COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00885.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 07 Mars 2011, enregistrée sous le no 10/ 00020
ARRÊT DU 28 Août 2012
APPELANTE :
SA STAR'S SERVICE 31 rue de Constantinople 75008 PARIS
représentée par Maître Elisabeth GOHIER, avocat au barreau d'ANGERS, substituant la SELARL GAFTARNIK-CHARDIN, avocats au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur Jonathan X... Chez M. François X.........
représenté par Maître Christelle GODEAU, substituant Maître Patrick BARRET (SELARL) avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 28 Août 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Jonathan X... a été embauché par la société STAR'S SERVICE en contrat à durée indéterminée à compter du 9 octobre 2007 en qualité de Chauffeur Livreur préparateur polyvalent, pour un salaire mensuel de 1280, 10 € et une durée de travail de 151, 67 heures par mois.
La société STAR'S SERVICE effectue sous contrat de sous-traitance avec les grandes surfaces, la livraison au domicile des clients des produits vendus par celles-ci et applique la convention collective des Transports Routiers (3085).
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mars 2008, la société STAR'S SERVICE a notifié un avertissement à Monsieur Jonathan X... à la suite d'un accident de la circulation survenu le 24 décembre 2007.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 octobre 2008, la société STAR'S SERVICE a notifié un deuxième avertissement à Monsieur Jonathan X... lui rappelant ses obligations professionnelles.
Deux incidents concernant Monsieur Jonathan X... le 16 puis le 18 septembre 2009 ont été rapportés par lettre simple à la société STAR'S SERVICE, par l'un de ses clients, le magasin Monoprix du centre commercial Fleur d'eau à Angers.
Un autre incident, imputé au salarié et survenu le 8 octobre 2009, a été signalé par mel du directeur du magasin Monoprix à la société STAR'S SERVICE.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 octobre 2009, la société STAR'S SERVICE a convoqué Monsieur Jonathan X... à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 28 octobre 2009 à 11h30.
Aucune mesure de mise à pied conservatoire n'a été prise.
La société STAR'S SERVICE a notifié à Monsieur Jonathan X..., par lettre recommandée du 16 novembre 2009, son licenciement pour faute grave.
Le 13 janvier 2010, Monsieur Jonathan X... a saisi le Conseil des Prud'hommes d'Angers auquel il a demandé de dire qu'il n'y avait pas de faute grave, que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'annuler les avertissements du 12 mars 2008 et du 22 octobre 2008, et de condamner la société STAR'S SERVICE à lui payer les sommes suivantes :
-10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2 675, 40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-267, 54 € au titre des congés payés y afférents,-535, 08 € à titre d'indemnité légale de licenciement,-1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,-1 000 € à titre de dommages et intérêts pour les deux avertissements.
Par jugement du 7 mars 2011, le Conseil des Prud'hommes d'Angers a :
Dit qu'il y a lieu d'annuler les avertissements du 12 mars 2008 et du 22 octobre 2008 ;
Dit que le licenciement ne reposant ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, revêt un caractère abusif imputable à la société STAR'S SERVICE,
Condamné la société STAR'S SERVICE à verser à Monsieur Jonathan X... les sommes de :-8 026, 00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-2 942, 94 € au titre de l'indemnité de préavis congés payés y afférents compris ;-535, 08 € au titre de l'indemnité de licenciement.-800, 00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Débouté Monsieur Jonathan X... de sa demande en dommages et intérêts pour annulation des avertissements,
Ordonné le remboursement par la société STAR'S SERVICE aux organismes sociaux concernés de l'intégralité des indemnités de chômage versées à Monsieur Jonathan X... du jour de son licenciement au présent jugement, dans la limite de six mois,
Dit qu'en application des dispositions des articles 1153 et 1153-1 du Code civil, les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent jugement pour les condamnations de nature indemnitaire,
Débouté la société STAR'S SERVICE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné la société STAR'S SERVICE aux entiers dépens y compris les frais d'huissier.
Le jugement a été notifié à Monsieur Jonathan X... ainsi qu'à la société STAR'S SERVICE par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 mars 2011.
La Société STAR'S SERVICE a interjeté appel de la décision par lettre postée le 30 mars 2011.
L'audience devant la cour a été fixée au 14 mai 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses écritures déposées au greffe le 3 mai 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société STAR'S SERVICE demande à la Cour :
A titre principal : d'infirmer en toutes ses dispositions la décision du Conseil des Prud'hommes d'Angers du 7 mars 2011 et statuant à nouveau de :- juger que le licenciement de Jonathan X... repose sur une faute grave ;- débouter Jonathan X... de toutes ses demandes, fins et conclusions ;- condamner Jonathan X... à lui payer la somme du 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire : d'infirmer la décision du Conseil des Prud'hommes d'Angers du 7 mars 2011en ce qu'elle a jugé le licenciement de Jonathan X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de :- juger que la rupture du contrat de travail du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse ;- débouter Jonathan X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Quant à l'avertissement en date du 12 mars 2008, la Société STAR'S SERVICE fait valoir que le manque d'attention et, plus généralement, l'absence de maîtrise de son véhicule par un chauffeur livreur, constituent des fautes engageant la responsabilité de celui-ci ; que Jonathan X..., qui a été déclaré à 100 % responsable d'un accident de la circulation alors qu'il était en fonction, aurait pu être licencié pour cette faute ; qu'elle a fait fait preuve de mesure en lui notifiant simplement un avertissement.
La Société STAR'S SERVICE soutient d'autre part que la prescription n'est pas acquise puisqu'elle a été informée par l'assureur de l'entière responsabilité de son salarié dans l'accident le 18 janvier 2008 uniquement.
Quant à l'avertissement du 22 octobre 2008, la Société STAR'S SERVICE soutient que le comportement de Jonathan X... a été fautif car son absence de retenue perturbait le travail de ses collègues et gênait la clientèle. que le mel échangé le 21 octobre 2008 entre M. A... et le service relations humaines de la société montre que M. X... a reconnu ce comportement perturbateur.
Quant à la faute grave reprochée à Jonathan X..., la société STAR'S SERVICE soutient que celle-ci est caractérisée par la répétition des faits fautifs et rappelle que l'employeur peut en ce cas faire état des précédents pour justifier une sanction aggravée qui repose sur une appréciation globale de l'attitude du salarié. que celle-ci a nui à son image, et à la pérennité de ses relations commerciales avec le client Monoprix. que M. X... a fait preuve d'insubordination en refusant de prendre en charge la livraison d'un fauteuil pliant au prétexte qu'elle " sortait de l'ordinaire ".
Elle ajoute que si le collègue de M. X... M. Y..., n'a pas été sanctionné pour le manque de retenue du 8 octobre 2009, c'est que M. Y... n'avait pas quant à lui accumulé les écarts de conduite.
La société STAR'S SERVICE estime que le comportement de M. X... imposait son départ immédiat ou à tout le moins empêchait la poursuite de la relation contractuelle.
Au terme de ses écritures déposées au greffe le 4 mai 2012, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, formant appel incident, Jonathan X... demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Angers du 7 mars 2011, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts au titre des avertissements et quant au montant d'indemnités allouées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. X... demande à la cour, statuant à nouveau sur ces points, de condamner la société STAR'S SERVICE à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour les avertissements, et celle de 10 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et les entiers dépens.
M. X... soutient :
¤ Sur l'avertissement du 12 mars 2008 :- qu'il a bien eu un accident mais qu'il s'agissait d'une faute d'inattention qui ne justifiait pas un avertissement. qu'il lui a toujours été indiqué qu'il n'était responsable qu'à 50 % de cet accident causé par les fautes d'inattention conjuguées des deux conducteurs. que cet accident a été le seul subi, pendant ses deux années d'emploi. qu'en tout état de cause les faits, à les supposer avérés, étaient prescrits puisque survenus le 24 décembre 2007alors que la notification de la sanction a été effectuée le 12 mars 2008.
¤ Sur l'avertissement du 22 octobre 2008 :- que les couriels de Monsieur A..., responsable d'agence adjoint, sont insuffisants pour caractériser le comportement inapproprié qui lui est reproché. qu'il y est fait état d'une bonne humeur " maladroite " qui ne justifie pas la notification d'un avertissement.
Quant au licenciement, M. X... souligne qu'il n'a pas fait l'objet d'une mise à pied ce qui permet de relativiser la gravité des fautes reprochées. qu'aucun des trois griefs retenus dans la lettre de licenciement ne caractérise une faute grave ni même une cause sérieuse de licenciement. qu'il conteste avoir eu une altercation verbale avec un membre du personnel du magasin MONOPRIX le 16 septembre 2009 comme d'avoir refusé de prendre en charge la livraison d'un fauteuil pliant le 18 septembre 2009 mais a simplement demandé que celui-ci soit emballé pour éviter toute dégradation dont il aurait pu être tenu responsable. qu'enfin il n'est pas démontré qu'il n'aurait pas, le 8 octobre 2009, respecté les règles applicables de livraison et que les applaudissements qu'on lui reproche à l'occasion d'une interpellation opérée par le service de sécurité, n'ont pas été excessifs. qu'en ne sanctionnant pas M. Y... son collègue, alors qu'il a lui aussi applaudi, la société STAR'S SERVICE a admis que l'attitude des deux salariés n'était pas fautive. que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent le cadre du litige et qu'aucune atteinte à l'image de la société n'y est visée.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'avertissement du 12 mars 2008
Aux termes de l'article L1331-1 du code du travail, " constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ".
Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif, ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations du contrat de travail.
La société STAR'S SERVICE a le 12 mars 2008 notifié à M. X... un avertissement ainsi libellé :
" OBJET : Lettre de notification d'un avertissement
Monsieur,
Nous vous avons convoqué le 5 mars 2008, par lettre recommandée avec accusé de réception, à un entretien préalable à la sanction que nous envisagions de prendre à votre encontre pour les faits suivants :
Le 24 décembre 2008 (sic), vous avez eu un accident de la circulation avec votre véhicule de service. Dans ses conclusions datées du 18 janvier 2008, notre assureur vous déclare pleinement responsable de ce sinistre.
Nous insistons sur le fait que vous n'avez pas respecté le règlement intérieur qui stipule :
ARTICLE8- Usage du matériel de l'entreprise :
" Tout salarié est tenu de conserver en bon état le matériel qui lui est confié pour l'exécution de son travail. Les dispositions du contrat de travail devront être strictement respectées. "
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de vous notifier un avertissement.... "
L'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction et le juge forme sa conviction au vu de ceux-ci et des éléments produits par le salarié à l'appui de ses allégations. si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le juge peut, aux termes de l'article L1333-2 du code du travail annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
La société STAR'S SERVICE, tout en soutenant que le constat amiable d'accident établi le 24 décembre 2007 fait de manière évidente apparaître le caractère fautif du comportement de M. X... et son manque d'attention au volant, ne produit pas cette pièce pourtant essentielle à la bonne compréhension des faits.
Elle verse uniquement aux débats une " fiche accident 3076 ", document informatique non signé, daté du 18 janvier 2008, et émanant de son propre service " sinistres ", nommé " SEREX ".
Ce document donne les coordonnées du véhicule conduit le 24 décembre 2007 par M. X... désigne celui-ci comme étant le chauffeur et mentionne : " de SEREX à M. Z...... Responsabilité : 100 % circonstances : assuré recule "
Il s'agit donc d'un document interne à la sa STAR'S SERVICE, établi et édité par elle, et ne pouvant de ce fait constituer la preuve de la faute alléguée du salarié.
Au surplus, alors que le constat d'accident permettrait de connaître les circonstances précises de l'accident, et de savoir si la manoeuvre de recul opérée par M. X... a été dangereuse ou si le conducteur adverse a eu une responsabilité dans la survenance du sinistre, la " fiche accident 3076 " ne comporte aucune mention explicite sur ces points.
Les " conclusions de l'assureur datées du 18 janvier 2008 ", dont il est fait état dans la lettre d'avertissement, s'il s'agit d'un document autre que cette fiche, ne sont pas non plus produites.
Il n'est par conséquent pas établi que le comportement de M. X... comme conducteur du véhicule de l'entreprise ait été, ce 24 décembre 2007, fautif et la réalité du grief n'est pas démontrée.
Au surplus, la société STAR'S SERVICE ne démontre pas plus n'avoir pas eu, dès le 24 décembre 2007, jour de l'accident, une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. dés lors, par application des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail qui stipulent qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, les faits survenus le 24 décembre 2007, alors que la sanction a été notifiée le 12 mars 2008, apparaissent comme étant à cette date, prescrits.
Par voie de confirmation du jugement l'avertissement du 12 mars 2008, qui est injustifié à double titre, doit être annulé.
Sur l'avertissement du 22 octobre 2008
La lettre de notification de cet avertissement est ainsi libellée :
" Objet : lettre de notification d'un avertissement.
Monsieur,
... Le 2 octobre 2008, notre client nous informe de votre comportement inapproprié, perturbant le travail du personnel de votre site d'affectation. Nous vous rappelons qu'en tant que prestataire de service, ce type d'attitude ne peut être que négatif quant à l'image de marque de notre enseigne et celle de notre client.
Nous insistons sur le fait que vous n'avez pas respecté les clauses de votre contrat de travail qui stipulent :
XII : obligations professionnelles
Monsieur Jonathan X... s'engage :
- à consacrer professionnellement toute son activité et tous ses soins à l'entreprise, l'exercice de toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte de tiers, lui étant en conséquence interdite.
- à observer le règlement intérieur, toutes les instructions et consignes particulières de travail qui lui seront données, les notes de service ainsi que la plus entière discrétion sur tout ce qui concerne les activités de l'entreprise.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de vous notifier un avertissement. "
La société STAR'S SERVICE produit pour démontrer la réalité du grief, décrit de manière extrêmement vague dans le courrier d'avertissement, un mel daté du 21 octobre 2008, adressé par M. A..., qui est son responsable d'agence adjoint Centre Ouest du Groupe, à Mme C..., salariée du service ressources humaines de la société, et qui indique :
" J'ai reçu en entretien M. X... Jonathan de Monoprix Angers suite à son problème de comportement survenu au magasin le 2 octobre 2008. M. X... reconnait avoir eu à plusieurs reprises des " fous rires " dans le magasin au service livraison et avoir perturbé le travail du personnel de Monoprix notamment du préparateur des LAD qui fut convoqué lui-même par le directeur. M. X... reconnait aussi avoir répondu de façon inappropriée à une cliente du service par " excuser mon excès de bonne humeur ". Pour les faits relatés ci-dessus merci de notifier à M. X... un avertissement. "
Cet unique document ne permet pas de savoir en quoi les " fous rires " que M. X... reconnaît avoir eus le 2 octobre 2008 ont perturbé le travail du préparateur des livraisons à domicile de Monoprix, et si celui-ci a été interrompu ou ralenti dans ses tâches. il n'apparaît pas non plus que M. X..., ou ce salarié à cause de lui, aient mal exécuté leur travail.
Le fait que M. X... ait dit à une cliente présente " excusez mon excès de bonne humeur " ne peut être qualifié de propos " inapproprié " puisqu'à travers ces mots le salarié ne manifeste ni agressivité ni incorrection.
Aucune lettre de plainte de la clientèle n'est produite, ni aucune attestation émanant du préparateur qui aurait été perturbé dans son travail.
La société STAR'S SERVICE est défaillante à justifier du caractère fautif des faits invoqués, et par voie de confirmation du jugement, l'avertissement délivré le 22 octobre 2008 au salarié, non justifié, doit être annulé.
La notification à M. X... de deux avertissements successifs, injustifiés l'un et l'autre du fait de l'absence de matérialité des faits reprochés, a causé au salarié un préjudice moral qui sera justement réparé, par voie d'infirmation du jugement, par la condamnation de la société STAR'S SERVICE à lui payer la somme de 600 € à titre de dommages-intérêts.
Sur le licenciement
Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure, et qui fixe les limites du litige, la preuve n'incombant spécialement à aucune des parties.
En cas de licenciement disciplinaire, la faute du salarié ne peut résulter que d'un fait avéré, acte positif ou abstention, de nature volontaire, qui lui est imputable et qui constitue de sa part une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
La faute grave, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement adressée le 16 novembre 2009 à M. X..., est ainsi libellée :
" Monsieur,
Le 21 septembre et Ie 13 octobre 2009, votre responsable hiérarchique a reçu trois courriers de notre client se plaignant de votre comportement sur son magasin.
En effet :
Le 16 septembre 2009, vous avez une violente altercation verbale avec un membre de I'équipe du magasin en charge des Iivraisons à domicile.
Le 18 septembre 2009, en relation avec votre altercation du 16 septembre 2009, notre client a du intervenir afin de vous rappeler les règles de prise en charge des marchandises. Vous refusiez de prendre en charge une chaise pliante que Ie responsable livraison du magasin souhaitait vous confier.
Enfin, Ie 8 octobre 2009, vous avez de nouveau démontré votre manque de retenue en applaudissant plus qu'il n'aurait fallu à I'arrestation d'un individu par les agents de sécurité du magasin. De plus, Ie directeur nous précise qu'une fois encore, il a dû vous rappeler les règles de livraisons.
Nous ne pouvons tolérer cette situation et considérons que les fait précédemment évoqués constituent une violation des obligations contractuelles, donc une faute grave, rendant Impossible votre maintien, même temporaire, dans I'entreprise.
Cette situation fait suite a :
Un avertissement en date du 12 mars 2008 pour un accident 100 % responsable
Un avertissement en date du 22 octobre 2008 pour comportement inapproprié perturbant Ie travail du personnel.
Votre licenciement sera donc effectif dès la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture.... "
Cette lettre indique que la sanction cette fois notifiée, le licenciement, fait suite aux avertissements déjà délivrés les 12 mars et 22 octobre 2008, et l'employeur peut en effet retenir des fautes antérieures, même déjà sanctionnées, pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié, si la sanction invoquée n'est pas antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires.
Il vient cependant d'être observé que les avertissements notifiés à M. X... le 12 mars 2008, puis le 22 octobre 2008 sont injustifiés, la réalité des griefs reprochés n'étant pas établie par l'employeur.
Celui-ci ne prouve par conséquent pas plus, par leur mention dans son courrier de licenciement, la gravité des nouveaux griefs qu'il convient par conséquent d'examiner sur ce point en eux mêmes seulement.
Ceux-ci sont au nombre de trois, les deux premiers étant liés.
¤ sur les faits du 16 septembre 2009 et du 18 septembre 2009 :
L'employeur reproche à M. X... de ne pas respecter les règles de livraison des produits du magasin Monoprix, alors que celles-ci ont été formalisées dans une charte contractuelle entre le client et la société STAR'S SERVICE.
Il verse aux débats deux courriers successifs de M. B..., directeur du magasin Monoprix du centre commercial Fleur d'eau d'Angers, des 18 et 19 septembre 2009 dans lesquels ce dernier indique :
- le 18 septembre 2009 : "... mercredi 16 septembre 2009 s'est produit un nouvel incident avec un de vos livreurs " Jonathan " qui n'a pas apprécié que notre responsable livraison accepte une livraison avec règlement sur place chez le client par TPE, il était 17H50, prétextant qu'il ne fallait plus en prendre après 18H30 ! Serait ce à lui de dicter les règles qui régissent notre collaboration ? ".
- le 19 septembre 2009 : "... hier vendredi 18 septembre 2009 et à la suite de l'incident qui s'est produit le mercredi 16 septembre 2009 il m'a été rapporté que votre livreur " Jonathan " n'ayant pas apprécié les réflexions qui lui ont été faites s'en est pris à notre employé responsable du service de livraison avec forte violence verbale et cela dans le magasin devant les clients et le personnel.
Plus tard dans l'après-midi,, ayant appris qu'il y avait un litige au sujet d'une livraison dans laquelle figurait un fauteuil pliant, et que les livreurs ne pouvaient en accepter la prise en charge, j'ai demandé des explications à " Jonathan " qui m'a répondu qu'un fauteuil ne rentrait pas dans un bac ! Je lui ai alors précisé que la charte ne considérait pas un bac comme l'unité de volume déterminant la livraison ou pas, que les articles pouvant être portés par une personne seule devaient être livrés, qu'il y avait une charte et qu'elle devait être respectée. Je me suis vu rétorquer qu'il le prendrait mais qu'il se sentait déchargé de toute responsabilité s'il arrivait quelque chose au fauteuil ne pouvant rien mettre devant ? J'espère que la livraison a été correctement effectuée, nous n'avons pas de retour du client.... "
Il ressort de ces écrits d'une part que l'échange verbal du 16 septembre 2009 ou en tout cas son caractère " violent " n'a été rapporté au directeur du magasin Monoprix que deux jours plus tard, et d'autre part que la livraison du fauteuil pliant a bien été effectuée par M. X....
L'employeur ne produit aucune attestation de client du magasin Monoprix, ou celle du salarié que M. X... aurait pris à partie, établissant que l'échange verbal qui a eu lieu le 16 septembre 2009 entre M. X... et le responsable des livraisons à domicile chez Monoprix ait été violent et donc de nature à perturber le fonctionnement du magasin, au risque de nuire à la pérennité des relations contractuelles installées avec STAR'S SERVICE.
M. X... produit pour sa part l'attestation de M. Y..., qui est un chauffeur livreur de STAR'S SERVICE et qui dit avoir été présent lors de l'échange incriminé : M. Frippier affirme que M. X... n'a fait preuve " d'aucune forme d'agressivité notable envers un employé de Monoprix " et qu'il a observé une " discussion des plus courtoises entre M. X... et le directeur du magasin contrairement aux accusations mentionnées ".
Si la réalité, le 16 septembre 2009, d'une discussion entre M. X... et le responsable des livraisons à domicile chez Monoprix au sujet des conditions de livraison des produits Monoprix par STAR'S SERVICE est avérée, il n'est en revanche pas établi que cette discussion ait été " violente " de la part de M. X..., et ait amené le salarié à adopter à l'égard du client de son employeur un comportement fautif, dont la gravité rendait son maintien dans l'entreprise impossible. au surplus, l'incident n'a dans cet aspect allégué de violence verbale, été rapporté au directeur du magasin Monoprix que deux jours après, n'a pas donné lieu à mise à pied conservatoire de son salarié de la part de STAR'S SERVICE, mais uniquement à la délivrance d'une convocation à entretien préalable au licenciement le 19 octobre 2009, soit plus d'un mois après, pour un entretien fixé au 28 octobre 2009.
Si l'employeur mentionne dans sa lettre de licenciement l'existence d'une première convocation du 29 septembre 2009, il ne la verse pas aux débats et n'en a pas moins délivré une seconde pour trois semaines plus tard.
L'impossiblité de maintenir M. X... dans l'entreprise, caractérisant la commission d'une faute grave par le salarié, n'est pas établie quant à ce grief, qui ne constitue pas plus une violation par M. X... de ses obligations contractuelles, caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement, puisqu'aucun refus d'exécution d'une livraison n'est établi, ni même allégué, par la société STAR'S SERVICE.
Il apparaît quant aux faits du 18 septembre 2009 que M. X... a ce jour là fait de nouvelles observations à ses interlocuteurs du service livraison de Monoprix au sujet de la prise en charge d'une marchandise à livrer à domicile, à savoir un fauteuil pliant.
Il est établi cependant, et il résulte du courrier même de Monoprix, que le fauteuil a été livré, sans retard, par M. X..., et que l'acheteur n'a émis aucune plainte au sujet de cette livraison.
Il apparaît aussi à la lecture des conditions générales de livraison, versées aux débats et constituant la " charte " à laquelle M. B... fait référence, que M. X... ne faisait que rappeler le contenu de celle-ci en observant que le fauteuil à livrer n'entrait pas dans les conditions contractuelles de livraison puisqu'il est écrit : " Le service des livraisons à domicile comprend tous les produits alimentaires ainsi que tous les produits non alimentaires habituellement vendus dans les magasins à rayons multiples dont le volume est accepté dans les caisses de livraison, et pouvant être manutentionnés par un seul homme ".
Contrairement à ce qu'écrit le directeur de Monoprix l'entrée de la marchandise dans le bac protecteur constitue donc bien un critère de livraison. M. Y... atteste pour sa part que " des bacs de protection sont à notre disposition et l'article ne pouvait pas se loger dedans " et encore que " M. X... a rappelé simplement qu'il acceptait de prendre en charge la marchandise à condition que celle-ci soit emballée afin d'éviter toutes dégradations dont nous pourrions être tenu pour responsable ".
Aucune faute grave, empêchant le maintien du salarié dans l'entreprise, ni même aucune violation par celui-ci de ses obligations contractuelles, constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement, n'est caractérisée pour ce grief, M. X... apparaissant au contraire comme étant un professionnel méticuleux, ainsi qu'en témoignent par de très nombreuses attestations qu'il verse aux débats, les clients livrés, qui disent leur satisfaction du service effectué.
¤ Sur les faits du 8 octobre 2009 :
Il est reproché à M. X... d'avoir ce jour là, applaudissant " plus qu'il n'aurait fallu " à une interpellation effectuée dans le magasin Monoprix, manqué de retenue. il est également dit que le directeur du magasin Monoprix a dû à nouveau lui rappeler les règles de livraisons.
Sur ce dernier point il apparaît à la lecture du mel adressé le 13 octobre 2009 à STAR'S SERVICE par le directeur du magasin Monoprix M. B..., qu'il s'est à nouveau agi le 8 octobre 2009, de la livraison de " petites tables et chaises ", M. X... faisant comme pour le fauteuil pliant observer que " c'était aux risques " de Monoprix et qu'il " ne garantissait pas la livraison ".
Il est cependant établi que si Monoprix fait une lecture différente des conditions générales de livraisons, ou " charte ", de celle effectuée par M. X..., c'est bien celui-ci qui apparaît comme se conformant, dans l'exécution de sa tâche, à leur libellé.
Quant aux applaudissements reprochés, leur caractère excessif, déplacé, " plus que bruyants ", selon les termes employés par M. B... dans son mel, et de ce fait gênant à l'égard des clients présents ou critiqués par ceux-ci, n'est qu'affirmé, tandis que M. Y... atteste d'une part avoir lui aussi applaudi ce que confirme dans son écrit M. B..., et d'autre part l'avoir fait " de la même façon que M. X... ", c'est-à-dire sans que cela soit " une ovation ".
Sur ces faits, auxquels il a participé, M. Y... ajoute que " les propos de l'accusation portent à la limite du risible les moyens déployés à l'encontre de M. X... ".
Ce dernier grief ne caractérise en conséquence là encore ni une faute grave, empêchant le maintien de M. X... dans l'entreprise, ni la violation d'une de ses obligations contractuelles par le salarié, qui constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le grief " d'atteinte à l'image de marque de l'entreprise " invoqué par la société STAR'S SERVICE dans ses écritures, n'est pas énoncé dans la lettre de licenciement qui fixe le litige et la cour n'a par conséquent pas à procéder à son examen.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. X... ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.
Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, M. X... peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail, l'indemnité à la charge de l'employeur ne pouvant pas être inférieure aux salaires ou rémunérations bruts des six derniers mois, lesquels se sont élevés à la somme de 8026, 20 €.
Au delà de ce montant minimum, le montant de l'indemnité est souverainement fixé par le juge.
M. X... ne précise pas quelle est sa situation actuelle d'emploi. son salaire mensuel brut moyen était au moment du licenciement de 1337, 70 €.
Au moment du licenciement, il était âgé de 27 ans et comptait 25 mois d'ancienneté dans l'entreprise. La cour dispose donc des éléments nécessaires pour évaluer, par voie de réformation du jugement déféré, la réparation due au salarié licencié à la somme de 9 000 €.
M. X... ne forme pas d'appel incident sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, ni sur celui de l'indemnité de licenciement.
Aux termes des articles L1234-1 et L1234-5 du code du travail, applicables au litige, M. X... qui justifie au sein de la société STARS'SERVICE d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans et qui n'a pas exécuté de préavis du fait de la notification d'un licenciement pour faute grave, que la cour dit non fondé, a droit par voie de confirmation du jugement au paiement d'une indemnité compensatrice correspondant aux salaires et congés payés qu'il aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, soit au paiement de la somme de 2942, 94 € congés payés inclus.
L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure, en application des dispositions combinées des articles L1234-9, R1234-1 et R1234-2 (dans sa rédaction du 18 juillet 2008) du code du travail, à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à dix ans d'ancienneté, (les mois de service accomplis au-delà des années pleines étant pris en compte), soit à la somme de 535, 08 € (2 ans) + 111, 47 € (un mois), montant que la cour limite, confirmant les premiers juges dont M. X... ne remet pas en cause la décision, à la somme de 535, 08 €.
En application de l'article L1235-4 du code du travail il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur au pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et aux frais irrépetibles sont confirmées. Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel. la société STAR'S SERVICE est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 1200 € à ce titre et doit être déboutée de sa propre demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour les avertissements des 12 mars 2008 et 22 octobre 2008 et quant au montant de l'indemnité allouée pour licenciement non fondé sur une faute grave et dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau de ces chefs,
CONDAMNE la société STAR'S SERVICE à payer à M. X... la somme de 9000 € (neuf mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement ne reposant ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.
CONDAMNE la société STAR'S SERVICE à payer à M. X... la somme de 600 € (six cents euros) à titre de dommages-intérêts pour les avertissements des 12 mars et 22 octobre 2008.
Ajoutant au jugement déféré,
ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur au pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. X... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
DIT que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE la société STAR'S SERVICE à payer à M. X... la somme de 1200 € (mille deux cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépetibles d'appel,
CONDAMNE la société STAR'S SERVICE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL