COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N MBB/ SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01402. Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 29 Mai 2009, enregistrée sous le no 08/ 00430
ARRÊT DU 21 Juin 2011
APPELANT :
Monsieur Donny X......
représenté par Maître François GAUTIER, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
S. A. THIBAULT BERGERON Le Parc BP 5 56190 MUZILLAC
représentée par la SELARL GDSA (ME BONDIN), avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernard BRETON, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT : du 21 Juin 2011 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame BRETON, président, et par Madame TIJOU, Adjoint administratif assermenté, ff de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Donny X...a été embauché au sein de la société Thibault Bergeron suivant contrat à durée indéterminée de louage de services en date du 13 octobre 1987 à effet du 19 mars 1985 en qualité de représentant exclusif (article 10) dans les conditions fixées par les articles L. 75l. 1 et suivants du code du travail pour rechercher et développer la vente de boîtes pâtissières auprès des détaillants et grossistes de la profession.
Son secteur d'activité comprenait à l'origine les départements 14, 27, 28, 60, 61 et 76.
Sa rémunération était constituée uniquement de commissions calculées sur le prix net hors taxe de la marchandise suivant taux de commissionnement spécifié à l'article 6 du contrat de représentation.
Suivant avenant en date du 19 août 1992, le département de l'Oise était retiré du secteur géographique de monsieur Donny X...moyennant le versement d'une indemnité de 42 779, 90 F, secteur qui était cependant élargi dans le même temps aux départements de la Manche et de la Sarthe.
Suivant avenant en date du 15 février 2001 le département 76 était retiré du secteur géographique de monsieur Donny X...moyennant le versement d'une indemnité d'un montant de 99 065 F ;
Le licenciement pour faute grave de monsieur Donny X...était notifié suivant correspondance LRAR en date du 17 août 2004 présentée le 19 août 2004.
Considérant son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, Monsieur Donny X...saisissait le 25 juillet 2008 le Conseil de Prud'hommes du Mans et sollicitait la condamnation de monsieur Donny X...à lui verser les sommes de : 15 320 € au titre du préavis (3 mois), 1 532 € au titre des congés payés sur préavis, 5 107 € au titre des commissions de retour sur échantillonnage, 511 € au titre des congés payés, 35 258 € au titre de l'indemnité prévue à l'article 14 de l'ANI des VRP du 3 octobre 1975, 60 640 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi, 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 29 mai 2009 le conseil de prud'hommes du Mans a jugé que le licenciement repose sur une faute grave et débouté monsieur Donny X...de ses demandes en le condamnant aux dépens.
monsieur Donny X...a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits monsieur Donny X...demande à la cour de : juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, condamner la société Thibault Bergeron à lui payer les sommes de :-14 305, 02 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (article 12 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975)-1 430, 50 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 43 391, 90 € au titre de l'indemnité spéciale de rupture (article 14 de l'Accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975) 60 640 € à titre de dommages-intérêts.
Il demande à la cour de juger que son droit à commission sur échantillonnage est reconnu et, avant dire droit sur le montant de la somme que lui doit la société Thibault Bergeron devra verser au débat, l'ensemble des justificatifs d'une part des commandes et livraisons effectuées sur les départements 14, 27, 28, 50, 61 et 72 correspondants à son secteur géographique d'activité à la date de la rupture de son contrat et d'autre part du chiffre d'affaires réalisé sur ce même secteur, le tout sur la période du 11 juin 2004 au 19 novembre 2007, ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; de condamner la société Thibault Bergeron à lui remettre un certificat de travail rectifié, une attestation ASSEDIC rectifiée ainsi que les bulletins de salaire rectifiés pour le mois d'août 2004, et de septembre 2004 à novembre 2004 inclus, de condamner la société Thibault Bergeron à lui payer 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions reprises oralement à l'audience sans ajouts ni retraits la société Thibault Bergeron demande à la cour de débouter monsieur Donny X...de toutes ses demandes et de le condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Lorsqu'il envisage le licenciement du salarié pour cause personnelle l'employeur doit, aux termes des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail, lui adresser une convocation à un entretien préalable ; cette convocation doit faire apparaître de façon non équivoque, l'objet de l'entretien sans, cependant, faire apparaître le licenciement comme étant déjà acquis.
La lettre du 3 août 2004, par laquelle la société Thibault Bergeron informe monsieur Donny X...des motifs qui la conduisent à envisager son licenciement ne comporte aucune mention qui serait de nature à dissuader le salarié d'aller faire valoir ses observations pour convaincre son employeur de revenir sur l'intention de le licencier ; la précision des indications qui sont portées à la connaissance du salarié quant aux griefs qui soutiennent cette intention est au contraire destinée à appeler son attention sur la nécessité de présenter des observations d'autant plus opportunes qu'elles seront le fruit de cette complète information, l'employeur ayant, par le passé, démontré à son salarié qu'il savait se montrer compréhensif face aux difficultés d'ordre professionnel ou personnel qu'avait rencontré son salarié (courrier du 4 janvier 1999) ; si le paragraphe relatif
à l'irresponsabilité de monsieur Donny X...est emprunt de fermeté, il est suivi de l'indication que l'employeur se voit donc contraint d'envisager le licenciement pour faute grave ; il s'agit donc là de la manifestation d'une intention, susceptible d'être à nouveau considérée en fonction des observations de monsieur Donny X...et non de la manifestation d'une décision.
Le licenciement repose sur les motifs suivants :- " négligence et incapacité chronique et intentionnelle à respecter les règles et consignes qui vous sont données "- " prise de risques inconsidérés pour vous-même et pour l'entreprise "- " comportement anormal et irresponsable vis à vis de la clientèle "- " poursuite de l'activité commerciale pendant un arrêt de maladie "- " refus de favoriser l'organisation du travail pendant votre arrêt de maladie "- " défaut de communication régulière des bordereaux récapitulatifs au siège "- " absence de prise en compte des rappels à l'ordre et des avertissements ".
L'article L. 1332-4 du code du travail énonce qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance et l'article L. 1232-5 qu'aucune sanction antérieure de plus de 3 ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.
Cependant lorsque les faits de même nature se reproduisent l'employeur peut faire état des précédents, même s'ils ont été sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée tel un licenciement reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.
Les griefs relatifs à la prise de risques inconsidérés, au comportement anormal et irresponsable de monsieur Donny X...envers les clients, au défaut de communication régulière des bordereaux récapitulatifs et à l'absence de prise en compte des rappels à l'ordre et des avertissements relèvent de l'appréciation globale du comportement de monsieur Donny X...par l'employeur.
Il est démontré par la production des pièces 36 et 37 que nonobstant les nombreux rappels à l'ordre qui lui ont été faits, monsieur Donny X...n'a pas remis ses rapports hebdomadaires en temps prescrit par l'employeur les semaines 23 et 24, soit moins de 2 mois avant la convocation à l'entretien préalable ; le refus de se soumettre à une consigne précise et constamment rappelée, ainsi démontré, n'est pas atteint par l'effet extinctif de la prescription ; il ressort des pièces 16, 17, 18 et 19 que ce refus n'est que la persistance d'un comportement dénoncé en janvier, mars et avril 2004 ; il ressort, par ailleurs des pièces versées par la société Thibault Bergeron que des avertissements ont été adressés à monsieur Donny X...par le passé à de très nombreuses reprises pour un comportement identique, emprunt de laxisme et d'inconséquence.
Le grief relatif aux faits qui se sont déroulés pendant le congé de monsieur Donny X...pour maladie consiste pour le salarié à avoir contacté des clients alors qu'il était en arrêt de travail et à n'avoir pas apporté toute la coopération souhaitée à l'organisation du travail pendant ce congé.
Il ne peut sérieusement être reproché à un salarié en arrêt de travail pour maladie de ne pas prêter son concours à son employeur pour aménager le travail dans l'entreprise durant son absence ; quelle que soit la pathologie du salarié, son refus de coopération ne peut qu'être mis en perspective avec l'arrêt de travail et la pathologie dont il se trouve atteint, laquelle légitime, en toute hypothèse, son comportement, qui ne peut, de ce fait, être analysé comme étant déloyal.
Monsieur Donny X...a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 juin 2004 ; l'arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 13 août 2004 avec une date de reprise du travail fixée au 4 septembre 2004.
Monsieur Donny X...reconnaît avoir contacté téléphoniquement quelques clients durant son arrêt de maladie ; il prétend qu'il l'a fait à la demande de son employeur ; or il ressort des échanges de correspondance versés aux débats que les messages qui lui ont été adressés par la société Thibault Bergeron durant cette période ne sont que des tentatives pour remédier au défaut de ponctualité de monsieur Donny X...et ne représentent pas des consignes de travail ; il n'est pas établi que la société Thibault Bergeron a ordonné ou même incité monsieur Donny X...à poursuivre son activité de prospection auprès de la clientèle ; il a, au contraire, été expressément interdit à monsieur Donny X...de prendre des commandes auprès des clients et d'exercer son activité professionnelle durant cette période, consigne que monsieur Donny X...reconnaît avoir enfreinte.
Le refus volontairement renouvelé et persistant, au fil des années, du salarié, d'accomplir ses tâches dans le respect des consignes fixées par l'employeur, ajouté au fait de poursuivre son activité de prospection à l'insu de son employeur pendant un arrêt de travail pour maladie constitue une cause grave de licenciement.
Sur la commission de retour sur échantillonnage
cette commission est due en considération de l'activité du salarié qui n'a pas donné lieu à versement de commissions par suite de l'interruption du contrat de travail, sur une période de 3 années suivant cette rupture.
Il ressort de l'examen des bulletins de salaires des 12 mois qui ont précédé la rupture du contrat de travail de monsieur Donny X...que ce dernier à perçu un montant moyen brut de commissions mensuelles de 4 300 euros.
La pièce 39 produite aux débats par la société Thibault Bergeron mentionne une liste d'opérations effectuées par monsieur Donny X...au cours de la période qui précède la rupture du contrat de travail ; monsieur Donny X...ne démontre par aucun élément de preuve, 7 ans après cette rupture, que certaines opérations commerciales qu'il aurait lui-même effectuées, auraient dû donner lieu à commissions au delà de la somme de 16 316, 33 euros qui lui a été allouées sur son bulletin de salaire du mois d'août 2004 au titre du reliquat de commissions de sorte que sa demande tendant à la réouverture des débats sera rejetée.
Monsieur Donny X...qui succombe en son appel, en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
REJETTE la demande de monsieur Donny X...tendant à la réouverture des débats pour production de pièces,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
DEBOUTE monsieur Donny X...de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur Donny X...aux dépens d'appel.
l'Adjoint administratif assermenté, LE PRÉSIDENT,
Annick TIJOU Marie-Bernard BRETON