COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Correctionnelle Arrêt correctionnel no du 18 mai 2006 (No PG : 06/00143) LE MINISTÈRE PUBLIC X... Y... Z... SILVA Isabel C/
A.D.D. (expertise) A... B... Arrêt prononcé publiquement, le jeudi 18 mai 2006 en présence de Monsieur DUBOS, substitut général, occupant le siège du Ministère Public, et de Madame THEOLIER, greffier. Sur appel d'un jugement du Tribunal Correctionnel d'ANGERS en date du 31 octobre 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Monsieur VERMORELLE, président de chambre, Madame RAULINE et Monsieur MARECHAL, conseillers. PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : PRÉVENU A... B..., né le 09 Mai 1962 à CASABLANCA (MAROC) Fils de A... Mohamed et de MAKBOULE Z...ouia, de nationalité française, divorcé, mécanicien, jamais condamné Demeurant 123 Bis Avenue Patton - 49000 ANGERS LIBRE - APPELANT (10 novembre 2005) COMPARANT, assisté de Maître AUBERT, substituant Maître Jean-Pierre BOUGNOUX, avocat au barreau d'ANGERS (dépôt de conclusions) PARTIE CIVILE X... Y...
DA SILVA Isabel, demeurant 170 rue Jean JAURES - 49800 TRELAZE Appelante (9 novembre 2005) Comparante, assistée de Maître ROUILLER, avocat au barreau d'ANGERS (dépôt de conclusions) LE MINISTÈRE PUBLIC : APPELANT (2 novembre 2005)
DÉBATS Les débats ont eu lieu à l'audience publique du 13 avril 2006, en présence de Monsieur DUBOS, substitut général, occupant le siège du Ministère Public, et de Madame THEOLIER, greffier. Le président a vérifié l'identité du prévenu. Madame RAULINE a fait son rapport. Le président a interrogé le prévenu. Le prévenu, appelant, a sommairement indiqué les motifs de son appel. La partie civile a présenté ses observations. Le conseil de la partie civile a plaidé. Le Ministère Public a requis. Le conseil du prévenu a plaidé. Le prévenu a eu la parole le dernier. A l'issue des débats, le Président a indiqué que l'affaire était mise en délibéré et que l'arrêt serait prononcé le 18 mai 2006 à 14 heures. A cette date, il a été procédé à la lecture de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
La prévention
B... A... est prévenu d'avoir à ANGERS (49), le 20 août 2005 : - volontairement détruit un bien, en l'espèce une maison d'habitation et l'ensemble des objets mobiliers appartenant à Madame C... et Monsieur D..., demeurant à GOURNAY SUR MARNE et pour les meubles à
Isabel Y... Z... SILVA par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou d'un moyen de nature à créer un danger pour les personnes, en l'espèce après avoir mis le feu en plusieurs endroits différents,
- volontairement et gravement dégradé ou détérioré un bien, en l'espèce une porte d'entrée et un volet de fenêtre, appartenant à Madame C... et à Monsieur D... au xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx de Madame Y... Z... E...
Le jugement
Le Tribunal Correctionnel d'ANGERS, par jugement du 31 octobre 2005, a :
sur l'action publique
- relaxé B... A... des faits de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes,
- l'a déclaré coupable de dégradation ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui,
- l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis,
et, sur l'action civile
- reçu Isabel X... Y... Z... SILVA en sa constitution de partie
civile,
- condamné B... A... à lui payer la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts,
- rejeté les autres demandes,
- condamné B... A... à lui payer la somme de 400 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale,
- condamné B... A... aux dépens sur l'action civile,
Les appels
Appel a été interjeté par :
Madame X... Y... Z... SILVA Isabel, le 9 novembre 2005, sur les dispositions civiles,
Monsieur A... B..., le 10 novembre 2005, sur les dispositions pénales et civiles,
M. le Procureur de la République, le 2 novembre 2005.
LA COUR
La partie civile sollicite, avant-dire droit sur le préjudice, une expertise psychologique et 1 000 euros sur le fondement de l'article
475-1 du Code de procédure pénale.
Le ministère public demande l'infirmation du jugement de relaxe pour les faits d'incendie et la condamnation du prévenu à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve.
Le prévenu sollicite la relaxe des faits de dégradation d'un bien appartenant à autrui et la confirmation du jugement de relaxe des faits d'incendie.
MOTIFS
Sur la recevabilité
Le ministère public a interjeté appel le 2 novembre 2005, la partie civile le 9 novembre et le prévenu le 10 novembre du jugement en date du 31 octobre 2005. Les appels sont recevables.
Sur l'action pénale
Sur les faits de détérioration grave ou dégradation d'un bien appartenant à autrui
Il ressort du dossier que, dans la nuit du 28 au 29 juin 2005, monsieur A... est venu au domicile de madame X... Y... Z... SILVA a forcé le portail du pavillon puis un volet de la cuisine, a cassé une vitre et s'est grièvement blessé à la jambe droite. Ces faits sont survenus peu après la rupture de leur relation à l'initiative de madame X... Y... Z... E...
Le prévenu nie les faits mais, indépendamment de l'incohérence de sa version des faits, les déclarations de la victime sont corroborées par celles de son fils âgé de 20 ans, dont il est établi par l'enquête qu'il a prévenu les services de police le 29 juin à 0 heure 9 de l'arrivée du prévenu puis, à 0 heure 34, que ce dernier était en train de casser la porte de la cuisine, la main courante ajoutant qu'il paraissait complètement paniqué. Elles le sont également par les déclarations de l'amie de son fils qui passait la soirée au domicile de madame X... Y... Z... E...
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement sur la culpabilité.
Sur les faits de destruction d'un bien par incendie
Le 20 août 2005, vers 17 heures 40, un incendie a détruit le premier étage et les combles du pavillon loué par madame X... Y... Z... SILVA aux époux D.... Le pavillon était alors inoccupé, la victime habitant chez un ami depuis son retour de congés par crainte du prévenu qui avait proféré des menaces à son encontre à plusieurs reprises pendant l'été. Son pavillon avait, en outre, été cambriolé pendant ses congés.
Le rapport d'expertise de monsieur FAES déposé le 31 août 2005 a conclu à un acte de malveillance.
Monsieur A... nie les faits en déclarant qu'au moment du départ de feu, il était dans un bar situé dans le quartier de Belle Beille distant de deux kilomètres et qu'il n'a eu connaissance de l'incendie que plus tard dans la soirée, en passant devant le domicile de la
victime.
Il résulte du dossier que les époux F..., voisins de madame X... Y... ont aperçu un individu qui entrait dans son pavillon vers 17 heures 20. Sa description correspond au prévenu sur plusieurs points : un homme d'environ 30-35 ans, d'1m70, portant un catogan, "un peu marginal". Elle dit l'avoir reconnu "à 80 %" à son regard, qui peut effectivement être qualifié d'intense.
Deux autres éléments de la description ne correspondent pas, le type européen car le prévenu est marocain et le fait qu'il avait un "pas décidé" alors qu'il boitait du fait des séquelles du 29 juin. Cependant, ils ne sont pas déterminants car le prévenu est de type méditerranéen plus que marocain, et il n'avait pas sa béquille le jour des faits, ce qui signifie qu'il allait mieux, les témoins ne l'ayant vu, en outre, que pendant quelques secondes.
En deuxième lieu, les déclarations de son ami, monsieur G..., selon lesquelles ils étaient ensemble au bar l'Atmos à Belle Beille entre 17 et 18 heures, ne sont pas corroborées par celles du gérant de ce bar ni celles de la serveuse de la brasserie "Le Camus". Le premier a déclaré, en effet, que monsieur A... est resté dans son établissement de 15 à 17 heures et la seconde, qu'il est arrivé vers 18 heures 15. Il convient de préciser que la brasserie "Le Camus" est située dans le centre commercial Leclerc qui est très proche du domicile de la victime. D'après les services de police, il faut un quart d'heure pour se rendre d'un quartier à l'autre en bus et à pied.
Il est également établi par les investigations des services
enquêteurs que le relais Camus, proche du domicile de la victime, a été déclenché par le portable du prévenu à 18 heures 6. Il ne pouvait donc être à Belle Beille au même moment.
En troisième lieu, les déclarations du prévenu aux services de police selon lesquelles il n'a pas utilisé son portable ce jour-là parce que la puce était bloquée ont été infirmées par les résultats de la réquisition à Orange : le numéro de la victime a été composé à huit reprises entre 18 heures 6 et 19 heures 54 ce jour-là et le numéro de police-secours trois fois dans la soirée.
Enfin, la cour constate que le prévenu avait un mobile, se venger de la rupture imposée par la victime, ainsi que cela résulte des faits du 29 juin, des menaces qu'elle a reçues par téléphone pendant ses congés au Portugal et des appels à police-secours dans la soirée du 20 août pour accuser madame X... Y... Z... SILVA d'avoir incendié le pavillon pour escroquer l'assurance.
