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02/07/2013 | FRANCE | N°11/02898

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 02 juillet 2013, 11/02898


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AL/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02898.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Novembre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00670

ARRÊT DU 02 Juillet 2013

APPELANTS :

SAS SPGO BRETAGNE CENTRE 2 Avenue de la Vallée SAINT ARNOULT 14800 DEAUVILLE

Me Emmanuel X...(SELARL FHB), ès-qualités d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la Sté SPGO BRETAGNE CENTRE ...27930 GUICHANVILLE >
Maître Alain Y..., ès-qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la société SPG...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N AL/ SLG

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02898.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Novembre 2011, enregistrée sous le no 10/ 00670

ARRÊT DU 02 Juillet 2013

APPELANTS :

SAS SPGO BRETAGNE CENTRE 2 Avenue de la Vallée SAINT ARNOULT 14800 DEAUVILLE

Me Emmanuel X...(SELARL FHB), ès-qualités d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la Sté SPGO BRETAGNE CENTRE ...27930 GUICHANVILLE

Maître Alain Y..., ès-qualités de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la société SPGO BRETAGNE CENTRE ...14000 CAEN

représentés par Maître Bernard LADEVEZE, avocat au barreau de LISIEUX
INTIMES :
Monsieur Sébastien Z...... 72230 ARNAGE

représenté par monsieur Gérard DECARPES, délégué syndical
A. G. S. Agissant par son Association Gestionnaire l'UNEDIC-CGEA ROUEN Immeuble Le Normandie 1 98 place de Bretagne 76008 ROUEN CEDEX

représentée par maître Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS (LEXCAP)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2013 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller

Greffier lors des débats : Madame C. PINEL

ARRÊT : prononcé le 02 Juillet 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCEDURE
M. Z...a été engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 14 mars 2007 selon contrat à durée indéterminée à temps partiel par la société SPGO, laquelle exerce une activité de gardiennage et de sécurité et a son siège à Deauville (Calvados).
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Après mise à pied conservatoire notifiée par courrier du 12 octobre 2009, M. Z...a été licencié pour faute grave par lettre du 9 novembre 2009 ainsi libellée : " (...) Dans la journée du 20 septembre 2009 vous êtes de service comme rondier sur le secteur de le Mans et à 17h00 lors d'une ronde de surveillance au siège du crédit agricole au dernier étage dans le couloir restaurant vous vous rendez compte que le client a installé une caméra qui surveille les frigos. Vous allez chercher un objet vous permettant d'atteindre le plafond ou est fixé la caméra et l'on vous aperçoit en gros plan déplacer l'axe de surveillance de la caméra vers un angle neutre. Une minute plus tard vous remontez sur un chaise et vous remettez la caméra à sa place initiale. Lors du week end de ronde aucune anomalie a été constatée sur les enregistrements. Le lundi matin le cuisinier à fait une vérification de son inventaire établi le vendredi soir et il a constaté qu'il manquait du fromage dans les chambres froides. Votre attitude met en cause la réputation de notre société et nous a valu une remarque de notre client, qui ne souhaite plus votre affectation sur le site Face à cette situation, nous sommes au regret de vous signifier votre licenciement pour faute grave (...) ".

Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 7 novembre 2011, le conseil de prud'hommes du Mans a jugé que le licenciement de l'intéressé était dénué de cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société SPGO Bretagne Centre au paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire prévue par l'article 515 du code de procédure civile : * 9 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1 149, 97 ¿ à titre de salaire dû pendant la période de mise à pied, outre 115 ¿ de congés payés afférents ; * 2 428, 08 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 242, 80 ¿ de congés payés afférents ; * 877, 58 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement ; * 800 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a par ailleurs débouté la société de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et condamné celle-ci aux entiers dépens.

La société a interjeté appel régulièrement.
Par jugement du 2 mars 2012, le tribunal de commerce de Lisieux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SPGO Bretagne Centre et désigné M. Emmanuel X...en qualité d'administrateur judiciaire et M. Alain Y...en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 2 mai 2012, le tribunal de commerce de Lisieux a ordonné la poursuite d'activité de la société SPGO Bretagne Centre.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société, M. X...en qualité d'administrateur judiciaire et M. Y...en qualité de mandataire judiciaire concluent à l'infirmation du jugement déféré, au débouté du salarié de ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt à intervenir devant être déclaré opposable à l'AGS-CGEA.

Au soutien de leurs prétentions, ils soulignent qu'il n'est pas reproché à M. Z...d'avoir volé des denrées alimentaires mais d'avoir, sans raison valable et au mépris des instructions reçues, neutralisé une caméra faisant partie du dispositif de protection des biens du client. Par cette action contraire à la mission confiée, le salarié a permis un vol dans les réserves, ce qui a pour effet de le rendre lui-même suspect ; c'est ainsi que le Crédit Agricole a demandé immédiatement l'exclusion de l'intéressé du site.
Ces agissements, contrevenant aux dispositions du règlement intérieur et susceptibles d'engager la responsabilité civile de la société ainsi que de porter atteinte à sa réputation professionnelle, sont constitutifs d'une faute grave. La société ne pouvait plus faire confiance au salarié et prendre le risque de l'envoyer chez un autre client.
Elle indique enfin que le dispositif de surveillance vidéo installé dans les locaux du Crédit Agricole l'a été par cette société pour assurer la protection de ses biens et non par elle-même pour contrôler son personnel ; un tel système de surveillance n'est pas illicite puisque n'ayant pas pour effet de placer les salariés sous une surveillance continue, générale et permanente
L'AGS, intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rouen, conclut à titre principal au débouté.
Subsidiairement, pour le cas où une créance serait fixée, elle rappelle qu'elle ne peut être tenue à garantir les sommes allouées que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail.
Enfin, la société étant redevenue in bonis, la créance ne serait opposable à l'AGS qu'au cas où serait rapportée la preuve de l'absence de fonds disponible de la société.
Le salarié conclut à la confirmation pure et simple du jugement, à ce que soit ordonné le paiement des intérêts des créances indemnitaires depuis la date du jugement et à la condamnation de la société aux entiers dépens dont les frais éventuels d'exécution du jugement.

Il expose que, poussé par la curiosité, il a manipulé la caméra de surveillance, pensant d'abord qu'il s'agissait d'une sonde de température. Cela ne saurait suffire à caractériser à son encontre une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.
N'ayant jamais été informé par son employeur ou la société Crédit Agricole de l'installation d'un dispositif de surveillance à cet endroit, toute condamnation pour faute grave se basant sur ce seul motif serait caduque.
L'employeur ne précise pas quelles sont les consignes de sécurité qui auraient été violées, tandis qu'on peut s'interroger sur la validité du règlement intérieur.
Son employeur avait la possibilité de l'affecter sur d'autres sites. D'ailleurs, on peut se demander pourquoi l'employeur a attendu 15 jours entre la date de la ronde et la convocation à l'entretien préalable si l'affaire était si grave.
La perte de confiance ne constitue pas en tant que telle une cause de licenciement ; or, il a été licencié sur ce seul motif.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
En l'espèce, dans la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, il est reproché au salarié d'avoir déplacé, pendant un minute, l'axe de surveillance d'une caméra vers un angle neutre.
Ce fait est établi par les pièces produites et n'est d'ailleurs pas contesté dans sa matérialité.
Il résulte par ailleurs du courrier du 30 septembre 2009 produit aux débats que la société Crédit Agricole a indiqué à l'employeur son souhait que M. Z...n'assure plus aucune intervention dans ses locaux à compter de la réception de ce courrier.
L'engagement de la procédure de licenciement pour motif disciplinaire est intervenu dans un délai inférieur à deux mois après que l'employeur ait eu connaissance du fait dont il s'agit.
Aucune méprise n'était possible sur le point de savoir qu'il s'agissait d'une caméra. D'ailleurs, ladite caméra ayant été déplacée pour ne plus filmer qu'un angle neutre, avant d'être remise dans son axe initial une minute plus tard, l'argumentation du salarié selon laquelle il aurait cru qu'il s'agissait d'une sonde de température n'est pas sérieuse.
Il n'y a pas lieu d'examiner la licéité du dispositif de vidéosurveillance, alors qu'aucun enregistrement n'est produit à titre de preuve. En tout état de cause, on peut observer que ce dispositif n'avait pas été mis en place par la société SPGO et n'avait pas pour objet de contrôler et de surveiller l'activité du personnel de celle-ci durant le temps de travail, mais avait été installé par le client de la société, dans ses propres locaux, afin de surveiller les portes de frigidaires, auxquels

les agents de surveillance n'avaient pas accès. Enfin, la caméra était très visible, tandis que des affiches apposées sur les portes des frigidaires, près de ladite caméra, attiraient l'attention de tous les salariés sur l'existence du dispositif.

Le fait, pour un agent de sécurité, chargé de surveiller et protéger les biens et les personnes, de neutraliser délibérément un dispositif de surveillance au préjudice d'un client de l'employeur, même pendant une durée limitée, est constitutif d'une faute grave, comme caractérisant une violation flagrante de la mission même de l'agent et de nature à nuire à la réputation professionnelle de l'employeur.

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé dans toutes ses dispositions et le salarié débouté de toutes ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société SPGO Bretagne Centre de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. Sébastien Z...de toutes ses demandes ;
Déboute la société SPGO Bretagne Centre de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS, intervenant par l'UNEDIC-C. G. E. A de Rouen ;
Condamne M. Sébastien Z...aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLCatherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02898
Date de la décision : 02/07/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-07-02;11.02898 ?
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