COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N
AD/ MM
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00198
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 22 Décembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00672
ARRÊT DU 05 Février 2013
APPELANT :
Monsieur Richard X... ... 44300 NANTES
comparant, assisté de Maître Gilles RENAUD, avocat au barreau de NANTES
INTIMES :
Maître Odile Z..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS B. INITIALES ...49002 ANGERS CEDEX 02
l'A. G. S., agissant par son association gestionnaire l'UNEDIC-C. G. E. A. de RENNES Immeuble Magister 4 cours Raphaël Binet 35069 RENNES
représentés par Maître Aurelien TOUZET, avocat au barreau d'ANGERS, (LEXCAP)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : du 05 Février 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******** FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Richard X... a été engagé par la SAS B-INITIALES, dont le siège est à Cholet et qui appartient à un groupe de sociétés dont l'objet social est l'animation et la gestion de sociétés liées à des activités de services, par contrat à durée indéterminée du 7 Juillet 2006, en qualité directeur de clientèle, niveau 3-2 de la convention colIective des entreprises de la publicité et assimilés.
Selon le contrat de travail, M. X... percevait une rémunération mensuelle fixe brute de 3 650 €, pour 151, 67 heures de travail, outre une prime au 31 décembre, et une part mensuelle variable, en cas d'atteinte d'une marge brute précisée.
Par courrier du 28 avril 2008, l'employeur lui a rappelé qu'il devait se consacrer au développement de nouveaux clients, et lui a adressé le 15 octobre 2008 une lettre dans laquelle il lui demandait de se consacrer en premier lieu au développement commercial.
Par lettre du 9 février 2009, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 20 février 2009.
Son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié le 3 mars 2009, et la sas B-INITIALES a dispensé M. X... de l'exécution de son préavis, fixé à trois mois, à partir du 6 avril 2009, mais le lui a intégralement rémunéré.
Le 11 juin 2009, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers devant lequel il a contesté le bien-fondé de son licenciement. Il a demandé la condamnation de la sas B-INITIALES à lui payer la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, de dire que les intérêts se capitalisent en application de l'article 1154 du Code Civil, et d'ordonner l'exécution provisoire.
Aucun accord n'ayant pu intervenir, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement du 22 décembre 2010, le conseil de prud'hommes d'Angers a dit que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, et l'a en conséquence débouté de ses demandes.
Le conseil de prud'hommes a débouté la sas B-INITIALES de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné M. X... aux dépens.
La décision a été notifiée le 7 janvier 2011 à la sas B-INITIALES et à M. X... qui en fait appel par lettre postée le 26 janvier 2011.
La sas B-INITIALES a été placée en redressement judiciaire le 15 décembre 2010, puis en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 4 avril 2012, Mme Z... ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 16 avril 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. X... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- statuant à nouveau de faire droit à ses demandes, et d'inscrire au passif de la sas B-NITIALES la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts, la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la sas B-INITIALES aux dépens, et de dire l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS-CGEA.
M. X... soutient que la cause réelle de son licenciement a été économique, la sas B-INITIALES ayant au 30 juin 2009 un résultat financier négatif de 14 000 €, et que les difficultés économiques qu'elle a rencontrées ne lui sont pas imputables.
Il soutient aussi que les reproches qui lui sont faits dans la lettre de licenciement sont affectés par des inexactitudes et des imprécisions ; que le contrat de travail prévoyait une rémunération variable à 5 % après encaissement sur le différentiel de marge brute annuelle au-delà de 1 550 000 € et qu'il s'agissait d'un seuil de déclenchement de la part variable de rémunération mais non d'un objectif à proprement parler ; que les " objectifs " fixés lors de l'embauche n'étaient pas personnels, mais étaient ceux de l'entreprise et du groupe et qu'ils ont été déterminés alors que le président de l'agence et la directrice commerciale venaient de partir ; qu'ils étaient irréalistes puisqu'ils ont augmenté substantiellement en pleine crise économique et malgré la diminution des effectifs de l'entreprise.
M. X... soutient que les mauvais résultats qui lui sont reprochés sont imputables à la situation du marché, et qu'ils ne peuvent justifier en eux-mêmes un licenciement s'ils ne résultent pas d'une faute ou d'une insuffisance professionnelle ; qu'il n'a pas refusé de déléguer certaines tâches, comme le lui demandait la sas B-INITIALES pour qu'il consacre plus de temps à la prospection, mais que les plaintes de certains clients de voir changer les collaborateurs l'ont amené à reprendre lui-même la gestion des dossiers ; qu'il n'a pas disposé des moyens suffisants pour accomplir ses fonctions ; qu'il renseignait les tableaux de bord contrairement à ce qui lui est reproché.
