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18/11/2024 | FRANCE | N°23VE01915

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 18 novembre 2024, 23VE01915


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I. Sous le n° 1904387, l'association Hydrauxois, l'association des riverains et propriétaires d'ouvrages hydrauliques du Châtillonnais, l'association Les amis des moulins du 61, l'association Valorisation du patrimoine hydroélectrique de Normandie, l'association Défense et sauvegarde des moulins normands-picards et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la délibération n° 18-35 du 9 octobre 2018 du conseil d'administ

ration de l'agence de l'eau Seine-Normandie, en tant qu'elle a approuvé les disposit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1904387, l'association Hydrauxois, l'association des riverains et propriétaires d'ouvrages hydrauliques du Châtillonnais, l'association Les amis des moulins du 61, l'association Valorisation du patrimoine hydroélectrique de Normandie, l'association Défense et sauvegarde des moulins normands-picards et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la délibération n° 18-35 du 9 octobre 2018 du conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie, en tant qu'elle a approuvé les dispositions de la rubrique E.1 intitulée " Protéger et restaurer les milieux aquatiques ou humides et leurs milieux connectés " du 11ème programme pluriannuel d'intervention du bassin Seine-Normandie pour la période 2019-2024, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux et, à titre subsidiaire, d'abroger cette délibération dans les mêmes conditions.

II. Sous le n° 2207014, l'association Fédération française des associations de sauvegarde des moulins, l'association Hydrauxois, l'association des riverains et propriétaires d'ouvrages hydrauliques du Châtillonnais et l'association Valorisation du patrimoine hydroélectrique de Normandie ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération du conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie n° 21-24 du 16 novembre 2021 en tant qu'elle a approuvé la révision de la rubrique E.1 intitulée " Protéger et restaurer les milieux aquatiques ou humides et leurs milieux connectés " du 11ème programme pluriannuel d'intervention, ainsi que la décision du 9 mars 2022 rejetant leur recours gracieux et d'enjoindre à l'agence de l'eau Seine-Normandie de mettre en conformité la rubrique E.1 du 11ème programme pluriannuel d'intervention avec les nouvelles dispositions du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement telles qu'issues de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Par un jugement n° 1904387-2207014 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'abrogation de la délibération du 9 octobre 2018 présentées dans la requête n° 1904387, a partiellement annulé la délibération du 16 novembre 2021, a rejeté le surplus des conclusions de la requête n°1904387, a rejeté les conclusions présentées par l'association des riverains et propriétaires d'ouvrages hydrauliques du Châtillonnais dans la requête n° 2207014 comme irrecevables, ainsi que le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 août 2023 et le 21 août 2024, sous le numéro 23VE01914, l'agence de l'eau Seine-Normandie, représentée par Me Paillat, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule partiellement la délibération prise par son conseil d'administration du 16 novembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande d'annulation des requérantes de la disposition E1 du 11ème programme révisé ;

3°) et de mettre à la charge de l'association Hydroxois et autres la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs de droit et d'appréciation ;

- les dispositions du 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une délibération approuvant un programme d'intervention ;

- elles ne remettent pas en cause la possibilité de financer des travaux de suppression d'obstacles à la continuité écologique ;

- l'interdiction de destruction des ouvrages ne concerne que les moulins à eau présentant un usage actuel ou potentiel pour produire de l'énergie dans les cours d'eau de la liste 2 ;

- le dispositif d'aide en litige est purement incitatif et ne permet pas de financer des travaux qui ne satisfont pas aux obligations réglementaires ;

- en tout état de cause les dispositions du 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement sont contraires aux objectifs de l'article 4 de la directive du Parlement européen et du Conseil 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire et à l'article 2 du règlement du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mars 2024, l'association Hydrauxois, l'association des riverains et propriétaires d'ouvrages hydrauliques du Châtillonnais, l'association Les amis des moulins du 61, l'association Valorisation du patrimoine hydroélectrique de Normandie, l'association Défense et sauvegarde des moulins normands-picards et M. B... A..., représentés par Me Bernot, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit versée à chacun d'eux par l'agence de l'eau Seine-Normandie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens ne sont pas fondés et que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement par la délibération approuvant le programme d'intervention.

