COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N MBB/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01377. Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 17 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00454
ARRÊT DU 21 Juin 2011
APPELANTE :
S. A. S. AUXITEC INDUSTRIE 171 Bld Amiral Mouchez 76086 LE HAVRE CEDEX
représentée par Maître Aurélie DOMAIGNÉ, substituant Maître Luc LALANNE, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
Madame Karine Y......
présente, assistée de Maître Isabelle TARAUD, avocat au barreau de VAL DE MARNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT : prononcé le 21 Juin 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame TIJOU, Adjoint administratif assermenté, ff de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société ATC est un bureau d'études ingénierie qui est devenue filiale du groupe Auxitec sous la nouvelle dénomination de la société Auxitec Industrie le 1er janvier 1999 ; elle a embauché madame Karine Y...en qualité de secrétaire par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 20 heures par semaine, le 16 avril 1997 ; le contrat de travail est devenu à temps plein le 1er novembre 1997 ; le nombre d'heures de travail a été réduit à 31 heures par semaine à la demande de la salariée le 13 décembre 1999.
La convention collective applicable à la relation salariale est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et sociétés de conseil dite " syntec ".
Embauchée au coefficient 275 madame Karine Y...a évolué vers le coefficient 310 à compter du 1er janvier 2001.
Par lettre du 6 juillet 2009 la société Auxitec Industrie a notifié à madame Karine Y...son licenciement pour motif économique en invoquant le fait que la baisse d'activité du dernier trimestre 2008 lié à la conjoncture économique dans le domaine de la mécanique et de l'industrie automobile entraîne une sous activité importante au sein du bureau d'études et des pertes d'exploitation conséquentes, exposant que ces motifs conduisent à une réorganisation nécessaire de l'établissement pour, d'une part, en sauvegarder la compétitivité, d'autre part, permettre le maintien d'une structure plus appropriée à répondre aux attentes du marché dès la reprise et que cette réorganisation se traduit par la suppression de son emploi.
Le 22 juillet 2009 madame Karine Y...a contesté ce licenciement pour motif économique devant le conseil de prud'hommes du Mans sollicitant qu'il juge que le licenciement est cause réelle et sérieuse et réclamant l'allocation de 24 750 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'absence de respect l'obligation de reclassement et, à titre subsidiaire non respect des critères de licenciement.
Par jugement du 17 mai 2010 le conseil de prud'hommes du Mans a condamné la société Auxitec Industrie à payer à madame Karine Y...la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, non respect des critères d'ordre de licenciement et non respect de l'obligation de reclassement et la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par madame Karine Y...et condamné la société Auxitec Industrie aux dépens en déboutant les parties de leurs autres demandes.
la société Auxitec Industrie a relevé appel ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits la société Auxitec Industrie demande à la cour, infirmant le jugement en toutes ses dispositions, de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse en raison de sa situation économique et qu'il a été satisfait à l'obligation de reclassement, de débouter madame Karine Y...de ses demandes et de la condamner à lui payer 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel. Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits madame Karine Y...demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, qu'il y a manquement de la société Auxitec Industrie à l'obligation de reclassement et non respect des critères d'ordre de licenciement, mais de le réformer quant au montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en le portant à la somme de 24 750 euros, condamner la société Auxitec Industrie au paiement d'une amende civile de 1 200 euros ainsiq u'au paiement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Madame Karine Y...fonde son action devant conseil de prud'hommes sur les points suivants :
- contestation du motif économique du licenciement-absence de recherche de reclassement-irrégularité dans l'application des critères d'ordre des licenciements.
Sur le motif économique du licenciement
Il est acquis aux débats que la société Auxitec Industrie appartient au groupe Auxitec Ingénierie qui développe son activité dans tous les métiers de l'ingénierie : audit, diagnostic, conseil, expertise, études, maîtrise d'oeuvre, déploiement de solutions ; ce groupe fonde sa stratégie sur le développement des complémentarités entre ces métiers et propose sa prestation aux grands groupes industriels, au secteur tertiaire, aux collectivités publiques ainsi qu'aux PMI et PME, dans le secteur du bâtiment, de l'industrie et des technologies.
La société Auxitec Industrie, qui représente 74 % de l'activité du groupe, détient 14 établissements dont un au Havre où elle a son siège social et un au Mans ; s'il est vrai que l'établissement du Mans est le seul à consacrer son activité à la section " machines spéciales " il apparaît, à l'examen de la fiche signalétique de chaque établissement que la prestation qui y est développée est la même puisqu'ils disposent tous d'un bureau d'études et travaillent sur le développement de projets relatifs à l'ingénierie industrielle, l'ingénierie électrique, l'ingénierie mécanique ; cette similarité d'activité concerne également l'établissement du Mans dont il n'est pas démontré que sa " spécialisation " dans les " machines spéciales " présenterait une singularité telle qu'elle le ferait sortir du secteur d'activité de l'ingénierie industrielle dans lequel se développe l'activité de tous les autres établissements.
D'où il suit que la spécialisation de l'établissement du Mans ne suffit pas à exclure son rattachement au secteur d'activité du groupe auquel il appartient.
La société Auxitec Industrie invoque, les résultats d'exploitation en baisse au cours des années 2008 et 2009 ; ceux-ci ne sont pas de nature à justifier les difficultés économiques qu'elle invoque ; en effet, le procès verbal de réunion du comité d'entreprise du 5 septembre 2008 révèle que la charge de travail reste correcte sur l'ensemble des sites, voire très bonne sur certains, avec des nuances pour d'autres établissements ; le procès verbal du 7 novembre 2008 présente la même tendance et relève que la synergie entre agences peut permettre d'absorber la sous activité d'un site ; le 15 janvier 2009 la situation de l'établissement du Mans est évoquée comme présentant une difficulté quant à la charge de travail et il est envisagé la mise en place du chômage partiel.
Il ressort de ces éléments que les difficultés économiques invoquées au soutien du licenciement de madame Karine Y...ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; le jugement doit être confirmé de ce chef.
Dès lors que le licenciement pour motif économique ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, ni l'obligation de reclassement, ni les critères d'ordres de licenciement n'avaient à être mise en oeuvre.
Sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
madame Karine Y...réclame une somme de 24 750 euros, au nom du principe de réparation intégrale du dommage subi ; elle expose qu'elle avait retrouvé un emploi mais a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique ; en évaluant le préjudice subi à la somme de 15 000 euros les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce dommage caractérisé par la rupture d'un contrat de travail d'une salariée qui comptait une ancienneté de 12 ans dans l'entreprise.
La société Auxitec Industrie, qui succombe en cause d'appel, en supportera les dépens et devra indemniser madame Karine Y...de ses frais de procédure.
Il n'est pas établi que l'exercice du droit d'appel par la société Auxitec Industrie caractérise un abus de procédure ; la demande fondée sur l'article 559 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le licenciement pour motif économique de madame Karine Y...par la société Auxitec Industrie ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
y ajoutant,
REJETTE la demande de madame Karine Y...fondée sur les dispositions de l'article 559 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de la société Auxitec Industrie en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Auxitec Industrie à payer à madame Karine Y...la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la société Auxitec Industrie aux dépens d'appel.
l'Adjoint administratif assermenté, LE PRESIDENT,
Annick TIJOU Marie Bernard BRETON