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15/01/2013 | FRANCE | N°10/02039

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 15 janvier 2013, 10/02039


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 15 Janvier 2013
ARRÊT N
BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02039
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 22 Juin 2010, enregistrée sous le no F 09/ 62

APPELANTE :
S. A. S. FREDERIC B... Route de l'Ene Les Saurondes-BP 24 49426 SAUMUR CEDEX

représentée par Maître Sylvain CIANFERANI, substituant Maître AndrÃ

© FOLLEN (SELARL LEXCAP), avocat au barreau d'ANGERS, en présence de son dirigeant
INTIMÉ :
Monsi...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT DU 15 Janvier 2013
ARRÊT N
BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02039
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 22 Juin 2010, enregistrée sous le no F 09/ 62

APPELANTE :
S. A. S. FREDERIC B... Route de l'Ene Les Saurondes-BP 24 49426 SAUMUR CEDEX

représentée par Maître Sylvain CIANFERANI, substituant Maître André FOLLEN (SELARL LEXCAP), avocat au barreau d'ANGERS, en présence de son dirigeant
INTIMÉ :
Monsieur Yannick X...... 49400 ST LAMBERT DES LEVEES

présent, assisté de la SCP GUYON Alain-CAO Paul, avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur

qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : du 15 Janvier 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******

FAITS ET PROCÉDURE
La société Frédéric B..., qui a une activité de sellier, employait, depuis le 20 juin 1994, M. Yannick X..., en tant que préparateur en sellerie, contre un salaire brut mensuel s'élevant, dans le dernier état de la relation de travail, à la somme de 2 149, 26 euros.
M. X... été convoqué, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 avril 2009, à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique, entretien fixé au 15 avril suivant, reporté, le 8 avril 2009, dans les mêmes formes, au 17 avril suivant.
Lors de cet entretien préalable, lui a été remise une convention de reclassement personnalisé, un délai, jusqu'au 8 mai 2009, lui étant imparti afin d'y ahérer.
M. X... a été licencié pour motif économique, à titre conservatoire, au même titre que trois autres personnels de l'entreprise, par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 avril 2009.
Ayant finalement accepté la convention de reclassement personnalisé, son contrat de travail avec la société Frédéric B... a été réputé rompu d'un commun accord le 8 mai 2009.
Il a saisi le conseil de prud'hommes de Saumur, le 29 mai 2009, de même que les trois autres salariés licenciés, à savoir, Mme Anita Y..., MM. Michel Z... et Jean-Claude A..., aux fins que, pour ce qui le concerne, sous le bénéfice de l'exécution provisoire prévue à l'article 515 du code de procédure civile :- au principal, la nullité de son licenciement soit constatée, et que la société Frédéric B... soit condamnée à lui verser les sommes suivantes o 30 000 euros, nets de toutes charges, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, o 10 000 euros de dommages et intérêts pour violation de son statut protecteur,- subsidiairement, il soit dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et que la société Frédéric B... soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros, nets de toutes charges, de dommages et intérêts à ce titre,- en toute hypothèse, la société Frédéric B... soit condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'elle soit tenue aux entiers dépens.

Par jugement du 22 juin 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes, ayant joint les instances, tout en déboutant les autres salariés de leurs demandes, a condamné la société Frédéric B... à lui verser les sommes ci-après :-5 500 euros de dommages et intérêts pour violation de son statut protecteur,-15 000 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité de son licenciement,-500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Cette décision a été notifiée aux parties, notamment à M. X... le 7 juillet 2010 et à la société Frédéric B... le 8 juillet suivant.
La société Frédéric B... en a formé régulièrement appel, dirigeant celui-ci contre M. X... uniquement, par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 2 août 2010.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions enregistrées au greffe le 20 août 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Frédéric B... sollicite l'infirmation du jugement déféré, que M. Yannick X... soit dit et jugé irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, s'en voyant débouté, et condamné à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'il soit tenu aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :- M. X... ne peut invoquer le statut de salarié protégé, ni sur le fondement de l'article L. 2411-9 du code du travail, ni au motif que l'employeur, lorsqu'il a engagé la procédure de licenciement, avait connaissance de l'imminence de sa candidature,- le licenciement pour motif économique prononcé est parfaitement justifié, et elle a rempli son obligation de recherche de reclassement,- elle a établi les critères d'ordre des licenciements en référence aux critères légaux, et les a appliqués avec toute l'objectivité voulue, ce dont elle justifie.

* * * *
À l'audience, M. Yannick X..., spécifiant qu'il ne demande pas à voir examiner la cause réelle et sérieuse du licenciement intervenu, sollicite :- au principal, la confirmation du jugement déféré,- subsidiairement, la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre des licenciements,- en tout état de cause, que o soit ordonnée la capitalisation des intérêts au taux légal qui assortissent les condamnations, o la société Frédéric B... soit condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'elle soit tenue aux entiers dépens.

Il réplique que :- son licenciement est nul à deux titres, d'une part, l'employeur ayant méconnu les dispositions de l'article L. 2411-9 du code du travail, d'autre part, le même ayant connaissance, lorsqu'il a engagé la procédure de licenciement, de l'imminence de sa candidature aux fonctions de délégué du personnel ; il a droit, en conséquence, à une indemnisation, tant pour violation du statut protecteur, que du fait du caractère illicite du licenciement advenu,- l'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements, en ce que o parmi les critères que fixe la loi, ceux qui sont objectifs ont bénéficié d'une pondération bien inférieure à celui à caractère subjectif,

o il conteste l'application qui a été faite du critère relatif aux qualités professionnelles, l'employeur ne démontrant toujours pas, de façon objective, le fait qu'il ait été moins compétent, ou moins polyvalent, que ses collègues,- il a connu une longue période de chômage, et n'a retrouvé que très récemment un emploi au sein d'une jardinerie, pour un salaire moindre que celui qu'il percevait chez B....

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la protection due aux représentants du personnel
Du fait des positions qu'ils sont conduits à prendre dans l'exercice de leur mandat, les représentants du personnel bénéficient d'une protection exorbitante du droit commun par rapport aux autres salariés, que ce soit au plan de l'exécution comme de la rupture de leur contrat de travail.
Ainsi, la loi accorde une protection spécifique au salarié demandant l'organisation d'élections de délégués du personnel dans l'entreprise, conformément à l'article L. 2411-6 du code du travail (et non ainsi que visé de manière erronée L. 2411-9, propre aux élections au comité d'entreprise), de même qu'à celui dont la candidature aux fonctions de délégué du personnel est imminente, conformément à l'article L. 2411-7 du même code.
A) Le salarié sollicitant l'organisation d'élections de délégués du personnel
L'article L. 2411-6 dispose : " L'autorisation de licenciement est requise pendant une durée de six mois, pour le salarié ayant demandé à l'employeur d'organiser les élections de délégués du personnel ou d'accepter d'organiser ces élections. Cette durée court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à ces élections. Cette protection ne bénéficie qu'à un seul salarié par organisation syndicale ainsi qu'au premier salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a demandé d'organiser ces élections ".

M. Yannick X... se prévaut de ces dispositions, arguant du courrier daté du 17 mars 2009 qu'il a adressé, en recommandé avec accusé de réception, à la société Frédéric B..., distribué à sa destinataire le 19 mars suivant, dans lequel il est mentionné : " Je tiens par la présente vous faire part de mon intention de me faire représenter par un délégué du personnel. Je sollicite votre attention afin de mettre en place une élection dans l'entreprise. Veuillez agréer... ".