L'ensemble de ces éléments conduisent la cour à considérer, contrairement au tribunal, qu'il n'existe aucun doute sur le fait que monsieur A... est l'auteur de la destruction par incendie du pavillon de madame X... Y... Z... E... Le jugement sera donc infirmé.
Il y a lieu de condamner le prévenu à une peine de deux ans d'emprisonnement. Compte tenu de l'absence d'antécédents judiciaires, il lui sera fait application du sursis.
Sur l'action civile
Les dispositions civiles du jugement relatives aux faits du 29 juin 2005 seront confirmées.
Au vu des pièces médicales déposées par la victime, il convient de faire droit à sa demande d'expertise psychologique et de lui allouer une provision de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement :
DECLARE recevables les appels du prévenu, de la partie civile et du ministère public,
Sur l'action pénale
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré monsieur A... coupable des faits de dégradation ou détérioration grave d'un bien appartenant à autrui du 28 au 29 juin 2005,
L'INFIRME pour le surplus,
DECLARE monsieur A... coupable des faits de destruction d'un bien appartenant à autrui par un moyen dangereux pour les personnes le 20 août 2005,
Le CONDAMNE à la peine de deux ans d'emprisonnement,
DIT qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine pendant cinq ans conformément aux dispositions des articles 132-30 et 132-31 du Code
Pénal,
CONSTATE que l'avertissement prescrit par l'article 132-29 du code précité n'a pas été donné à l'intéressé, absent,
Sur l'action civile
Sur l'action civile
CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné le prévenu à payer à madame X... Y... Z... SILVA la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts et 400 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale
L'INFIRME pour le surplus,
Avant-dire droit sur le préjudice de madame X... Y... Z... SILVA, résultant de l'incendie,
ORDONNE une expertise psychologique de madame X... Y... Z... SILVA, demeurant 170, rue Jean Jaurès - 49800 TRELAZE,
Commet en qualité d'expert : Madame Martine MENARD , psychologue, demeurant résidence de Strasbourg - 4, rue Gustave Mareau - 49000 ANGERS, expert inscrit sur la liste de la Cour d'Appel d'ANGERS, avec mission de: 1) examiner madame X... Y... Z... SILVA Isabel, - décrire les lésions dont elle a été victime, - indiquer après s'être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l'objet, leur évolution et les traitements appliqués; préciser si ces lésions sont bien en relation
directe et certaine avec l'incendie du 20 août 2005 ; - 2) déterminer la durée de l'incapacité temporaire de travail en indiquant si elle a été totale ou si une reprise partielle est intervenue ; dans ce cas, en préciser les conditions et la durée ; 3) fixer la date de consolidation des blessures ; 4) dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur et éventuellement du préjudice esthétique en les qualifiant de très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important ou très important ; 5) dire s'il existe un préjudice d'agrément et donner à ce sujet toutes précisions utiles pour en permettre le chiffrage ; 6) dire si du fait des lésions constatées initialement, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions et dans l'affirmative, après en avoir précisé les éléments, chiffrer le taux du déficit psychologique résultant au jour de l'examen de la différence entre la capacité antérieure (dans le cas échéant les anomalies devront être discutées et évaluées), et la capacité actuelle en distinguant le cas échéant :
a) le taux de l'incapacité générale (impotence fonctionnelle dans les actes de la vie courante),
b) le taux de l'incapacité spéciale (invalidité professionnelle eu égard au
métier exercé) ; 7) dire si l'état de la victime est susceptible de modifications, en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir à la Cour toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé ; 8) dire si la victime est apte à reprendre ses activités dans les conditions antérieures ;
DIT que la victime devra consigner à la Régie d'Avances et de
Recettes de la Cour d'Appel d'ANGERS une somme de 300 euros dans le délai d'un mois du présent arrêt et que l'expert saisi par le greffe devra déposer son rapport au greffe dans les trois mois de la consignation,
DESIGNE Monsieur VERMORELLE pour contrôler les opérations d'expertise,
CONDAMNE monsieur A... à verser à Isabel X... Y... Z... SILVA une indemnité provisionnelle de 1 500 euros,
RESERVE l'application de l'article 475-1 du code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné, conformément aux dispositions de l'article 1018-A du Code Général des Impôts.
Ainsi jugé et prononcé par application des articles 322-6 AL.1, 322-1 AL.1 du Code pénal.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT, rédigé par Mme RAULINE C. JEGOU