Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société MAAF Assurances a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Grigny à lui rembourser la somme de 40 000 euros, versée à M. et Mme A..., au titre de l'accident subi par leur fils B....
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Grigny à lui rembourser la somme provisoire de 42 275,09 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande, et à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion, d'un montant de 1 114 euros.
Par un jugement n° 2006301 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 janvier 2023 et le 29 février 2024, la société MAAF Assurances, représentée par Me Barbier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Grigny à lui rembourser la somme de 40 000 euros, versée à M. et Mme A... au titre de l'accident subi par leur fils B... ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Grigny le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité du maire de la commune est engagée dès lors qu'il a commis une faute dans l'exercice du pouvoir de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, en l'absence de signalisation adaptée et de mesures de prévention du danger constitué par le canal situé à proximité du collège ;
- elle est fondée, en sa qualité de subrogée légale, à demander la condamnation de la commune de Grigny à lui rembourser la provision de 40 000 euros versée à M. et Mme A... en raison des conséquences de l'accident de leur fils, qui trouve son origine dans cette faute.
Par des mémoires enregistrés le 23 mai 2023 et le 13 juillet 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, représentée par Me Gatineau, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de la commune de Grigny à lui verser, à titre de provision, la somme de 88 389,85 euros au titre du remboursement des dépenses de santé, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande, et la somme de 1 114 euros au titre des frais de gestion, et à ce que soit mise à la charge de la commune de Grigny la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'accident de B... A... trouve son origine dans la carence du maire de Grigny ;
- les agissements d'un tiers, à les supposer établis, et de la victime, ne sauraient exonérer totalement la commune de sa responsabilité.
Par des mémoires en défense enregistrés le 28 février 2023, le 2 juin 2023 et le 12 mars 2024, la commune de Grigny, représentée par Me Moreau, conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société MAAF Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 août 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Sarfati pour la société Maaf Assurances, de Me Lyautey pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et de Me Ben Hamouda pour la commune de Grigny.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., alors âgé de onze ans, a été victime d'une chute le 23 janvier 2017, alors qu'il jouait sur le canal gelé jouxtant le collège Sonia Delaunay à Grigny, après avoir été percuté par l'un de ses camarades de classe. Sa tête a heurté la glace, ce qui a généré un traumatisme crânien pour lequel il a été hospitalisé puis transféré en centre de rééducation. La société MAAF, assureur de la mère de l'enfant ayant percuté la victime, a versé des indemnités d'un montant total de 40 000 euros aux parents de cette dernière. Agissant au titre de sa subrogation dans leurs droits à concurrence des montants versés en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances et des articles 1346 et 1346-1 du code civil, elle a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Grigny au remboursement de cette somme de 40 000 euros. Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il a également rejeté les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne. La société MAAF assurances fait appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la commune de Grigny à lui rembourser la somme de 40 000 euros versée à M. et Mme A... au titre de l'accident subi par leur fils B.... La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne demande à la cour la condamnation de la commune de Grigny à lui verser, à titre de provision, la somme de 88 389,85 euros au titre du remboursement des dépenses de santé, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande, et de 1 114 euros au titre des frais de gestion.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents (...), de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours (...) ". En application de ces dispositions, il appartient notamment au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement, par prudence, se prémunir.
3. Il résulte de l'instruction que la chute de B... A... s'est produite sur le canal gelé qui jouxte le collège Sonia Delaunay alors qu'il y jouait avec des amis, après qu'il a été percuté par l'un deux. L'accident s'est ainsi produit après que l'intéressé a consciemment enjambé le parapet pour accéder au canal gelé alors même que l'assistante d'éducation du collège avait rappelé l'interdiction aux élèves d'y accéder et qu'il ne pouvait, en dépit de son âge, ignorer qu'il commettait une grave imprudence. Par ailleurs, les seules mentions orales retranscrites dans les procès-verbaux d'audition de l'assistante d'éducation et du conseiller principal d'éducation établis le 3 février 2017 par le commissariat de Juvisy-sur-Orge, faisant état de façon vague de ce que " on a prévenu la mairie tous les jours de verglas que c'était dangereux ", " nous avions fait remonter l'information sur la dangerosité du canal à plusieurs reprises auprès de la mairie ", ne permettent pas d'établir que le maire de Grigny aurait été informé que le canal gelé était régulièrement fréquenté par les élèves du collège ni que des accidents s'y seraient déjà produits. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la présence de ce canal devait donner lieu, dans le cadre de l'exercice par le maire de son pouvoir de police, à une signalisation renforcée mentionnant une interdiction d'accès en cas de gel. Au surplus, il résulte du procès-verbal de constat étayé et précis du 23 mai 2023, produit par la commune, que le canal, distant d'une quinzaine de mètres de l'entrée principale du collège, présente une largeur de 5 mètres 50, une hauteur d'eau d'une trentaine de centimètres et une hauteur totale d'environ 1 mètres 30. Il est bordé de part et d'autre de parapets aisément distincts du reste de la chaussée dont la hauteur est comprise entre 40 et 52 centimètres. Sa traversée s'effectue par deux ponts sécurisés, et trois panonceaux bleus indiquent " baignade interdite ", l'un à 23 mètres de l'entrée du collège, l'un à 41 mètres, et un dernier, partiellement brisé, à 60 mètres. Ces signalements, dont la signification ne pouvait être ignorée, même par de jeunes adolescents, étaient appropriés à la nature du danger constitué par la présence de ce canal, sans qu'il ne puisse être reproché au maire de ne pas les avoir adaptés en temps de gel. Par suite, la société MAAF n'est pas fondée à soutenir que le maire de Grigny aurait commis une faute dans l'exercice de son pouvoir de police en s'abstenant de prendre les mesures requises pour assurer la sécurité du site.
4. Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la commune de Grigny, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne tendant au remboursement des débours exposés ne peuvent qu'être rejetées.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société MAAF assurances et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Grigny, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la société MAAF assurances et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu de mettre à la charge de la société MAAF assurances le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Grigny à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société MAAF assurances est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne sont rejetées.
Article 3 : La société MAAF assurances versera une somme de 2 000 euros à la commune de Grigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société MAAF Assurances, à la commune de Grigny et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2024.
La rapporteure,
B. AventinoLa présidente,
G. Mornet
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE00072