COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N pc/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 02737.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 11 Octobre 2011, enregistrée sous le no 10/ 364
ARRÊT DU 13 Mai 2014
APPELANT :
Monsieur Stéphane X...... 53500 ERNEE
représenté par Maître MAILLARD, avocat substituant Maître Emmanuel-François DOREAU, avocat au barreau de LAVAL
INTIMES :
Monsieur Faouzi Y..., exerçant sous l'enseigne commerciale " Le Grillon "... 94190 VILLENEUVE SAINT-GEORGES
Non comparant, ni représenté
Monsieur Maître Guillaume Z..., mandataire liquidateur de la SARL BLIN FORES ... 53000 LAVAL
représenté par Maître Arnaud COUSIN, avocat au barreau de RENNES
PARTIE INTERVENANTE
L'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, représentée par l'UNEDIC-CGEA de Rennes (l'AGS) Immeuble le Magister 4, Cours Raphaël Binet 35069 RENNES CEDEX
représentée par Maître Jacques DELAFOND de la SCP DELAFOND-LECHARTRE-GILET, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Anne LEPRIEUR, conseiller Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 13 Mai 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
A l'occasion de l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie-salon de thé-self, la société Blin Fores a repris, à compter du 4 août 2008, le contrat de travail que M. X... avait conclu, le 1er septembre 1995, en qualité de pâtissier, avec la société Le Grillon, propriétaire précédent du fonds de commerce.
La société Blin Fores a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Laval du 3 février 2010 qui a autorisé la poursuite de l'activité pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 3 mai 2010.
Par ordonnance du 14 avril 2010, le juge commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce à M. Y... à qui le contrat de travail de M. X... a été transféré.
Par lettre du 9 mars 2011, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
" J'entends rompre mon contrat de travail à vos torts et griefs par le fait que vous avez amené l'entreprise à n'avoir plus les moyens de subvenir à mon poste de travail depuis six mois que je suis en arrèt maladie.
Par ailleurs, le non-respect de mon contrat de travail, en touchant à ma rémunération, laquelle n'a pas été reprise sur son montant effectif de 180 heures mensuelle.
De plus, vous m'avez imposé, sans mon accord et sans consultation du médecin du travail, le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, ce qui constitue une modification de mon contrat de travail. Mon arrêt maladie étant lié à ce changement d'horaire ".
Le 10 novembre 2010, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Laval et a sollicité, dans le dernier état de ses demandes :
. La condamnation de la société Blin Fores, représentée par le liquidateur judiciaire, à lui payer les sommes de :
. 1 605, 95 euros à titre de rappel de salaire de mai 2010 ;. 212, 87 euros à titre de rappel de salaire des 29, 30 et 31 mai 2010 ;. 60, 57 euros à titre de remboursement de la mutuelle ;
. L'opposabilité du jugement à intervenir au CGEA de Rennes concernant les condamnations mises à la charge de la société Blin Fores ;
. La condamnation de M. Y... à lui payer :
. 3 358, 80 euros à titre de rappel de salaire de juin 2010 à mai 2011, outre l'incidence de congés payés :. 19 548 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;. 6 239, 07 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;. 3 258 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre l'incidence de congés payés.
M. X... a également sollicité la condamnation solidaire de la société Blin-Fores et de M. Y... à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11 octobre 2011, le conseil l'a débouté de ses demandes et a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
M. X... a relevé appel.
L'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, représentée par l'UNEDIC-CGEA de Rennes (l'AGS) est intervenue à l'instance.
M. X... a conclu, ainsi que la société Z...ès qualités de liquidateur de la société Blin Fores (la société Z...ès qualités) et l'AGS.
M. Y..., régulièrement convoqué par lettre recommandée avec avis de réception qui a été signé, n'a pas comparu et n'a pas été représenté.
