Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite.
Par un jugement no 2301402 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 juin 2023 et le 23 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Baisecourt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2023 du préfet de l'Essonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois et lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de l'arrêté sur sa vie personnelle et familiale ;
- la décision lui refusant le titre de séjour est insuffisamment motivée en droit, les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas mentionnées ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation au regard des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- le préfet a méconnu les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne vise pas expressément les articles concernés ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de son épouse ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. de Miguel, rapporteur,
- et les observations de Me Baisecourt, représentant M. A..., présent.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 26 septembre 1974, entré en France en 2014 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 janvier 2023, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite. M. A... relève appel du jugement du 25 mai 2023 de Versailles par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est entré en France en août 2014 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes, a noué une relation avec une ressortissante de nationalité française, présente à l'audience et mère d'un enfant français issu d'une précédente union, qu'il a épousée en juillet 2021. La relation de couple est toutefois établie à compter du mois de mars 2018, soit près de cinq ans à la date de la décision attaquée, par l'engagement dans un parcours d'assistance médicale à la procréation tel que l'atteste le centre de fertilité de l'Est parisien et les ordonnances établies dans le courant de l'année 2018 et la communauté de vie est justifiée à compter de septembre 2020, ainsi qu'il résulte des factures d'électricité produites. Il ressort également de plusieurs attestations versées au dossier que M. A... a noué une relation stable et intense avec le fils de son épouse, né en mars 2006, ainsi que des relations amicales et sociales, qui attestent de la stabilité et de l'intensité de la relation de couple et familiale de l'intéressé. De plus, le requérant justifie avoir suivi une formation en contrat de professionnalisation avec la société Adecco en tant qu'opérateur logistique en intérim en février 2023, ainsi que d'une activité professionnelle exercée en contrat à durée déterminée de juin 2022 à décembre 2023 en qualité d'agent catering pour la société Orly Air Traiteur, le couple faisant état, sur l'avis d'imposition des revenus 2022 de rémunérations à hauteur de 33903 euros pour Monsieur et 27534 euros pour Madame. Il justifie en outre être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il établit que sa mère est décédée en 2013. Dans les circonstances particulières de l'espèce, M. A..., est fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire française et fixation du pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "
6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait, la préfète de l'Essonne ou le préfet territorialement compétent délivre à M. A... un titre de séjour l'autorisant à travailler. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301402 du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 5 janvier 2023 du préfet de l'Essonne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Essonne ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la préfète de l'Essonne et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Danielian, présidente,
M. de Miguel, premier conseiller.
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
F-X de MiguelLa présidente,
I. Danielian
La greffière,
A. Audrain-Foulon
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01466 2