COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale AD/SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02103.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 08 Septembre 2009, enregistrée sous le no 07/537
assuré : Albert X...
ARRÊT DU 08 Mars 2011
APPELANTE :Société ROBERT BOSCH FRANCE venant aux droits de la Ste BOSCH SYSTEMES DE FREINAGES SAS32 avenue Michelet93404 SAINT OUEN
représentée par Maître GEVAERT, substituant Maître Marie-Christine PEROL, avocat au barreau de PARIS (SCP PEROL RAYMOND KHANNA et associés)
INTIMEE :CPAM DE MAINE ET LOIRE32 Rue Louis GainBP 1049937 ANGERS CEDEX 01
représentée par M. MERIT, muni(e) d'un pouvoir spécial
EN LA CAUSE :DRASS DES PAYS DE LOIRERue René Viviani - 44062 NANTES CEDEXabsente, avisée, sans observations écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Madame Marie-Bernard BRETON, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 08 Mars 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Albert X... a travaillé de 1976 au 31 décembre 2001, sur le site de Saint-Barthelemy d'Anjou, successivement pour les sociétés BENDIX, ALLIED SIGNAL, et BOSCH SYSTEME de FREINAGE SAS, à des activités industrielles d'usinage de systèmes de freins à tambour .
Le 7 mai 2007, soit six ans après sa cessation d'emploi, il a déclaré comme maladie professionnelle, un cancer bronchique constaté pour la première fois le 18 mars 2007.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a reçu cette déclaration le 5 juin 2007 et a informé le même jour l'employeur qu'elle ouvrait un dossier d'instruction de la maladie professionnelle indiquée sur le certificat médical du 20 avril 2007 comme étant un cancer bronchique à type d'adénocarcinome.
Le 30 août 2007, la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a émis un avis favorable à la prise en charge de la maladie déclarée et le même jour a notifié à la société BOSCH SYSTEME de FREINAGE la clôture du dossier d'instruction en précisant que sa décision interviendrait le 10 septembre 2007.
La lettre recommandée de notification de clôture a été présentée le 1ER septembre 2007 et distribuée à la société BOSCH SYSTEME de FREINAGE le 3 septembre 2007.
Le 31 août 2007, la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a notifié à la société BOSCH SYSTEME de FREINAGE l'ouverture d'un délai complémentaire d'instruction, en application des dispositions de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale.
Ce courrier a été présenté et distribué à la société BOSCH SYSTEME de FREINAGE le 5 septembre 2007.
Par écrit du 3 septembre 2007 la société BOSCH SYSTEME de FREINAGE a demandé copie du dossier et la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers lui a, par courrier du 10 septembre 2007, intitulé "bordereau de communication des pièces à l'employeur ", adressé les documents réclamés avec cette mention: "Vos observations éventuelles doivent nous parvenir avant le 16 septembre 2007, date à laquelle la décision sera prise."
Le 17 septembre 2007 la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a notifié à la société BOSCH SYSTEME de FREINAGE la prise en charge de la maladie de monsieur X... au titre de la législation sur les maladies professionnelles, en précisant qu'il s'agissait de "la maladie professionnelle no30". "La société BOSCH SYSTEME de FREINAGE a saisi la commission de recours amiable d'une contestation tendant à ce que la décision de prise en charge ne lui soit pas opposable.
Le 8 novembre 2007 la commission de recours amiable a rejeté ce recours et la SAS ROBERT BOSCH FRANCE, venant désormais aux droits de la société BOSCH SYSTEME de FREINAGE a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers qui, par jugement du 8 septembre 2009 a déclaré recevable le recours, débouté la société BOSCH de sa demande d'inopposabilité et de sa demande subséquente d'indemnité de procédure et a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 8 novembre 2007.
La SAS ROBERT BOSCH FRANCE a fait appel le 25 septembre 2009 de cette décision.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
La SAS ROBERT BOSCHFRANCE demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de dire que lui est inopposable la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par monsieur X..., son salarié.
A titre principal, la SAS ROBERT BOSCH FRANCE soutient que la décision de prise en charge lui est inopposable parce que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers n'a pas respecté à son égard le principe du contradictoire et les dispositions des articles R441-11 et R 441-14 du code de la sécurité sociale et à titre subsidiaire, parce que ni les conditions du tableau no30bis ni celles du tableau no30 n'étaient réunies.
La SAS ROBERT BOSCH FRANCE soutient :-que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a omis de lui notifier une deuxième fois la clôture de l'instruction du dossier, alors qu'elle avait annoncé un délai complémentaire d'instruction,
-que le délai laissé à l'employeur pour consulter le dossier et faire ses observations a été insuffisant,
-que la transmission de déclaration de maladie professionnelle à l'employeur a été irrégulière,
-que la communication du dossier, demandée par l'employeur, n'a été que partielle,
-que le double de la déclaration de maladie professionnelle n'a pas été adressé au médecin du travail par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, en méconnaissance des dispositions de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale,
-que la caisse a visé dans ses pièces et notifications le tableau no30, le tableau no30bis, le tableau No30B, et créé ainsi une confusion ne permettant plus à l'employeur de savoir sur quel tableau la maladie de monsieur X... avait été instruite,
-que ni les conditions du tableau no30B, ni celles du tableau no30bis ne sont réunies,
-que dans tous les cas la demande de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers de désignation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est irrecevable.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Angers demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers, à titre subsidiaire de lui enjoindre de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et de condamner la SAS ROBERT BOSCH à lui payer la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Angers soutient :-que si elle n'a pas adressé de deuxième avis de clôture, elle a fait parvenir à la SAS ROBERT BOSCH FRANCE les pièces du dossier, ceci après l'avoir avisée de l'ouverture d'un délai complémentaire d'instruction et qu'elle a porté sur le bordereau de communication de pièces la date de prise de décision définitive,
-que la SAS ROBERT BOSCH FRANCE a bénéficié d'un délai de consultation suffisant puisqu'il s'est déroulé d'abord du 3 septembre 2007 au 10 septembre 2007 puis du 11 septembre au 16 septembre 2007 ; que la jurisprudence rappelle que le respect du contradictoire pour la caisse se limite à informer l'employeur de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier pendant un délai raisonnable, peu important l'envoi d'une copie du dossier et la proximité de la date de réception du dossier avec celle de la prise de décision,
-qu'il n'y a eu ni rétention d'informations émanant de l'assuré monsieur X..., ni transmission partielle du dossier,
-que le fait que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers n'ait pas transmis directement au médecin du travail la déclaration de maladie mais ait demandé à l'employeur de le faire est sans effet sur la régularité de la procédure
-que le dossier a été instruit sur les conditions du tableau no30 bis, nonobstant une erreur matérielle d'écriture, et que celles-ci étaient réunies,
-que la cour peut, si elle juge les conditions du tableau no30 bis non réunies, enjoindre à la caisse de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure d'instruction de la maladie professionnelle et son caractère contradictoire
En application des dispositions de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret du 29 juillet 2009, lorsqu'elle prend en charge la maladie déclarée après instruction du dossier de l'assuré, la caisse primaire d'assurance maladie doit assurer l'information de la victime, de ses ayant-droits et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.
La jurisprudence précise le contenu de cette obligation au respect du principe de contradiction en disant que la caisse doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier, et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
A défaut du respect de ces obligations, la décision de prise en charge de la maladie du salarié au titre de la législation sur les maladies professionnelles est inopposable à son employeur.
En application des dispositions de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie doit aussi informer la victime ou ses ayants droits, et l'employeur, de l'ouverture d'un délai complémentaire d'instruction et la jurisprudence l'oblige, lorsque tel est le cas, à remplir à nouveau les obligations prévues à l'article R441-11.
La jurisprudence ne fait pas de distinction entre les motifs d'ouverture du délai complémentaire et établit comme indifférent le fait qu'aucun nouvel acte d'enquête n'ait été réalisé avant la clôture de l'instruction du dossier.
Il est établi que la SAS ROBERT BOSCH FRANCE a reçu le 3 septembre 2007, date de distribution, le courrier de clôture de l'instruction du dossier, l'avisant que la décision de prise en charge ou non interviendrait le 10 septembre 2007.
Le 3 septembre 2007 étant un lundi, ainsi que le 10 septembre, le délai laissé à la SAS ROBERT BOSCH FRANCE pour consulter le dossier et faire ses observations a été, hors jour de réception, de quatre jours, soit les mardi 4, mercredi 5, jeudi 6 et vendredi 7 septembre.
Ce délai est insuffisant pour respecter le principe de contradiction, la cour retenant un délai de 5 jours comme étant un délai raisonnable minimum.
Au demeurant il est encore certain que la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a, le 31 août 2007, adressé un second courrier à la SAS ROBERT BOSCH FRANCE pour lui indiquer qu'elle ouvrait un délai complémentaire d'instruction," en application de l'article R441-14 du code de la sécurité sociale "et que ce délai ne pourrait pas excéder trois mois.
Le 3 septembre 2007 la SAS ROBERT BOSCH FRANCE a demandé copie du dossier et la caisse lui a, par courrier du 10 septembre, reçu le 11,adressé un bordereau de communication de pièces avec cette mention que les observations éventuelles devaient lui parvenir avant le 16 septembre 2007, date à laquelle la décision serait prise.
S'il est établi en jurisprudence que peu importe l'envoi des pièces du dossier à l'employeur, cet envoi ne figurant pas dans les obligations légales de la caisse, et dès lors que celle -ci a laissé un délai raisonnable de consultation au dit employeur, de nature à assurer à son égard le respect du principe de contradiction, il est également établi que la notification d'un délai complémentaire d'instruction doit donner lieu à nouvelle notification de clôture, et que cette seconde notification doit répondre aux exigences de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Angers ne conteste pas n'avoir pas procédé à une nouvelle notification de clôture mais soutient que l'envoi du bordereau de pièces, avec mention d'une nouvelle date de prise de décision, "pallie la difficulté liée à l'absence de la réception de la lettre de clôture"
Or ce courrier est daté du 10 septembre et indique que la décision sera prise le 16 septembre soit moins de 6 jours plus tard ; la SAS ROBERT BOSCH FRANCE en a accusé réception le 11 septembre, c'est-à-dire un mardi, tandis que le 16 était un dimanche ; la caisse soutient qu'il faut entendre alors que la décision sera prise le lundi 17 septembre mais il n'en demeure pas moins dans ce cas que le délai de consultation et d'observation, qui doit être considéré de façon autonome à partir du 11 septembre 2007, n'a été que de trois jours, soit les mercredi 12 septembre, jeudi 13 septembre et vendredi14 septembre, ce que la cour juge insuffisant au regard du respect du contradictoire.
Des précisions s'avéraient de surcroît nécessaires en l'espèce pour l'employeur alors que la caisse lui avait transmis un avis du médecin conseil de prise en charge d'une maladie inscrite au tableau no30B et lui notifiait finalement une décision de prise en charge d'une" maladie professionnelle no30 ", qu'elle appelait cancer bronchique ou adénocarcinome en expliquant en cours de procédure qu'il s'agissait d'une maladie du tableau no30bis.
Il y a donc lieu de dire, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens invoqués, la décision de prise en charge de la maladie de monsieur X... au titre de la législation professionnelle, inopposable à la SAS ROBERT BOSCH et d'infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers du 8 septembre 2009, en ce qu'il a débouté la SAS ROBERT BOSCH de sa demande en inopposabilité et a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 8 novembre 2007.
La demande de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers formée en application de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens, la procédure étant gratuite devant les juridictions chargées du contentieux des affaires de sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 septembre 2009 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angers.
Statuant à nouveau,
DIT inopposable à la SAS ROBERT BOSCH FRANCE venant aux droits de la société BOSCH SYSTEMES DE FREINAGE la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers du 17 septembre 2007 de prendre en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles la maladie déclarée par monsieur Albert X....
Y ajoutant,
REJETTE la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
DIT n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Marie-Bernard BRETON