COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
CLM/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01863.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 28 Juin 2010, enregistrée sous le no 09/ 00327
ARRÊT DU 15 Novembre 2011
APPELANTE :
Mademoiselle Gwénola X...
...
72000 LE MANS
présente, assistée de Maître Aurélie DOMAIGNÉ, avocat au barreau du MANS
INTIMÉE :
ASSOCIATION ADAPEI DE LA SARTHE
19 rue de la Calandre
72000 LE MANS
représentée par Maître Thierry PAVET (SCP), avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame TIJOU,
ARRÊT :
prononcé le 15 Novembre 2011, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 8 septembre 1995, l'ADAPEI de la Sarthe a embauché Melle Gwenola X... en qualité d'éducatrice spécialisée. Cette dernière a alors été affectée au sein de l'IME Léonce Malecot où elle exerçait ses fonctions dans le cadre de la prise en charge de personnes polyhandicapées, plus particulièrement, des adolescents.
Le 27 mai 1998, le médecin du travail a préconisé un changement de poste en relation avec les problèmes de santé de Melle X... en interdisant le port de charges lourdes.
De 1998 à 2002, elle a donc travaillé toujours au sein de l'IME, à la SEES, mais auprès d'enfants, et non d'adolescents, polyhandicapés.
À compter de 2002, elle a travaillé à hauteur de 70 % de son temps au sein du service dénommé SESSAD TRIMARAN (service d'éducation spéciale et de soins à domicile), dépendant de l'IME ou " dispositif " Léonce Malécot, et à hauteur de 30 % de son temps au sein du service SEES de l'IME.
Courant 2003, Melle Gwenola X... a rencontré des problèmes relationnels avec certains de ses collègues du SESSAD, notamment avec Mme D..., la psychologue, difficultés qui ont donné lieu à l'établissement d'une note de M. E..., directeur de l'époque.
Des conflits internes, notamment avec des collègues éducatrices et la nouvelle psychologue, Mme F..., sont réapparus qui ont donné lieu à l'établissement, le 20 mai 2008, d'une note d'incidents par le directeur adjoint de l'IME, M. G....
Cette situation a conduit le directeur de cet établissement, M. H..., à faire part à Melle Gwenola X..., par courrier du 16 juin 2008, de son affectation à temps plein à l'IME sur le secteur des enfants du 30 juin 2008 jusqu'à son départ en congé au mois de juillet, puis sur le secteur adolescents du 29 août 2008 au 24 juillet 2009.
Par courrier du 4 juillet 2008, la salariée a sollicité la possibilité de suivre sa quatrième année de formation en systémie et en thérapie familiale afin de se présenter au certificat européen de psychothérapie et de présenter une validation des acquis de l'expérience (VAE) pour un Master 2 en " adaptation et intégration scolaire et sociale " à l'université de Rennes 2.
L'employeur lui a notifié un refus par courrier recommandé du 10 juillet suivant.
Melle X... s'en est indignée par courriers des 17 et 22 juillet 2008 en arguant de l'absence de coût de cette formation pour l'employeur et de ce que trois sanctions lui étaient ainsi infligées : changement d'affectation et deux refus de formation.
L'employeur a confirmé sa position par courrier du 4 septembre 2008.
À compter du 29 août 2008, Melle Gwenola X... a été placée en arrêt de maladie.
Elle a sollicité un rendez-vous avec son employeur par lettres des 23, 25 septembre, et 15 novembre 2008, souhaitant évoquer un congé sans solde à la fin de son arrêt de maladie jusqu'à sa réintégration au sein du SESSAD, ses heures supplémentaires et ses journées d'ancienneté. Le 23 décembre 2008, une entrevue s'est déroulée entre MM. H... et G..., d'une part, Melle X..., d'autre part, dont cette dernière a dressé un compte rendu le 5 janvier suivant.
La salariée a pris un congé sans solde à compter du mois de mars 2009.
Le 12 mai 2009, elle a saisi le conseil de prud'hommes du Mans afin d'obtenir le remboursement de son congé sans solde, sa réintégration à son poste au SESSAD et des dommages-intérêts pour préjudice moral.
Après échec de la tentative de conciliation intervenue le 29 juin 2009, par courrier du 17 juillet 2009, Melle Gwenola X... a notifié à son employeur sa démission à effet au 1er août 2009.
Elle a demandé au conseil de prud'hommes de juger que sa mutation notifiée le 16 juin 2008 était discriminante et disciplinaire, de juger que la rupture de son contrat travail était imputable à l'employeur et de condamner ce dernier à lui payer la somme de 9 152, 75 € au titre du congé sans solde, des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat travail ainsi que pour harcèlement et préjudice moral.
Par jugement du 28 juin 2010, auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- débouté Melle Gwenola X... de l'ensemble de ses demandes et l'ADAPEI de la Sarthe de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
- condamné Melle X... aux dépens.
Ce jugement a été notifié à l'Association ADAPEI de La Sarthe et à Melle Gwenola X... respectivement les 2 et 10 juillet 2010.
Melle Gwenola X... en a régulièrement relevé appel par lettre postée le 16 juillet suivant.
Les parties ont été convoquées par le greffe pour l'audience du 20 septembre 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 4 juillet 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Melle Gwenola X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris ;
- de juger que la décision du 16 juillet 2008 est une sanction disciplinaire, illégale et irrégulière ; en conséquence, d'en prononcer l'annulation et de condamner l'ADAPEI de la Sarthe à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;
- à titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la nature de sanction disciplinaire de cette décision, de juger que la mutation du 16 juin 2008 constitue une modification de son contrat de travail qui requérait son accord, et une mesure abusive et discriminante ; en conséquence, de condamner l'ADAPEI de la Sarthe à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi ;
- de juger que l'ADAPEI de la Sarthe lui a opposé un refus de formation abusif qui l'a contrainte à prendre un congé sans solde ; en conséquence, de la condamner à lui payer la somme de 12 211, 95 € en remboursement de ce congé sans solde ;
- de juger que sa démission s'analyse en une rupture de son contrat travail imputable à l'employeur ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; en conséquence, de condamner l'ADAPEI de la Sarthe à lui payer les sommes suivantes :
¤ 4 884, 70 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
¤ 14 654, 10 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
¤ 15 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail ;
-3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
L'appelante soutient que la décision du 16 juin 2008 constitue une mutation autoritaire, à caractère disciplinaire, qui a entraîné une modification de son contrat de travail, qui ne pouvait pas lui être imposée, et non un simple changement de ses conditions de travail, étant observé en outre qu'elle a été affectée sur un poste (secteur des adolescents) qui lui était interdit compte tenu de son état de santé et qui l'empêchait de poursuivre ses formations, mettant ainsi une entrave au bon déroulement de son parcours professionnel. Elle estime que le caractère disciplinaire de cette décision découle également de son caractère temporaire et du fait qu'elle était programmée, qu'elle aurait dû être convoquée à un entretien préalable et que la sanction est disproportionnée et injustifiée.
Melle X... soutient que la rupture est bien imputable à l'Association ADAPEI de La Sarthe qui a pris des décisions arbitraires et l'a empêchée de faire valoir ses droits, agissements qui relèvent du harcèlement moral ; que, ne pouvant revenir travailler au sein de l'établissement et être réintégrée " dans des conditions normales ", elle n'a eu d'autre choix que de donner sa démission.
Aux termes de ses dernières écritures déposées au greffe le 7 septembre 2011, reprises oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, l'ADAPEI de la Sarthe demande à la cour de :
- débouter Melle Gwenola X... de son appel et de l'ensemble de ses prétentions ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions ;
- condamner Melle X... à lui payer la somme de 4. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
L'intimée rétorque que le changement d'affectation ne constitue pas une sanction disciplinaire et n'emportait pas modification du contrat de travail ; qu'il ne comportait aucune dimension discriminante, l'appelante s'avérant d'ailleurs dans l'incapacité de préciser en quoi cette décision aurait été discriminante à son égard.
Pour s'opposer à la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle fait valoir qu'elle est intervenue en cours de procédure prud'homale, à un moment où la salariée était assistée, qu'elle est dépourvue d'ambiguïté et de référence à une quelconque imputabilité de cette décision à l'employeur.
Rappelant qu'elle avait déjà consenti un effort financier important au titre de la formation professionnelle de Melle X..., elle conteste que le refus qu'elle a opposé pour une quatrième année soit abusif ou même seulement fautif. Elle ajoute que, l'appelante ayant pris un congé sans solde en toute connaissance de cause, il lui incombe d'en assumer le coût.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes relatives à la décision du 16 juin 2008
Attendu qu'une mutation disciplinaire consiste en un changement d'affectation ou en changement du lieu de travail d'un salarié décidé par l'employeur à titre de sanction d'un comportement estimé fautif par ce dernier ;
Attendu que Melle X... indique elle-même que, courant 2003, alors qu'elle était affectée au sein du SESSAD, elle a été en proie à des difficultés relationnelles avec certaines de ses collègues éducatrices affectées à ce service avant elle et avec Mme D..., psychologue ; qu'elle estime qu'elle avait alors subi des accusations injustifiées et mensongères et qu'une note établie le 19 mars 2003 par M. R. E..., alors directeur de l'IME Léonce Malécot, avait permis de recadrer les responsabilités de chacun et d'apaiser la situation ;
Attendu que cette note (pièce no 3 de l'appelante) fait état de querelles internes apparues depuis le printemps 2002 et en lien avec le recrutement d'une éducatrice qui apparaît être l'appelante, querelles qualifiées par le directeur comme étant de nature à " mettre très sérieusement en péril " la mission et l'image de l'IME ; que cette note ne tranche pas les responsabilités dans ces querelles mais fait appel au sens de la responsabilité de chacun en précisant que les quatre mois à venir permettraient d'apprécier " l'évolution de la dynamique " et de décider si l'équipe pourrait rester dans la même composition à la rentrée de septembre ;
Attendu que l'équipe éducative a été maintenue ; que la direction de l'IME Léonce Malécot ou " Dispositif Léonce Malécot " s'est ensuite renouvelée, M. H... en devenant le directeur en 2004 et M. G..., le directeur adjoint en 2007 ;
Attendu que Melle X... indique que des problèmes relationnels sont réapparus, notamment entre elle, d'une part, et Mmes I... et J..., éducatrices, d'autre part ; qu'il ressort d'une note établie à l'intention du directeur général de l'ADAPEI de La Sarthe le 26 mai 2008 par M. H... que ces difficultés relationnelles au sein du SESSAD sont, en effet, peu à peu réapparues et se sont amplifiées au point qu'au printemps 2007, selon le directeur, " il devenait de plus en plus difficile aux professionnels de penser au travail " ; attendu que le directeur adjoint de l'IME a reçu Melle X... et Mme G... le 18 juin 2007 ; qu'au cours de la réunion de bilan trimestriel du mois de décembre 2007, ces difficultés ont encore été traitées, le directeur indiquant qu'il pourrait être amené à modifier la composition de l'équipe en affectant des éducatrices sur d'autres postes ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats, notamment d'une note d'incident établie le 20 mai 2008 par M. G..., et de deux notes que lui a adressées Mme F..., la nouvelle psychologue du service, que des heurts et difficultés relationnelles sont encore survenues entre cette dernière et l'appelante au cours de la première quinzaine du mois de mai 2008 et que les conflits au sein du SESSAD revenaient de façon régulière, Mme F... se plaignant de la virulence des propos de Mme X..., tandis que cette dernière estimait être injustement accusée d'être à l'origine des difficultés ;
Attendu que c'est dans ces circonstances que M. H... a fait part à Mme X..., par courrier du 16 juin 2008 rédigé en ces termes, de son changement d'affectation :
" Mademoiselle,
Dans vos différents courriers adressés aussi bien vers les cadres du Dispositif « Léonce Malécot » que vers la Direction Générale, vous faites état de difficultés relationnelles importantes au sein de l'équipe du SESSAD.
Aussi, dans ce climat à charge émotionnelle destabilisante, j'ai pris la décision de mettre une distance entre vous et l'équipe du SESSAD.
A la date du 30 juin 2008 et jusqu'à votre départ en congé au mois de juillet, vous êtes affectée à temps plein au Secteur des Enfants de l'IME.
A partir du 29 août 2008 et jusqu'au 24 juillet 2009, vous êtes affectée au Secteur des Adolescents de l'IME.
Cette année scolaire 2008-2009 a pour objectif de réfléchir aux conditions à réunir pour vous intégrer éventuellement à l'équipe du SESSAD.
Je rappelle, selon vos propos, que cette situation conflictuelle dure depuis plus de huit ans.
" Il est indispensable d'y mettre fin. Elle pourrait être dommageable à la qualité de l'accompagnement due aux enfants. " ;
Attendu que ce courrier ne contient pas, de la part de l'employeur, la manifestation d'une volonté de sanctionner un agissement fautif de Melle X... ; que, contrairement à ce que soutient cette dernière, cette intention n'est pas plus contenue dans la lettre adressée le 26 mai 2008 par M. H... au directeur général de l'ADAPEI ;
Attendu qu'il résulte des éléments objectifs du dossier, ainsi que des propres écrits et indications de Melle X... que le service du SESSAD était, de façon récurrente et persistante depuis 2002 en proie à des difficultés relationnelles entre les professionnels qui y étaient affectés, difficultés qui se sont très nettement réactivées en 2007 et que les différents protagonistes ainsi que la direction estimaient graves et perturbantes au point d'empêcher les membres de l'équipe éducative de " penser au travail ", et au point de nuire à la prise en charge des enfants et des familles, et à la qualité des prestations accomplies à leur égard ;
Attendu que face à ces difficultés relationnelles persistantes et graves, et à l'échec des tentatives de dialogue précédemment mises en oeuvre par l'employeur en vue d'y mettre fin et de maintenir l'équipe, celui-ci a décidé, sans imputer cette situation à faute à Mme X..., de modifier cette équipe en affectant l'appelante à temps plein au service SES de l'IME auquel elle était alors affectée à 30 % ; attendu que cette décision relève du pouvoir de direction de l'employeur et d'organisation du service dans l'intérêt du fonctionnement de celui-ci, des mineurs et des familles pris en charge, ainsi que des salariés eux-mêmes dont les conditions et l'ambiance de travail s'avéraient sérieusement compromises ;
Attendu que Melle X... indique que le SESSAD (Service d'éducation spéciale et de soins à domicile) comporte des équipes pluridisciplinaires qui définissent pour chaque jeune un projet éducatif, pédagogique et thérapeutique en association avec les parents et que l'éducateur intervient au sein de la famille, de l'école et d'autres lieux éventuellement fréquentés par l'enfant selon un rythme défini en fonction de chaque situation, tandis qu'au sein de l'IME, l'éducateur ne se déplace jamais au domicile et rencontre les familles seulement deux fois par an ;
Attendu que, si les conditions d'exercice de la fonction d'éducateur sont différentes selon que l'intéressé est affecté au service du SESSAD ou au service de la SEES de l'IME, il n'en reste pas moins que le changement d'affectation dont Melle X... a fait l'objet à compter du 30 juin 2008 n'emportait pas de modification de son contrat de travail ; qu'en effet, elle conservait son emploi d'éducatrice, la même qualification, la même rémunération, les mêmes avantages, le même lieu de travail, à savoir l'IME Léonce Malecot ; que la décision du 16 juin 2008 emportait seulement modification de ses conditions de travail sans atteinte à ses responsabilités et prérogatives ; attendu que si, le 27 mai 1998, le médecin du travail avait émis un avis d'interdiction du port de charges lourdes, " ex : portage des enfants ", il n'apparaît pas que cette interdiction perdurait en 2008 puisque d'ailleurs, l'appelante était alors affectée à 30 % au sein du service SEES de l'IME ; qu'en outre, à aucun moment, Melle X... n'a invoqué cet avis médical auprès de son employeur dans le cadre de la contestation qu'elle a élevée au titre du changement d'affectation la concernant ; qu'elle n'en a pas plus argué en première instance ; qu'en tout état de cause, cet avis médical est sans influence sur la nature non disciplinaire de la décision et sur l'absence de modification du contrat de travail de la salariée ;
