COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00889.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 28 Février 2011, enregistrée sous le no 10/ 00080
ARRÊT DU 28 Août 2012
APPELANT :
Monsieur Bertrand X.........
présent, assisté de Maître Brigitte SUBLARD, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMES :
Maître Marcel Y..., ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL ANJOU VENDEE SERVICES ......85000 LA ROCHE SUR YON
représenté par Maître Bertrand CREN (cabinet BDH AVOCATS), avocat au barreau d'ANGERS, substituant Maître Nicolas LATOURNERIE (SELARL), avocat au barreau de la ROCHE SUR YON
L'A. G. S.- C. G. E. A. DE DE RENNES Immeuble le Magister 4 cours R. Binet 35069 RENNES CEDEX
représentée par Maître Bertrand CREN (cabinet BDH AVOCATS), avocat au barreau d''ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 28 Août 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Bertrand X...a été engagé par la société Transports Jeusselin, devenue Anjou Vendée services, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2002 en qualité d'ouvrier roulant, contre une rémunération brute mensuelle de 1 183, 03 euros pour une durée de 151heures 67 de travail.
La société Anjou Vendée services était spécialisée dans le transport routier de fret interurbain et comptait deux établissements, l'un en Vendée et l'autre sur le Maine et Loire. Elle a été placée en redressement judiciaire le 6 février 2008, puis en liquidation judiciaire le 1er octobre 2008, M. Y...étant désigné en tant que mandataire judiciaire tout d'abord, et liquidateur judiciaire ensuite.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 octobre 2008, M. Y..., ès qualités, a procédé au licenciement pour motif économique de M. X....
M. X...a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 15 octobre 2008, aux fins que :- sa créance au titre d'heures supplémentaires impayées soit fixée à la somme de 8 500 euros nette,- la rectification de ses bulletins de salaire pour la période allant de janvier 2003 à fin septembre 2008, de même que de son attestation Assedic, soit ordonnée,- il lui soit alloué une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,- les dépens soient employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Par jugement du 7 septembre 2009 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :- fait droit dans son principe à la demande de M. X...au titre des heures supplémentaires,- renvoyé les parties à apurer leurs comptes, notamment o dit que M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anjou Vendée services, devra fournir à M. X...l'ensemble des documents prévus par le règlement européen dans ses décrets no8340 et 3820 relatifs au décompte du temps de travail prévu dans les transports afin d'établir le décompte des heures supplémentaires effectuées durant les cinq années antérieures au 15 octobre 2008, jour de la saisine de la juridiction, o dit que M. X..., en plus de ceux produits au dossier, devra remettre à M. Y..., ès qualités, tous documents en sa possession (agendas ou autre...) permettant d'aider celui-ci dans la compréhension de ses demandes,
o dit qu'il appartient à M. X...d'effectuer le décompte, suivant les documents remis par M. Y..., ès qualités, en considération des années et des augmentations qui ont pu en résulter, o dit que M. Y..., ès qualités, devra, à l'issue des comptes, délivrer à M. X...les bulletins de salaire ainsi que l'attestation Assedic rectifiés,- réservé audience aux parties en cas de difficultés sur ces différents points,- donné acte au GGEA de Rennes de son intervention et, dit que les condamnations lui sont opposables dans les limites et plafonds légaux des articles L. 3253-6, L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,- condamné M. Y..., ès qualités, à verser à M. X...la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
M. X...a ressaisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 22 janvier 2010 aux fins que :- sa créance d'heures supplémentaires soit fixée à la somme de 8 515, 71 euros bruts,- il en soit ordonné le paiement et l'inscription au passif de la société Anjou Vendée services, dont M. Y...est liquidateur judiciaire,- il soit ordonné la rectification, après les comptes, de ses bulletins de salaire, de même que de son attestation Assedic,- M. Y..., ès qualités, soit condamné o à lui verser une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, o aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Par jugement du 28 février 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a :- débouté M. X...de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, le condamnant aux dépens de l'instance,- débouté M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anjou Vendée services, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- donné acte à l'AGS de son intervention par le GGEA de Rennes,- débouté le GGEA de Rennes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été notifiée à M. X..., à M. Y..., ès qualités, et au GGEA de Rennes le 8 mars 2011. M. X...en a formé régulièrement appel par déclaration au greffe de la cour le 4 avril 2011, limitant cet appel au rejet par le conseil de prud'hommes de ses prétentions en matière d'heures supplémentaires.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 3 mai 2011 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Bertrand X...sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, que-sa créance soit fixée à la somme brute de 8 515, 71 euros,- il soit ordonné le paiement de la dite somme et l'inscription au passif de la société Anjou Vendée services, dont M. Y...est liquidateur judiciaire,- il soit ordonné la rectification, après les comptes, de ses bulletins de salaire, de même que de son attestation Assedic,- M. Y..., ès qualités, soit condamné o à lui verser une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, o aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
En outre, y ajoutant, il demande que :- M. Y..., ès qualités, soit condamné à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,- il soit dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Il constate que, alors que le conseil de prud'hommes, dans sa première décision, avait admis sa créance d'heures supplémentaires en son principe, renvoyant simplement les parties à en effectuer le décompte exact, cette même juridiction, dans sa seconde décision, l'a débouté de ses demandes en la matière, au visa d'une motivation parfaitement contradictoire avec celle précédemment adoptée. Or, il fait valoir que :- d'une part, il ne peut être tenu pour responsable du fait qu'il n'a pu établir son décompte qu'au vu des quelques et seules pièces obtenues, en son temps, auprès de la société Anjou Vendée services, à laquelle cependant il remettait chaque fin de mois le relevé des heures accomplies, celle-ci, par ailleurs, n'en tenant aucun compte,- d'autre part, son décompte ne peut être suspecté, d'autant que le mandataire liquidateur n'a, quant à lui, produit aucune pièce, comme il n'a pas plus répondu, après avoir pourtant été invité par les premiers juges à le faire, au décompte qu'il a versé.
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Par conclusions déposées le 10 avril 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anjou Vendée services, sollicite que :- soit prononcée la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 11/ 889, 11/ 890, 11/ 891 et 11/ 892,- que les jugement déférés soient confirmés en toutes leurs dispositions,- qu'au surplus, MM. Bertrand X..., Philippe Z..., Jimmy A...et Laurent B...soient condamnés à lui verser, ès qualités, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et supportent les entiers dépens.
Il réplique que, conformément à l'article L. 3171-4 du code du travail, l'employeur n'a à fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié que si ce dernier verse préalablement au magistrat ceux de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et, qu'en l'espèce, les quatre salariés appelants ne produisent strictement aucune pièce tendant à justifier de l'accomplissement d'heures supplémentaires. Il poursuit sur le caractère douteux de leurs demandes, " strictement identiques, voire forfaitaires ou mécaniques " et souligne, qu'alors qu'ils prétendent avoir réalisé, dans le temps de la prescription, 15 heures supplémentaires par mois, ils n'ont jamais revendiqué quoique ce soit tout au long de l'exécution du contrat de travail, notamment à la suite du prétendu passage de l'inspecteur du travail dans l'entreprise. Il estime, qu'en fait, ces quatre salariés tentent de profiter de la procédure collective pour percevoir des sommes indues.
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Par conclusions déposées le 25 avril 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), agissant par le truchement du Centre de gestion et d'études (CGEA) de Rennes, sollicite, les dossiers étant joints :- au principal, la confirmation des jugements déférés, que MM. Bertrand X..., Philippe Z..., Jimmy A...et Laurent B...soient déclarés irrecevables en leurs demandes, et, à tout le moins, mal fondés, notamment du fait de la prescription quinquennale,
- subsidiairement, si une créance venait à être fixée sur la liquidation judiciaire de la société Anjou Vendée services, qu'il soit dit et jugé qu'elle ne sera tenue à garantie que dans les limites et plafonds légaux des articles L. 3253-8, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,- en tout état de cause, que MM. Bertrand X..., Philippe Z..., Jimmy A...et Laurent B...soient condamnés, chacun, à lui verser la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Elle indique que les demandes des salariés ne sauraient aboutir, en ce qu'elles ne sont pas étayées, relevant uniquement de la pétition de principe selon laquelle ils auraient accompli systématiquement, et donc de manière forfaitaire, 15 heures supplémentaires chaque mois, étant rappelé qu'il convient d'en rester dans le temps de la prescription. Et quand bien même ils auraient effectué des heures supplémentaires, elle précise que l'employeur ne peut être tenu de les payer que s'il s'agit d'heures qu'il a commandées ou qui, au moins, ont été faites avec son accord, ce qui n'est en rien établi.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Si M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anjou Vendée services, de même que l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés (l'AGS), sollicitent que les instances concernant MM. Bertrand X..., Philippe Z..., Jimmy A...et Laurent B...soient jointes, cette décision n'a aucun caractère automatique et relève de la seule appréciation souveraine du juge, en application de l'article 367 du code de procédure civile. En l'espèce, il n'apparaît pas opportun, s'agissant d'une demande en paiement d'heures supplémentaires introduite distinctement par chaque salarié et dont la solution ne peut donc être qu'individuelle à chaque salarié, de prononcer la jonction des instances sollicitée.
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L'article L. 3171-4 du code du travail dispose : " En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles... ".
La preuve des heures supplémentaires effectuées par le salarié est de fait partagée ; au salarié d'étayer préalablement sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés de façon à ce que l'employeur puisse répondre et, dans ce cas, à l'employeur de fournir ses propres éléments.
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M. Bertrand X...réclame, en sus de celles que la société Anjou Vendée services lui a d'ores et déjà réglées, le paiement de 187, 50 heures supplémentaires, majorées à 25 %, soit une somme totale de 8 515, 71 euros, ce du 15 octobre 2003 au 30 septembre 2008 pour tenir compte de la prescription. Il procède, ce faisant, à une estimation purement forfaitaire, à raison de 15 heures supplémentaires chaque mois de l'année et pour chaque année.
Déjà, il n'apparaît pas sérieux de prétendre que, quelque soit le mois et pour toutes les années, un salarié a pu invariablement faire 15 heures supplémentaires par mois ; c'est ignorer toutes absences de l'entreprise, ne serait-ce que le temps des congés payés.
Au surplus, M. X...ne verse pas le moindre élément qui viendrait illustrer sa demande, du type décompte détaillé de sa main, semaine par semaine, au long des mois et années, alors qu'il indique qu'il procédait à un tel décompte, pas plus que des attestations d'autres salariés, alors qu'eux aussi déclarent avoir réalisé des heures supplémentaires qui ne leur auraient pas été payées, voire de tiers, qui pourraient être des clients s'agissant d'une entreprise de livraison, encore moins d'écrit de l'inspection du travail alors qu'elle serait, selon ses dires, intervenue après qu'il l'ait saisie, justement, de son litige relatif aux heures supplémentaires qui lui étaient dues.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré que M. X...étaie, au sens de l'article L. 3171-4 précité, sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires et la décision des premiers juges, qui l'en a débouté, devra être confirmée. ****
M. X...avait limité son appel aux dispositions du jugement relatives aux heures supplémentaires.
Ni M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anjou Vendée services, ni l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés, n'ayant formé appel incident pour ce qui est de l'indemnité de procédure de l'article 700 du code de procédure civile sollicitée dont ils avaient été déboutés, les dispositions relatives aux frais irrépétibles seront également confirmées et, les dépens de première instance resteront supportés par M. X....
En appel, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à l'appelant comme aux intimés la charge de leurs frais irrépétibles, chacun étant débouté de sa demande de ce chef. M. X...sera, par ailleurs, condamné aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande en jonction des instances,
Confirme le jugement entrepris en son intégralité,
Y ajoutant,
Déboute M. Bertrand X..., M. Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anjou Vendée services, l'association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés, Centre de gestion et d'études de Rennes, de leur demande au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,
Condamne M. Bertrand X...aux entiers dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL