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24/04/2012 | FRANCE | N°10/03041

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 24 avril 2012, 10/03041


COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03041.

Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 25 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01241

ARRÊT DU 24 Avril 2012

APPELANT :

HÔPITAL LOCAL DE DOUÉ LA FONTAINE
30 ter rue Saint François
49700 DOUE LA FONTAINE

représenté par Maître Mathias JARRY, substituant Maître Céline LEROUGE, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE :

Madame Maïté Y...
...
49250 LA MENITRE

(bé

néficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 11/ 002053 du 25/ 03/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)

représentée...

COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
AD/ AT

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03041.

Jugement Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, du 25 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 01241

ARRÊT DU 24 Avril 2012

APPELANT :

HÔPITAL LOCAL DE DOUÉ LA FONTAINE
30 ter rue Saint François
49700 DOUE LA FONTAINE

représenté par Maître Mathias JARRY, substituant Maître Céline LEROUGE, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE :

Madame Maïté Y...
...
49250 LA MENITRE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 11/ 002053 du 25/ 03/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)

représentée par Maître Stéphanie CHOUQUET-MAISONNEUVE, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller

Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT :
prononcé le 24 Avril 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame Maïté Y... a été embauchée le 7 mai 2008par l'hôpital local de Doué la Fontaine, selon contrat d'avenir à temps partiel de 24 mois, en qualité d'agent hospitalier affecté à l'entretien des locaux et à l'aide aux activités de soins.

Le contrat était conclu pour une durée déterminée, du 7 mai 2008 au 6 mai 2010, pour 26 heures par semaine, la rémunération étant définie sur la base du montant horaire du SMIC en vigueur ; il était dit " de droit privé " et relevant de la compétence du conseil de prud'hommes en cas de litige.

Le 5 février 2009, Mme Y... a été victime d'un accident du travail et son contrat de travail a été suspendu, la salariée percevant, dès lors, les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers.

Le 19 juin 2009, la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a fixé la consolidation des lésions de Mme Y... au 29 juin 2009 et celle-ci n'a donc plus perçu d'indemnités journalières ; elle a contesté l'avis de consolidation.

Une visite de reprise a eu lieu le 30 juin 2009, et le médecin du travail, le docteur Z..., a pris un avis d'inaptitude totale et définitive à tous postes de l'entreprise en un seul examen médical, et selon la procédure de danger immédiat, de l'article R4624- 31du code du travail. Cet avis a été contesté par l'hôpital local de Doué la Fontaine le 28 juillet 2009.

Un entretien a eu lieu entre la salariée et son employeur le 9 juillet 2009, qui n'a débouché sur l'engagement d'aucune procédure, ce qui a amené Mme Y..., le 15 juillet 2009, à reprocher à l'hôpital local de Doué la Fontaine son inertie sur la gestion de sa situation d'emploi, alors qu'elle était sans ressources depuis le 30 juin 2009.

Par courrier du 23 juillet 2009, l'employeur a indiqué à Mme Y... qu'il ne pouvait pas la reclasser au sein de l'établissement en conséquence de l'avis du médecin du travail la déclarant inapte à tout poste.

Le 10 août 2009, Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers, auquel elle a demandé de dire que l'hôpital local de Doué la Fontaine avait méconnu les dispositions de l'article L1226-20 du code du travail en matière d'inaptitude médicale, et eu un comportement fautif à son égard, lui causant un préjudice pour la réparation duquel elle a demandé la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 4000 € à titre de dommages et intérêts.

Mme Y... a aussi demandé la condamnation de l'hôpital local de Doué la Fontaine à lui payer la somme de 1087, 73 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, et celle de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 11septembre 2009, la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a annulé la décision de consolidation du 19 juin 2009, et par décision du 29 septembre 2009, l'inspecteur du travail a annulé l'avis d'inaptitude du 30 juin 2009.

Par jugement du 25 novembre 2010 le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- dit que l'hôpital local de Doué la Fontaine n'a pas méconnu les dispositions de l'article L1226-20 du code du travail,

- dit que le comportement fautif de l'hôpital local de Doué la Fontaine à l'égard de Mme Y... doit être sanctionné,

- condamné l'hôpital local de Doué la Fontaine à verser à Mme Y... la somme de 4000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant du retard fautif du versement des indemnités journalières de la sécurité sociale et des fautes de l'employeur,

- condamné l'hôpital local de Doué la Fontaine à verser à Mme Y... le solde de 1087, 73 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2010 jusqu'au 25 novembre 2010 date du jugement,

- condamné l'hôpital local de Doué la Fontaine à verser à Mme Y... la somme de 300 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné l'hôpital local de Doué la Fontaine à verser la somme de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire totale,

- débouté l'hôpital local de Doué la Fontaine de l'ensemble de ses demandes,

- condamné l'hôpital local de Doué la Fontaine aux dépens qui seront recouvrés conformément aux règles sur l'aide juridictionnelle.

La décision a été notifiée le 1er décembre 2010 à l'hôpital local de Doué la Fontaine et à Mme Y....

L'hôpital local de Doué la Fontaine en a fait appel par déclaration au greffe formée par l'intermédiaire de son conseil Me Lerouge le 13 décembre 2010.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES

L'hôpital local de Doué la Fontaine demande à la cour, par observations orales à l'audience, reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 7 février 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de débouter Mme Y... de toutes ses demandes, et de la condamner à lui verser la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'hôpital local de Doué la Fontaine soutient avoir exécuté de bonne foi le contrat de travail de Mme Y... dans la gestion de son inaptitude et n'avoir pas commis de faute dans la gestion du versement des indemnités journalières de sécurité sociale.

Sur l'inaptitude, l'hôpital local de Doué la Fontaine affirme avoir, et ce malgré l'incertitude pesant sur la situation juridique de Mme Y... du fait de sa contestation de l'avis de consolidation et de la contestation par l'employeur de l'avis d'inaptitude, effectué une recherche de reclassement, aucun poste n'étant cependant disponible au sein de l'hôpital local et des sites gérés par lui ; il soutient d'autre part être un établissement public, qui n'a pas de délégués du personnel en son sein, les dispositions de l'article L1226-10 sur la consultation desdits délégués ne pouvant donc lui être appliquées ; il rappelle enfin qu'il a respecté ses obligations d'employeur en réintégrant Mme Y... dans ses effectifs et en lui versant à nouveau son salaire, puisque celle-ci n'est plus en situation d'inaptitude depuis le 29 septembre 2009, mais que le contrat de travail est suspendu du fait de l'absence de consolidation des lésions résultant de l'accident du travail.

L'hôpital local de Doué la Fontaine soutient n'avoir commis aucune faute dans le versement des indemnités journalières à Mme Y..., puisque le premier versement fait par la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers a eu lieu le 21 septembre 2009 et que du fait des règles de la comptabilité publique cette somme n'a pu être reversée à Mme Y... que le 15 octobre 2009 ; qu'il n'a pas attendu, comme l'ont dit les premiers juges, l'ordonnance du bureau de conciliation du 8 octobre 2009 pour remplir la salariée de ses droits.

L'hôpital local de Doué la Fontaine soutient encore n'avoir eu aucune obligation de saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de résolution du contrat de travail, alors qu'il avait contesté l'avis d'inaptitude, mais admet comme ayant été la seule obligation légale pesant sur lui, la reprise du paiement du salaire dans le mois suivant l'avis d'inaptitude, soit à compter du 1er Août 2009.

Il observe que le compte bancaire de Mme Y... était en position débitrice de 1704 € fin juin 2009 déjà, et que les frais financiers invoqués par la salariée ne lui sont donc pas imputables.

L'hôpital local de Doué la Fontaine s'appuie pour le calcul des droits à congés payés de Mme Y... sur les dispositions de la loi du 9 janvier 1986, des décrets des 6 février 1991 et 4 janvier 2002, textes concernant la fonction publique hospitalière applicables aux agents contractuels, et estime avoir rempli la salariée de ses droits en lui versant en juin 2010 une indemnité de congés payés de 25 jours.

Mme Y... demande à la cour, par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le20 décembre 2011, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner l'hôpital local de Doué la Fontaine à lui payer la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Y... soutient que l'hôpital local de Doué la Fontaine n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail à son égard, en ce qu'il n'a pas cherché à la reclasser, n'a pas consulté les délégués du personnel dans le cadre de la procédure de reclassement, n'a pas repris le paiement des salaires à compter du 1er juillet 2009 à défaut d'avoir reclassé la salariée ou rompu le contrat de travail, et n'a pas saisi le conseil de prud'hommes d'Angers d'une action en résolution judiciaire du contrat de travail.

Mme Y... soutient que le recours initié devant l'inspecteur du travail par l'employeur ne dispensait en effet pas celui-ci de ses obligations légales à son égard, et que le fait que la décision d'inaptitude ait été annulée le 29 septembre 2009 n'exonère pas l'hôpital local de Doué la Fontaine de ce que la salariée a été privée, pendant trois mois, de toute indemnisation ; qu'il n'y a pas eu là " prudence " comme on cru pouvoir le discerner les premiers juges mais négation des droits de Mme Y..., et qu'elle doit par conséquent être indemnisée du préjudice qui en est résulté, pourtant conséquent puisqu'elle a été interdite bancaire le 30 juillet 2009 et a eu 659 € de frais, après être restée, du 30 juin 2009 au 14 octobre 2009, soit pendant 3 mois et demi, sans ressources ; que le préjudice moral subi par Mme et M. Taugourdeau, du fait des courriers de relance de la banque, et de la notification d'une interdiction d'émettre des chèques pendant 5 ans, est très important.

Quant à ses droits à congés payés, Mme Y... soutient avoir acquis 60 jours ouvrables de congés payés du 7 mai 2008 au 7 mai 2010 (2, 5 jours x 24 mois), et avoir pris 10 jours en octobre et décembre 2008 ; qu'il lui reste donc 50 jours ouvrables et non 25 jours ouvrables comme le mentionne l'hôpital local de Doué la Fontaine dans la deuxième attestation Pôle emploi datée du 7 juin 2010 ; qu'il lui est donc bien dû : 998, 26 € x50/ 26 = 1919, 73 € (sachant qu'un mois civil comporte 26 jours ouvrables et non 30).

Elle ajoute que son contrat de travail est un contrat de droit privé, et qu'elle n'est pas soumise aux dispositions relatives à la fonction publique hospitalière ; qu'en outre, l'hôpital local de Doué la Fontaine interprète de manière erronée l'article 1 du décret du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents hospitaliers en prétendant que les droits à congé des salariés à temps partiel seraient réduits au prorata de leur temps de travail, alors qu'il y a égalité de droits entre les agents à temps plein et les agents à temps partiel ; qu'enfin, elle n'a eu un premier versement à ce titre de 832 € que le 26 juin 2010, alors que cette somme aurait dû lui être versée dans les jours qui ont suivi le terme de son contrat de travail, intervenu le 6 mai 2010.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Il est acquis que Mme Y... a été embauchée le 7 mai 2008 par contrat d'avenir, dispositif créé par la loi pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle de personnes bénéficiant du RMI, (devenu le RSA), de l'allocation spécifique de solidarité, de l'allocation parent isolé ou de l'allocation adultes handicapés ; cette disposition a été supprimée à compter du 1er janvier 2010, mais les contrats conclus avant le 1er janvier 2010 continuent à produire leurs effets dans les conditions applicables antérieurement à cette date, jusqu'au terme de la convention individuelle en application de laquelle ils ont été signés.

Ce contrat peut être suspendu en cas d'accident du travail ouvrant droit à indemnités journalières.

Il est également acquis aux débats que Mme Y... a été victime le 5 février 2009 d'un accident du travail et qu'elle a de ce fait perçu des indemnités journalières qui se sont cependant interrompues le 30 juin 2009, la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers ayant par décision du 19 juin 2010 fixé la date de consolidation de ses lésions, sans séquelles indemnisables, au 29 juin 2009.

La salariée s'est trouvée en situation d'inaptitude à compter du 30 juin 2009, le médecin du travail l'ayant en un seul examen médical déclarée inapte à tous postes de l'établissement.

Il s'agit d'une inaptitude causée par un accident du travail, pour une salariée titulaire d'un contrat à durée déterminée, et l'employeur ne peut pas, aux termes des dispositions de l'article L1226-20 du code du travail, dans sa rédaction applicable au moment des faits, rompre le contrat de travail avant son terme pour cette cause.

Ce texte stipule en effet :

" Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L1226-12 et des articles L1226-14 à L1226-16 relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.

Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L1226-10 et L1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions, l'employeur est en droit de demander la résolution judiciaire du contrat. La juridiction saisie prononce la résolution après vérification des motifs invoqués et fixe le montant de la compensation financière due au salarié. "

L'article L1226-10 du code du travail, oblige donc en premier lieu l'employeur à rechercher à reclasser le salarié déclaré inapte, dans l'entreprise où il travaillait précédemment, mais aussi dans toutes les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

L'avis, délivré par le médecin du travail, d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise, ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement du salarié, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail.

Si le reclassement s'avère impossible, l'employeur peut demander la résolution judiciaire du contrat, mais l'article L1226-11 du code du travail énonce alors que :
" lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié inapte n'est pas été reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; "

L'hôpital local de Doué la Fontaine a le 23 juillet 2009 adressé à Mme Y... un écrit ainsi libellé :

" Madame,
Comme suite à votre entretien du 9 juillet 2009 avec Monsieur A..., cadre supérieur de santé, et mademoiselle B..., attachée d'administration hospitalière, je vous confirme que le médecin du travail (en date du 30 juin 2009) a déclaré votre " inaptitude totale et définitive à tous les postes de l'entreprise ".
En conséquence de quoi il n'a pas pu vous être proposé de reclassement au sein de l'établissement " ;

La formulation utilisée, qui relie l'inaptitude à tous postes de l'entreprise et l'impossibilité de reclassement, signifie qu'aucune recherche n'a été faite.

S'il soutient en cours d'instance avoir cherché à reclasser la salariée en son sein, l'hôpital local de Doué la Fontaine n'apporte au demeurant aucune pièce à l'appui de cette affirmation ; il admet également gérer " d'autres sites " que l'établissement dans lequel était employée Mme Y..., mais ne les nomme pas, et ne justifie pas les avoir interrogés.

Le fait que la salariée ait contesté l'avis de consolidation de son état, ou encore celui que l'inaptitude ait été déclarée pour tout poste de l'entreprise, ne dispensait pourtant pas l'employeur de la recherche de reclassement.

Son comportement est, à ce premier titre, fautif.

Tout en notifiant à la salariée une impossibilité de la reclasser, l'hôpital local de Doué la Fontaine n'a pas non plus saisi le conseil de prud'hommes d'Angers pour demander la résolution judiciaire de son contrat à durée déterminée.

Cette saisine ne constituait pas pour lui une obligation mais il lui appartenait, à défaut de reclassement ou de rupture du contrat de travail, au plus tard un mois après la date de l'examen médical de reprise, et donc en l'espèce au plus tard le 31 juillet 2009, de verser à nouveau ses salaires à Mme Y....

L'hôpital local de Doué la Fontaine ne conteste pas avoir méconnu cette obligation légale à l'égard de Mme Y... et avance uniquement sur ce point que la situation financière de la salariée étant obérée depuis la fin juin 2009, l'absence de versement de ses salaires en août, septembre et octobre 2009 n'a par conséquent pas été la cause de son interdiction bancaire et de ses frais ; il prétend aussi avoir été de bonne foi en ce qu'il lui est apparu qu'il fallait reprendre le versement des salaires " à réception de la décision de l'inspecteur du travail du 29 septembre 2009 ".
Or, l'exercice par l'employeur du recours sur l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail, formé devant l'inspecteur du travail dans les termes de l'article L4624-1 du code du travail, ne suspend pas le délai d'un mois au terme duquel l'employeur doit reprendre le versement des salaires.

Il est par conséquent établi, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de Mme Y..., que l'hôpital local de Doué la Fontaine a manifesté une inertie fautive à son égard, et méconnu les dispositions de l'article L1222-1 du code du travail qui l'obligent à exécuter de bonne foi le contrat de travail, en attendant pour régler la situation de la salariée, la décision de l'inspecteur du travail devant lequel il avait formé un recours, alors que la loi ne donne pas d'effet suspensif à cette saisine, et en omettant de verser à nouveau ses salaires à Mme Y... à compter du 31 juillet 2009, malgré les prescriptions légales.

Sur les conséquences financières de l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur

L'employeur de Mme Y... soutient que la situation économique de la salariée entre le mois de juillet et le mois d'octobre 2009 n'est pas intervenue dans la réalisation des frais de rejets de chèques et de prélèvements impayés dont elle se prévaut, alors qu'elle subissait déjà des rejets de chèques pour provision insuffisante depuis février 2009.

Il est cependant acquis (pièce 27 de l'hôpital local de Doué la Fontaine) que Mme Y... bénéficiait de la part de sa banque d'une autorisation de découvert de 1700 € et que le dépassement de ce découvert autorisé était au 30 juin 2009 de 4, 81 € ; que les courriers de l'organisme bancaire informant Mme Y... de l'impossibilité de prélever les échéances des prêts en cours sont tous datés au plus tôt de juillet 2009 ; que l'interdiction d'émettre des chèques est intervenue le 31 juillet 2009.

Il a en outre été relevé par M. le Premier Président de la présente cour dans son ordonnance de référé du 23 février 2011, statuant sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 25 novembre 2010 formée par l'hôpital local de Doué la Fontaine que " la réception au mois d'octobre 2009 par Mme Y... de sommes qui lui étaient dues par l'employeur a permis de résorber pour l'essentiel ce solde débiteur ".

L'inexécution par l'hôpital local de Doué la Fontaine de son obligation contractuelle de versement du salaire ou tout au moins le retard dans cette exécution ont créé pour Mme Y... un préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts que les premiers juges ont justement évalué, au regard des éléments produits par Mme Y..., à la somme de 4000 €.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Le droit à congés payés est, aux termes de l'article L3141-3 du code du travail, de deux jours et demi ouvrables par mois de travail, la durée totale du congé exigible ne pouvant excéder trente jours ouvrables ; il est décompté six jours ouvrables par semaine et pour le décompte des congés des salariés à temps partiel, la notion de jour ouvrable est identique à celle retenue pour le décompte des congés des salariés à temps plein, l'employeur ne devant pas se borner à retenir les seuls jours effectivement travaillés par le salarié à temps partiel.

Par application du principe d'égalité visé à l'article L3123-11 du code du travail les salariés travaillant à temps partiel bénéficient d'un congé de même durée que les salariés à temps complet.

Mme Y..., titulaire d'un contrat à durée déterminée, a à ce titre acquis un droit à congés payés sans durée effective de travail minimale, par application des dispositions de l'article L1242-16 du code du travail.

La période d'acquisition de droits a donc débuté le 7 mai 2008.

L'article R3141-3 du code du travail précise que le point de départ de la période prise en compte pour le calcul du droit au congé est fixée au 1er juin de chaque année.

Mme Y... a travaillé jusqu'au 5 février 2009, date à la quelle elle a subi un accident du travail, qui a entraîné la suspension du contrat de travail jusqu'à la date de rupture du contrat à durée déterminée, qui est arrivé à son terme, le 6 mai 2010.

Le droit à congés payés repose sur la notion de travail effectif, mais l'article L3141-5 du code du travail assimile à un travail effectif la période de suspension provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Néanmoins, ce texte limite à une durée ininterrompue d'un an l'assimilation à un temps de travail effectif de la période d'indisponibilité consécutive à un accident du travail.

Par conséquent, Mme Y... a acquis des droits à congés payés sur la période de travail effectif, ou de suspension du contrat de travail assimilée à du travail effectif, qui s'est écoulée du 7 mai 2008 au 5 février 2010 (21mois) ; la période postérieure à cette date, même payée, ne peut être assimilée à du temps de travail effectif.

Il ne fait pas débat que Mme Y... bénéficiait des dispositions de l'article L3141-3 du code du travail qui fixe le droit à congé à 2, 5 jours ouvrables par mois de travail.

L'hôpital local de Doue la Fontaine calcule ses droits, dans l'instance, en utilisant la notion de jours ouvrés (25 jours ouvrés par an correspondent à 30 jours ouvrables, c'est-à-dire comprenant le samedi) mais a porté sur l'attestation Pôle Emploi que la salariée avait un droit à congés de 25 jours ouvrables au terme de son contrat de travail.

Mme Y... a ainsi acquis 2, 5 jours x 21 mois = 52, 5jours de congés payés (qui sont arrondis au jour supérieur, soit 53 jours, conformément aux dispositions de l'article L3141- 7du code du travail).

La période de prise des congés payés, qui est différente de la période d'acquisition des droits à congé est fixée par l'article L3141-13 du code du travail entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année.

Mme Y... pouvait donc prendre les droits à congé acquis jusqu'au 31 mai 2008 (2, 5 jours arrondis à 3), sur la période de mai à octobre 2008, puis ceux acquis de juin 2008 à fin mai 2009 (30 jours), jusqu'au 31 octobre 2009.

Elle avait jusqu'au 6 mai 2010, date de fin du contrat, pour prendre les jours acquis de Juin 2009 à février 2010 (2, 5 jours x8mois = 20 jours).

Les règles statutaires invoquées par l'hôpital local de Doué la Fontaine sont sur ce point indifférentes, l'employeur confondant la période d'acquisition des droits avec celle de prise des congés.

Il est acquis que Mme Y... a pris globalement 10 jours de congés payés en octobre 2008, puis décembre 2008, le solde non pris étant par conséquent de 43 jours.

En cas de rupture du contrat de travail, les congés payés acquis non pris au cours de l'année prévue par le code du travail, en raison d'absences liées à un accident du travail ou une maladie professionnelle, doivent être indemnisés au titre de l'article L3141-26.

Mme Y... s'est bien trouvée dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels acquis depuis le 1er juin 2008 au cours de l'année prévue par le code du travail, du fait de son absence liée à la survenance de l'accident du travail du 5 février 2009.

Elle a en conséquence droit à une indemnité compensatrice de congés payés de 43 jours ouvrables.

Sur ce dernier point, et quoique l'hôpital local de Doué la Fontaine invoque là encore les dispositions du décret du 4 janvier 2002 relatif aux congés payés annuels des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, il convient de calculer les droits à congé en jours ouvrables puisque le calcul en jours ouvrés (25jours) retenu par l'article 1 du dit décret aurait, en 2009, été moins favorable à la salariée que le calcul en jours ouvrables : en effet, le samedi 15 août 2009 ayant été férié la salariée aurait eu, en jours ouvrables, le bénéfice d'une journée supplémentaire de congé puisque le jour férié, coïncidant avec le samedi, jour ouvrable, celui-ci n'aurait pas été décompté comme jour de congé.

En outre, comme il a été rappelé, l'hôpital local de Doué la Fontaine a libellé les droits à congés payés de Mme Y... sur l'attestation adressée à Pôle Emploi en jours ouvrables.

L'indemnité de congés payés due à Mme Y... s'établit donc à :

998, 26 € x 43/ 26 = 1650, 96 €.

L'article L3141-22 du même code prévoit deux modes de calcul pour l'indemnité de congés payés, qui sont soit le dixième de la rémunération totale perçue au cours de la période de référence, (hors indemnités journalières), soit la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait travaillé, la formule plus avantageuse pour le salarié devant être choisie.

Le montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé est en l'espèce supérieur au dixième de la rémunération totale perçue au cours de la période de référence (mai 2008 à janvier 2010 inclus) qui s'établit à
16 334, 37 €/ 10 = 1633, 43 € ;

L'hôpital local de Doué la Fontaine qui a versé le 26 juin 2010 à ce titre la somme de 831, 88 € doit en conséquence verser Mme Y... au titre du solde restant dû la somme de 1650, 96 €-831, 88 € = 819, 08 €.

Sur la résistance abusive

Il est établi que l'hôpital local de Doué la Fontaine n'a pas versé l'indemnité compensatrice de congés payés au moment de l'arrivée du terme du contrat, le 6 mai 2010, et ne l'a pas portée sur l'attestation Pôle Emploi mais que la rectification de l'attestation n'a été faite que sur injonction du conseil de Mme Y..., qui a en outre adressé à l'employeur deux écrits successifs, les 17 mai 2010 et 3 juin 2010 avant d'obtenir le 26 juin 2010 le versement de la somme de 831, 88 €.

Le comportement de l'employeur a donc été sur ce point également fautif dans l'exécution du contrat de travail et a causé à Mme Y... un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires, que les premiers juges ont justement évalué compte tenu des éléments produits par Mme Y..., à la somme de 300 €.
La demande n'a cependant été chiffrée que lors de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angers et les intérêts sont donc dus au taux légal sur la somme de 819, 08 € à compter de la date de réception par l'hôpital local de Doué la Fontaine de la convocation devant le bureau de conciliation de la juridiction prud'homale ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement à ce titre sont confirmées.

Il parait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais engagés dans l'instance et non compris dans les dépens ; : l'hôpital local de Doué la Fontaine est condamné à lui payer, pour l'en indemniser et en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1200 €. Sa propre demande à ce titre est rejetée ;

L'hôpital local de Doué la Fontaine qui succombe à l'instance d'appel est condamné à en payer les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que l'hôpital local de Doué la Fontaine n'a pas méconnu les dispositions de l'article L1226-20 du code du travail et en ce qu'il a condamné l'hôpital local de Doué la Fontaine à payer à Mme Y... la somme de 1087, 73 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter 6 mai 2010 jusqu'au 25 novembre 2010 date de prononcé du jugement ;

Le réformant sur ces seuls points et statuant à nouveau,

Dit que l'hôpital local de Doué la Fontaine a méconnu les dispositions de l'article L1226-20 du code du travail ;

CONDAMNE l'hôpital local de Doué la Fontaine à payer à Mme Y... la somme de 819, 08 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'hôpital local de Doué la Fontaine de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes d'Angers ;

Y ajoutant,

CONDAMNE l'hôpital local de Doué la Fontaine à payer à Mme Y... la somme de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de l'hôpital local de Doué la Fontaine à ce titre ;

CONDAMNE l'hôpital local de Doué la Fontaine aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03041
Date de la décision : 24/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2012-04-24;10.03041 ?
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