Cet écrit n'est pas suffisant, cependant, à conférer à M. X... la protection prévue à l'article susvisé.
M. X... a certes, ce faisant, demandé à son employeur que celui-ci organise des élections en vue de la mise en place de délégués du personnel dans l'entreprise, ainsi que l'employeur en a alors l'obligation, en application de l'article L. 2314-4 du code du travail, qui dispose que :
" Lorsque, en l'absence de délégués du personnel, l'employeur est invité à organiser des élections à la demande d'un salarié ou d'une organisation syndicale, il engage la procédure définie aux articles L. 2314-2 et L. 2314-3 dans le mois suivant la réception de cette demande ". La société Frédéric B... justifie, d'ailleurs, qu'elle a déféré à cette demande.

Il ne faut pas, toutefois, confondre ce droit qui appartient à tout salarié d'une entreprise, avec la mise en place, au profit de ce salarié, en lien avec cette demande, de la protection dérogatoire du droit commun.
En effet, la protection accordée au salarié par l'article L. 2411-6 ne lui est acquise qu'à compter de l'intervention, aux mêmes fins, d'une organisation syndicale,- la protection ne court qu'à compter de cette date-. Dès lors qu'un salarié sollicite, en premier, auprès de l'employeur d'organiser les élections de délégués du personnel, la protection évoquée ne peut se mettre en place que si cette demande est confirmée par une organisation syndicale.

À défaut pour M. X... de prouver, ni même d'alléguer, que sa demande a été reprise par une organisation syndicale, il ne peut bénéficier de la protection de l'article L. 2411-6.
B) Le salarié dont la candidature est imminente
L'article L. 2411-7 du code du travail dispose : " L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur. Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement ".

Il appartient, par conséquent, à M. X... d'établir la connaissance par la société Frédéric B..., au moment où celle-ci lui envoie la convocation du 6 avril 2009 à l'entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique,- il importe peu, en effet, que la date de l'entretien préalable ait été ensuite reportée-, de ce qu'il entendait se porter candidat aux fonctions de délégué du personnel.
Pour ce faire, M. X... s'appuie sur la lettre en date du 17 mars 2009, ci-dessus rappelée, de même que sur le second paragraphe de son courrier recommandé avec accusé de réception à la société Frédéric B..., forcément postérieur au 6 avril 2009 puisqu'il y fait allusion à la convocation à l'entretien préalable de cette date, qu'il déclare " ne pas prendre en considération " car elle comporte son nom ainsi que celui d'une autre salariée de l'entreprise, distribué à sa destinataire le 10 avril 2009. Dans ce second écrit, il est indiqué : " D'autre part, suite au courrier du 17 mars 2009, je vous informe par cette présente ma candidature à l'élection des Délégués du Personnel. Cette élection doit se faire avant le 19 Avril 2009 ".

Sous peine de dénaturer les termes de la lettre du 17 mars 2009, M. X... n'y manifeste aucune intention de se porter candidat aux élections de délégués du personnel dont il demande l'organisation ; il souhaite simplement se faire " représenter " par un tel représentant du personnel, ce qui motive sa demande d'élections. Ce n'est que postérieurement à la réception de la première convocation à l'entretien préalable en vue de son licenciement pour motif économique, qui marque, comme on l'a dit, la date à prendre en considération afin de déterminer la procédure à suivre, dérogatoire ou de droit commun, dans le cadre de cette perspective de licenciement, qu'il se porte, nommément, candidat aux fonctions de délégué du personnel. Donc, ce ne sont pas ces deux courriers qui peuvent rapporter la preuve de la connaissance par la société Frédéric B... de l'imminence de la candidature de M. X..., au moment où elle lui adresse la première convocation à l'entretien préalable.

M. X... produit, sinon, une attestation de M. Z..., autre salarié de l'entreprise ayant été l'objet du même licenciement pour motif économique collectif, qui relate : " Je tiens à rappeler les faits qui se sont passé pour la mise en place des 35H. A l'époque, il fallait absolument un délégué du personnel pour la mise en place de cette mesure et que l'entreprise puisse bénéficier de certains avantages. Je me suis porté candidat à la demande insistante de Mr B..., car il ne voulait surtout pas que Mr X... Yannick se présente. A cette époque je voyais Mr B... en dehors du travail pour lui rendre des services, comme garder ses enfants et nourrir ses chevaux lors de ses absences, car nous étions des amis de longues dates. Etant ami de Mr B... à l'époque, il a été facile de se faire élire ".

La société Frédéric B... souligne, avec justesse, que l'épisode qui est évoqué dans ce témoignage n'a aucun rapport avec celui en litige, puisque bien antérieur comme remontant à la mise en place des 35 heures dans l'entreprise, en 2000. Également, les termes mêmes de cette attestation ne permettent aucunement de conclure que la société Frédéric B..., lorsqu'elle a engagé la procédure de licenciement pour motif économique à l'égard de M. X..., aurait été au fait de l'imminence de sa candidature aux fonctions de délégué du personnel et aurait voulu l'éviter. Au contraire, quant aux assertions sur ce dernier point, la société Frédéric B... démontre que, bien avant les élections de délégués du personnel réclamées par M. X... objets des débats, d'autres élections professionnelles ont eu lieu dans l'entreprise, ainsi en 2004 et en 2007, qui se sont traduites par l'envoi de procès-verbaux de carence à la Direction départementale du travail, M. X..., ne justifiant, et n'alléguant même pas, de ce qu'il aurait été empêché de se présenter aux dites élections par son employeur.

La société Frédéric B... verse, de son côté, un témoignage écrit de Mme C..., qui occupe le poste d'assistante de direction dans l'entreprise, et qui précise : "... à la réception du courrier de Mr X..., en date du 17 mars, je lui ai demandé si son intention était de se porter candidat au poste de délégué du personnel. Sa réponse fut alors négative, il souhaitait simplement que l'élection ait lieu afin de pouvoir être représenté par un délégué du personnel, comme indiqué dans son courrier ".

Dans ces conditions, faute pour M. X... d'établir la preuve d'un élément, direct ou plus indirect, conduisant à dire que la société Frédéric B... avait connaissance de sa candidature aux fonctions de délégué du personnel, à la période à laquelle elle lui a adressé la première lettre de convocation à l'entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique, il ne peut se voir appliquer la protection prévue par l'article L. 2411-7. Et que l'entreprise l'ait appris postérieurement, n'est pas plus efficient pour ce qui est du bénéfice de cette protection.

* *
La société Frédéric B... n'était donc pas dans l'obligation, au moment où elle a entamé la procédure de licenciement pour motif économique vis-à-vis de M. X..., de suivre la procédure protectrice des représentants du personnel et assimilés, et ainsi, notamment, de solliciter l'autorisation préalable de l'inspection du travail au licenciement.
Le licenciement pour motif économique de M. X..., intervenu à titre conservatoire le 28 avril 2009, réalisé en conformité avec la procédure de droit commun applicable, n'est par conséquent pas nul, et la décision de première instance doit être infirmée en ce qu'elle a décidé du contraire, tout comme en ce qu'elle a alloué à M. X... 15 000 euros de dommages et intérêts à ce titre, ainsi que 5 500 euros de dommages et intérêts pour violation de son statut protecteur.
Sur les critères d'ordre des licenciements
L'article L. 1233-5 du code du travail dispose : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou d'accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte : 1o Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2o L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3o La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4o Les qualités professionnelles appréciées par catégorie ".

M. Yannick X... a sollicité de la société Frédéric B..., par courrier du 8 mai 2009, qu'elle lui fasse connaître les critères d'ordre retenus afin de le licencier.
L'entreprise lui a répondu, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mai 2009, libellée dans les termes suivants : " Faisant suite à votre lettre du 8 mai 2009, nous vous indiquons que l'ordre des licenciements a été apprécié par catégorie professionnelle dans les conditions suivantes : Les charges de famille, L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés, Les qualités professionnelles. Ces critères ont été appréciés dans les conditions suivantes :

Ancienneté Moins de 5 ans 1 point 5 ans/ 9 ans 2 points 10 ans/ 14 ans 3 points 15 ans/ 19 ans 4 points Egal ou plus de 20 ans 5 points Age Moins de 30 ans 1 point 30 ans/ 39 ans 2 points 40 ans/ 49 ans 3 points 50 ans/ 54 ans 4 points Plus de 54 ans 5 points Qualités professionnelles 0-10 0 point 11/ 13 1 point 14/ 16 2 points 17/ 19 3 points 20/ 22 4 points 23/ 25 5 points 26/ 28 6 points29/ 31 7 points Charges de famille Enfants à charge 0 point 1 enfant à charge 1 point 2 enfants à charge 2 points 3 enfants à charge 3 points Nous vous prions... ".

M. X... conteste l'application de ces critères d'ordre, ainsi qu'il en a la possibilité, même en présence, comme dans son cas, d'une rupture du contrat de travail réputée d'un commun accord, du fait de l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé.
D'ores et déjà, il sera constaté que la société Frédéric B..., ainsi qu'elle en a l'obligation, a pris en compte l'ensemble des critères d'ordre établis par la loi.
Dès lors, rien ne lui interdisait de faire ressortir l'un des critères par rapport aux autres, ici les qualités professionnelles, le dossier ne permettant aucunement de conclure que les modalités selon lesquelles ce critère a été privilégié ont eu pour objet ou pour effet d'exclure les autres critères.
Néanmoins, l'ordre des licenciements étant contesté, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments sur lesquels il s'est appuyé afin d'arrêter son choix. Et tant pour ce qui est des autres critères, pour lesquels la démonstration est aisée et qui, d'ailleurs, ne sont pas critiqués par M. X..., que pour les qualités professionnelles, ces éléments d'appréciation se doivent d'être objectifs et vérifiables.

Les règles relatives à l'ordre des licenciements ne s'appliquent que si l'employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier appartenant à la même catégorie professionnelle, à savoir l'ensemble des salariés qui exerce dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation commune.
La société Frédéric B... était effectivement confrontée à un tel choix, comptant vingt-six salariés, dont dix préparateurs en sellerie, catégorie professionnelle à laquelle appartenait M. X..., et supprimant trois postes au sein de cette catégorie professionnelle.
La société Frédéric B... fournit diverses pièces, d'après lesquelles les paramètres considérés au plan des qualités professionnelles, au regard des types de tâches à accomplir dont elle a dressé un tableau complet qui n'est pas remis en cause par M. X..., ont été la qualité, la rapidité et la possible polyvalence. Sur les dix salariés directement concernés, M. X... est celui qui réalise le moins de tâches, soit quatre, lorsque trois autres salariés en font cinq, un autre six, un autre sept, deux autres huit et deux autres dix. Quant à la rapidité d'exécution des dites tâches, elle est qualifiée de moyenne pour cinq salariés et bonne pour les cinq restants, dont M. X.... Quant à la qualité d'exécution des dites tâches, elle est qualifiée de faible pour un salarié, moyenne pour deux salariés dont M. X..., bonne pour les sept autres. Des points sont affectés de ces trois chefs, à savoir : un point par tâche accomplie, un point pour une faible rapidité d'exécution, trois pour une rapidité d'exécution moyenne, cinq pour une bonne rapidité d'exécution, de même en ce qui concerne la qualité d'exécution.

Par voie de conséquence, M. X... se retrouve, via un système de pondération qui n'est pas condamnable, puisqu'appliqué identiquement à l'ensemble des salariés concernés, et alors, ainsi que cela a été dit, l'ensemble des critères légaux a été pris en compte, à obtenir la note la plus faible, de deux points, pour ce qui est des qualités professionnelles, avec M. Z... et Mme Y... qui font partie de la même catégorie professionnelle, de trois au
titre de l'âge, au même titre que quatre autres salariés, dont M. Z..., de zéro point quant aux charges de famille avec quatre autres salariés, dont M. Z... et Mme Y..., et de trois points pour ce qui est de l'ancienneté, au même titre que deux autres salariés, dont M. Z..., ce qui lui donne un total de huit points, le plaçant en effet, comme M. Z... et Mme Y... qui ont un total identique, dans les salariés à licencier sur sa catégorie professionnelle.
Cinq salariés de la société Frédéric B... ont attesté dans les termes ci-après :- M. D..., sellier, " Mr X... a fait multiples demandes afin d'accéder à différents postes, postes sur lesquels il a été mis, mais tout cela sans suite, car Mr X... considérai toujours qu'il n'était pas habilité à ces postes, ce qui permettai de se libérer des tâches qui ne plaisait pas. Mr X... a aussi tenté d'utiliser la machine de découpe, en tant que formateur pour cette machine, j'ai eu le désespoir de constater que celle-ci n'était jamais manipuler de la bonne façon, ce qui me prenai beaucoup de temps pour la réinitialiser (machine informatisée) ",- M. E..., préparateur en sellerie, " Mr X... à poncé des panneaux un certain temps avec moi à la demande de M. B..., puis à arrêté cette tache (sans aucune explication) ",- Mme F..., préparatrice en sellerie, "... en tant que formatrice pour l'ajustage des arçons, que Monsieur X... a effectué cette tâche quelques semaines, mais n'a pas perceveré en ce domaine ",- Mme G..., préparatrice en sellerie, "... Mr X... a essayé d'apprendre plusieurs postes de travaille : ajustage des arçons, tension peaux sièges sur arçons, ponçage mousses panneaux, mais n'a jamais donné suite sur ces postes ",- Mme H..., préparatrice en sellerie, " Suite à la demande de la direction on nous avait conseillé de travailler en binomme. Lors d'un arrêt maladie du partenaire de Mr X..., je me suis trouvée a travailler avec celui-ci, et il ne voulait pas prendre la responsabilité du travail à effectué en me disant qu'il n'était pas abilité pour ce poste ". Ces témoignages viennent confirmer que les notes attribuées à M. X... par l'entreprise, quant au critère des qualités professionnelles, ne sont en rien dictées par la subjectivité de l'employeur, mais reposent, au contraire, sur le quotidien professionnel objectif et constaté du dit salarié.

Dans ces conditions, et alors que, de son côté, M. X... ne verse aucun élément susceptible de contredire la preuve ainsi rapportée par la société Frédéric B... de l'établissement et de la bonne application des critères d'ordre des licenciements, M. X... doit être débouté de sa demande d'indemnisation formulée de ce chef.
Sur les frais et dépens
Les dispositions de la décision de première instance doivent être infirmées pour ce qui est de l'indemnité de procédure et des dépens auxquels la société Frédéric B... a été condamnée.
Celle-ci, prospérant en son appel, sera accueillie dans sa demande au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, à hauteur de 1 200 euros, M. Yannick X... étant débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, et dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Juge que le licenciement pour motif économique de M. Yannick X... prononcé à titre conservatoire par la société Frédéric B... le 28 avril 2009 n'est pas nul,
Déboute M. Yannick X... de ses demandes d'indemnisation au titre de la nullité du licenciement et de la violation du statut protecteur,
Déboute M. Yannick X... de sa demande d'indemnisation au titre du non-respect par la société Frédéric B... des critères d'ordre des licenciements,
Condamne M. Yannick X... à verser à la société Frédéric B... la somme de 1 200 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Déboute M. Yannick X... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Yannick X... aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02039
Date de la décision : 15/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-01-15;10.02039 ?
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