Attendu qu'en l'absence de sanction disciplinaire et de modification de son contrat de travail, l'appelante est donc mal fondée à soutenir qu'elle aurait dû être convoquée à un entretien préalable et que la décision du 16 juin 2008 requérait son accord ;
Attendu qu'elle est tout aussi mal fondée à soutenir que la décision critiquée serait abusive ; qu'en effet, la cour a précédemment mis en évidence que la décision de l'employeur s'est inscrite dans un climat de difficultés relationnelles graves, récurrentes et persistantes au sein du SESSAD que plusieurs tentatives de dialogue et de rapprochements, ainsi que le départ de certains membres de l'équipe (notamment celui de la première psychologue) n'avaient pas permis de régler ; qu'il était du devoir de l'employeur de prendre une décision afin de tenter d'apporter une solution à une situation conflictuelle qui s'enkystait depuis plusieurs années et qui compromettait tant la prise en charge des mineurs et des familles que les conditions de travail des salariés, y compris celles de Melle X... qui a clairement manifesté son mal être dans le cadre de cette équipe de travail ;
Attendu que cette dernière a toujours estimé que le changement d'affectation la concernant était injuste ; que c'est cette opinion qu'elle a émise sur trois pages aux termes du compte rendu de l'entrevue du 23 décembre 2008 qu'elle a établi le 5 janvier 2009 ; que, dans le cadre de la présente instance, elle entend voir qualifier cette décision de discriminante ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière... d'affectation... en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève ou pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas précédents ou pour les avoir relatés ;
Attendu qu'il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait propres à laisser supposer son existence ; qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Attendu que c'est à juste titre que l'employeur oppose que Melle X... procède par voie d'affirmation pour soutenir que la décision de son changement d'affectation serait discriminante sans expliquer cette discrimination au regard du texte susvisé, ni présenter aucun élément de fait propre à laisser supposer que cette décision aurait été prise en raison de l'un des critères ou de l'une des caractéristiques qu'il énonce ;
Attendu enfin, que l'appelante ne démontre pas que la poursuite de sa formation exigeait son maintien au sein du SESSAD et en quoi le fait d'exercer son emploi d'éducatrice au sein de la SEES aurait été un obstacle à son inscription en quatrième année de formation en systémie et en thérapie familiale ; que, là encore, elle procède par voie d'affirmation ;
Attendu, en conséquence, que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'annulation de la décision du 16 juin 2008 et en paiement de dommages et intérêts ;
Sur la demande en remboursement du congé sans solde
Attendu que par lettre du 4 juillet 2008, Melle X... a sollicité, dans le cadre du DIF, le bénéfice d'une quatrième année de formation en systémie et en thérapie familiale afin de se présenter à l'examen du Certificat européen de psychothérapie ; qu'elle précisait ne pas solliciter de participation financière de l'employeur, si ce n'est la prise en charge de la journée " colloque " en 2009 d'un montant de 150 € ; qu'elle demandait également l'autorisation de " présenter une VAE partielle (valorisation des acquis de l'expérience) au Master II " Adaptation et intégration scolaire et sociale " à l'université de Rennes 2 " ;
Attendu que par courrier du 10 juillet 2008, l'employeur lui a opposé un refus en ces termes : " J'accuse réception de votre demande de formation. Toutefois, j'émets un avis défavorable quant à votre poursuite de formation pour une quatrième année dès le mois de septembre 2008. Je vous rappelle l'effort consenti par l'employeur de vous financer une formation pluriannuelle de trois ans. " ;
Attendu que le DIF s'inscrit dans une démarche de décision commune entre le salarié et l'employeur, le droit individuel à la formation n'étant pas un droit acquis du salarié opposable à l'employeur mais nécessitant l'accord de ce dernier ;
Attendu, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, que Melle X... avait bénéficié d'un cycle de formation à la systémie familiale du 16 mai 2006 au 26 juin 2008 dans le cadre pluriannuel d'utilisation des fonds de formation, cette formation ayant été financée sur ces fonds à hauteur de 8 222, 91 € ; qu'elle avait ainsi achevé un cycle entier de formation initiale, la nouvelle formation sollicitée constituant un perfectionnement ;
Attendu, dès lors que Melle X... avait déjà bénéficié d'un cycle complet de formation, qu'il n'était pas abusif de la part de son employeur de refuser qu'elle entame immédiatement une quatrième année dès la rentrée 2008, étant souligné que l'ADAPEI a clairement indiqué à l'inspecteur du travail qu'aucun emploi ou qualification correspondant au perfectionnement sollicité ne se retrouvait dans la convention collective ; que l'employeur était bien fondé à arguer en outre de ce que d'autres salariés devaient pouvoir, à leur tour, bénéficier de temps de formation ;
Attendu que l'avis favorable émis par le chef de service de Melle X... ne s'imposait pas à l'ADAPEI ; que la salariée pouvait différer l'accomplissement de cette formation en perfectionnement et que, contrairement à ce qu'elle soutient, aucun élément objectif ne permet de considérer qu'elle n'ait eu " d'autre choix " que de prendre un congé sans solde pour poursuivre sa formation ; que, comme l'ont retenu les premiers juges, cette décision procède de son libre choix de poursuivre son projet en dépit du refus non abusif de son employeur ;
Attendu, s'agissant de la présentation d'un dossier de VAE, que le courrier ne contient pas la demande de bénéficier d'un congé ; qu'en tout état de cause, en application des dispositions de l'article R 6422-2 du code du travail, une demande d'autorisation d'absence au titre du congé pour validation des acquis aurait dû contenir, outre l'indication du diplôme, du titre ou du certificat de qualification postulé, et celle de la dénomination de l'autorité ou de l'organisme qui délivre la certification, celle des dates, de la nature et de la durée des actions permettant au salarié de faire valider les acquis de son expérience ; que le courrier de Melle X... ne contenant pas ces dernières précisions relatives aux dates et à la durée des actions, l'ADAPEI n'avait pas à y répondre plus précisément ;
Que, si la demande de Melle X... visait à ce que l'employeur lui délivre une attestation selon laquelle elle avait bénéficié d'une " supervision clinique en équipe disciplinaire " de septembre 2002 à Mai 2008, attestation nécessaire pour lui permettre de valider ses formations, il apparaît que ce document lui a été remis le 5 juillet 2010 au bénéfice d'une instance en référé qu'elle a diligentée ;
Que le délai mis à délivrer ce document ne peut pas, en tout état de cause, justifier la demande en remboursement du congé sans solde ;
Que le jugement déféré sera en conséquence également confirmé en ce qu'il a débouté Melle X... de ce chef de prétention ;
Sur la démission
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que, lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ;
Attendu que Melle X... a notifié sa démission à l'ADAPEI de La Sarthe par courrier du 17 juillet 2009 libellé en ces termes : " Monsieur le Directeur, J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que je démissionne à compter du 1er août 2009, respectant ainsi le mois de préavis, comme cela est stipulé dans la convention collective. " ;
Attendu que, si cette lettre ne contient pas de griefs émis à l'encontre de l'employeur, le fait que cette démission soit intervenue après plusieurs mois de relations conflictuelles ayant donné lieu à des échanges de courriers et à une entrevue le 23 décembre 2008 et, après échec de la tentative de conciliation, au cours de la procédure prud'homale engagée par Melle X... pour contester la décision du 16 juin 2008 et le refus opposé à sa demande de formation, caractérise des circonstances antérieures à la démission qui ne permettent pas de considérer que celle-ci a été donnée de manière claire et non équivoque ; que l'appelante soutient donc à juste titre que cette démission doit être requalifiée en une prise d'acte de la rupture par ses soins ;
Attendu que, pour prospérer en sa demande tendant à ce que cette prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il appartient à Melle X... d'établir la réalité de manquements imputables à l'ADAPEI de la Sarthe suffisamment graves de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ;
Attendu que l'appelante argue de ce que sa démission " fait suite aux décisions arbitraires de son employeur ", de la conscience qu'elle avait " de " l'impossibilité de revenir et d'être réintégrée dans des conditions normales ", de " l'impossibilité dans laquelle elle s'est retrouvée de faire valoir ses droits ", d'" événements qui relèvent du harcèlement moral " ;
Mais attendu qu'il a été précédemment mis en évidence que la décision d'affecter Melle X... à un autre service ne procède ni de l'arbitraire, ni de faits de harcèlement moral à son égard, mais de l'exercice du pouvoir de direction qui appartient à l'employeur afin, en l'occurrence, après vaines tentatives de dialogue et de rapprochements, de modifier une équipe de travail et de mettre ainsi un terme à des relations conflictuelles persistantes et récurrentes depuis plusieurs années, nuisant au bon fonctionnement du service et à l'exécution du travail, aucun élément objectif ne permettant d'accréditer la thèse de Mme X... selon laquelle elle aurait été injustement désignée pour occuper à temps plein un poste qu'elle occupait à 30 % ;
Que, si ce n'est que cette affectation lui déplaisait et qu'elle la vivait comme une injustice, rien n'empêchait l'appelante de revenir au sein de l'IME et d'intégrer normalement son poste au sein de la SEES ;
Attendu que Melle X... est mal fondée à soutenir qu'elle n'a pas pu faire valoir ses droits alors qu'elle a été reçue le 23 novembre 2008 et a dressé de cette rencontre avec le directeur et le directeur adjoint de l'IME un compte-rendu aux termes duquel elle exprime son ressenti d'avoir subi une injustice et de n'avoir pas été comprise ; mais attendu que le ressenti de la salarié ne permet de caractériser, ni une attitude arbitraire de l'employeur, ni un refus d'entendre le point de vue de la salariée ;
Attendu, s'agissant du refus opposé à la demande de formation, que la cour a également mis en évidence qu'il ne procédait d'aucun abus et relevait du pouvoir de décision de l'employeur sur ce point ;
Attendu enfin que Melle X... n'établit pas, de la part de son employeur, de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Que l'appelante ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe de manquements de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.
Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Melle X... de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'ensemble de ses demandes pécuniaires accessoires, et de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu, Melle X... succombant en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à l'ADAPEI de La Sarthe, en cause d'appel, une indemnité de procédure de 1 200 €, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, pas arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, condamne Melle Gwenola X... à payer à l'ADAPEI de La Sarthe la somme de 1 200 € (mille deux cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
La déboute elle-même de ce chef de prétention et la condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL