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24/04/2012 | FRANCE | N°09/02714

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 avril 2012, 09/02714


COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N
CLM/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02714
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 26 Novembre 2009, enregistrée sous le no 08/00392

ARRÊT DU 24 Avril 2012

APPELANTE :
S.A. NTN TRANSMISSIONS EUROPEZA des TrémelièresCUM72704 ALLONNES CEDEX
représentée par Maître Alain PIGEAU, avocat au barreau du MANS

INTIME :
Monsieur Philippe X......56860 SENE
représenté par Maître Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affai

re a été débattue le 31 Janvier 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Mad...

COUR D'APPELD'ANGERSChambre Sociale

ARRÊT N
CLM/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/02714
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 26 Novembre 2009, enregistrée sous le no 08/00392

ARRÊT DU 24 Avril 2012

APPELANTE :
S.A. NTN TRANSMISSIONS EUROPEZA des TrémelièresCUM72704 ALLONNES CEDEX
représentée par Maître Alain PIGEAU, avocat au barreau du MANS

INTIME :
Monsieur Philippe X......56860 SENE
représenté par Maître Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, présidentMadame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseurMadame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :du 24 Avril 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE :
Né en 1950, M. Philippe X... a été salarié de la Régie Nationale des Usines Renault du 1er septembre 1976 au 31 décembre 1998, puis de la société Nouvelle Transmissions du Mans (société SNT) du 1er janvier 1999 au 30 juin 2002. Dans le cadre d'une cession totale de l'activité des transmissions du groupe Renault et en application des dispositions, alors, de l'article L 122-12 ancien du code du travail, M. X... est devenu le salarié de la société NTN Transmissions Europe à compter du 1er juillet 2002, avec reprise de son ancienneté acquise au sein de la Régie Nationale des Usines Renault et de la société Nouvelle Transmissions du Mans. Il a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 31 décembre 2006.M. X... a, par ailleurs, milité au sein du syndicat CGT et rempli divers mandats de représentation du personnel de 1992 à 2002 au sein des sociétés Renault et SNT, puis, à compter du 1er juillet 2002 au sein de la société NTN Transmissions Europe.
A compter du 1er juillet 2002, cette dernière a appliqué à M. X... des conditions de rémunération identiques à celles qui lui étaient appliquées antérieurement, soit un coefficient de 195 et un salaire mensuel brut de base de 1 186,99 €.
Par lettre recommandée du 22 juillet 2004, se référant à l'accord Renault du 14 décembre 2001 "relatif au règlement des litiges résultant d'évolutions professionnelles de représentants du personnel" et à la note Renault d'application no 2004/324 du 19 avril 2004 précisant, notamment, la situation du personnel transféré dans le cadre de l'article L 122-12 du code du travail, et soutenant avoir subi une discrimination quant à l'évolution de sa carrière et de sa rémunération en raison de son engagement syndical en tant qu'élu de la CGT et ce, depuis l'année 1991, date de sa prise de mandat, M. X... a demandé à la société NTN Transmissions Europe d'examiner son dossier dans sa globalité afin que soit réparé le préjudice résultant pour lui de cette discrimination.
Le 16 septembre 2004, la société NTN Transmissions Europe lui a répondu que l'accord Renault du 14 décembre 2001 ne trouvait pas à s'appliquer en son sein comme ne faisant partie ni directement, ni indirectement du statut collectif de l'entreprise ; qu'en conséquence, il lui appartenait d'apprécier les initiatives à prendre à l'égard de la société Renault pour la période au cours de laquelle il avait été son salarié ; qu'enfin, une fois intervenue une solution amiable ou judiciaire au différend l'opposant à la société Renault, il pourrait l'en avertir en lui donnant connaissance des "éléments de fait permettant selon lui d'invoquer cette même discrimination" en son sein, sur quoi alors, et dans le respect des principes jurisprudentiels, ses doléances pourraient être examinées.
M. X... ayant fait valoir ses revendications auprès de ses deux précédents employeurs, en application des dispositions de l'article 2044 du code civil, le 7 septembre 2007, un accord transactionnel a été conclu entre lui et les sociétés Renault et SNT, aux termes duquel ces dernières ont accepté de lui verser la somme brute de 2 102,74 € à titre d'indemnité transactionnelle destinée à couvrir le préjudice matériel, professionnel et moral qu'il estimait avoir subi du chef de son évolution de carrière.
Par courrier du 7 septembre 2007, M. X... a fait part à la société NTN Transmissions Europe de cet accord transactionnel, lui a rappelé que, dans le cadre de la cession d'activité des transmissions "Renault-SNT" en sa faveur, elle s'était engagée à ce que les anciens salariés de ces deux entreprises ne subissent pas de perte de salaire, et il lui a en conséquence demandé de "régulariser" sa situation "vis à vis du préjudice reconnu par Renault".
Par lettre du 13 septembre 2007, la société appelante a :- pris acte de cet accord transactionnel intervenu en application de l'accord de méthode du 14 décembre 2001, dont elle a rappelé qu'il ne trouvait pas à s'appliquer en son sein, et de l'obtention d'une indemnité destinée à réparer le préjudice résultant pour M. X... d'une discrimination subie au cours de sa collaboration au sein du groupe Renault ;- constaté qu'il s'était inscrit dans la logique des dispositions de l'article L 122-12-1 du code du travail et relevé que la modification dans la situation juridique de l'employeur n'avait pas pour effet de mettre à la charge du nouvel employeur les créances indemnitaires de nature à réparer les conséquences dommageables d'une faute imputable au précédent employeur ;- considéré qu'en l'absence de toute discrimination subie en son sein, son préjudice avait été intégralement réparé, et relevé que l'indemnisation obtenue dans le cadre transactionnel ne lui permettait pas de revendiquer, de manière directe ou indirecte, une reconstitution de carrière ou une revalorisation de sa rémunération en son sein, ce qui reviendrait à lui faire supporter les conséquences financières d'une faute qu'elle n'a pas commise, alors qu'elle respecte toutes les obligations découlant du contrat de travail.
C'est dans ces circonstances que, le 15 juillet 2008, M. Philippe X... a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice résultant pour lui de la poursuite, à compter du 1er juillet 2002, au sein de la société NTN Transmissions Europe, de la discrimination syndicale subie dans son évolution de carrière au sein des sociétés Renault et SNT.
Par jugement du 26 novembre 2009 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes du Mans a :- dit que le préjudice lié à la discrimination syndicale que M. Philippe X... a subie dans son évolution de carrière au sein des sociétés Renault et SNT s'est poursuivi après le 1er juillet 2002, date de son transfert au sein de la société NTN Transmissions Europe;- dit que M. Philippe X... a subi une discrimination syndicale depuis le 1er juillet 2002 ;- condamné la société NTN Transmissions Europe à lui payer la somme de 2941,13 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sans préjudice d'une indemnité de procédure de 350 € ;- débouté la société NTN Transmissions Europe de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens.
Les deux parties ont reçu notification de ce jugement le 1er décembre 2009 ; la société NTN Transmissions Europe en a relevé appel par lettre recommandée postée le 4 décembre suivant.
L'affaire a été renvoyée à la demande des parties lors des audiences des 30 novembre 2010 et 31 mai 2011 pour être finalement plaidée le 31 janvier 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La société NTN Transmissions Europe demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter M. Philippe X... de ses prétentions, de le condamner à lui payer la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Invoquant une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée à la portée du protocole transactionnel signé le 7 septembre 2007, l'appelante soutient tout d'abord que, M. X... s'étant, aux termes de l'article 2 de cet acte, estimé définitivement rempli de tous ses droits du chef de la conclusion et de l'exécution des relations contractuelles l'unissant à la société Renault ou à toute autre société du groupe Renault, "appréciées" à la date de signature de l'acte, et l'intéressé ayant fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2006, il s'ensuit, qu'en l'absence de mention dans le protocole d'un droit à indemnisation en raison de sa situation au jour du transfert de son contrat de travail, il a définitivement et irrévocablement reconnu avoir été rempli de ses droits par le versement de la somme convenue et ne plus avoir de réclamation à formuler, quel que soit l'employeur concerné. L'employeur soutient en second lieu que le raisonnement de M. X... qui, selon lui, revient à prétendre lui faire supporter les conséquences financières d'un préjudice de carrière qui ne lui est pas imputable et lui est même totalement étranger, emporte violation des dispositions de l'article L 122-12 ancien du code du travail, devenu L 1224-1 et L 1224-2, et de la jurisprudence y afférente de laquelle il résulte que le transfert d'un contrat de travail ne peut pas avoir pour effet d'obliger le nouvel employeur au paiement des créances indemnitaires sanctionnant une faute de l'ancien employeur.Il estime que le raisonnement du salarié et celui des premiers juges revient à considérer, de façon erronée, que la conclusion d'une transaction avec le premier employeur pourrait avoir pour effet, nonobstant l'absence de responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle du nouvel employeur, de générer, rétroactivement, de nouvelles obligations à la charge de ce dernier, telle une reconstitution de carrière.
Enfin, la société NTN Transmissions Europe rappelle que la discrimination suppose un comportement délibéré et volontaire de l'employeur duquel une indemnisation est sollicitée. Elle oppose que, même en présence d'un transfert du contrat de travail, on ne peut pas admettre, comme le souhaite M. X..., une nouvelle notion dans le cadre de laquelle la discrimination ne serait que la conséquence d'une discrimination antérieurement commise par le précédent employeur.
Or elle fait valoir que le salarié n'allègue à son encontre aucun fait ou acte laissant supposer qu'en son sein, et au cours des périodes d'exécution du contrat de travail la concernant, il aurait été victime d'une discrimination directe ou indirecte.
M. Philippe X... demande quant à lui à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la discrimination syndicale qu'il a subie dans son évolution de carrière au sein des sociétés Renault et SNT s'est poursuivie, à partir du 1er juillet 2002, au sein de la société NTN Transmissions Europe et, formant appel incident, il entend voir porter à la somme de 3 256,25 € le montant des dommages et intérêts propres à réparer le préjudice qui est résulté pour lui de cette discrimination subie au sein de l'appelante.Il sollicite la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'appelante aux dépens.
A la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée à la transaction, l'intimé rétorque que l'appelante ne peut pas se prévaloir d'une transaction à laquelle elle n'était pas partie, que le seul préjudice indemnisé est celui subi, et dont le montant a été arrêté, à la date de son départ du groupe Renault, qu'en signant la transaction, il a donc seulement reconnu être définitivement rempli de ses droits du chef de ses relations contractuelles avec les sociétés du groupe Renault et non avec la société NTN Transmissions Europe ; que les énonciations contenues dans l'article 2 du protocole transactionnel ne permettent nullement de considérer que l'indemnisation aurait couvert le préjudice de carrière subi après son départ du groupe Renault.
Au fond, à l'audience, par la voix de son conseil, M. X... précise qu'il ne demande pas l'application de la transaction et il déclare abandonner le moyen selon lequel, la société NTN Transmissions Europe serait, en application des dispositions de l'article L 122-12 ancien du code du travail, devenu l'article L 1224-1, subrogée purement et simplement, et de manière générale, dans tous les droits, obligations et engagements des sociétés Renault et SNT et, par voie de conséquence, obligée à raison de la discrimination syndicale qu'il a subie au sein de ces entreprises et dont les effets préjudiciables se sont poursuivis au cours de sa relation de travail avec l'appelante.
Il précise que ce n'est pas la faute des précédents employeurs qu'il invoque pour réclamer réparation du strict préjudice qu'il a subi depuis la reprise de son contrat travail par la société NTN Transmissions Europe, mais bien la faute de cette dernière.Il estime que l'attitude discriminatoire de celle-ci à son égard résulte, d'une part, de ce qu'elle a refusé de réajuster son salaire dont il a été reconnu qu'il procédait d'une discrimination à raison de ses activités syndicales, alors que ce réajustement s'imposait ne serait-ce qu'en vertu de l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, d'autre part, de l'évolution anormale du complément individuel de performance qu'elle lui verse. Or il fait observer que l'appelante ne fournit aucune explication pour tenter d'établir que sa décision serait justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au protocole transactionnel : Attendu que le premier moyen soulevé par la société NTN Transmissions Europe s'analyse en une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée qu'elle estime attachée au protocole transactionnel du 7 septembre 2007 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1er de cet accord, M. X... s'est vu attribuer par la société Renault et par la société SNT la somme brute forfaitaire et définitive de 2102,74 € d'indemnité transactionnelle couvrant le préjudice matériel, professionnel et moral qu'il estime avoir subi au titre de son évolution de carrière ;Attendu qu'à l'appui de la fin de non-recevoir qu'elle soulève, l'appelante invoque les dispositions de l'article 2 du protocole ainsi rédigé : "En contrepartie de ce qui précède, M. Philippe X... s'estime définitivement rempli de tous ses droits du chef de la conclusion, de l'exécution des relations contractuelles qui l'unissent à la société Renault ou toute autre société du groupe Renault, appréciées à la date de signature de la présente transaction.M. Philippe X... s'engage en conséquence à renoncer irrévocablement à toute action, de quelque nature que ce soit, devant toute juridiction française ou étrangère, du chef de la conclusion, de l'exécution des relations contractuelles qui l'unissent à la société Renault à la date de la signature de la présente transaction." ;
Mais attendu qu'aux termes des articles 2049 et 2052 du code civil, une transaction ne règle que le ou les différends qui s'y trouve(nt) compris et n'a l'autorité de chose jugée en dernier ressort que dans cette mesure et entre les parties qui l'ont conclue ;
Que la société NTN Transmissions Europe, qui ne soutient pas faire partie du groupe Renault au sens de la clause susvisée et qui n'était pas partie à la transaction conclue le 7 septembre 2007, ne peut ni se prévaloir du bénéfice de ses dispositions, ni invoquer l'autorité de jugée pouvant y être attachée ; Et attendu que, contrairement à ce qu'elle soutient, il résulte clairement tant de l'article 2 susvisé que des termes de l'exposé liminaire de l'accord transactionnel que l'objet de cette transaction est bien limité à l'indemnisation du préjudice subi par M. X... au titre de l'évolution de sa carrière de 1992 à 1998 au sein de la société Renault et de 1999 à 2002 au sein de la société Nouvelles de Transmissions du Mans ; que l'intimé est donc bien fondé à soutenir que le seul préjudice indemnisé par le biais de cet accord est celui subi jusqu'à la date de son départ du groupe Renault et qu'il a seulement reconnu être rempli de ses droits du chef de ses relations contractuelles avec la société Renault et les sociétés du groupe Renault, et non du chef de ses relations contractuelles avec la société NTN Transmissions Europe ; qu'il soutient encore à juste titre que l'expression "appréciées à la date de la signature de la présente transaction" ne permet pas de retenir que l'indemnité allouée aurait eu pour objet de réparer le préjudice par lui subi, après son départ du groupe Renault, voire jusqu'à la date de conclusion de l'accord ;
Que la fin de non-recevoir soulevée par l'appelante doit donc être rejetée ;
Sur la discrimination : Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 1132-1 du code du travail, "Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, (...) en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap" ;
Attendu qu'en application des articles L 1132-1, L 1134-1 et L 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence ; qu'il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, par ailleurs, l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ;
Attendu qu' il convient de donner acte à M. X... de ce qu'il abandonne le moyen tiré de la subrogation de la société NTN Transmissions Europe dans les obligations et engagements des sociétés Renault et SNT, résultant de l'application des articles L 1224-1, et L 1224-2 du code du travail et du transfert de son contrat de travail à l'appelante ; qu'il ne soutient donc plus que cette dernière serait obligée à raison de la discrimination syndicale qu'il a subie au sein de ces entreprises et de la poursuite de ses effets préjudiciables postérieurement au 1er juillet 2002 ;
Attendu que la discrimination procède d'un traitement différent en raison de l'un des motifs prohibés par la loi ; Qu'en l'espèce, M. X... invoque une discrimination en raison de ses activités syndicales ; que la protection est acquise à tout militant syndicaliste même non investi d'un mandat ; Attendu qu'il ne fait pas débat que M. X... a milité au sein du syndicat CGT et rempli divers mandats de représentation du personnel de 1992 à 2002 au sein des sociétés Renault et SNT, puis, à compter du 1er juillet 2002 au sein de la société NTN Transmissions Europe ; qu'il justifie, au cours de sa relation de travail avec cette dernière, avoir été représentant syndical du 24 septembre 2002 au 28 septembre 2004 ;
Attendu que le premier élément de fait discriminatoire invoqué par M. X... est le refus de la société NTN Transmissions Europe de réajuster son salaire quoiqu'il ait été reconnu discriminatoire aux termes de la transaction conclue le 7 septembre 2007, et de l'avoir repris au même niveau de salaire mensuel brut de base de 1 186,99 €, pour un coefficient de 195, qui était le sien au 30 juin 2002 alors qu'il est établi par les éléments de calcul retenus par les sociétés Renault et SNT dans le cadre de la transaction que l'écart mensuel entre son salaire et le salaire moyen des autres salariés placés dans les mêmes conditions d'emploi et d'ancienneté s'élevait, au 31 décembre 2001, à la somme de 21,61 € à son détriment;Attendu que le salarié précise bien qu'il a déterminé son préjudice mensuel "à partir de l'écart mensuel constaté entre son salaire et le salaire moyen des autres salariés placés dans les mêmes conditions d'emploi et d'ancienneté, soit 21,61 € au 31 décembre 2001 selon les différences de traitement retenues par les sociétés Renault et SNT." ;Attendu qu'il résulte du tableau qu'il produit (sa pièce no 27) pour justifier du calcul du préjudice qu'il impute à l'appelante que M. X... est donc parti d'un écart de salaire mensuel brut de 21,61 € à son détriment à compter du 1er juillet 2002, date de son entrée au sein de la société NTN, cet écart correspondant à celui déterminé et subi au 31 décembre 2001 alors qu'il était salarié de la société TNS ; attendu qu'il a ensuite actualisé cet écart en appliquant, au fil du temps, jusqu'à la fin décembre 2006, le taux d'augmentation générale des salaires successivement appliqué au sein de la société NTN Transmissions Europe ; qu'à la faveur de l'application de ces taux successifs, l'écart péjoratif mensuel ressort ainsi à 21,82 € du mois d'octobre 2002 au mois de janvier 2003 inclus, à 22,04 € du mois de février au mois d'avril 2003 inclus, à 22,22 € du mois de septembre 2003 au mois de février 2004 et ainsi de suite pour s'établir en dernier lieu à la somme de 23,33 € à compter du mois de novembre 2006 ; attendu que la somme de ces différences mensuelles de salaire pour la période en cause du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2006 s'élève à 1 217,93 €, somme que le salarié affecte d'un coefficient de majoration de 24 % pour aboutir au montant de sa réclamation de 1 510,23 €, étant précisé que le conseil de prud'hommes a limité ce taux de majoration à 12 % ;
Attendu que le raisonnement de l'intimé et le mode de détermination du préjudice qu'il invoque reviennent bien à solliciter de l'appelante la réparation d'un préjudice, certes subi à compter du 1er juillet 2002, mais généré par l'attitude discriminatoire des sociétés Renault et SNT à son égard puisqu'en effet, il part de la base (la différence de 21,61 €) déterminée dans le cadre de l'accord transactionnel auquel l'appelante est étrangère, par application de règles fixées aux termes d'un accord de méthode du 14 décembre 2001 exclu de son champ conventionnel, et prenant en considération un panel de comparaison incluant uniquement les rémunérations versées à 11 salariés du groupe Renault, sans venir soutenir qu'il n'aurait pas bénéficié, comme les autres salariés, de toutes les augmentations de salaires appliquées au sein de la société NTN Transmissions Europe à compter de juillet 2002 ;
Attendu qu'il résulte en effet des explications de M. X..., de ses bulletins de salaire ainsi que des décisions successives d'augmentation générale des salaires prises au sein de la société NTN Transmissions Europe, que cette dernière l'a repris aux mêmes conditions de rémunération que celles qui étaient les siennes au sein de la société SNT juste avant le transfert du contrat de travail, avec le bénéfice de toute l'ancienneté acquise au sein du groupe Renault, et qu'elle lui a bien appliqué, ce qui ne fait pas débat, entre le 1er juillet 2002 et le 31 décembre 2006 date de son départ en retraite, les augmentations de salaire mises en oeuvre au sein de l'entreprise en faveur de l'ensemble des salariés; que, ce faisant, elle a respecté les obligations qui étaient les siennes dans le cadre de la reprise du contrat de travail de l'intimé et exécuté ce contrat de bonne foi ;Que, si ce n'est la question du complément individuel de performance, ce dernier ne soutient pas que la société NTN Transmissions Europe aurait agi de façon péjorative sur le salaire mensuel de base qui était le sien lors de la reprise ou sur l'évolution de ce salaire, l'aurait privé de certaines évolutions, de primes ou autres avantages ; Or attendu que le fait pour l'appelante de ne pas avoir corrigé les effets préjudiciables, sur la rémunération de M. X..., d'agissements discriminatoires exclusivement imputables à des tiers, à savoir les sociétés Renault et TNS, et mis en lumière par l'accord transactionnel conclu le 7 septembre 2007, ne constitue pas un élément de fait laissant supposer de sa part une discrimination directe ou indirecte à l'égard du salarié en raison de ses activités syndicales ;
Attendu que le second élément de fait discriminatoire invoqué par M. X... tient dans l'évolution anormale du complément individuel de performance que lui a appliqué la société NTN Transmissions Europe de juillet 2002 à fin décembre 2006 ;Attendu qu'il résulte de ses bulletins de salaires et de sa pièce no 27 qu'aucun complément individuel de performance ne lui a été versé en 2002, tandis que les sommes mensuelles qui lui ont été versées ultérieurement à ce titre se sont élevées à 5,09 € en 2003, à 10,24 € en 2004, à 15,55 € en 2005 et à 20,83 € en 2006 ;Attendu que l'intimé indique, sans être contredit, que le complément individuel de performance mensuel a augmenté en moyenne de 11,27 € chaque année pour les autres salariés, passant ainsi de 11,27 € en 2002, à 22,54 € en 2003, à 33,81 € en 2004, à 45,08 € en 2005 et à 56,35 € en 2006 (cf sa pièce no 27) ;Attendu que l'absence de versement d'un complément individuel de performance en 2002 et, ultérieurement, la différence entre la somme versée de ce chef à M. X... et celle versée aux autres salariés, laissent présumer à son égard l'existence d'une discrimination de la part de la société NTN Transmissions Europe ; attendu que cette dernière ne prouve pas que sa décision aurait été justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination puisqu'elle ne fournit pas la moindre explication, ni le moindre justificatif au sujet de cette différence de traitement appliquée à M. X...;Que ce dernier est donc fondé à invoquer, de ce chef, un préjudice né de l'attitude discriminatoire de l'appelante ; attendu qu'il apparaît que, de juillet 2002 à décembre 2006, il a perçu au titre du complément individuel de performance la somme globale de 620,52 € tandis que les autres salariés ont perçu en moyenne la somme globale de 1960,98 €, soit une différence de 1 340,46 € ;
Que la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par voie d'infirmation du jugement entrepris quant au montant des dommages et intérêts alloués, le préjudice subi par M. X... du fait de la discrimination dont il a été victime à la somme de 1 500 €, que la société NTN Transmissions Europe sera condamnée à lui payer ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :Attendu, la société NTN Transmissions Europe succombant amplement en son recours, qu'elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. X... la somme de 800 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ; Attendu que la société NTN Transmissions Europe conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au protocole transactionnel ;
Infirme le jugement entrepris en ses seules dispositions relatives au montant des dommages et intérêts alloués à M. Philippe X... et le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société NTN Transmissions Europe à payer à M. Philippe X... la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) de dommages et intérêts ;
Ajoutant au jugement déféré,
Condamne la société NTN Transmissions Europe à payer à M. Philippe X... la somme de 800 € (huit cents euros) au titre de ses frais irrépétibles d'appel et la déboute elle-même de ce chef de prétention ;
La condamne aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02714
Date de la décision : 24/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-24;09.02714 ?
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