COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N AL/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01286.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 04 Mai 2011, enregistrée sous le no 10/ 00556
ARRÊT DU 15 Janvier 2013
APPELANT :
Monsieur Samir X...... 44800 SAINT HERBLAIN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 005789 du 22/ 06/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)
représenté par Maître Philippe HEURTON, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
SARL ATOUT STORES ET FENETRES 13 bis avenue de l'Europe 49300 CHOLET
représentée par Maître Bruno ROPARS (SCP ACR), avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 15 Janvier 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCEDURE
Le 17 novembre 2009, était signé entre la société Atout stores et fenêtres-dont le siège social est situé à Cholet-et M. X... un contrat de " partenariat " selon lequel M. X... s'engageait à commercialiser les produits de la société sur le secteur géographique de Cholet et de sa région, son objectif étant fixé à un chiffre d'affaires mensuel minimum de 25 000 € ; il était prévu une avance sur commissions de 1 000 €, lesdites commissions s'élevant à 10 % du chiffre d'affaires hors taxe total après encaissement. La société Atout stores et fenêtres exerce une activité de menuiserie (stores, portails, volets, automatismes) et employait 3 salariés.
Par lettre du 7 décembre 2009, M. X..., affirmant avoir été contacté pour un emploi de VRP et n'avoir pas le statut d'auto-entrepreneur, demandait à la société de le déclarer auprès de l'Urssaf et de lui adresser un bulletin de salaire.
Une déclaration d'embauche était faite par la société le 10 décembre 2009, avec effet à compter du 17 novembre 2009.
Par lettre du 11 mars 2010, le salarié était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute lourde fixé au 19 mars 2010, une mise à pied conservatoire lui étant notifiée dans l'attente.
Le salarié était licencié pour faute lourde le 24 mars 2010, et ce aux termes des motifs suivants : " A l'automne 2009, vous vous êtes présenté au siège de l'entreprise pour me proposer vos services. Ne pouvant vous embaucher en qualité de commercial sous le statut salarié, je vous ai proposé de travailler au sein de la société en qualité de travailleur indépendant sous le régime de l'auto-entrepreneur, ce que vous avez accepté. Nous avons formalisé cet accord en signant le 23 novembre 2009 un contrat de prestation. Aux termes de ce contrat, vous étiez tenu de nous communiquer ponctuellement vos rapports d'activité afin, d'une part, de constater les ventes que vous réalisiez et, d'autre part, de vous régler les éventuelles commissions qui vous étaient dues en fonction des résultats obtenus. Nous vous avons adressé plusieurs courriers recommandés vous demandant de nous communiquer ces rapports d'activités. Malgré nos nombreuses injonctions, vous ne nous avez jamais adressé ces documents. Il est évident que vous n'avez jamais travaillé et que vous n'avez réalisé aucune vente pour le compte de l'entreprise. Pourtant, entre le 25 novembre et le 8 décembre 2009, vous nous avez réclamé à plusieurs reprises, sous la menace et les pressions verbales, la somme totale de 1 700 euros que nous avons été contraints de vous verser. Par la suite, vous avez poursuivi vos manoeuvres et vos agissements afin, cette fois-ci, de substituer à votre contrat de prestation un contrat de travail de VRP exclusif. Sous la pression et la contrainte, et faute d'avoir effectué vos démarches pour devenir travailleur indépendant, vous êtes devenu salarié de la société Atout Stores et Fenêtres.
Le 9 décembre 2009, vous avez une nouvelle fois tenté de m'escroquer. En effet, vous vous êtes présenté à cette date dans les locaux de l'entreprise afin de me demander une avance sur commissions d'un montant de 32 000 euros et vous avez insisté pour me vendre un prétendu important lot de menuiseries (80 portes d'entrée). Devant mon refus ferme de vous verser cette somme d'argent et d'accepter votre marché, vous m'avez menacé verbalement et physiquement et tenté de me séquestrer. J'ai du appeler les services de police afin qu'ils règlent la situation. A leur arrivée, ils vous ont d'ailleurs fait sortir des locaux, puis ils vous ont emmenés dans leur véhicule. Compte tenu de votre attitude malveillante, j'ai été contraint de porter plainte à votre encontre pour l'ensemble de ces faits le 16 janvier 2010. Le 22 février 2010, vous avez continué d'adopter un comportement nuisible à mon égard mais également envers les autres salariés de la société. Ainsi, en mon absence au siège de l'entreprise, vous vous êtes adressé à un ouvrier : Monsieur Y... et avez proféré des menaces violentes à son encontre et à l'égard de sa famille. Evidemment, vous n'avez jamais effectué aucune démarche commerciale pour la société et aucun travail. Je ne peux tolérer davantage votre comportement au sein de l'entreprise qui est inadmissible. Vos agissements d'une gravité exceptionnelle nuisent à la société ainsi qu'à ma sécurité et celle des autres salariés de l'entreprise et rendent votre maintien dans l'entreprise impossible. C'est pourquoi je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute lourde. "
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Par jugement en date du 4 mai 2011, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé le licenciement fondé sur une faute lourde mais condamné la société au paiement d'un rappel de salaires de 1 662, 76 €, outre 166, 28 € de congés payés afférents, de la somme de 250 € pour défaut de visite médicale d'embauche et de celle de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié a régulièrement interjeté appel.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
En cause d'appel, le salarié demande la condamnation de la société au paiement de : * 2 152, 92 € à titre de rappel de salaires ; * 1 527, 07 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 367, 99 € au titre des congés payés afférents ; * 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; * 9 214, 40 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé ; * 250 € à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche ; * 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur son licenciement, il fait valoir qu'il lui est en réalité reproché d'avoir revendiqué un droit, soit le statut de salarié, et ce de façon justifiée ; par ailleurs, l'insuffisance de résultats n'est pas fautive ; enfin, les faits allégués de menaces
et de séquestration envers le gérant de la société sont prescrits pas application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, tandis que ceux prétendument commis au préjudice d'un collègue de travail ne sont pas établis. Par ailleurs, en tant que VRP exclusif, il a droit au paiement de la ressource minimale forfaitaire, également pour le mois de mars 2010. Enfin, l'employeur n'ayant procédé à la déclaration de son embauche que près d'un mois après celle-ci, il doit être condamné au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaires, sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail.
La société quant à elle conclut au débouté intégral et subsidiairement à la confirmation du jugement, en tout état de cause, à la condamnation du salarié au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le salarié n'a cessé d'exercer des menaces et de faire régner un climat de terreur dans l'entreprise, son comportement atteignant un point paroxystique le 22 février 2010, date à laquelle l'intéressé a menacé de mort un salarié et sa famille. Ainsi, s'agissant d'un comportement continu de la part du salarié, n'ayant pas été sanctionné disciplinairement dans le passé et n'étant pas prescrit, le licenciement pour faute lourde est parfaitement justifié. A tout le moins, le refus de rendre compte de son activité constitue pour un VRP exclusif une faute grave.
MOTIFS
-Sur le licenciement :
La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle suppose, en outre, l'intention de nuire du salarié.
L'employeur qui invoque une faute lourde ou grave doit en rapporter la preuve.
Sur les manoeuvres et pressions qui auraient été exercées par M. X... afin d'obtenir un contrat de travail de VRP exclusif, on observera que le contrat intitulé de " partenariat ", signé entre les parties à une date non indiquée, qui mentionne notamment une représentation de la société par M. X... lequel s'engage à commercialiser les produits de l'entreprise et à se consacrer au service exclusif de l'entreprise, un secteur géographique et une commission sur le chiffre des affaires directes, présentait toutes les caractéristiques d'un contrat de VRP exclusif.
D'ailleurs, sur le contrat en la possession du salarié, est mentionné en dernière page, " M. X... Samir, auto-entrepreneur ". Sur le contrat produit par la société, figure en outre en première page, après la mention du préambule selon laquelle M. X... accepte de commercialiser les produits de la société, une mention manuscrite ainsi libellée : (pour ce faire) " il s'inscrit en tant qu'auto-entrepreneur ". Cet ajout n'a été validé que par l'apposition des initiales de la gérante de la société, non par celles du salarié et n'a donc pas valeur contractuelle.
M. X... était donc fondé à se prévaloir du bénéfice du statut de VRP, lequel est d'ordre public.
Il n'est par ailleurs prouvé aucune pression exercée par le salarié et de nature à constituer une faute, étant observé que les seules pièces produites à cet égard émanent de l'employeur lui-même (lettres, plainte).
En conséquence, le grief tiré de pressions et contraintes pour obtenir le statut de VRP n'apparaît ni réel, ni sérieux.
De façon générale, les menaces et pressions verbales alléguées par l'employeur sont insuffisamment justifiées.
Ainsi, les faits du 9 décembre 2009 ne sont pas établis. A cet égard, si une main-courante a été dressée le 11 décembre 2009, et une plainte déposée le 16 janvier 2010, ces documents ne font que reprendre les dires de l'employeur. L'intervention des services de police le 9 décembre 2009 n'est étayée par aucune pièce.
Quant aux faits du 22 février 2010 qui auraient été commis à l'encontre de M. Y..., l'attestation de celui-ci se borne à indiquer que ce jour-là, M. X..., constatant l'absence de M. Z... au magasin, avait dit : " il a de la chance de ne pas être là, sinon c'aurait été mal pour lui ", avant de repartir en colère. Cette attestation qui n'est corroborée par aucun autre élément ne suffit pas, à elle seule, à établir que, ce jour là, M. X... aurait manifesté " un comportement nuisible à l'égard de l'employeur ", tel que mentionné dans la lettre de licenciement. D'autre part, le témoin ne fait nullement état de quelconques menaces proférées contre lui ou sa famille. La matérialité des faits allégués pour la journée du 22 février 2010 n'est donc pas établie.
Cela étant, il est établi que le salarié s'est toujours refusé à rendre compte de son activité et à communiquer les rapports d'activité qui lui étaient réclamés, en dépit des multiples relances de son employeur et en méconnaissance des stipulations de son contrat de travail aux termes desquelles M. X... s'engageait à " adresser à l'entreprise chaque semaine des rapports périodiques d'activité et tenir à jour les fichiers des clients et prospects ". Il n'a d'ailleurs pas justifié de l'accomplissement d'un réel travail de prospection, n'ayant fait établir que trois devis au nom de deux clients différents (les deux autres devis étant réalisés pour le compte de clients dont l'identité est inconnue), ayant réalisé un chiffre d'affaires nul et démontré un complet désintérêt pour l'exercice de son activité de représentation. Ces manquements persistants à ses obligations, malgré plusieurs rappels de l'employeur, qui procèdent d'un comportement volontaire-mais ne permettent pas de caractériser l'intention de nuire-, sont bien constitutifs d'une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
Enfin, le motif de licenciement est réel, le salarié n'étant pas fondé à prétendre qu'il a en réalité été licencié, non pour les motifs allégués dans la lettre de licenciement, mais en raison de son refus de signer un avenant à son contrat de travail qui en constituait une modification. D'ailleurs, s'il lui a bien été adressé le 1er mars 2010 un document intitulé " avenant à votre contrat de travail ", ce document n'emportait nullement modification du contrat de travail mais se bornait pour l'essentiel à rappeler des règles pratiques de collaboration ; il ne lui a d'ailleurs pas été demandé de le signer.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a estimé le licenciement fondé sur une faute lourde mais confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement abusif.
Le salarié, licencié pour faute grave, ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis. Le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur le rappel de salaires :
Selon l'article 5-1 de l'accord interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, lorsqu'un représentant de commerce " est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire ".
En l'espèce, le contrat prévoit que M. X... s'engage à se consacrer au service exclusif de l'entreprise et s'interdit d'une part, " de prendre ou conserver une autre représentation, même non concurrente, sans l'accord écrit préalable de l'entreprise " et, d'autre part, " d'entreprendre toute autre activité professionnelle, à caractère salarial ou indépendant, sauf accord préalable express écrit de l'entreprise ".
Le salarié a donc droit à la ressource minimale forfaitaire, peu important les conditions effectives d'exercice de son activité, et ce de la date de son embauche jusqu'à la date de sa mise à pied, comme décidé par le conseil de prud'hommes, déduction faite des sommes déjà perçues. Les sommes allouées à ce titre ne sont pas critiquées pour la période considérée et ont été exactement appréciées au regard des pièces produites. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
- Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
La dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant se déduire du seul recours à un contrat inapproprié.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que l'employeur a effectué une déclaration d'embauche de M. X... le 10 décembre 2009, avec effet à compter du 17 novembre 2009, après que les parties se soient entendues sur la nature exacte de leurs relations contractuelles.
Dans ces conditions, le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi n'est pas établie et le jugement sera de ce chef encore confirmé.
- Sur le défaut de visite médicale d'embauche :
L'employeur étant tenu d'une obligation de sécurité de résultat dont il doit assurer l'effectivité, l'absence de visite médicale d'embauche cause nécessairement un préjudice au salarié. Le jugement sera de ce chef également confirmé.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une faute lourde ;
Statuant de nouveau de ce chef et ajoutant,
Dit que le licenciement de M. X... est fondé sur une faute grave ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne la société Atout stores et fenêtres aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Catherine LECAPLAIN-MOREL