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03/04/2012 | FRANCE | N°11/00011

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 03 avril 2012, 11/00011


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N AD/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00011.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 13 Décembre 2010, enregistrée sous le no 09/01944
ARRÊT DU 03 Avril 2012
APPELANTE :
Madame Sonia X......49300 CHOLET
présente, assistée de Maître GUEMAS substituant Maître Pascal LAURENT (SCP), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCEAvenue des Sables49300 CHOLET
représentée par Maître Agnès PAILLONCY substituant Maître Jocelyn ROBIN (SCP), avocat au barreau de BREST

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Janvier 2012, en audience publique, devan...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale
ARRÊT N AD/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00011.
Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 13 Décembre 2010, enregistrée sous le no 09/01944
ARRÊT DU 03 Avril 2012
APPELANTE :
Madame Sonia X......49300 CHOLET
présente, assistée de Maître GUEMAS substituant Maître Pascal LAURENT (SCP), avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCEAvenue des Sables49300 CHOLET
représentée par Maître Agnès PAILLONCY substituant Maître Jocelyn ROBIN (SCP), avocat au barreau de BREST
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Janvier 2012, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseurMadame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT :du 03 Avril 2012 contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******
EXPOSE DU LITIGE
Mme Sonia X... a été embauchée du 11 mars 1981 au 12 septembre 1981 puis du 14 septembre 1981 au 10 mars 1982 en contrat à durée déterminée, et à compter du 11 mars 1982 en contrat à durée indéterminée, par la sa HYPERALLYE, magasin supermarché sis à Cholet, comme aide-caissière.
Le magasin a été repris par la société Distribution Casino France, appartenant au groupe Casino, et Mme X..., après avoir occupé les emplois de standardiste, employée, responsable commerciale a le 24 janvier 2002 été nommée responsable du personnel statut agent de maîtrise, niveau 4A, coefficient 140.
Mme X... a été reconnue par la COTOREP comme travailleur handicapé, catégorie B du 19 juin 2002 au 12 septembre 2005, puis du 12 septembre 2005 au 12 septembre 2010.
Mme X... a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 octobre 2007 et a fait l'objet le 10 décembre 2007,d'un avis d'inaptitude, pris par le médecin du travail à l'issue d' une seule visite, au motif de l'existence d'un danger immédiat.
Le 24 janvier 2008 l'employeur a fait à Mme X... deux propositions de reclassement qu'elle a refusées; convoquée le 26 janvier 2008 à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 février 2008, elle a été licenciée le 11 février 2008 pour inaptitude.
Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers auquel elle a demandé de dire son licenciement nul et subsidiairement abusif; elle a réclamé paiement d' une indemnité de 40 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la somme de 20 000 €pour violation de l'obligation de formation, d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents, et 1200€ à titre de rappels de salaires pour des heures supplémentaires.
Elle a soutenu que le signataire de la lettre de licenciement n'avait pas de délégation de l'employeur que son inaptitude était due au comportement fautif de l'employeur, n'avoir eu aucune formation depuis 1980, et avoir fait de nombreuses heures supplémentaires.
Par jugement du 13 décembre 2010 le conseil de prud'hommes d'Angers a dit le licenciement de Mme X... régulier et reposant sur une cause réelle et sérieuse, et a débouté Mme X... de toutes ses demandes.
La décision a été notifiée le 15 décembre 2010 à la société Distribution Casino France et le 18 décembre 2010 à Mme X... qui en a fait appel par lettre postée le 4 janvier 2011.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES Mme X... demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 24 juin 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré, sauf en ses dispositions sur l'obligation de formation, et statuant à nouveau, de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Distribution Casino France à lui payer les sommes suivantes:
-40 000€ au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, -23 000€ à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice subi du fait des agissements fautifs de l'employeur, -5704,43 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés afférents, -487,20 € au titre des heures supplémentaires, -3000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X... soutient :
- que son inaptitude a eu pour origine le comportement fautif de l'employeur qui lui a fait faire le travail de trois personnes, après le départ de la standardiste et celui de Mme F..., qui était responsable de la gestion du personnel avec le statut de manager commercial niveau 5; qu'elle faisait alors 53 heures de travail par semaine et a subi une décompensation psychique dont attestent les pièces médicales qu'elle produit; que la jurisprudence retient dans ce cas la possibilité d'un cumul d'indemnisation entre les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnisation complémentaire au titre du préjudice subi;
-que l'employeur n'a pas rempli son obligation de recherche de reclassement puisqu'il n'a pas interrogé toutes les entreprises du groupe, mais s'est borné à faire à la salariée deux propositions de postes en région parisienne et a à tort considéré que le refus de Mme X... épuisait l'obligation qui lui incombe de chercher à reclasser le salarié avant d'envisager son licenciement, sans justifier d'une impossibilité de reclassement;
-qu'elle étaye sa demande d'heures supplémentaires, en produisant les feuilles de pointage sur lesquelles sont indiquées de manière manuscrite les heures faites hors modulation, puisque l'entreprise appliquait un accord "ombrelle" de modulation du temps de travail du 17 juin 1999;qu'il lui restait dû la somme de 1962,52€ et qu'il ne lui a été versé, au regard du bulletin de paie de février 2008, que celle de 1475,52 €;
-qu'elle a droit, compte tenu de son statut de travailleur handicapé, au versement d'un préavis de trois mois puisque l'inexécution de celui-ci est imputable à l'employeur ;
La société Distribution Casino France demande à la cour par observationsorales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 26 décembre 2011,auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris et de condamner Mme X... à lui payer la somme de 3000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Distribution Casino France soutient:
-que Mme X... a devant les premiers juges essentiellement argué de la nullité du licenciement du fait du défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement et a attendu trois ans et demi après la notification du licenciement pour mettre en cause l'employeur sur un prétendu manquement à l'obligation de reclassement; qu'elle n'a jamais saisi, en 26 ans les instances utiles (chsct, inspection du travail)sur ses conditions de travail; qu'elle a occupé les fonctions de responsable du personnel à compter du 1er janvier 2002 et non à compter du11 septembre 1980 comme elle le soutient; qu'elle avait demandé, lors d'un entretien d'évaluation, le 20 avril 2007, une promotion professionnelle et qu'une proposition lui a été faite en juillet 2007; que l'employeur n'a pas créé de surcharge de travail mais a au contraire pris en compte les contraintes liées à l'état de santé de Mme X... ;qu'il démontre que le poste de Mme X... pouvait parfaitement être tenu dans le volume horaire qui lui était affecté;que les pièces médicales produites ne sont pas probantes;
-que la recherche de reclassement a été faite puisque deux postes en région parisienne, avec même rémunération et même statut, ont été proposés à la salariée; que le médecin du travail avait indiqué quant à l'établissement de Cholet "il n'y a pas d'aménagement de poste ni de reclassement possible dans cette entreprise";que Mme X... avait fait savoir par un écrit du 14 janvier 2008 qu'elle n'était absolument pas mobile en dehors de la ville de Cholet;
-que l'impossibilité d'exécuter le préavis a eu pour cause l'inaptitude de Mme X... pour maladie non professionnelle et qu'aucune somme ne lui est donc due à ce titre;
-que Mme X... n'étaye pas sa demande de rappel de salaires pour des heures supplémentaires; qu'elle a bénéficié de récupérations et prend en compte dans son tableau des jours fériés, des jours de congés payés et des périodes d'hospitalisation; qu'enfin sa fiche de paie pour février 2008 fait mention du paiement de 32,35 heures majorées et de 79,50 heures hors modulation;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
La lettre de licenciement fixe les termes du litige:en l'espèce le courrier adressé le 11 février 2008 à Mme X... est ainsi libellé:
"Madame,
Nous faisons suite a notre entretien du 05 février 2008 au cours duquel nous avons évoqué votre impossibilité de reprendre votre emploi antérieur en raison de votre inaptitude physique reconnue par Ie médecin du travail.
Nous vous rappelons que lors de la visite médicale de reprise du 10 décembre 2007, Ie docteur G... dans son avis médical a déclaré: « inapte au poste de responsable commerciale confirmée et à tout autre poste dans cette entreprise. Cette inaptitude se fait en une seule visite pour danger grave et immédiat selon I'article R 241-51-1 »,
Devant envisager votre reclassement en dehors de notre établissement, et compte tenu de votre statut de travailleur handicapé, nous avons en date du 27 décembre 2007, sollicité Ie médecin du travail sur les orientations que nous pouvions prendre, et I'éventualité d'un réentraînement au travail et rééducation professionnelle. En date du 03 janvier 2008, Le docteur G... nous a confirmé son avis médical en précisant qu'un (qu'aucun?)aménagement de poste n'était possible vous concernant.
Nous avons élargi nos recherches sur I'ensemble du groupe Casino, et soumis à I'avis du CHSCT réuni en réunion extraordinaire Ie mardi 15 janvier 2008, deux propositions de postes, à savoir :
-Adjointe au Responsable du I'activité carburant hypermarchés basé à Croissy Beaubourg (77), dans la société EMC Distribution, notre centrale d'achats
-Assistante d'achat basé à Bussy St Georges (77) dans la société EMC Distribution.
Les membres du CHSCT n'ont pas été en mesure de formuler d'autres propositions de poste du fait de votre inaptitude déclarée par Ie médecin du travail et devant votre absence de mobilité géographique que vous aviez parallèlement précisée par écrit.
C'est dans ce cadre que nous vous avons proposé les deux postes cités ci-dessus par courrier daté du 23 janvier. Toutefois, en date du 24 janvier vous nous avez précisé refuser de manière nette et définitive nos deux propositions de reclassement au motif que vous ne souhaitez pas quitter Ie site de Cholet pour raisons personnelles et médicales.
Dans ces conditions, malgré les recherches que nous avons effectuées, nous n'avons pu aboutir à votre reclassement, ce qui nous contraint aujourd'hui de mettre un terme à votre contrat de travail.
Etant donné que votre état de santé ne vous permet pas d'effectuer votre préavis, cette mesure prendra effet à compter de la première présentation de la présente par la Poste.."

¤Sur le reclassement
Aux termes de l'article L122-24-4 du code du travail, devenu l'article L1226-2 du même code, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi qui doit être, d'une part, approprié à ses capacités compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, d'autre part, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail;
L'avis du médecin du travail d' inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise, et d'impossibilité de son reclassement dans l'entreprise, ne dispense pas l'employeur de rechercher toutes les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise, et le cas échéant à l'intérieur du groupe auquel appartient l'entreprise, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer ensuite au salarié,quelle que soit la position prise par lui, tous les emplois disponibles appropriés à ses capacités, au besoin après mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail, ou aménagement du temps de travail;
Or, la lettre de licenciement adressée à Mme X... énonce que le reclassement de la salariée n'est pas recherché au sein de l'établissement de Cholet, compte tenu de l'avis donné par le médecin du travail d'une impossibilité de reclassement et de son écrit du 3 janvier 2008, répondant à l'employeur: "il n'y a pas d'aménagement de poste ni de reclassement possible dans cette entreprise";
La recherche de reclassement est donc d'ores et déjà affirmée comme non effectuée dans l'entreprise elle-même, ce dont pourtant l'employeur ne peut se dispenser;
En outre, la preuve de l'existence d'une recherche sérieuse de reclassement pèse sur l'employeur;
Cette recherche devait être effectuée dans l'ensemble du groupe Casino, puisqu'il n'est pas contesté que la société Distribution Casino France appartient à celui-ci, quelle que soit la position affirmée par Mme X... quant à sa mobilité : l'avis du CHSCT qui s'en est tenu à l'écrit de Mme X... dans lequel la salariée exprimait sa volonté de ne pas quitter Cholet, est donc inopérant pour justifier que l'employeur ait cessé ses recherches dès lors que Mme X... avait refusé ses deux premières propositions, situées en région parisienne;
L'exploitation, d'autre part, d'une bourse d'emploi commune aux entreprises du groupe, soit d'un fichier informatique d'emploi, au seul regard du "profil et de la formation" de Mme X..., et non en considération des fonctions occupées par la salariée , de son âge de ses compétences ne constitue pas la réalisation de démarches précises effectuées pour parvenir à son reclassement;
En effet la fiche de présentation du poste d'adjoint au responsable de l'activité carburant hypermarchés montre qu'il est nécessaire de maîtriser les outils bureautiques mais aussi la gestion d'un compte d'exploitation, et celle du poste assistante d'achats indique qu'il s'agit d'assurer le suivi administratif et commercial des fournisseurs et des produits, la préparation et le suivi des appels d'offre ; les fonctions proposées sont par conséquent très différentes de celles occupées par Mme X..., lesquelles relevaient du secrétariat, de la gestion de personnel, et de l'organisation générale du magasin, avec des compétences reconnues en droit du travail;
L'employeur d'autre part ne précise aucunement, sans contester pourtant que la société Distribution Casino France appartienne à un groupe, l'importance de celui-ci, ses implantations géographiques, notamment dans la région de Cholet, ses effectifs et la nature des emplois existant en son sein;
L'employeur ne justifie donc pas d'une recherche sérieuse de reclassement de la salariée;
D'autre part, le refus opposé par Mme X... aux deux propositions de postes qui lui ont été faites, qui modifient totalement les fonctions exercées, et par conséquent opèrent une modification du contrat de travail, n'est de ce fait pas abusif et ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement : l'employeur devait poursuivre ses recherches et faire d'autres propositions à la salariée ou apporter la preuve qu'il ne disposait d'aucun autre poste disponible, ce qu'il ne fait pas puisqu'il n'indique même pas le nombre et la nature des emplois existant dans le groupe et correspondant aux qualifications de Mme X..., ni leur localisation;
L'inaptitude de la salariée, constatée par le médecin du travail, n'est pas à elle seule susceptible de caractériser un motif légitime de licenciement ;seuls l'impossibilité de reclassement ou le refus injustifié du salarié du poste qui lui est proposé sont de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail :à défaut de recherche sérieuse et justifiée de reclassement de la salariée inapte, et le refus par celle-ci des postes proposés n'étant pas abusif le licenciement doit être dit, par voie d'infirmation du jugement entrepris, sans cause réelle et sérieuse ;
¤Sur l'origine de l'inaptitude
Lorsque le comportement fautif de l'employeur est à l'origine de l'inaptitude, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse; le salarié a en outre droit, si ce comportement fautif a été à l'origine de la détérioration de sa santé, à une indemnisation complémentaire;
Mme X... soutient qu'elle a à compter de janvier 2002, outre ses propres activités, dû accomplir les tâches essentielles qui incombaient jusque là à Mme F..., responsable de la gestion du personnel avec un statut de manager commercial niveau 5,laquelle est passée à mi-temps en cessation progressive d'activité avant sa retraite, intervenue finalement le 31 décembre 2006;
Mme X... ajoute qu'à partir de 2004 d'autre part le standard a été supprimé, alors que Mme I..., qui en avait la charge, effectuait aussi l'ouverture, le tri et l'envoi des courriers pour le service de gestion du personnel, et qu'elle n'a pas été remplacée dans l'accomplissement de ces tâches;
L a société Distribution Casino France , tout en contestant toute réalité d'une surcharge de travail de Mme X... à compter de 2002, ne verse aux débats aucune fiche de poste la concernant et permettant de connaître la nature des activités que la salariée avait en charge en janvier 2002, avant le passage à mi-temps de Mme Rideau;il est cependant établi que Mme X..., qui avait à ce moment là la qualification d'employée, était à temps plein et travaillait avec Mme F..., et Mme I... qui y apportait une contribution partielle, au service de gestion du personnel;
Il n'est cependant ni justifié, ni même argué par l'employeur, que les tâches initiales de Mme X... aient été supprimées, réduites ou modifiées;
Mme F... atteste d'autre part que dès janvier 2002, puisque son mi-temps s'exerçait le lundi, le mardi et le mercredi, et compte tenu de son absence sur la deuxième moitié de la semaine, il a été décidé que Mme X... prendrait la "responsabilité du service";
Mme F... affirme encore que les tâches étaient nombreuses, puisque le personnel à gérer était en moyenne de 190 personnes, et qu'il fallait :" faire suivre les données de la paie au siège,(arrêts de travail, acomptes, congés payés, solde de tout compte..),assurer le suivi des tenues de travail et des vestiaires, le suivi des déplacements du directeur, le secrétariat du directeur, le suivi des litiges clients, les réponses négatives des demandes d'emploi, le pré-recrutement des embauches avec prises de rendez-vous et premier contact, le suivi des stagiaires écoles, la présence dans les réunions CHSCT-DP-CE et encadrement ";
Mme F... indique sans ambiguïté que la réalisation de ces tâches s'effectuait, jusqu'en 2004, à trois personnes elle-même, pour 23 heures Mme X... à temps plein et la standardiste, qui "aidait au classement, à l'ouverture et à l'envoi du courrier";
Elle ajoute:"il était donc inconcevable qu'elle (Mme X...) puisse rester toute seule après mon départ en retraite le 31 décembre 20006";
L'attestation de Mme I..., que l'employeur produit pour démontrer qu'à partir de 2004,alors que cela avait été dit possible, Mme X... n'a pas demandé l'aide même ponctuelle de l'ancienne standardiste, révèle en tout état de cause que Mme I... accomplissait bien, jusqu'en 2004,des "tâches de gestion du personnel que lui confiait Mme X..." ;
L'attestation de Mme K..., manager opérationnel, également versée aux débats par l'employeur, si elle confirme, ce que ne contredit pas Mme X... que le changement des tenues vestimentaires, réalisé en juin 2007, a été une tâche ponctuelle, témoigne aussi de ce que cette tâche a bien été affectée à Mme X..., en tant que responsable de la gestion du personnel ;
Cette attestation décrit les "renforts " dont Mme X... a disposé pour traiter la répartition de ces 200 tenues, ainsi: "Mme X... bénéficiait d'une stagiaire de l'université d'Angers, et du renfort, à plusieurs reprises, de la responsable du pôle espace service, enfin le service réception triait les tenues par taille, dans chaque carton livré";
Mme X... a donc bien eu la responsabilité globale de cette opération, s'ajoutant à ses charges existantes;
Il n'est pas contesté par l'employeur qu'elle ait dû enfin, à compter de septembre 2007, accompagner le directeur aux réunions de CHSCT-DP et CE, ce qu'elle n'avait pas fait jusque là;
Au demeurant, le lien entre la dégradation de l'état de santé de Mme X... et une surcharge de travail est décrit dans le compte rendu de consultation de pathologie professionnelle au C.H.U.d'Angers que le docteur L... a le 30 novembre 2007 adressé au médecin du travail;
Le docteur L... consigne dans cet écrit la description faite par Mme X... de l'accumulation des tâches intervenue depuis 2002 et 2004, son ressenti d'absence de reconnaissance de l'employeur, et le caractère, insupportable pour elle, de la proposition qui lui a été faite en 2007, en guise de promotion, d' un contrat de travail incluant des suggestions d'horaires supplémentaires et une clause de mobilité; il note ensuite :
"Sur le plan des répercussions sur sa santé, nous avons constaté au cours de la consultation un état de souffrance psychique majeur avec, à l'évocation des évènements vécus au travail des pleurs et une dyspnée, ce qui montre la gravité du traumatisme et le lien avec le travail. Le diagnostic de la décompensation psychopathologique liée au travail de Mme X... est cliniquement caractérisé par un état d'épuisement physique et psychique ("burn out"),un syndrome anxiodépressif réactionnel sans idées suicidaires mais avec des troubles de l'humeur envahissant la sphère familiale, un syndrome de stress post-traumatique concernant de nombreux éléments du travail (lieux et personnes),associés à des troubles cardio-vasculaires inexistants auparavant, une aggravation de la symptomatologie rhumatismale .Des explorations biologiques ont été jugées nécessaires par le médecin traitant.Nous avons rédigé une déclaration de maladie à caractère professionnel que vous trouverez ci-joint.Nous avons convenu, avec Mme X..., de la nécessité d'un soutien spécialisé passager pour passer le cap de la phase aigüe de cette décompensation et pour qu'elle comprenne, pour elle-même, quel rôle son investissement dans le travail tient dans sa vie;"
Le comportement de l'employeur, qui a laissé en connaissance de cause Mme X..., à compter de 2002, en janvier 2004, puis plus encore à compter de janvier 2007, date à laquelle elle s'est retrouvée seule au sein du service de gestion du personnel, jusque là tenu par trois, puis deux salariées, en situation chronique de surcharge de travail, et qui lui a proposé pour toute compensation la perspective d'une délocalisation d'emploi, même assortie d'une augmentation de sa rémunération, a caractérisé une exécution déloyale du contrat de travail ;cette faute est à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Mme X..., tant sur le plan physiologique que psychique, ainsi qu'en atteste le compte rendu de consultation du docteur L... ;
Le comportement de la société Distribution Casino France, qui est à l'origine de l'inaptitude, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, et ouvre droit d'autre part en étant à l'origine de la détérioration de l'état de santé de la salariée, à une indemnisation de ce préjudice, distincte de l'indemnité due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
¤Sur les demandes indemnitaires de Mme X...
Mme X... justifie d'une ancienneté supérieure à deux ans dans l'entreprise, (26 années), et l'effectif de la société Distribution Casino France est d'au moins onze salariés (environ deux cents) ;la salariée licenciée peut prétendre dans ces conditions à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, l'indemnité mise à la charge de l'employeur ne pouvant pas être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois, lesquels se sont élevés à la somme de 12 126,30 €;
En considération de l'ancienneté de Mme X... et de sa situation personnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par voie d'infirmation du jugement déféré, la réparation due à la salariée licenciée à la somme de 40 000€;
La détérioration de son état de santé, due à la faute de l'employeur, et qui a entraîné notamment une thérapie psychologique, justifie la condamnation de la société Distribution Casino France à lui payer la somme de 20 000€ en réparation du préjudice subi ;
En application des dispositions de l'article L1234-5 du code du travail (ancien article L122-8), lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice; le statut de travailleur handicapé de Mme X... établit la durée du préavis, par application des dispositions de l'article L5213-9 du code du travail(ancien article L323-7),à trois mois;
L'inexécution de son préavis par Mme X... , due à l'inaptitude, est imputable à l'employeur comme l'est l'inaptitude;
L'indemnité correspond à la rémunération à laquelle aurait pu prétendre la salariée si elle avait exécuté normalement son préavis, soit à la somme de 5704,43 € outre 570,44€ pour les congés payés y afférents; sur la demande de rappel de salaire
Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail (ancien article L 212-1-1) que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties: l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, auxquels l'employeur puisse répondre;
Mme X... produit un tableau reprenant, du 11 octobre 2004 au 31 août 2007,les heures de travail qu'elle a réalisées par semaine; ce tableau s'appuie sur les fiches de "badgeages", qu'elle produit pour la même période, et qui résultent de la mise en place par l'employeur d'un outil de gestion du temps permettant à chaque salarié, dans les termes de l'accord "ombrelle " du 17 juin 1999 appliqué par l'entreprise en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail, de suivre mensuellement sa situation personnelle quant aux heures travaillées;
Les dispositions applicables au personnel d'encadrement de cet accord "ombrelle" stipulent que le temps de travail effectif hebdomadaire ne devra pas dépasser 42 heures ;la durée du temps de travail effectif hebdomadaire est réduite, à l'article 2 de l'accord, et à compter du 1er janvier 2000, à 34heures 30 pour les salariés à temps complet ;
Il est encore stipulé dans l'accord au chapitre "régularisation des heures travaillées et des heures payées", que :"si à la fin de la période de référence, il existe un différentiel entre les heures travaillées et les heures rémunérées, ce différentiel sera régularisé de la manière suivante: différentiel en faveur du salarié: les heures effectuées donneront lieu au bénéfice d'un repos compensateur équivalent tenant compte, le cas échéant, des majorations légales pour heures supplémentaires ou seront payées, au choix du salarié".
La société Distribution Casino France est par conséquent en mesure de vérifier la conformité de la demande de Mme X... avec les dispositions de l'accord "Ombrelle" à la lecture d'un relevé hebdomadaire des heures travaillées par la salariée de 2004 à 2007, et des fiches de badgeage, ce qu'elle ne fait cependant pas ;
Elle se contente de dire que Mme X... a pu bénéficier de récupérations, alors que l'accord prévoit que le salarié peut choisir la rémunération des heures travaillées hors modulation, et soutient aussi que des erreurs apparaissent dans le calcul de Mme X..., qui a retenu des jours fériés, des jours de congés payés et des heures d'hospitalisation (8heures)dans son compte d'heures supplémentaires;
Les majorations appliquées par Mme X... sur son décompte ( 25% de 39 à 43 heures hebdomadaires de travail, et de 50% au delà de 43 heures), sont conformes aux règles stipulées par l'article L3121-22 du code du travail(ancien article L212-1),qui prévoit une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires (de 35 à 43 heures) et de 50% pour les heures suivantes;
Il faut cependant retirer les heures d'hospitalisation, de congés payés et les jours fériés, qui ne sont pas des heures effectuées, soit 38 h à 25 % et 15,75h à 50%, ce qui représente la somme de 38 hx2,80€+15,75 h x 5,60€=194,60€;
Le bulletin de paie remis à Mme X... pour le mois de février 2008 mentionne pour des heures du solde de modulation et pour des heures supplémentaires à 25%,un montant total versé de 1475,32 €,alors que la demande justifiée de Mme X... est, en conséquence de son tableau d'heures supplémentaires de 1962,52 € - 194,60€= 1767,92€;
La société Distribution Casino France est condamnée, par voie d'infirmation du jugement,à payer à Mme X... la somme de 1767,92€-1475,32€= 292,60 €,au titre des heures supplémentaires;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmées; il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais non compris dans les dépens et engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel; la société Distribution Casino France est condamnée à lui payer à ce titre, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2000 € ; la société Distribution Casino France est déboutée de sa propre demande à ce titre,
La société Distribution Casino France qui succombe au procès est condamnée à payer les dépens de première instance et d'appel;

PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande pour non-respect de l'obligation de formation, le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 13 décembre 2010,
Statuant à nouveau,
DIT le licenciement de Mme X... sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Distribution Casino France à payer à Mme X... la somme de 40 000€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Distribution Casino France à payer à Mme X... la somme de 5704,43 € à titre d'indemnité de préavis outre la somme de 570,44€ pour les congés payés y afférents;
CONDAMNE la société Distribution Casino France à payer à Mme X... la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi,
CONDAMNE la société Distribution Casino France à payer à Mme X... la somme de 292,60 € au titre des heures supplémentaires,
CONDAMNE la société Distribution Casino France à payer à Mme X... la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE la société Distribution Casino France de sa demande à ce titre,
CONDAMNE la société Distribution Casino France aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00011
Date de la décision : 03/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-03;11.00011 ?
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