COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00798.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 28 Février 2011, enregistrée sous le no 10/ 00137
ARRÊT DU 04 Septembre 2012
APPELANT :
Monsieur Jean-Pierre X...
...
56320 LE FAOUET
présent, assisté de Monsieur André Y..., délégué syndical
INTIMEE :
Madame Hélèna Z...
...
... ...
présente, assistée de Maître Eric BOCQUILLON (SCP FIDAL), avocat au barreau d'ALENCON (No du dossier 553)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller
Madame Anne DUFAU, conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU, greffier
ARRÊT :
prononcé le 04 Septembre 2012, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Mme Héléna Z..., entraîneur de chevaux de course à ..., en Mayenne, a engagé comme lad-jockey M. Jean-Pierre X...le 22 janvier 2010, puis a mis fin à la relation de travail, le 16 février 2010.
Le 1er mars 2010 elle lui a adressé par lettre recommandée avec accusé de réception un bulletin de salaire pour la période allant du 1er au 16 février 2010, la somme de 716, 38 € en chèque et la déclaration unique d'embauche (D. U. E.) datée du 8 février 2010.
Le 18 mai 2010 M. X...a saisi le conseil de prud'hommes de Laval auquel il a demandé de dire la rupture de son contrat à durée déterminée illégale et de condamner Mme Z...à lui verser, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes de :
-9362, 80 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,
-1700 € à titre de dommages-intérêts pour absence de procédure de licenciement,
-1020 € à titre d'indemnité de fin de contrat,
10 200 € pour travail dissimulé,
-1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X...a demandé que lui soit remis une attestation Assedic rectifiée et un certificat de travail, sous astreinte de 100 € par jour de retard, et que Mme Z...soit condamnée aux dépens.
Par jugement du 28 février 2011 le conseil de prud'hommes de Laval a :
- dit que le contrat de travail est un contrat à durée indéterminée,
- dit que la rupture du contrat de travail est un licenciement,
- condamné Mme Z...à verser à M. X...la somme de 1300 € pour procédure irrégulière,
- condamné Mme Z...à remettre à M. X...une attestation Assedic et un certificat de travail conformes, sous astreinte provisoire de 10 € par jour de retard à compter du soixantième jour suivant la notification de la présente décision, et ce pendant un délai de deux mois, le conseil se réservant la faculté de liquider la dite astreinte,
- débouté M. X...de ses autres demandes,
- débouté Mme Z...de ses demandes,
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Le jugement a été notifié le 2 mars 2011 à Mme Z...et le 3 mars 2011à M. X..., qui en fait appel par lettre postée le 21 mars 2011.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. X...demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 3 février 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de :
- dire que la rupture de son contrat de travail à durée déterminée n'est pas fondée et irrégulière,
- condamner Mme Z...à lui verser, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes de :
-7442, 80 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,
-1380 € à titre de dommages-intérêts pour absence de procédure de licenciement,
-828 € à titre d'indemnité de fin de contrat,
-8280 € pour travail dissimulé,
-1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
M. X...soutient :
- que les parties ont conclu un contrat à durée déterminée, comme le montre la déclaration unique d'embauche (D. U. E.) et ainsi que le reconnaît Mme Z...; qu'il n'avait pas demandé la requalification de ce contrat en contrat à durée indéterminée au conseil de prud'hommes de Laval ; qu'il a droit, à titre d'indemnité, aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'au 31 juillet 2010, terme prévu du contrat de travail outre l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée ;
- qu'il lui a été demandé le 16 février 2012 de cesser le travail, sans explications ni reproches antérieurs et qu'il ne se trouvait pas en période d'essai ;
- qu'il a travaillé du 22 janvier 2010 au 1er février 2010 sans être déclaré, Mme Z...lui remettant la somme de 700 € en paiement mais aucun bulletin de paie ;
Mme Z...demande à la cour par observations orales à l'audience reprenant sans ajout ni retrait ses écritures déposées au greffe le 17 avril 2012, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, de :
- déclarer M. X...mal fondé en son appel,
- le débouter de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner M. X...à lui payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. X...aux dépens.
Mme Z...soutient :
- qu'elle avait en effet envisagé de conclure avec M. X...un contrat à durée déterminée de 188 jours à compter du 1er février 2010, mais qu'aucun écrit n'a été signé, et que le contrat de travail est donc un contrat à durée indéterminée ;
- qu'elle admet ne pas avoir respecté la procédure de licenciement, et ne pas pouvoir produire un écrit établissant l'existence d'une période d'essai ; elle s'en rapporte par conséquent à la décision de la cour quant à la demande d'indemnité de M. X...;
- qu'il n'y a pas eu travail dissimulé car elle a demandé à M. X...de travailler pour elle plus tôt qu'il n'était prévu à cause de son accouchement, survenu le 16 janvier 2010, et qu'elle a adressé à la Mutualité sociale Agricole la D. U. E. dès que son état de santé lui a permis de le faire ; que les faits n'ont donc pas eu de caractère intentionnel ; qu'elle est étrangère, et maîtrise mal le français.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le contrat de travail et sa rupture
Il est établi qu'aucun contrat écrit n'a été établi entre M. X...et Mme Z...; en l'absence d'écrit il appartient à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve ;
M. X...soutient qu'un contrat à durée déterminée a été conclu, puis rompu avant le terme convenu de manière irrégulière, et que l'employeur ne lui a donné aucune explication sur cette rupture ;
Mme Z...soutient pour sa part qu'il y a lieu, faute d'écrit, à requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
Cette demande de requalification du contrat de travail a déjà été formulée par l'employeur devant les premiers juges, qui y ont fait droit : la requalification a néanmoins été opérée à tort par le conseil de prud'hommes de Laval, alors d'une part qu'elle ne lui était pas demandée par le salarié, seul celui-ci pouvant se prévaloir de l'inobservation des règles légales de forme du contrat à durée déterminée, et donc de l'absence d'écrit, et alors, d'autre part, qu'il peut rapporter la preuve, lorsqu'il n'existe pas d'écrit que le contrat conclu verbalement est à durée déterminée ;
M. X...verse aux débats la D. U. E. que Mme Z...a le 8 février 2010 adressé à la Mutualité sociale agricole de la Mayenne au sujet de son embauche : il apparaît que l'employeur y a indiqué, de manière manuscrite, employer M. X...comme lad-jockey, à compter du 1er février 2010, en contrat à durée déterminée, d'une durée de 188 jours ;
M. X...produit d'autre part un contrat à durée déterminée à temps complet, resté non signé par Mme Z...mais indiquant :
" ARTICLE 1 :
M. X...est engagé pour une durée déterminée à temps complet à compter du 1er février 2010 et ce jusqu'au 31 juillet 2010, par un contrat à durée déterminée à temps complet. Cet engagement a pour but de pallier à l'augmentation d'activité pendant cette période.
ARTICLE 2 :
M. X...est employé en qualité de " lad-jockey " au coefficient 110 défini par la convention collective de " polyculture, élevage, haras, Cuma de l'Orne " applicable au présent contrat " ;
Les mentions afférentes à l'emploi et au coefficient se retrouvent à l'identique sur le bulletin de salaire remis à M. X...pour février 2010 ;
M. X...démontre par conséquent la réalité de l'existence d'un contrat à durée déterminée, conclu pour 188 jours, à compter du 1er février 2010, entre lui et Mme Z..., pour un emploi de lad-jockey ;
Il ne fait pas débat que ce contrat de travail a été rompu de manière verbale le 16 février 2010, sans procédure et sans motif donné par l'employeur, qui a adressé à Pole Emploi une attestation de rupture en visant le motif " rupture conventionnelle ", mais allègue devant la cour un licenciement, dont il reconnaît n'avoir pas respecté les formes ;
La nature du contrat de travail étant établie comme étant celle d'un contrat à durée déterminée, les conditions de sa rupture doivent être examinées au regard des dispositions de l'article L1243-1 du code du travail qui stipulent que : " sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure " ;
Mme Z...n'établit, ni même n'allègue, l'existence d'une faute grave imputable au salarié, ni celle d'une force majeure ;
Elle ne peut utilement invoquer avoir rompu la relation de travail pendant la période d'essai et donc sans procédure, alors qu'une période d'essai ne peut être établie que par un écrit ;
Lorsque la rupture anticipée du contrat à durée déterminée intervient à l'initiative de l'employeur en dehors des cas de faute grave ou de force majeure, elle ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L1243-8 du code du travail ;
L'indemnité de fin de contrat, qui est destinée à compenser la précarité de la situation du salarié, est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée à celui-ci et s'y ajoute ;
Il y a lieu en conséquence, par voie d'infirmation du jugement, de dire que le contrat conclu entre Mme Z...et M. X...est un contrat à durée déterminée, de débouter M. X...de sa demande de dommages-intérêts pour procédure irrégulière de licenciement, le licenciement étant une forme de rupture du contrat à durée indéterminée alors que telle n'est pas la nature du contrat de travail du 1er février 2010, de dire la rupture du contrat à durée déterminée irrégulière, et de condamner Mme Z...à payer à M. X...les sommes suivantes :
- à titre de dommages-intérêts, pour rupture irrégulière avant terme du contrat à durée déterminée, la somme de 7442, 80 €, qui résulte des éléments suivants :
- le taux horaire auquel M. X...a été rémunéré est de 9, 10 €, et son salaire mensuel net s'établit pour 151H 67 à la somme de 1380 € ; le contrat à durée déterminée était à terme au 31 juillet 2010 : M. X...doit par conséquent percevoir au titre des rémunérations nettes dues jusqu'à cette date la somme de 542, 80 €, due pour la période allant du 17 au 28 février 2010, outre celle de 1380 € x 5mois = 6900 € correspondant aux mois de mars avril, mai, juin et juillet ;
L'indemnité de rupture anticipée du contrat à durée déterminée est une réparation minimale forfaitaire que le juge ne peut pas réduire, mais uniquement augmenter, M. X...limitant en l'occurrence sa demande au montant susvisé ;
Elle n'ouvre pas droit à congés payés, et M. X...ne forme pas de demande à ce titre ; il indique en revanche percevoir le R. S. A : si les dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée ne peuvent se cumuler avec les indemnités de chômage servies par Pôle Emploi au cours de la période courant de la rupture du contrat de travail à l'échéance du terme de celui-ci, il appartient uniquement à Pôle Emploi de demander remboursement des sommes versées, aucune disposition légale n'autorisant le juge saisi de la demande du salarié à prévoir la déduction des allocations de la réparation forfaitaire minimale mise à la charge de l'employeur ;
- à titre d'indemnité de fin de contrat :
10 % de (6 x 1380 €) = 8280 €, soit la somme de 828 € ;
sur le travail dissimulé
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, aux termes de l'article L8221-5 2o du code du travail dans sa rédaction en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail, le fait pour un employeur de se soustraire à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche du salarié, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;
La dissimulation d'emploi salarié prévue la loi n'est toutefois caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;
En cas de rupture du contrat de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits sus visés, a droit à une indemnité forfaitaire, égale à six mois de salaire ;
L'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture ;
Mme Z...invoque la survenance de son accouchement, avancée du fait d'une grossesse gémellaire, pour justifier un retard dans l'envoi de la déclaration unique d'embauche (D. U. E.), sans qu'il y ait eu de sa part intention de dissimuler des heures de travail accomplies par M. X...; elle prétend également mal pratiquer le français du fait de ses origines néerlandaises ;
Il apparaît cependant que Mme Z...a embauché M. X...non pas le 1er février 2010, mais dès le 22 janvier 2010 ;
Elle le reconnaît devant la cour, en exposant avoir dû se faire aider plus tôt qu'il n'était prévu, du fait de son accouchement survenu le 16 janvier 2010 ;
Il n'en demeure pas moins qu'elle a le 8 février 2010 renseigné la D. U. E. afférente à l'emploi de M. X..., d'une part en visant un contrat à durée déterminée de 188 jours ce qui le faisait débuter non le 1er février 2010 comme elle l'a écrit sur ce document (il aurait été alors de 180 jours) mais le 22 janvier 2010, alors qu'elle a ensuite remis à M. X...un bulletin de salaire seulement pour février 2010, le rémunérant en espèces pour la période allant du 22 au 31 janvier 2010 ;
Cette D. U. E. est d'autre part surchargée, la date d'embauche apparaissant comme ayant été d'abord le 22 janvier, puis par ré-écriture, le 1er février ;
Dans une seconde attestation Assedic transmise par son conseil en cours de débats et établie le 9 avril 2011, Mme Z...a indiqué que les périodes de paie de M. X...avaient été : le " 22-01/ 10 au 31-01-10 " et le " 01-02-10 au 16-02-10 ", et avaient donné lieu à versement, pour janvier, de la somme de 907, 27 €, et pour février, de la somme de 920, 92 € ;
Or, dans une première attestation Assedic de rupture du contrat de travail, établie le 5 juin 2010, Mme Z...n'a fait apparaître que la période d'emploi allant du 1er février au 16 février 2010, et le montant versé de 920, 92 € ;
Il est par conséquent établi qu'il n'y a pas eu simple retard déclaratif, lié à l'accouchement, mais bien la rédaction et l'envoi de déclarations dissimulant intentionnellement la période d'emploi de M. X...allant du 22 janvier au 31 janvier 2010, que Mme Z...a rémunérée en espèces, sans délivrer au salarié de bulletin de paie, et dont elle indique dans la déclaration rectifiée du 9 avril 2011 qu'elle a correspondu à 90, 5 heures de travail ;
Par voie d'infirmation du jugement, il y a lieu en conséquence de condamner Mme Z...à payer à M. X..., à titre d'indemnité pour travail dissimulé, la somme de 6 mois X1380 € = soit 8280 € ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement afférentes aux dépens et aux frais irrépetibles sont infirmées ;
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X...les frais non compris dans les dépens et engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel ; Mme Z...est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 2000 €, et doit être déboutée de sa propre demande à ce titre ;
Mme Z...est condamnée à payer les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme Z...de sa demande au titre de ses frais irrépetibles,
statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que le contrat de travail conclu entre Mme Z...et M. X...est un contrat à durée déterminée,
DIT que le contrat à durée déterminée a été rompu avant terme, à l'initiative de l'employeur et de manière irrégulière,
CONDAMNE Mme Z...à payer à M. X...les sommes de :
-7442, 80 € à titre d'indemnité de rupture du contrat à durée déterminée,
-828 € à titre d'indemnité de fin de contrat,
-8280 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
-2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépetibles de première instance et d'appel,
DEBOUTE M. X...de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,
DEBOUTE Mme Z...de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Mme Z...aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL