments que ce dernier souhaitait recueillir pour procéder au contrôle, alors qu'il ne lui appartient pas de se substituer à l'administration fiscale sur ce point ;

- la méthode de l'administration fiscale des " règlements sur 9 jours " ne reflète pas les recettes sur l'année en ce qu'elle comprend deux week-ends où les règlements par cartes bleues sont plus nombreux ; elle envisage de la même manière le point chaud fermé en 2014, en dépit de facteurs locaux de commercialité distincts ; ne sont pas pris en compte les charges correspondant à une activité distincte, ni les horaires distincts ; les éléments locaux ne sont pas appréhendés ; la méthode oublie l'incidence d'une freinte, qui s'élève à 8 % ; le service n'a pas " donn[é] la liste des entreprises choisies et la moyenne globale de chiffre d'affaires et de bénéfices ressortant des déclarations des dites entreprises " ; les calculs opérés par le service sont irréalistes et sans rapport avec les circonstances, issues d'une méthode sommaire, de sorte qu'une réduction de 20 % de la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé s'impose, conduisant alors à des chiffres équivalents à ceux qu'elle propose à l'issue de la méthode alternative qu'elle avance.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 février et 23 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Chez Saïd ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Chez Saïd, dont le siège est situé à la pointe à l'Ange à Villepreux (78450), exerce une activité de boulangerie, pâtisserie, vente de bonbons, sandwichs et boissons. Elle dispose, à cette adresse, d'une boulangerie-pâtisserie, ainsi que d'un point chaud au 14 T rue Marius Minnard à Neauphle-le-Château (78640). A l'occasion d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014, le service a constaté le caractère irrégulier et non probant de la comptabilité présentée et procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société. Il a constaté des omissions de recettes HT de 110 541 euros au titre de l'exercice clos en 2012 et de 131 329 euros au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que des insuffisances de taxe sur la valeur ajoutée de, respectivement, 6 314 et 7 782 euros. Il a également remis en cause le taux réduit d'impôt sur les sociétés dont la société avait bénéficié, motif pris de l'absence de libération de l'intégralité des apports. Il a, enfin, remis en cause le déficit déclaré au titre de l'exercice clos en 2011 et imputé sur les exercices vérifiés, en l'absence de justifications. La SARL Chez Saïd fait appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en conséquence, au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes correspondant aux années 2012 et 2014.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " et aux termes de l'article R.*57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

3. La SARL Chez Saïd soutient que la proposition de rectification du 14 décembre 2015 serait insuffisamment motivée en ce qui concerne la remise en cause de l'imputation sur le résultat des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 d'un déficit antérieur de 28 079 euros provenant du résultat de l'exercice clos en 2011, en l'absence de motif de droit en ce sens et faute pour le service de justifier valablement et d'avoir analysé en quoi la comptabilité de l'année 2011 serait irrégulière. Toutefois, il résulte des termes mêmes de ce document que, pour remettre en cause cette imputation, le service s'est fondé sur l'absence de production par la société des pièces de recettes (éditions tickets Z) et l'absence de sauvegarde informatique du logiciel de caisse, faisant ainsi obstacle à toute vérification, ainsi que sur le caractère non probant de la comptabilité pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Dans ces conditions, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme manquant en fait sans que le contribuable puisse contester utilement la pertinence, point qui relève du bien-fondé, de les précisions surabondantes ajoutées par le vérificateur selon lesquelles " s'agissant de la même caisse, on peut (...) présumer que les mêmes [omissions de recettes] ont été opéré[e]s sur l'exercice clos en 2011 " et " le résultat de l'exercice clos en 2011, ne serait plus déficitaire si l'on tenait compte du taux d'espèces constaté sur place ".

4. Par ailleurs, à supposer même que la SARL Chez Saïd puisse être regardée comme se prévalant d'une absence d'indication précise des termes de comparaison utilisés pour fonder les redressements, notamment leur nom et la moyenne globale de chiffre d'affaires et bénéfices, un tel moyen est inopérant dès lors que l'administration n'a pas procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société en se fondant, même partiellement, sur des comparables externes, mais à partir des modes de règlements constatés au sein de l'entreprise.

Sur le bien-fondé des impositions :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

5. D'une part, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. " et aux termes du 3° du I de de l'article 286 du même code : " (...) les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe (...) à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que, pour rejeter la comptabilité présentée par la SARL Chez Saïd, le service a relevé l'absence de tout justificatif du détail de recettes journalières daté et numéroté au titre de la période vérifiée, ainsi que de la ventilation des ventes de produits. Il a, à ce titre, souligné le défaut de conservation des bandes de caisse, le défaut de production de tickets Z et de ticket mensuels, l'absence de journal de caisse pour le suivi journalier des paiements en espèce, l'absence de tenue d'un brouillard de caisse, la comptabilité étant saisie à partir des relevés bancaires, notamment à partie des dépôts d'espèces effectués par son gérant, l'absence d'inventaire - non effectué depuis quatre ans -, ainsi que l'absence de justificatifs du déficit imputé.

8. La société appelante soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les anomalies relevées par l'administration n'étaient pas suffisamment significatives pour justifier le rejet de sa comptabilité. Elle fait valoir, en ce sens, qu'elle était en droit de procéder à un simple " relevé quotidien " en application des dispositions précitées du 3° du I de l'article 286 du code général des impôts et de l'article R. 123-17 du code de commerce. Toutefois, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce dernier article qui a trait aux obligations déclaratives des commerçants auprès du centre de formalités des entreprises. Par ailleurs, la circonstance que les dispositions du 3° du I de l'article 286, qui ne sont d'ailleurs applicables qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, autorisent une inscription globale en fin de journée pour les opérations de vente au détail de moins de 76 euros au comptant, ne dispense pas le contribuable d'apporter en contrepartie par tout moyen la preuve du détail et de la consistance des recettes portées en comptabilité. Il en va de même de la circonstance que la détention d'une caisse enregistreuse n'aurait pas été encore obligatoire au cours des exercices vérifiés. Or, la société appelante n'a pas été en mesure de produire de justificatifs probants du détail des recettes globalisées. Dans ces conditions, la globalisation des recettes de cette société sans justification suffit à conférer à la comptabilité de cette société, qui présentait, de surcroît, d'autres anomalies, notamment en ce qui concerne l'application des taux de taxe sur la valeur ajoutée, l'existence d'un compte de caisse créditeur et d'un coefficient multiplicateur de marge faible, un caractère non probant pour l'ensemble de la période soumise à contrôle et suffit, en conséquence, à justifier son rejet comme entachée de " graves irrégularités " au sens des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

S'agissant de la reconstitution de recettes :

9. En vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération du chiffre d'affaires reconstitué incombe à la société appelante, dès lors que sa comptabilité comportait de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 11 octobre 2016, laquelle a effectivement, contrairement à ce que sous-entend la SARL Chez Saïd, validé la méthode de reconstitution retenue par l'administration et proposé le maintien des rectifications opérées. Au demeurant, il est constant qu'au titre des années 2012 et 2014, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à la charge de l'intéressée à la suite d'une procédure de taxation d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales de sorte que la charge de la preuve lui incombe, en la matière, également sur le fondement de l'article L. 193 du même livre.

10. Le contribuable, à qui incombe, comme en l'espèce, la charge de prouver l'exagération de l'évaluation administrative, peut, soit critiquer la méthode d'évaluation retenue par l'administration en vue de démontrer qu'elle aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit soumettre à l'appréciation du juge une autre méthode permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction et, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que pour procéder à la reconstitution des recettes de la SARL Chez Saïd, la vérificatrice a d'abord demandé à son gérant de remplir des tableaux, envoyés par courriel, afin d'obtenir des renseignements relatifs à la production de pain, aux ventes, aux pertes ainsi qu'à la composition des produits fabriqués et vendus. Le gérant de la société requérante n'ayant pas rempli ces tableaux, ni fourni les renseignements à l'administration, celle-ci n'a pas été en mesure de mettre en œuvre la méthode classique des achats revendus et a dû procéder à la reconstitution des recettes de la société selon une autre méthode reposant sur les modes de règlement. Cette méthode consiste tout d'abord à déterminer un taux d'espèces en fonction des éléments portés en comptabilité, puis à déterminer le taux de recettes en espèces constaté sur une période de référence, ensuite à comparer le taux ainsi constaté et celui résultant de la comptabilité, et enfin à reconstituer les chiffres d'affaires TTC des exercices vérifiés par application de ce dernier taux d'espèces.

12. D'une part, la SARL Chez Saïd ne saurait sérieusement critiquer le recours à une telle méthode et l'absence de recours à celle dite des " achats-revendus ", dès lors qu'il est constant que le recours à la première méthode a été rendu inévitable, ainsi qu'il a été dit

ci-dessus, par le fait que le dirigeant de la société contrôlée n'a pas rempli les " tableaux à compléter " remis en main propre le 19 septembre 2015 au cabinet comptable Actionis et par mail à son gérant, puis de nouveau le 7 novembre suivant, demandant des renseignements notamment sur la production de pain, les ventes, les pertes et la composition des produits fabriqués telle que la quantité de farine, d'eau et de sel utilisée ainsi que des tableaux de production et de vente nécessaires pour quantifier les pertes, et ainsi rendu impossible le recours à la seconde méthode, alors qu'au demeurant, la méthode ainsi employée permet de prendre en compte les spécificités d'exploitation de l'activité de boulangerie pour laquelle les paiements en espèces sont prépondérants.

13. D'autre part, il résulte de l'instruction que, pour mettre en œuvre la méthode contestée, le service a procédé à deux relevés de caisse, les 6 et 10 novembre 2015, au titre de la période du 7 au 15 novembre 2015. Les montants des encaissements en espèces, chèques et cartes bleues ainsi constatés par la vérificatrice ont été validés par le gérant. Les relevés effectués au titre des autres journées de cette même période l'ont été par le gérant lui-même. La vérificatrice en a déduit un taux moyen de recettes en espèces constaté sur cette période de 91,8 %, supérieur à la part des recettes réalisées en espèces et déclarées au titre des exercices clos en 2012 et 2014. La société appelante ne peut utilement faire valoir, pour la contester, que cette méthode ne reflèterait pas les recettes sur l'année en ce qu'elle comprend deux week-ends où les règlements par cartes bleues sont plus nombreux, dans la mesure où une réduction du pourcentage des autres modes de règlement aurait pour effet d'augmenter le pourcentage de ceux en espèces et donc d'accroître le montant total des recettes reconstituées. Elle ne saurait davantage sérieusement faire valoir que le service aurait omis d'envisager les spécificités du " point chaud " installée à Neauphle-le-Château fermé en 2014 telles que les facteurs de commercialité, les charges et les horaires, dès lors que le recours à la méthode susmentionnée résulte, ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, de l'absence de réponse du contribuable aux demandes de renseignements du service et qu'elle ne justifie, ni ne précise, d'ailleurs la nature et l'importance de telles spécificités, ainsi que les conséquences devant en être tirées. De même, elle ne saurait se prévaloir de ce que le service aurait omis de prendre en compte une " freinte ", c'est-à-dire une perte de volume ou de poids, de 8 %, dès lors qu'un tel élément est inopérant compte tenu de la méthode retenue qui ne repose pas sur les achats revendus. Si elle soutient, enfin, que les calculs opérés par le service seraient irréalistes et sans rapport avec les circonstances, elle se borne à faire état de coefficients multiplicateurs de marge de 3,5 à 3,8 avancés, pour des " boulangeries du secteur ", par l'administration fiscale dans le cadre du contrôle d'une autre boulangerie de son gérant, sans autre précision quant à la localisation et aux conditions d'exploitation de celles-ci, et surtout sans en justifier. Par suite, la SARL Chez Saïd n'est pas fondée à soutenir que, pour ces motifs, la méthode retenue par le service serait sommaire, voire excessivement sommaire ou radicalement viciée, et à demander de ce fait, que soit appliquée une réduction de 20 % de la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé, montant qu'elle ne justifie d'ailleurs pas.

14. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la méthode alternative proposée par la SARL Chez Saïd basée sur des achats de farine, l'utilisation de celle-ci dans la fabrication et les prix de vente des articles, mais fondée sur des données chiffrées non justifiées, aboutirait à un résultat plus fiable que celle mise en œuvre par l'administration. Cette dernière relève d'ailleurs que les données avancées relatives aux produits réalisables à partir d'une quantité de farine diffèrent de celles produites lors des observations formulées en réponse à la proposition de rectification, qu'il n'est fait état que d'un type de baguette avec un seul prix et un type de farine unique alors qu'il existe une baguette " classique " et une " tradition " qui ne sont pas réalisées avec la même quantité de farine et ne sont pas vendues pour le même prix, que les données portées dans la colonne " quantités fabriquées " ne sauraient être fiables dès lors que la société a admis ne posséder aucun carnet de production et qu'enfin, l'existence de quarante-cinq " baguettes offertes ", non comptabilisées, ne peut être vérifiée et paraît surestimée au vu des pratiques habituelles, une telle offre ne figurant d'ailleurs plus en vitrine ainsi que la vérificatrice l'a constaté lors des opérations de contrôle. Par suite et alors même que cette méthode aurait été employée par un vérificateur lors du contrôle d'une autre boulangerie, la société requérante n'est pas davantage fondée, à cet égard, à solliciter la réduction du chiffre d'affaire reconstitué à hauteur des montants qu'elle avance.

S'agissant de la remise en cause du déficit imputé :

15. Ainsi qu'il a été rappelé au point 3., le service a remis en cause l'imputation sur le résultat des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 d'un déficit antérieur de 28 079 euros provenant du résultat de l'exercice clos en 2011. Il a, en ce sens, relevé l'absence de production par la société des pièces justificatives des recettes telle que les éditions des tickets Z et l'absence de sauvegarde informatique du logiciel de caisse, faisant ainsi obstacle à toute vérification, ainsi que sur le caractère non probant de la comptabilité pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014. La SARL Chez Saïd ne produit, pas davantage devant le juge d'appel que devant l'administration, d'élément permettant de justifier de la réalité d'un tel déficit alors que la charge de la preuve d'un tel déficit lui incombe. Par suite, la société n'est pas fondée à contester les redressements mis à sa charge en conséquence, sur ce point, pour ce motif et à invoquer, compte tenu de la charge de la preuve applicable, la circonstance, à la supposée établie, que le service aurait " refusé d'examiner la comptabilité de l'exercice clos en 2011, sans en justifier valablement, ni analyser en quoi elle serait irrégulière ".

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Chez Saïd n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Chez Saïd est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Chez Saïd et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

M. DerocLe président,

P. BresseLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE02151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02151
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP GLP ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-09;20ve02151 ?
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