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01/12/2022 | FRANCE | N°21VE00022

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 01 décembre 2022, 21VE00022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500471 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise les a déchargés des seules pénalités correspondant aux dépenses d'entretien et de réparation de leur manoir et d'acquisition d'une ton

deuse et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt n° 17VE03626 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500471 du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise les a déchargés des seules pénalités correspondant aux dépenses d'entretien et de réparation de leur manoir et d'acquisition d'une tondeuse et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Par un arrêt n° 17VE03626 du 23 avril 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel que M. et Mme D... ont formé à l'encontre de l'article 2 de ce jugement rejetant le surplus de leur demande.

Par une décision n° 431945 du 24 octobre 2019, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a admis les conclusions du pourvoi de M. et Mme D... dirigées contre cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur la déduction des dépenses correspondant à ces travaux d'aménagement et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi.

Par une décision n° 431945 du 31 décembre 2020, le Conseil d'État a annulé l'arrêt n° 17VE03626 du 23 avril 2019 de la cour, en tant qu'il s'est prononcé sur la déduction des dépenses correspondant aux travaux d'aménagement, et lui a renvoyé l'affaire dans cette mesure.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er décembre 2017 et 23 juillet 2018, et après cassation, le 18 février 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Labé, avocat, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs conclusions :

1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 2017 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande de réduction des impositions mises à leur charge au titre des années 2010 et 2011 consécutives à la remise en cause de déficits fonciers afférents à des travaux d'aménagement de leur manoir ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D... soutiennent que :

- les dépenses se rapportant aux travaux d'aménagement de l'appartement à l'étage de l'aile nord sud du manoir étaient nécessaires à la préservation des parties inscrites à l'inventaire supplémentaire et, par suite, déductibles ;

- les parties de l'immeuble inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, notamment les façades et les toitures, ne constituent pas des éléments dissociables ou isolés du manoir ;

- le classement de ces parties caractérise la protection de l'ensemble architectural que constitue le manoir, ainsi que l'a notamment relevé l'architecte des bâtiments de France, et entre ainsi dans les prévisions de la réponse ministérielle à M. A..., député, publiée au Journal officiel des débats du 17 mars 1997 ; en conséquence, les travaux d'aménagement en litige, bien que portant sur des parties intérieures privatives du manoir, non inscrites à l'inventaire, étaient déductibles en totalité en application de l'article 31 du code général des impôts ; en outre, les dépenses de travaux qu'ils ont supportées ont participé à la détermination de leurs revenus nets fonciers.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 avril 2018 et 21 septembre 2018 et, après cassation, le 9 février 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique,

- et les observations de Me Labé, représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... sont propriétaires et occupants du manoir de la Belle Jonchère situé sur le territoire de la commune de Veigné (Indre et Loire), qui est partiellement inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, en vertu d'un arrêté préfectoral du 29 juin 1950, pour les façades et toitures, la cheminée de la salle de l'aile Est, le colombier et les communs, et ouvert aux visites payantes. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration a, notamment, remis en cause la déductibilité de leurs revenus pour 2010 et 2011, de travaux d'aménagement intérieur de leur appartement privatif à l'étage de l'aile nord-sud du manoir, qu'ils avaient imputés à hauteur de 75 % sur leurs revenus fonciers et de 25 % sur leur revenu global. Par un jugement du 4 octobre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande en ce qu'elle tendait à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de ce chef de redressement. Par un arrêt du 23 avril 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'ils ont formé dans cette mesure contre ce jugement. Par une décision du 24 octobre 2019, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a admis les conclusions de leur pourvoi dirigées contre cet arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur la déduction des dépenses correspondant à ces travaux d'aménagement. Par une décision du 31 décembre 2020, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 23 avril 2019 de la cour en tant qu'il s'est prononcé sur la déduction des dépenses correspondant aux travaux d'aménagement et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés (...) que possèdent les membres du foyer fiscal (...), sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...). / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : / (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires de monuments classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire ou ayant fait l'objet d'un agrément ministériel (...) ".

3. Dans le cas où seules certaines parties du monument ont été classées ou inscrites à l'inventaire supplémentaire, ne sont déductibles, sur le fondement de ces dispositions, que les dépenses se rapportant à des travaux, des fournitures ou des services qui sont nécessaires à la conservation et à l'entretien des parties classées ou inscrites, soit que ces travaux concernent directement ces parties du monument, soit qu'ils soient rendus indispensables à leur préservation par l'état général de l'immeuble, ce qu'il appartient au contribuable de justifier, notamment par la production de documents attestant du lien entre les dépenses litigieuses et les parties classées.

4. Les requérants ont réalisé, à compter de l'année 2010, des travaux d'aménagement de leur appartement privatif avec création de chambres et de salles de bain. Il est constant que ces travaux ont porté sur une partie non inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. A défaut pour les contribuables de justifier de ce que ces travaux étaient nécessaires à la préservation des parties inscrites à l'inventaire supplémentaire, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction des dépenses correspondantes.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. M. et Mme D... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle n° 44314 à M. A..., député, publiée au Journal officiel des débats du 17 mars 1997. Dans cette réponse, le ministre délégué au budget a admis que les règles selon lesquelles les déficits fonciers correspondant aux immeubles classés ou inscrits sont imputables sans limitation de montant sur le revenu global " s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque le classement ou l'inscription à l'inventaire supplémentaire ne concerne pas la totalité de l'immeuble, à condition toutefois que ce classement ou cette inscription ne soit pas limité à des éléments isolés ou dissociables de l'ensemble immobilier, tels un escalier, des plafonds ou certaines salles, mais vise la protection de l'ensemble architectural. A défaut, seuls les travaux qui sont exposés sur les éléments classés ou inscrits à l'inventaire supplémentaire ou qui sont destinés à en assurer la conservation peuvent participer, pour leur montant total, à la constitution d'un déficit imputable sur le revenu global sans limitation de montant ". Cette réponse ministérielle donne une interprétation des dispositions du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts qui étend le régime dérogatoire qu'elles prévoient d'imputation sur le revenu global des déficits fonciers, sans limitation de montant, des dépenses effectuées sur des immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, aux déficits fonciers relatifs aux parties non inscrites de l'immeuble, à la condition que le classement vise à la protection de l'ensemble architectural et ne se limite pas à des éléments isolés et dissociables.

6. Alors que les travaux en litige ont porté sur des parties intérieures du manoir, qui n'ont pas fait l'objet d'un classement ni d'une inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et dont les requérants, qui s'en réservent la jouissance totale, ne retirent aucun revenu imposable, ils ne peuvent utilement invoquer cette réponse ministérielle, qui concerne expressément les immeubles classés ou inscrits procurant des " revenus imposables dans la catégorie des revenus fonciers ", à supposer même que l'inscription des façades et toitures du manoir à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques vise la protection de l'ensemble architectural du manoir et ne se limite pas à des éléments isolés et dissociables.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, en tant qu'elles portent sur les dépenses correspondant aux travaux d'aménagement de leur appartement. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions mentionnées ci-dessus de la requête de M. et Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

M. Lerooy, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

D. B...La présidente,

L. Besson-LedeyLa greffière,

A. Audrain-FoulonLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 21VE00022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00022
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. David LEROOY
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-01;21ve00022 ?
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