Il a adressé par l'intermédiaire de son conseil des écritures au greffe de la cour.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 17 mars 2014, soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, M. X... sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
. Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Blin Fores les sommes de :. 1 605, 95 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 28 mai 2010 ;. 212, 87 euros à titre de rappel de salaire des 29, 30 et 31 mai 2010, outre 21, 28 euros au titre des congés payés afférents ;
. Déclarer l'arrêt à intervenir opposable au CGEA de Rennes concernant les condamnations mises à la charge de la société Blin Fores ;
. Condamner M. Y... à lui payer les sommes de :
. 3 358, 80 euros à titre de rappel de salaire de juin 2010 à mai 2011, outre l'incidence de congés payés :. 19 548 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;. 6 239, 07 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;. 3 258 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre l'incidence de congés payés.. 1 605, 95 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 28 mai 2010 ;. 212, 87 euros à titre de rappel de salaire des 29, 30 et 31 mai 2010, outre 21, 28 euros au titre des congés payés afférents ;
. Condamner solidairement la société Blin Fores représentée par le liquidateur et M. Y... à lui verser 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir en substance que :
. la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse car son nouvel employeur l'a repris sur la base de 35 heures hebdomadaires alors que jusqu'à présent il travaillait sur la base de 41 h 30 hebdomadaires, et qu'il lui a imposé le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, ce qui constitue une modification de son contrat de travail ;
. Seule la période du 1er au 28 mai 2010 lui a été rémunérée à titre de congés payés, mais non la période du 29 au 31 mai 2010, qui doit donc lui être payée ;
. Il lui a été imposé de prendre ses congés au mois de mai sans que soit respecté le délai de prévenance ;
Dans ses dernières écritures, déposées le 17 mars 2014, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Z...ès qualités demande à la cour de :
. Déclarer irrecevable l'appel de M. X... à son égard, compte tenu du montant de ses demandes ;. Sur le fond, confirmer le jugement ;. Condamner M. X... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient essentiellement que :
. Sur le salaire de mai 2010 : les circonstances exceptionnelles résultant de la liquidation judiciaire et de la cession du fonds de commerce l'ont conduite à décaler au mois de mai les congés annuels pris ordinairement au mois d'août, ce qui a permis de les rémunérer en congés payés, compte tenu du fait que les époux Y... ne pouvaient reprendre l'exploitation, pour des raisons administratives, avant le 4 juin 2010 ;. Sur le salaire des 29 au 31 mai 2010 : les salaires n'ont pas été réglés du fait de la suspension judiciaire d'activité.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 17 mars 2014, soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, l'AGS demande à la cour de :
. Juger que l'appel de M. X... est irrecevable dans les rapports avec la société Blin Fores ;
. Sur le fond, confirmer le jugement et dire qu'en toute hypothèses toute créance postérieure au 18 mai 2010 ne peut être garantie par l'AGS en application de l'article L. 3253-8 du code du travail.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des conclusions de M. Y... :
Attendu que la procédure prud'homale étant orale en application des articles R. 1453-3 du code du travail et 931 du code de procédure civile, les conclusions adressées au juge par une partie qui ne comparaît pas ou qui n'est pas représentée ne sont pas recevables ;
Attendu qu'en l'espèce M. Y..., qui n'a pas été dispensé de se présenter à l'audience, n'a pas comparu ni n'a été représenté ;
Que les conclusions qu'il a adressées à la cour par l'intermédiaire de son conseil, et qui n'ont pas été reprises à une précédente audience, seront, en conséquence, déclarées irrecevables ;
Sur la recevabilité de l'appel de M. X... à l'égard de la société Z...ès qualités :
Attendu qu'il résulte des articles 35 et 36 du code de procédure civile que, lorsque dans une même instance, des prétentions sont émises par un demandeur contre plusieurs défendeurs en vertu d'un titre qui ne leur est pas commun, le taux du ressort est déterminé à l'égard de chacun des défendeurs par la valeur des prétentions émises par le demandeur contre chacun d'eux ;
Attendu que, selon l'article L. 1224-2 du code du travail, en cas de procédure de liquidation judiciaire, le nouvel employeur n'est pas tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification de sa situation juridique ;
Attendu qu'au cas présent, le contrat de travail en vertu duquel M. X... a émis, en première instance, à l'égard de la société Blin Fores représentée par le liquidateur judiciaire, ses prétentions tendant au paiement de rappel de salaires et de remboursement de cotisation mutuelle ne constitue pas un titre commun à M. Y... dès lors que celui-ci n'est pas tenu aux obligations qui incombent à la société Blin Fores en application de ce contrat ;
Que le montant total des prétentions émises par M. X... contre la société Z...ès qualités devant le conseil de prud'hommes, soit 1 879, 39 euros, étant inférieur au taux du ressort déterminé par les articles R. 1462-1 et D. 1462-3 du code du travail, soit 4 000 euros, le jugement doit être considéré comme ayant été rendu en dernier ressort à son égard ;
Que l'appel formé par M. X... est donc irrecevable de ce chef ;
Sur le bien fondé des demandes de M. X... à l'égard de M. Y... :
Sur la prise d'acte :
Attendu qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission ;
Qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;
Attendu qu'au cas particulier, M. X... ne démontre pas que le nombre d'heures contractuellement convenu avec son précédent employeur était de 41, 30 h ; qu'ainsi, le document intitulé " avenant au contrat de travail du 1 septembre 1995 ", applicable à compter du 4 août 2008, mentionne que la durée hebdomadaire de travail est de 35 heures, et que sa rémunération mensuelle de base est de 1 498, 50 euros pour 151, 67 heures (sa pièce 1) ; que ses bulletins de salaire du 1er juillet 2009 au 1er juin 2010 font état d'un salaire mensuel calculé sur la base de 151, 67 heures également, soit 35 heures hebdomadaires ; que les heures travaillées en plus sont indiquées comme des heures supplémentaires (ses pièces 2) ;
Qu'il ne peut donc utilement reprocher à M. Y... de n'avoir pas respecté les dispositions du contrat de travail sur ce point ;
Attendu que l'affirmation de M. X... selon laquelle M. Y..., en lui faisant commencer sa journée à 3 heures du matin, lui a imposé le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, lequel est défini par l'article L. 3122-29, alinéa 1er, du code du travail comme celui effectué entre 21 heures et 6 heures, n'est étayée par aucune pièce ; que la cour relève en outre qu'il se contredit dans ses conclusions, puisqu'il affirme qu'il commençait auparavant à 5 heures (p. 2, 10 ème alinéa), avant d'indiquer qu'il commençait à 6 heures (p. 3, 4ème alinéa) ;
Que M. Y... n'apparaît donc pas avoir manqué au respect de ses obligations à cet égard ;
Attendu que M. X... ne peut pas davantage utilement faire grief à M. Y... de ne pas lui avoir fourni de travail pendant la période au cours de laquelle il était en congé maladie ;
Qu'aucun manquement de M. Y... à ses obligations invoqués par M. X... à l'appui de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'étant avéré, celle-ci doit produire les effets d'une démission ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'incidence de congés payés ;
Sur le rappel de salaire :
Au titre de la période de juin 2010 à mai 2011 :
Attendu que M. X... ne verse aucune pièce à l'appui de cette demande permettant à la cour d'en vérifier le bien fondé ; qu'il ne l'explique pas davantage sinon par la circonstance, non retenue par la cour, selon laquelle son horaire contractuel de travail serait passé de 35 à 41 h 30 ;
Qu'il sera donc débouté de sa prétention de ce chef ;
Au titre du mois de mai 2010 :
Attendu qu'il résulte du bulletin de salaire du mois de mai 2010, que M. X... a été payé par chèque le 28 mai 2010 à hauteur de 1 540, 41 euros pour la période du 1er au 28 mai 2010 ;
Que s'il ne peut prétendre à aucun rappel de salaire pour cette durée, il apparaît en revanche qu'il lui reste dû une somme au titre des journées des 29, 30 et 31 mai 2010, soit 212, 87 euros, outre une somme au titre de l'incidence de congés payés, au paiement desquelles M. Y... sera condamné ;
Que le jugement sera infirmé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire ;
DECLARE irrecevable l'appel de M. X... à l'égard de la société Z...ès qualités ;
DECLARE irrecevables les conclusions de M. Y... ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement de salaires pour la période du 29 au 31 mai 2010 ;
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE M. Y... à payer à M. X... la somme de 212, 87 euros, outre 21, 28 euro à titre d'incidence de congés payés, à titre de rappel de salaire pour la période du 29 au 31 mai 2010 ;
LAISSE à chaque parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODIN Catherine LECAPLAIN-MOREL