COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 Avril 2014
ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00841.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 29 Mars 2012, enregistrée sous le no 11/ 00667
APPELANT :
Monsieur Eric X...... 49240 AVRILLE
comparant, assisté de la SCP SULTAN-SOLTNER-PEDRON-LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
Madame Christiane Y... ... 49100 ANGERS
comparante, assistée de Monsieur Z..., délégué syndical ouvrier, muni d'un pourvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier Greffier lors du prononcé : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 15 Avril 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mme Christiane Y... a été engagée à compter du 24 janvier 2005 en qualité d'employée de maison par M. Eric X... selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel prévoyant une durée de travail hebdomadaire fixée à 13 h 30 et les tâches suivantes : " ménage, linge, repas, déplacement des enfants... ". Le lieu habituel de travail était fixé au domicile de l'employeur et les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des salariés du particulier employeur.
A la suite d'un entretien préalable, la salariée a été licenciée par lettre datée du 8 septembre 2009 ainsi motivée : " (...) Nous souhaitons diminuer les horaires de votre poste du fait de l'âge de nos enfants qui sont aujourd'hui plus autonomes. Vous nous avez clairement indiqué que vous ne souhaitiez pas continuer sur un nouveau contrat. Nous allons donc d'un commun accord vous licencier. "
Elle a saisi la juridiction prud'homale en janvier 2010 de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement en date du 29 mars 2012, le conseil de prud'hommes d'Angers a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur au paiement de la somme de 4 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de celle de 1 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le conseil a retenu d'une part, qu'un employeur qui ne respecte pas les formalités requises pour la modification d'un élément essentiel du contrat de travail ne peut se prévaloir ni d'une acceptation ni d'un refus du salarié, et, d'autre part, que la preuve n'était pas rapportée de l'accord de la salariée à la rupture de son contrat.
L'employeur a régulièrement interjeté appel.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
L'employeur, dans ses conclusions parvenues au greffe le 27 décembre 2013, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite l'infirmation du jugement, le débouté de la salariée de toutes ses demandes et sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il indique que l'embauche de Mme Y... était intervenue alors que ses 4 enfants (dont des jumelles) étaient âgés de 10 à 12 ans. En 2009, il n'était plus nécessaire que la salariée assure leurs déplacements, les enfants, alors âgés de 14 à 16 ans, étant devenus autonomes à cet égard. Il a donc proposé à la salariée de diminuer ses horaires. Celle-ci l'a refusé mais a indiqué souhaiter que la rupture de son contrat n'intervienne qu'en août 2009, à ses 60 ans. C'est ainsi que le contrat s'est poursuivi. Lors de l'entretien préalable, la salariée a clairement précisé à nouveau qu'elle ne souhaitait pas poursuivre sa collaboration avec une diminution d'horaires. Il soutient que l'âge des enfants constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et que la salariée n'a jamais contesté avoir refusé toute réduction de ses horaires de travail. D'ailleurs, l'emploi de la salariée a été purement et simplement supprimé. Par ailleurs, la salariée n'a pas été licenciée pour motif économique et en tout état de cause, les règles relatives au licenciement économique ne s'appliquent pas au licenciement d'une employée de maison. Enfin, la salariée ne justifie d'aucun préjudice.
Sur la demande relative à l'absence de visite médicale d'embauche, l'employeur expose que le délai de prescription de la demande a expiré le 19 juin 2013, par l'effet de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008. Or, la salariée a présenté pour la première fois sa demande en cause d'appel, par conclusions reçues le 16 décembre 2013. Sa demande est donc prescrite.
La salariée, dans ses conclusions parvenues au greffe le 20 novembre 2013, soutenues oralement, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, sollicite la confirmation du jugement et formant appel incident, demande en outre la condamnation de M. X... au paiement de la somme de 600 ¿ de dommages-intérêts pour absence de visite médicale et de 1 000 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'employeur qui entend modifier le contrat de travail doit proposer au salarié concerné la modification par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui en l'occurrence n'a pas été fait au préalable. En outre, elle n'a jamais donné son accord oral à la résiliation de son contrat.
Par ailleurs, les employés de maison, même à temps partiel, bénéficient des règles prévues par le code du travail en matière de visite médicale et en particulier de visite médicale d'embauche. Or, l'employeur n'a pas respecté ces dispositions d'ordre public.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur le licenciement :
Le licenciement d'un employé de maison, même s'il repose sur un motif étranger à sa personne, n'est pas soumis aux dispositions concernant les licenciements pour cause économique. D'ailleurs, l'article 12 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, prévoit que " Le particulier employeur n'étant pas une entreprise et le lieu de travail étant son domicile privé, les règles de procédure spécifiques au licenciement économique (...) ne sont pas applicables ". Il en résulte que le particulier employeur d'un employé de maison n'est pas tenu de respecter les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail lorsqu'il envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail.
Par ailleurs, si la directive européenne 91/ 533/ CEE du 14 octobre 1991 prévoit que toute modification d'éléments du contrat ou de la relation de travail " doit faire l'objet d'un document écrit à remettre par l'employeur au travailleur dans les plus brefs délais et au plus tard un mois après la date de la prise d'effet de la modification concernée ", cet article est inapplicable au présent litige faute de mise en oeuvre d'une quelconque modification.
Ainsi, il appartient seulement à la cour de vérifier si le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la salariée a refusé verbalement la modification de son contrat de travail proposée, consistant en une réduction de son temps de travail assortie d'une réduction proportionnelle de sa rémunération (étant relevé que sa rémunération moyenne mensuelle était de 467 ¿). Il est établi par ailleurs que le motif de cette modification, tel qu'énoncé par l'employeur, à savoir la nécessité de diminuer le nombre d'heures travaillées du fait de la plus grande autonomie de ses enfants, 4 ans et demi après l'embauche, est non seulement réel mais également sérieux. On observera à cet égard que le contrat de travail prévoyait expressément que la salariée assurerait le transport des enfants et qu'une indemnité kilométrique lui était versée en conséquence.
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé et la salariée déboutée de sa demande au titre de la rupture de son contrat de travail.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale :
Par application des dispositions des articles 2224 du code civil et 26 de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent désormais par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; en cas de réduction du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
La demande au titre du défaut de visite médicale d'embauche ayant été présentée par conclusions parvenues au greffe le 20 novembre 2013, elle est irrecevable comme prescrite. Par contre, le défaut de visite médicale périodique, qui n'est pas prescrit en ce qui concerne l'année 2009, est caractérisé. Il sera réparé par l'allocation de la somme de 50 ¿.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déboute Mme Christiane Y... de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif ;
Déclare prescrite la demande présentée au titre de la visite médicale d'embauche ;
Condamne M. Eric X... à payer à Mme Christiane Y... la somme de 50 ¿ de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale périodique, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en cause d'appel ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.