COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N
AD/ CG
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 01889.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 21 Juillet 2009
enregistrée sous le no F 08/ A0229
ARRÊT DU 05 Avril 2011
APPELANT :
Maître Odile Z... mandataire liquidateur
de la société GAUTIER ENTREPRISE ET FINITIONS
...
...
49022 ANGERS CEDEX 01
représenté par Maître Olivier PFLIGERSDORFFER, substituant
Maître Philippe PAPIN, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMES :
Monsieur Stéphane Y...
...
79700 MAULEON
représenté par Maître Valérie BURGAUD, avocat au barreau
de LA ROCHE SUR YON (dépôt dossier)
L'AGS CGEA DE RENNES
Immeuble Le Magister
4 cours Raphaël Binet
35069 RENNES CEDEX
représenté par Maître CREN, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 05 Avril 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE :
La sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS a recruté le 21 décembre 2006 monsieur Stéphane Y...comme ravaleur, en contrat à durée indéterminée à temps plein, mais la relation contractuelle s'est émaillée d'incidents, monsieur Stéphane Y...faisant l'objet de trois avertissements en octobre 2007.
Le salarié a décidé de démissionner le 8 octobre 2007 et a quitté l'entreprise le 22 octobre 2007 aprés son préavis.
Monsieur Stéphane Y...avait au préalable, en juillet 2007, saisi l'administration du travail pour dénoncer des heures supplémentaires effectuées et non payées et en juin 2008, pour les mêmes raisons, la juridiction prud'homale.
L'administration du travail a dressé procés-verbal pour travail dissimulé et monsieur A..., gérant de la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS, cité devant le tribunal correctionnel d'Angers, pour avoir entre le 1er mars et le 31 juillet 2007, mentionné sur le bulletin de paie de messieurs B..., C...et Y...un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué, a été condamné le 24 novembre 2008 à une amende de 5 000 euros.
La juridiction pénale a accordé à monsieur Stéphane Y...sur le plan de l'action civile, et toutes causes de préjudices confondus, la somme de 1 800 euros, et a dit ne pas faire droit aux demandes formées pour retenues pour intempéries et travail dissimulé.
La cour d'appel d'Angers a confirmé cette décision le 28 avril 2009.
Par jugement du 21 juillet 2009, le conseil de prud'hommes d'Angers a condamné la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS à payer à monsieur Stéphane Y...les sommes de :
-1 747, 74 euros au titre des heures supplémentaires et 174, 77 euros à titre de congés payés,
-9 555, 24 euros pour travail dissimulé.
Le conseil de prud'hommes a rejeté une demande en paiement de la somme de 1 085, 96 euros pour retenues sur salaire injustifiées et une demande de 1 580, 25 euros pour retenues injustifiées pour intempéries.
Le 2 juin 2010 le tribunal de commerce d'Angers a prononcé la liquidation judiciaire de la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS.
La sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS représentée par Maître Z..., mandataire à la liquidation judiciaire, a fait appel de la décision du 21 juillet 2009.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES :
Maître Z..., ès qualités de mandataire liquidateur, demande à la cour, par observations orales reprises par des conclusions écrites, de réformer le jugement entrepris, de dire que monsieur stéphane Y...a été entièrement indemnisé de l'ensemble de ses préjudices puisqu'il a opté pour la voie pénale ; subsidiairement, le liquidateur s'en rapporte à l'appréciation de la cour quant à l'indemnité pour travail dissimulé ; il demande à la cour de rejeter la demande en remboursement de retenues indues pour 1 085, 96 euros et de condamner monsieur Stéphane Y...à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître Z... soutient que :
- monsieur Stéphane Y...a été indemnisé intégralement de son préjudice devant la juridiction répressive et qu'il ne peut plus rien réclamer au titre des heures supplémentaires,
- monsieur Stéphane Y...a été dit indemnisé de l'intégralité de son préjudice par la chambre des appels correctionnels d'Angers, même si le tribunal avait dit ne pas devoir statuer sur l'indemnité pour travail dissimulé,
-1 085, 95 euros ont été versés en acomptes au salarié et non comptabilisés.
Monsieur Stéphane Y...demande quant à lui la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS à lui payer les sommes de :
-1 747, 74 euros pour les heures supplémentaires outre 174, 77 euros à titre de congés payés,
-9 555, 24 euros à titre de travail dissimulé.
Il demande à la cour de réformer le jugement pour le surplus et de condamner Maître Z..., ès qualités, à lui rembourser la somme de 885, 96 euros indûment retenue sur son salaire de septembre 2007, d'établir un bulletin de salaire correspondant et de lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
- la cour d'appel d'Angers a le 28 avril 2009 confirmé le jugement du tribunal correctionnel dans toutes ses dispositions civiles et pénales " et ce inclus les exclusions " (travail dissimulé et retenues injustifiées),
- les heures supplémentaires sont établies par le décompte détaillé que monsieur Stéphane Y...a dressé semaine après semaine, de mars à juin 2007, l'employeur ne fournissant aucun élément contraire. Il précise qu'elles lui ont été réglées en mai 2010 par la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS dans le cadre de l'exécution provisoire.
- que le tribunal et la cour d'appel ont fait une confusion entre lui même et un autre salarié de l'entreprise, monsieur B...; que pour sa part, il n'avait réclamé aucune somme à titre de réparation mais avait indiqué avoir saisi la juridiction prud'homale,
- il ne réclame plus les retenues pour intempéries devant la cour,
- les sommes de 685, 95 euros et 200 euros lui ont bien été versées mais n'avaient pas à être retenues sur le bulletin de septembre car il s'agit de primes exceptionnelles,
- le travail dissimulé est caractérisé puisque monsieur Stéphane Y...travaillait tous les vendredis alors que son contrat de travail prévoyait une répartition du travail du lundi au jeudi ; que le tribunal correctionnel ayant établi le travail dissimulé l'indemnité forfaitaire est due.
L'AGS demande à la cour de réformer le jugement prud'homal, de débouter monsieur Stéphane Y...de ses demandes en les disant irrecevables et non fondées, de rappeler qu'elle ne devra garantie que dans la limite légale, et de le condamner aux dépens.
L'AGS soutient que monsieur Stéphane Y...a été indemnisé de son préjudice toutes causes confondues, qu'il y a autorité de la chose jugée au pénal.
MOTIFS DE LA DECISION
SUR LE TRAVAIL DISSIMULE ET LES HEURES SUPPLEMENTAIRES
L'article 5 du code de procédure pénale dit que " la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive " mais aussi " qu'il n'en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile. "
Il est établi que monsieur Y...a saisi le conseil de prud'hommes de CHOLET par requête du 18 juin 2008 et que l'affaire, après renvoi devant le conseil de prud'hommes d'Angers, a été jugée au fond par cette juridiction le 21 juillet 2009.
Il est d'autre part acquis que le tribunal correctionnel d'Angers a été saisi par le procureur de la République d'Angers, suivant procès-verbal de convocation en justice délivré par officier de police judiciaire en date du 20 juin 2008, d'une infraction d'exécution de travail dissimulé, reprochée à monsieur Jean-Paul A..., gérant de la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS, en application des article L8221-1, L8221-3, L8221-4, L8221-5, L8224-1, L8224-3, L8224-4 du code du travail.
Par application de l'article 390-1 du code de procédure pénale, la remise au prévenu de la convocation à comparaître vaut saisine de la juridiction pénale.
Il apparaît par conséquent que le jour de l'audience correctionnelle tenue le 24 novembre 2008 du chef de travail dissimulé, à laquelle monsieur Y...avait été convoqué en qualité de partie civile, la constitution de
partie civile de celui-ci était recevable, aucun jugement sur le fond n'ayant été rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers avant le 20 juin 2008, date de saisine du tribunal correctionnel par le ministère public.
Il est encore acquis que si le tribunal correctionnel était saisi du seul délit de travail dissimulé, monsieur Y...avait quant à lui saisi la juridiction prud'homale pour travail dissimulé mais aussi pour paiement d'heures supplémentaires, paiement de retenues injustifiées pour intempéries et paiement de retenues injustifiées.
Il n'y avait donc pas identité des actions alors que l'application de la maxime " una via electa " énoncée par l'article 5 du code de procédure pénale suppose que les deux demandes portées devant le juge civil et le juge pénal opposent les mêmes parties, aient le même objet et la même cause.
En tout état de cause, et même si la juridiction pénale a retenu la constitution de partie civile de monsieur Y...par erreur, en confondant sa situation avec celle de monsieur B..., elle était en réalité juridiquement fondée à le faire, à l'examen des dates de saisine des deux juridictions ; d'autre part sa décision, confirmée par arrêt contradictoire de la cour d'appel d'Angers du 28 avril 2009, est devenue définitive.
Le conseil de prud'hommes d'Angers a donc à tort cru devoir encore statuer sur la demande en paiement d'heures supplémentaires de monsieur Y...formée pour la somme de1 747, 74 euros en relevant :
" Il ressort du jugement du tribunal correctionnel d'Angers du 28 novembre 2008 confirmé par la cour d'appel d'Angers le 28 avril 2009 qu'il y a confusion entre monsieur Y...et monsieur B.... Le conseil des prud'hommes reçoit la demande de monsieur Y...au titre des heures supplémentaires. "
Le conseil avait en effet justement observé que la juridiction pénale s'était livrée dans son jugement à un exposé précis, semaine après semaine, des heures supplémentaires effectuées par monsieur Y...aux mois de mars à juillet 2007 et qu'elle avait donc statué sur le plan civil en relevant d'une part que monsieur Y..., se constituant partie civile " réclamait l'octroi de la somme de 1 747, 74 euros d'heures supplémentaires " et en décidant d'autre part : " au vu des pièces produites et des débats d'audience il convient d'allouer à monsieur Y...la somme de 1 800 euros en réparation de ses préjudices et toutes causes de préjudice confondues ".
La juridiction pénale a clairement entendu réparer par l'allocation de la somme de 1 800 euros, le préjudice matériel de monsieur Y...correspondant aux heures supplémentaires restées impayées par l'employeur et constituant également un préjudice personnel et direct découlant des faits objet de la poursuite, soit le délit d'exécution de travail dissimulé, dans les termes des articles 2 et 3 du code de procédure pénale.
Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers en ce qu'il a condamné la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS à payer à monsieur Y...la somme de 1 747, 74 euros en rappel d'heures supplémentaires et celle de 174, 77 euros à titre de congés payés.
Les premiers juges ont cependant justement dit que la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS avait commis le délit de travail dissimulé au regard de l'article L 8221-5 du code du travail, la juridiction pénale ayant, par arrêt de la cour d'Appel d'Angers du 28 avril 2009, établi ce point de façon définitive.
La jurisprudence établit que lorsqu'un employeur a été condamné pénalement pour travail dissimulé, cette décision a autorité de la chose jugée à l'égard de tous et permet au salarié de demander, en cas de rupture de la relation de travail, le paiement de l'indemnité forfaitaire.
Les juges correctionnels ne pouvant statuer que sur les faits relevés dans l'acte qui les a saisis avaient à bon droit indiqué dans le jugement du 24 novembre 2008, confirmé par arrêt de la cour d'appel du 28 avril 2009, que : " le tribunal ne fera pas droit à la demande no3 de monsieur Y...(9555 euros correspondant aux six derniers mois de salaire).
La jurisprudence établit en effet que la demande d'indemnité forfaitaire due en application de l'article L 8223-1 du code du travail est une demande distincte de la demande en dommages-intérêts réparant le préjudice causé par l'infraction.
Il convient donc, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 21 juillet 2009 en ce qu'il a condamné la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS à payer à monsieur Y...la somme de 9 555, 24 euros pour travail dissimulé.
SUR LES RETENUES POUR 1 085 EUROS
Cette demande est sans lien avec le délit de travail dissimulé et le tribunal correctionnel, confirmé par la cour d'appel, s'est justement dit incompétent pour en connaître.
Le conseil de prud'homme d'Angers a également à bon droit examiné cette demande qui résultait de l'exécution du contrat de travail.
Les bulletins de salaire de 2007 montrent que monsieur Y...a perçu en février 500 euros à titre d'acompte, ainsi qu'en mars et juin, et 1 000 euros en mai. Aucune somme n'apparaît sous cette mention sur les bulletins d'avril et août, alors que les livres de compte de l'entreprise portent trace de versements de 200, 200, et 685, 95 euros.
Monsieur Y...produit quant à lui uniquement ses relevés bancaires de septembre et octobre 2007 permettant de voir en septembre un virement de l'entreprise pour 508, 80 euros et en octobre un virement de 816, 82 euros ainsi qu'un virement de 200 euros dit pour " régularisation salaire 09/ 07. "
Ces sommes ne correspondent ni aux montants ni aux dates considérées et ces pièces ne suffisent pas à démontrer comme le soutient monsieur Y...que les 1 085, 95 euros correspondaient à des primes exceptionnelles et non à des acomptes.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement de monsieur Y....
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de monsieur Y...les frais engagés dans l'instance d'appel et qui n'appartiennent pas aux dépens ; la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS est condamnée à lui payer, pour l'en indemniser, la somme de 1 000 euros.
La sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS, qui perd le procès, est condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 21 juillet 2009 par le conseil de prud'hommes d'Angers en ce qu'il a :
- dit que la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS a commis le délit de travail dissimulé au regard de l'article L 8221-5 du code du travail,
- condamné la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS à payer à monsieur Stéphane Y...la somme de 9 555, 24 euros pour travail dissimulé,
- rejeté la demande de monsieur Y...en remboursement de la somme de 1 085, 95 euros,
- condamné la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS à payer à monsieur Y...la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS aux dépens.
LE REFORMANT POUR LE SURPLUS
REJETTE la demande de monsieur Stéphane Y...en paiement d'heures supplémentaires,
Y AJOUTANT
CONDAMNE Maître Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS, à payer à monsieur Y...la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Maître Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la sarl GAUTIER ENTREPRISES ET FINITIONS, aux dépens,
RAPPELLE que les créances de monsieur Y...sur la liquidation judiciaire et résultant du présent arrêt ne seront garanties par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLMarie-Bernard BRETON