Par un mémoire en intervention enregistré le 13 mai 2024, l'Union des fédérations pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin Seine-Normandie, représentée par Me Berne, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de rejeter les requêtes et conclusions de l'association Hydrauxois et autres demandant au tribunal de Cergy-Pontoise l'annulation de la délibération prise par le conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie le 16 novembre 2021 ;

3°) et de mettre à la charge solidaire de l'association Hydrauxois et autres une somme de 2 600 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à intervenir ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions des articles L. 211-1 et L. 110-2 du code de l'environnement, ainsi que la liberté fondamentale qu'est le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l'article premier de la charte de l'environnement de 2004 ;

- les dispositions de l'article L. 214-17 du code l'environnement introduites par l'article 49 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets sont inconventionnelles ;

- l'interdiction qu'elles édictent s'applique uniquement à l'autorité administrative lorsqu'elle fixe, s'agissant des moulins à eau, les modalités d'entretien, de gestion et d'équipement des ouvrages ;

- elle ne s'applique pas au propriétaire de l'ouvrage lorsque celui-ci est demandeur de l'effacement de l'ouvrage dont il est propriétaire et ne concerne que les moulins à eau établis sur les rivières classées en liste 2.

II. Par une requête enregistrée le 8 août 2023, sous le n° 23VE01915, l'agence de l'eau Seine-Normandie, représentée par Me Paillat, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 juin 2023 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête d'appel ;

2°) et de mettre à la charge de l'association Hydrauxois et autres la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens qu'elle invoque à l'appui de sa requête d'appel contre ce jugement sont de nature à justifier son annulation partielle, ainsi que l'infirmation de la solution retenue par les premiers juges en ce qui concerne la délibération de son conseil d'administration du 16 novembre 2021.

Un courrier a été adressé le 21 juin 2024 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par les derniers alinéas des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.

Un avis d'audience a été adressé le 26 août 2024 aux parties portant clôture immédiate de l'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Paillat pour l'agence de l'eau Seine-Normandie, de Me Berne pour l'Union des fédérations pour la pêche et la protection du milieu aquatique et de M. Meyneng président de la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins.

Une note en délibéré produite pour l'agence de l'eau Seine-Normandie a été enregistrée le 25 octobre 2024.

Une note en délibéré produite pour l'Union des fédérations pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin Seine-Normandie a été enregistrée le 28 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie a, par une délibération du 9 octobre 2018, approuvé son 11ème programme pluriannuel d'intervention du bassin Seine-Normandie pour la période 2019-2024. L'agence de l'eau Seine-Normandie a, par une délibération du 16 novembre 2021, révisé ce 11ème programme. L'agence de l'eau Seine-Normandie fait appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 juin 2023 en tant qu'il annule partiellement la délibération du 16 novembre 2021 à son article 2.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur l'intervention :

3. Eu égard à l'objet et à la nature du litige, l'Union des fédérations pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin Seine-Normandie justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de l'agence de l'eau Seine-Normandie. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la régularité du jugement :

4. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. L'agence de l'eau Seine-Normandie ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la légalité de la délibération du 16 novembre 2021 et de la décision de rejet du recours gracieux :