Il produit de nombreuses attestations démontrant que ses compétences étaient reconnues, comme cela apparaît selon lui dans le compte rendu de son entretien annuel d'évaluation de 2008.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 20 décembre 2011, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, Mme Z..., ès qualités de mandataire liquidateur de la sas B-INITIALES, demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris,- de condamner M. X... à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- de condamner M. X... aux dépens.
L'employeur soutient qu'il n'y a pas eu de cause économique au licenciement de M. X..., que les résultats déficitaires qu'il donne ne sont pas significatifs, que le résultat d'exploitation était quant à lui positif, que les autres sociétés du groupe enregistraient des résultats positifs et que le redressement judiciaire n'est intervenu que plus d'un an après le licenciement ; que s'il y a eu des départs d'autres salariés, c'est notamment à cause des carences de M. X... ;
Il soutient que le seul motif du licenciement est l'insuffisance professionnelle de M. X... ; que celui-ci ne remplissait pas de manière satisfaisante les fonctions pour lesquelles il avait été engagé, et a manifesté des carences dans certaines de ses missions principales, en particulier celles relatives à la prospection et à l'optimisation de ses tâches et du service ; qu'il lui a été demandé de libérer au minimum 75 % de son temps pour se consacrer à la prospection, afin d'atteindre l'objectif commercial fixé d'un commun accord pour la fin de l'exercice 2007/ 2008 à +/-100 000 € HT de marge brute de nouveaux budgets ; qu'il a eu de l'aide de collaborateurs chargés de l'aider à passer moins de temps sur les tâches de production ; qu'il avait une expérience de 20 ans en entreprises de services des métiers de la publicité et de la communication, dont 15 ans en qualité de directeur de clientèle et qu'il a nécessairement dans ces conditions considéré que l'objectif convenu était réaliste ; que la marge brute s'est effondrée de 20 % pendant sa présence dans l'entreprise, et qu'il apparaît encore qu'un responsable client a réalisé 5 à 6 fois plus de chiffre que lui ; qu'il lui a finalement été demandé de faire 2, 5 fois moins que l'objectif initial, et qu'il ne l'a pas atteint ; que cela résulte d'un déficit flagrant de prospection alors que des consignes lui ont été données par mails et courriers ; que les moyens et le soutien nécessaires en termes de collaborateurs lui ont été apportés ; qu'il n'a pas fait les tableaux de reporting bi-mensuels qui lui étaient demandés puisqu'il en produit 3 au lieu des 11 attendus ; qu'ils sont de plus indigents et inexploitables ; que des mails de mécontentement de clients sont versés et que l'évaluation de M. X... confirme bien ses carences en matière d'atteinte des objectifs et de prospection commerciale.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 23 avril 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) intervenant par son gestionnaire le centre de gestion et d'études de Rennes (CGEA) demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et subsidiairement, au cas où une créance serait fixée au profit de M. X... à l'encontre de la liquidation judiciaire de la sas B-INITIALES, de dire que cette créance ne sera garantie par l'AGS que dans les limites et plafonds prévus par les articles L3253-8, L3253-17 et D3253-5 du code du travail.
L'AGS se joint à l'argumentation de la liquidation de la sas B-INITIALES et soutient que l'insuffisance professionnelle de M. X... est caractérisée par les éléments apportés par la sas B-INITIALES.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la cause du licenciement :
Le juge devant lequel un licenciement est contesté doit, en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, apprécier le caractère réel et sérieux des griefs énoncés dans le courrier qui notifie cette mesure et qui fixe les limites du litige, mais aussi rechercher au-delà de ces motifs, si le salarié le requiert, la véritable cause du licenciement prononcé ;
M. X... soutient que la véritable cause de son licenciement a été économique ;
Il ne justifie cependant, ni même n'allègue, qu'il n'ait pas été remplacé après son départ, son poste étant de fait supprimé, et les départs de collaborateurs, survenus au cours de ses trois années de présence dans l'entreprise, ont eu des causes de natures diverses ;
Il apparaît d'autre part qu'en mars 2009, lorsque M. X... est licencié, la situation économique de la sas B-INITIALES ne justifie pas cette mesure : un résultat net négatif de 14 000 € sera constaté à l'arrêté des comptes du 30 juin 2009, mais il apparaîtra aussi que le résultat d'exploitation est resté positif et a même augmenté entre cet exercice et l'exercice arrêté au 30 juin 2008 ; les autres sociétés du groupe sont d'autre part restées bénéficiaires, et l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la sas B-INITIALES n'aura lieu que le 15 décembre 2010, soit un an et dix mois après le licenciement de M. X... ;
Le motif économique allégué doit donc être écarté, la cour ayant dès lors à vérifier l'existence de l'insuffisance professionnelle invoquée par l'employeur comme cause du licenciement dans la lettre du 3 mars 2009, qui est ainsi rédigée :
"... Vous avez été embauché le 7 juillet 2006, en qualité de " Directeur de clientèle ", afin de développer l'activité de la société JNB Associés.
Nous attendions de votre action un développement de la marge brute de la société JNB Associés en rapport avec les objectifs déclenchant pour vous-même des compléments de rémunération, et qui figuraient à l'article 5 de votre contrat de travail. Ces objectifs avaient été fixés en fonction de chiffres atteints avant votre arrivée, et étaient donc parfaitement réalisables, mais ils n'ont malheureusement pas été atteints. Nous avions convenu ensemble le 28 avril 2008 d'un objectif commercial d'au moins 100 000 euros de marge brute de nouveaux budgets pour la fin de l'exercice 2007/ 2008, objectif qui a été encore loin d'être atteint...
L'objectif 2008/ 2009 de JNB Associés et votre objectif personnel de recrutement de nouveaux clients ne pourront pas non plus être atteints, et de loin, au vu des réalisations actuelles. Vous n'avez, contrairement à ce que vous prétendez, jamais contesté ces objectifs ; mieux, vous les avez même expressément acceptés. En revanche, vous avez prétendu sans cesse manquer de moyens, sans vous les donner vous-même en appliquant nos directives.
Ce manque de résultat est en fait la conséquence d'une insuffisance professionnelle dans certaines missions principales évoquées à l'article 4 de votre contrat de travail. Nous avions en particulier regretté un déficit de prospection, à tel point qu'une lettre de recadrage vous a été remise en main propre le 15 octobre 2008, par laquelle nous vous demandions, encore une fois, de vous consacrer en premier lieu au développement commercial, c'est-à-dire à la prospection commerciale. Nous avions aussi attiré votre attention dans ce courrier sur la nécessité d'optimiser les délégations de vos tâches, et de vous concerter avec Noël A...et les collaborateurs pour qu'ils organisent et mènent à bien les dossiers. Lors de notre entretien, vous avez prétendu avoir délégué avec succès vos missions auprès des chefs de publicité, et en même temps vous faites valoir que c'est compliqué de déléguer car il faut expliquer les mêmes données plusieurs fois. C'est justement cette difficulté patente à déléguer et à organiser que nous vous reprochons. L ‘ optimisation du service, évoquée dans votre contrat de travail, suppose que vous appliquiez les consignes qui vous sont données pour une bonne organisation et un bon suivi des clients et prospects, ce que vous n'avez jamais voulu réellement faire. Ainsi les tableaux de bord de résultats bi-. mensuels ne sont pratiquement jamais établis, et lorsqu'ils le sont, c'est de manière totalement incomplète et inexploitable.
Ces tableaux sont pourtant indispensables au management de l'entreprise, et le fait que vous mettiez cette déficience sur le compte de retards de la part de chefs de publicité témoigne de vos difficultés à gérer une équipe.
Vous n'écoutez pas et ne tenez pas compte de ce que l'on vous dit, ce que vous avez d'ailleurs admis. Ce manque de rigueur nuit au bon fonctionnement de l'activité, ne nous permettant pas de nous organiser et d'avoir une vision précise des besoins.
A titre d'exemple le 23 octobre dernier en réponse à votre demande lorsqu'on vous demande de déléguer auprès de Matthieu A...les dossiers (Logow s., par exemple) pour vous libérer, vous refusez. :
Votre email du 6 janvier 2009, reçu à 3h 19 du matin, est également significatif. Vous y affirmez qu'aucune embauche n'est envisagée alors que nous venions de vous dire le contraire, la veille, a 10h30, en réunion de groupe.
Vous nous demandez, dans cet email du 6 janvier 2009, de vous communiquer les moyens que nous souhaitons mettre en œ uvre pour " favoriser la bonne exécution de vos tâches ". Cette demande a fini par nous faire perdre espoir que vous puissiez vous remettre en cause, et tenir compte, dans votre exercice professionnel des consignes et priorité qui vous sont clairement données, lesquelles font justement partie des moyens visant à remédier à un manque de résultats.
Cette insuffisance professionnelle est devenue trop préjudiciable pour l'entreprise et votre collaboration ne peut malheureusement pas se poursuivre.
La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de trois mois. A l'expiration de celui-ci, il vous sera remis, votre attestation pour l'ASSEDIC, solde de tout compte et certificat de travail. Nous vous rappelons que vous quitterez l'entreprise libre de tout engagement de non concurrence. Nous vous informons que vous aurez acquis 57 heures, au titre du droit individuel à la formation, valorisées à 50 % de votre taux horaire net.... "
L'insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées ; si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi, et si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit, tout comme l'insuffisance de résultats susceptible d'en découler, être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables ;
En outre, les objectifs fixés par l'employeur doivent être réalistes et correspondre à des normes sérieuses et raisonnables ;
Il ressort la lettre de licenciement du 3 mars 2009 que l'employeur reproche expressément à son salarié une insuffisance professionnelle dénuée de tout caractère fautif ; si une insuffisance de résultats y est visée d'autre part, c'est comme étant la conséquence d'une insuffisance professionnelle dans certaines missions principales, en particulier dans celle de prospection commerciale ;
Le contrat de travail de M. X... prévoit en effet, en son article 5, outre une rémunération mensuelle fixe, une rémunération variable égale à 5 % après encaissement sur le différentiel de marge brute annuelle de JNB Associés au-delà de 1 550 000 € HT (un million cinq cent cinquante mille euros) ;
M. X... a accepté cette clause contractuelle, qui était en lien avec l'article 4 du contrat, définissant ses fonctions en ces termes, dits non exhaustifs :
" Participer aux manifestations professionnelles susceptibles de renforcer l'image et le positionnement commercial des sociétés du groupe, Représenter le groupe auprès des clients et des prospects, Prospecter de nouveaux annonceurs et fidéliser les clients, Elaborer, organiser et coordonner des actions marketing et/ ou des campagnes publicitaires, Initier les actions commerciales appropriées en vue de garantir l'objectif de chiffre d'affaires et de marge brute, Animer l'équipe commerciale et veiller à l'optimisation du service, Conduire les réunions commerciales, Faire la synthèse mensuelle des facturations et des prévisions de marge brute, "
S'il est par conséquent exact de dire, comme y insiste M. X..., qu'aucun objectif commercial ne lui était à proprement parler fixé, et que l'atteinte du seuil de marge brute retenu déclenchait seulement sa rémunération variable, la sas B-INITIALES lui oppose à bon droit que l'impossibilité qu'il a manifestée, pendant trois ans, d'atteindre les seuils de marge brute fixés en accord avec lui, est à la fois la conséquence, et le révélateur de son insuffisance professionnelle ;
Il n'est pas contestable en effet que le chiffre de marge brute retenu dans le contrat de travail a été accepté par M. X..., qui ne l'a remis en cause que dans le cadre de l'instance ; il est établi en outre qu'il en mesurait la juste difficulté puisqu'il avait 20 ans d'expérience dans le métier, et 15 années d'exercice de l'emploi de directeur de clientèle, pour lequel il était recruté ;
Il ressort d'ailleurs de ses propres mels qu'il n'a jamais contesté ces " objectifs " comme étant irréalistes ; il a au contraire répondu en ces termes, le 26 mai 2008 à la lettre du 28 avril 2008 de M. Noël A..., un des directeurs de la sas B-INITIALES, qui lui rappelait que la prospection était " au coeur de sa mission et essentielle pour l'entreprise " et lui demandait de consacrer 75 % de son temps à atteindre un objectif de +/-100 000 € de marge brute de nouveaux budgets pour la fin de l'exercice, " fixé ensemble " : " comme je t'en ai fait part, l'objectif assigné de 100k € de marge brute, en à peine deux mois, me semble très élevé. Cependant, j'ai accepté de relever ce défi car il est important pour l'agence et ses collaborateurs de l'atteindre et il imposera de nouvelles méthodes de travail. D'ailleurs, tu m'as proposé ton aide et celle des collaborateurs de l'agence pour me permettre de mener à bien ce défi, et je t'en remercie " ;
Contrairement à ce que soutient M. X... la sas B-INITIALES a tenu compte du ralentissement économique général survenu en 2008, puisque dans la lettre de recadrage du 15 octobre 2008 M. Matthieu A...fixe pour l'exercice 2008/ 2009 la marge brute à 1 350 000 € ; ce courrier a été remis en mains propres à M. X... qui l'a daté et l'a signé ; cette nouvelle marge brute n'a pas non plus été atteinte ;
Le commissaire aux comptes de l'entreprise a ainsi constaté les montants de marge brute générés par M. X... pour l'entreprise : 2006/ 2007 : 1 400 500 € 2007/ 2008 : 1 273 600 € 2008/ 2009 : 1 118 400 €
Il en ressort que la marge brute générée par M. X... a été en baisse constante de 2006 à 2009, et finalement diminuée de 20 % en 2009, par rapport à 2006 ;
Dans l'audit de marge brute qu'il a effectué en septembre 2010 le commissaire aux comptes indique qu'un responsable client du groupe, M. Vaillant, a quant à lui réalisé des marges brutes, de 2006 à 2009, de 296 k €, 284 k €, 267 k € ;
Il est aussi établi que MM. Noël et Matthieu A..., les deux directeurs de la sas B-INITIALES, ont chacun à leur tour, lors d'entrevues dont le contenu a été ensuite confirmé par des écrits du 28 avril 2008, puis du 15 octobre 2008, demandé à M. X... de se consacrer au " développement de clients nouveaux ", en lui suggérant à chaque fois une méthode de travail, qu'il n'a pas suivie, et en lui proposant des moyens, qu'il a négligés, malgré les très nombreux courriels adressés par M. Matthieu A...pour lui rappeler qu'il était à sa disposition d'une part, et qu'il fallait déléguer d'autre part ;
La réponse que fait M. X... le 23 octobre 2008 à la lettre de son employeur du 15 octobre témoigne de sa persistance à adopter les mêmes fonctionnements, qu'il justifie ainsi : " Comme je l'ai réitéré lors de notre dernier entretien mon implication dans les opérations de production, que vous jugez excessive ainsi que je le regrette moi-même, ne m'est dictée que par le souci d'assurer la satisfaction des clients, critère déterminant pour leur fidélité : force est de constater que si je n'étais pas intervenu, maintes fois, nos prestations risquaient de ne pas répondre aux exigences des clients, tant en terme de qualité qu'en celui de délai. "
L'impossibilité manifestée par M. X..., pendant trois ans, de privilégier la mission de prospection sur les tâches de production, a pesé sur la marge brute annuelle de l'entreprise, et l'a privée du développement attendu, ainsi que l'ont constamment rappelé MM. A...à leur collaborateur ; cette attitude les a finalement amenés à lui notifier son licenciement ;
Au surplus, M. X... ne s'est pas non plus acquitté de la demande faite par M. Matthieu A...le 15 octobre 2008 de se voir adresser un tableau de reporting bi-mensuel dans lequel devaient être inscrits les résultats et les prévisions en termes de développements commerciaux, soit les rendez-vous et les prévisions de marge brute, puisqu'il ne verse aux débats que deux de ces tableaux, concernant février et mars 2009, sur les 11 qui devraient exister ;
L'insuffisance professionnelle de M. X... ressort par conséquent des éléments sus-visés et n'est contredite ni par les témoignages de satisfaction que l'employeur a pu lui adresser, à l'occasion du traitement de certains dossiers, et en incluant dans ces encouragements d'autres collaborateurs, ni par le libellé de l'entretien professionnel du 16 septembre 2008, dans lequel M. X... veut voir la reconnaissance de sa compétence professionnelle, alors qu'il y est bien indiqué qu'il est noté " C " soit " insuffisant " pour les missions " initier les actions commerciales en vue de garantir les objectifs ", et " organiser et participer aux actions de prospection ", et alors que l'appréciation générale dit : "... Nous gagnerions tous en clarté si vous apportiez à des questions claires et notamment celle qui pose le problème non résolu par vous-même de la non atteinte des objectifs commerciaux partagés et acceptés préalablement. Nous comptons sur un prompte explication de votre part, car menacer de quitter cet entretien conventionnel n'est pas une réponse adaptée à notre interrogation légitime. "
Par voie de confirmation du jugement, le licenciement de M. X... est dit causé par son insuffisance professionnelle et M. X... est débouté de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement afférentes aux dépens sont confirmées et celles afférentes aux frais irrépétibles sont infirmées ;
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la liquidation de la sas B-INITIALES les frais non compris dans les dépens et engagés dans l'instance d'appel ; M. X... est condamné à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 de code de procédure civile, la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et doit être débouté de sa propre demande à ce titre ; M. X..., qui perd le procès, doit en payer les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 22 décembre 2010, en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. X... à payer à Mme Z... ès qualités de mandataire liquidateur de la sas B-INITIALES la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, et le Déboute de sa propre demande à ce titre,
Condamne M. X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL