COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N MBB/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 02485.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 24 Septembre 2009, enregistrée sous le no 08/ 00119
ARRÊT DU 21 Juin 2011
APPELANT : Monsieur Julien X......
représenté par Maître Vanessa ESTIEUX, substituant Maître Meriem BABA, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
S. A. S. DOMAINE VINICOLE DE CHAINTRES 54 rue de Croix de Chaintres 49400 DAMPIERRE SUR LOIRE
représentée par la SCP PRIOUX-SLADEK, avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 21 Juin 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame TIJOU, Adjoint administratif assermenté, ff de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 26 février 2004 monsieur Julien X...a été embauché par la société Domaine vinicole de Chaintres en qualité de chef de culture au niveau 2, échelon 2, coefficient 220 de la convention collective nationale de la viticulture ; il a été licencié le 30 août 2007 pour motif économique ; le 9 juillet 2008 il a saisi le Conseil de prud'hommes de Saumur d'une action tendant à faire juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner son employeur au paiement de 10 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 septembre 2009 le Conseil de prud'hommes de Saumur a débouté monsieur Julien X...de ses demandes.
Monsieur Julien X...a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits monsieur Julien X...demande à la cour d'infirmer le jugement, juger que le licenciement pour motif économique ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, condamner la société Domaine vinicole de Chaintres à lui payer 18 885 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que la lettre de licenciement, imprécise quant aux difficultés économiques qui auraient conduit au licenciement et qui ne fait pas mention de la suppression de son poste ne répond pas à l'obligation de motivation qui pèse sur l'employeur ; il fait valoir que cette insuffisance de motivation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le fond il prétend que la réalité et la gravité des difficultés économiques invoquées ne sont pas établies alors que les 3 derniers exercices comptables ne révèlent aucune aggravation de la situation et que le chiffre d'affaires a augmenté de 12 % entre le 30 juin 2006 et le 30 juin 2007 ; il fait valoir que les bilans des périodes antérieures à son arrivée dans l'entreprise et le registre du personnel, pourtant réclamés en première instance, n'ont pas été versés aux débats et que le registre du personnel produit ne respecte pas l'ordre chronologique des entrées et des sorties du personnel, ce qui en affecte la fiabilité.
Il réfute la nécessité d'une réorganisation de l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité.
Il fait grief à la société Domaine vinicole de Chaintres de ne pas avoir respecté son obligation de reclassement.
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits, la société Domaine vinicole de Chaintres demande à la cour de rejeter l'appel et de condamner l'appelant à lui payer 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'exploitation de l'entreprise était déficitaire en 2005, 2006 et 2007 et que l'analyse des difficultés a révélé une charge disproportionnée de personnel ; elle prétend que la décision de licencier a obéi à l'impérieuse nécessité de réorganiser la répartition des tâches en supprimant un poste d'employé ; monsieur Julien X...étant, de très loin, le dernier entré dans l'entreprise, son poste a été choisi pour opérer cette suppression en chargeant les autres postes des tâches qu'il accomplissait.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la motivation de la lettre de licenciement pour motif économique
Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-16 du code du travail la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; ainsi la motivation du licenciement doit être contenue dans la lettre de licenciement qui doit se suffire à elle-même ; le motif énoncé doit indiquer l'élément originel du licenciement pour motif économique et son incidence sur le contrat de travail.
La lettre du 30 août 2007, par laquelle la société Domaine vinicole de Chaintres notifie à monsieur Julien X...son licenciement pour motif économique contient le motif suivant : " les importantes difficultés économiques que notre société rencontre nous obligent à une réorganisation et les principales tâches qui relevaient de votre compétence seront réparties entre les autres employés ".
L'employeur énonce ainsi le motif originel du licenciement : les importantes difficultés économiques qu'il rencontre, et l'incidence sur le contrat de travail de monsieur Julien X...qui doit être supprimé au profit d'une redistribution de ses tâches sur d'autres postes.
Sur la réalité du motif économique invoqué
sans contester l'existence de difficulté économiques que connaît la société Domaine vinicole de Chaintres, monsieur Julien X..., qui reconnaît que l'entreprise fonctionne de manière déficitaire depuis 10 ans, prétend que la situation ne s'étant pas aggravée dans les 3 dernières années, les difficultés économiques ne sont pas de nature à fonder un licenciement pour motif économique.
L'examen des bilans des exercices des années 2005, 2006 et 2007 révèle que, si le montant du chiffre d'affaires se maintient, voire progresse au cours des années considérées, le résultat de l'exercice est déficitaire pour être de 55 608 euros en juin 2005, de 15 731 euros en juin 2006 et de 178 731 euros en juin 2007.
Sauf à démontrer que l'employeur se trouve, par des fautes de gestion ou une légèreté blâmable, être à l'origine des difficultés économiques qu'il invoque au soutien du licenciement pour motif économique, ce qu'il ne fait pas, monsieur Julien X...ne peut se substituer au chef d'entreprise pour décider, à sa place des décisions qu'il convient de prendre dans l'intérêt de l'entreprise.
Les difficultés économiques invoquées dans la lettre de licenciement pour justifier la réorganisation de l'entreprise dont découle le licenciement de monsieur Julien X...sont ainsi démontrées.
S'agissant de difficultés économiques actuelles et non à venir il n'est pas nécessaire de rechercher, par la production des bilans des années qui ont suivi cette réorganisation, si elle a eu les résultats attendus puisqu'elle était dès 2007, justifiée par les difficultés de l'entreprise.
Le juge n'a pas à se prononcer sur la nature des mesures prises par l'employeur dans le cadre de la réorganisation, sauf à rechercher si la suppression du poste de monsieur Julien X..., annoncée dans la lettre de licenciement pour motif économique a été effective.
La répartition des tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurés dans l'entreprise correspond à une suppression de l'emploi ; il ressort des attestations de monsieur A...et de monsieur B...que ces deux salariés se sont vu confier des tâches qui étaient accomplies par monsieur Julien X...avant son licenciement, ce qui démontre que le poste qu'il occupait n'a pas été maintenu dans l'entreprise.
Monsieur Julien X...invoque également l'inobservation, par son employeur de l'obligation de reclassement, moyen sur lequel les parties se sont peu expliquées mais qui, se trouve nécessairement dans tout débat sur le licenciement pour motif économique.
Dans le cadre de son obligation de reclassement, obligation de moyens, il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement et de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé, des emplois disponibles de même catégorie, ou, à défaut, de catégorie inférieure, fut-ce par voie de modification des contrats de travail ; si l'exécution de cette obligation par l'employeur doit être appréciée en fonction des moyens dont dispose l'entreprise encore faut-il que celui-ci démontre qu'il a effectivement recherché une possibilité de reclassement pour son salarié sans se borner à affirmer qu'il n'y avait pas de possibilités de reclassement.
La société Domaine vinicole de Chaintres se montre défaillante à rapporter la preuve qu'elle a procédé loyalement à cette recherche de reclassement avant d'envisager de licencier monsieur Julien X....
Il s'en déduit que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
S'agissant d'une entreprise qui emploie moins de 11 salariés, l'indemnité qui sera allouée à monsieur Julien X...pour réparer le dommage consécutif au licenciement abusif sera fixée, par application de l'article L. 1235-5 du code du travail, en considération du préjudice subi.
En l'état des pièces versées par monsieur Julien X...pour établir la réalité et l'importance de son préjudice l'indemnité sera fixée à 8 000 euros.
La société Domaine vinicole de Chaintres qui succombe à l'action, en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
JUGE que le licenciement pour motif économique de monsieur Julien X...est sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Domaine vinicole de Chaintres à payer à monsieur Julien X...la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE la société Domaine vinicole de Chaintres à payer à monsieur Julien X...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la même demande présentée par la société Domaine vinicole de Chaintres,
CONDAMNE la société Domaine vinicole de Chaintres aux dépens de première instance et d'appel.
y ajoutant,
REJETTE la demande de la société Domaine Vinicole de Chaintres en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Domaine Vinicole de Chaintres aux dépens d'appel.
l'Adjoint administratif assermenté, LE PRÉSIDENT,
Annick TIJOU Marie-Bernard BRETON