En ce qui concerne le motif d'annulation de ces décisions retenu par le tribunal administratif :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement : " Dans chaque bassin ou groupement de bassins visé à l'article L. 212-1, une agence de l'eau, établissement public de l'Etat à caractère administratif, met en œuvre les schémas visés aux articles L. 212-1 et L. 212-3, en favorisant une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l'alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques. Elle peut contribuer à la connaissance, à la protection et à la préservation de la biodiversité terrestre et marine ainsi que du milieu marin, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale et des stratégies régionales pour la biodiversité mentionnées à l'article L. 110-3 ainsi que du plan d'action pour le milieu marin mentionné à l'article L. 219-9. (...) ". Aux termes de l'article L. 213-9-1 de ce code : " Pour l'exercice des missions définies à l'article L. 213-8-1, le programme pluriannuel d'intervention de chaque agence de l'eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en œuvre. Le Parlement définit les orientations prioritaires du programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau et fixe le plafond global de leurs dépenses sur la période considérée ainsi que celui des contributions des agences à l'Office français de la biodiversité. (...) ". Aux termes de l'article L. 213-9-2 du même code : " I. - Dans le cadre de son programme pluriannuel d'intervention, l'agence de l'eau apporte directement ou indirectement des concours financiers sous forme de subventions, de primes de résultat ou d'avances remboursables aux personnes publiques ou privées pour la réalisation d'actions ou de travaux d'intérêt commun au bassin ou au groupement de bassins qui contribuent à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, des milieux aquatiques, du milieu marin ou de la biodiversité. / Les concours de l'agence ne sont définitivement acquis que sous réserve du respect des prescriptions relatives à l'eau, au milieu marin ou à la biodiversité imposées par la réglementation en vigueur. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 214-17 du code de l'environnement tel que modifié par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : " I. - Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique. Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ; / 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie. S'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages (...) ".

7. Enfin, l'objectif n° 1 intitulé " Protéger et restaurer les milieux aquatiques ou humides et leurs milieux connectés " de l'intervention E intitulée " Protéger, restaurer et gérer les écosystèmes humides et marins et leur biodiversité " du programme pluriannuel d'intervention en litige prévoit, au titre des modalités d'aides aux travaux de rétablissement de la continuité écologique longitudinale et latérale que : " Les travaux de suppression d'obstacles / Les travaux de suppression d'obstacles comprennent la suppression de buses, de buses estuariennes, portes à flot ou clapets et la remise en fond de vallée permettant de contourner un ouvrage. Sont éligibles les acquisitions foncières nécessaires à la restauration de la continuité écologique, y compris le bâti lorsque cela est strictement nécessaire à la réalisation du projet global, dans le respect du plafonnement des aides publiques aux investissements des collectivités. / Les travaux de suppression doivent s'inscrire dans un projet adapté aux enjeux du territoire. / Assiette / Sont éligibles, au titre de la suppression des ouvrages, les travaux de suppression en tant que tels ainsi que les mesures que ces suppressions rendent nécessaires (...) / Les travaux de dispositifs de franchissement / Le financement de dispositifs de franchissement est réservé aux ouvrages entretenus et en bon état, dont une étude préalable justifie qu'il y a un enjeu pour la circulation des espèces piscicoles et que la suppression n'est pas envisageable pour des raisons réglementaires et/ou techniques et/ou économiques et/ou de préservation du patrimoine. (...) / Les dispositifs mis en œuvre doivent être cohérents avec les enjeux de continuité écologique identifiés : systèmes pour la montaison et la dévalaison des espèces migratrices (passe à poissons, rivière de contournement, système d'ouverture sur les ouvrages à la mer, etc.) et des aménagements pour restaurer le transit suffisant des sédiments ". En outre, le tableau joint relatif au niveau d'aide est fonction de la nature des travaux. Pour la suppression d'obstacles à la libre circulation et l'étude préalable à cette opération, le taux d'aide correspond à une subvention de 80%. Pour les dispositifs assurant la continuité écologique, à savoir la libre circulation des organismes aquatiques et des sédiments, ainsi que l'étude préalable, cette subvention est fixée à 50% voire davantage dans certains cas.

8. Les dispositions de l'article L. 214-17 du code de l'environnement précitées définissent exclusivement deux listes, classifiant les cours d'eau en fonction de leur état écologique et des objectifs de continuité qui leur sont assignés, et fixent les obligations qui en résultent pour les propriétaires d'ouvrages implantés sur ces cours d'eau, définies par l'autorité administrative en accord avec eux. Elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre des dispositions de la délibération attaquée approuvant le programme d'intervention 2019-2024 de l'agence de l'eau Seine-Normandie révisé sur le fondement des articles L. 213-9-1 et suivants du code de l'environnement, dès lors que ces dispositions se bornent à instaurer des mesures incitatives de financement au profit des propriétaires d'ouvrages sans les contraindre. Elles ne sauraient ainsi avoir pour objet ou pour effet de modifier les critères de fixation de ces listes ou la portée des obligations qui peuvent être imposées aux propriétaires des ouvrages concernés pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, lesquelles ne peuvent pour les cours d'eau classés en liste 2, ni remettre en cause leur usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie, ni, s'agissant plus particulièrement des moulins à eau, consister en une destruction des ouvrages de retenues.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le point E.1 du 11ème programme pluriannuel d'intervention, tel qu'approuvé par la délibération en litige, méconnait partiellement les dispositions du 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement pour annuler cette délibération en tant que le 11ème programme pluriannuel d'intervention n'exclut pas des dispositifs d'aides prévus à la rubrique E1, les aides octroyées en cas de suppression des ouvrages présentant un usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie, et celles octroyées s'agissant des moulins à eau, en cas de destruction des ouvrages de retenue, situés sur les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux visés par le 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement.

10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'association Hydroxois et autres devant le tribunal et devant la cour.

En ce qui concerne l'autre moyen soulevé par l'association Hydroxois et autres :

11. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) ; 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; 5° bis La promotion d'une politique active de stockage de l'eau pour un usage partagé de l'eau permettant de garantir l'irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l'étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ; (...) 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. (...) ".

12. L'association Hydroxois et autres soutiennent que le principe de gestion équilibrée de la ressource en eau prévu par ces dispositions a été méconnu dès lors que la délibération attaquée ne tient pas compte des autres objectifs visés, alors que l'efficacité de l'effacement ou de l'arasement des ouvrages en matière de restauration de la continuité écologique n'est pas avérée et que la restauration de la biodiversité ne se résume pas à celle des habitats pour les poissons migrateurs. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé précédemment, que la mesure litigieuse, d'une part, n'est qu'incitative et non contraignante et, d'autre part, est conditionnée à la justification du gain écologique après une étude au cas par cas. Par ailleurs, il ressort du programme litigieux que ce dernier prévoit, outre l'objectif contesté, plusieurs objectifs de lutte contre l'érosion de la biodiversité, de préservation des zones humides, de prévention des inondations et de gestion de la ressource en eau. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 211-1 du code de l'environnement doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que l'agence de l'eau Seine-Normandie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par son article 2, annulé partiellement la délibération du 16 novembre 2021 dans les conditions indiquées au point 24 du jugement.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

14. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23VE01914 de l'agence de l'eau Seine-Normandie tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 juin 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23VE01915 par laquelle l'appelante sollicite que soit ordonné le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

15. L'agence de l'eau Seine-Normandie n'étant pas partie perdante à la présente instance, la demande présentée par l'association Hydroxois et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Hydroxois et autres le versement de la somme que demandent l'agence de l'eau Seine-Normandie et l'Union des fédérations pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin Seine-Normandie au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 juin 2023 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23VE01915 de l'agence de l'eau Seine-Normandie.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié l'agence de l'eau Seine-Normandie, à l'association Hydrauxois, à l'association des riverains et propriétaires d'ouvrages hydrauliques du Châtillonnais, à l'association Les amis des moulins du 61, à l'association Valorisation du patrimoine hydroélectrique de Normandie, à l'association Défense et sauvegarde des moulins normands-picards, à M. B... A..., à l'Union des fédérations pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin Seine-Normandie et la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Even, président,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2024.

La rapporteure,

B. AventinoLe président,

B. Even

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01914-23VE01915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01915
Date de la décision : 18/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MORNET
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS AVOXA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-18;23ve01915 ?
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