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01/07/2014 | FRANCE | N°12/01565

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 01 juillet 2014, 12/01565


COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N pc/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01565. Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 29 Juin 2012, enregistrée sous le no F 10/ 01107

ARRÊT DU 01 Juillet 2014
APPELANTE : LA SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS 1 avenue Eugène Freyssinet-Challenger-78280 GUYANCOURT non comparante-représentée par Maître Jean-François TRETON, avocat substituant Maître Pascal BATHMANABANE de la SELARL PECH DE LACLAUSE BATHMANABANE et ASSOCIE

S, avocats au barreau de PARIS

INTIME : Monsieur Matthieu X...... 49130 LES PONTS ...

COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale

ARRÊT N pc/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01565. Jugement Au fond, origine Conseil de prud'hommes-Formation de départage d'ANGERS, décision attaquée en date du 29 Juin 2012, enregistrée sous le no F 10/ 01107

ARRÊT DU 01 Juillet 2014
APPELANTE : LA SOCIETE BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS 1 avenue Eugène Freyssinet-Challenger-78280 GUYANCOURT non comparante-représentée par Maître Jean-François TRETON, avocat substituant Maître Pascal BATHMANABANE de la SELARL PECH DE LACLAUSE BATHMANABANE et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIME : Monsieur Matthieu X...... 49130 LES PONTS DE CE comparant-assisté de Maître Béranger BOUDIGNON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président Madame Sophie BARBAUD, conseiller Monsieur Paul CHAUMONT, conseiller Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 01 Juillet 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******
FAITS ET PROCÉDURE M. X... a été engagé par la société Bouygues Travaux Publics (la société Bouygues) à compter du 16 avril 2007 en qualité de " cadre management des risques ". Le contrat de travail à durée indéterminée prévoit l'application de la convention collective nationale des ingénieurs, assimilés et cadres des entreprises de travaux publics du 31 août 1955 et mentionne que M. X... est domicilié..., Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire). En vertu de la clause contractuelle de mobilité, M. X... a été affecté sur le chantier " EPR 3 " à Flamanville (Manche), puis, à compter du 15 février 2010, sur celui des " Grésillons " à Triel-sur-Seine (Yvelines). M. X... a perçu, de son embauche jusqu'au 1er juin 2010, des indemnités de grands déplacements et des indemnités de voyages détentes. A partir de cette date, la société Bouygues lui a versé des indemnités de transports complémentaires et de repas, et, en juillet 2010, une prime d'installation. L'employeur a également mis à la disposition de M. X... une voiture de fonction à compter du mois de juillet 2010. M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 19 novembre 2010 en résiliation de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes. La société Bouygues l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 novembre 2010 à la suite duquel elle l'a licencié pour faute grave par lettre du 2 décembre 2010 motivée de la façon suivante : " Vous êtes affecté depuis le 15 février 2010 sur le chantier de la station d'épuration des Grésillons à Triel sur Seine (78150).

Conformément aux règles prévues par la convention collective et par l'administration fiscale, nous vous avons demandé de produire des justificatifs de double résidence pour pouvoir bénéficier du versement d'indemnité de grands déplacements. Vous n'avez jamais été en mesure de fournir un justificatif valable de double résidence. Dés lors, l'habitation pour laquelle vous avez signé un bail de 3 ans le 5 février 2010 situé ..., 78670 Médan, constitue votre résidence principale ce qui vous donne droit à l'attribution de petits déplacements conformément aux règles en vigueur dans l'entreprise et dans la profession. Nous considérons donc que les documents que vous nous avez fournis sont des attestations de complaisance dont la production par vos soins a pour seul objectif de percevoir des indemnités manifestement indues, ce qui s'apparente à nos yeux à une tentative d'escroquerie constitutive d'une faute grave ".

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de demandes supplémentaires tendant, notamment, à juger, à titre subsidiaire, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Par jugement du 29 juin 2012, le conseil a :. Dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse :. Condamné la société Bouygues à payer à ce dernier :. 25 187, 48 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;. 3 500 ¿ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait des circonstances du licenciement ;. 3 929, 25 ¿ à titre d'indemnité de licenciement ;. 10 075 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 007, 50 ¿ à titre d'incidence de congés payés ;. 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;. Ordonné la capitalisation des intérêts ;. Ordonné le remboursement par la société Bouygues aux organismes sociaux de la totalité des indemnités de chômages versées à M. X... du jour de son licenciement jusqu'au jugement dans une limite de 6 mois d'indemnités ;. Débouté les parties de leurs autres prétentions ;. Condamné la société Bouygues aux dépens.

La société Bouygues a relevé appel et M. X... a relevé appel incident. Les deux parties ont conclu.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 août 2013, soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Bouygues demande à la cour de :

. Dire que le licenciement de M. X... repose sur une faute grave ;. Dire qu'il n'a pas été notifié dans des conditions vexatoires ;. Infirmer en conséquence le jugement sur les condamnations prononcées à son encontre ;. Confirmer le jugement pour le surplus ;. Condamner M. X... à lui verser 4 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir en substance que : Sur le versement des indemnités de grands déplacements de juin à décembre 2010 :

. Le versement d'indemnités de grands déplacements vise à compenser la sujétion née de l'obligation pour le salarié d'assumer les dépenses liées à la prise d'un second domicile près de son lieu d'affectation lorsqu'il ne peut revenir à son domicile personnel chaque soir ;. Ce versement suppose donc que soit apportée la justification d'une résidence principale et d'une résidence de chantier ;. Pour éviter les abus, la concluante a régulièrement précisé et amélioré la liste des justificatifs requis, et en dernier lieu par une note de service du 1er mars 2010 qui exige un avis de taxe d'habitation individuel des salariés à leurs nom et prénom ;

. Comme l'a retenu le juge départiteur, M. X... n'a pas fourni les justificatifs demandés et n'a pas conservé manifestement une double résidence, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande en versement d'indemnités de grands déplacements ; Sur la résiliation du contrat de travail :. Les indemnités de grands déplacements n'ont pas été contractualisées et, en conséquence, le jugement qui a débouté M. X... de sa demande de résiliation du contrat de travail doit être approuvé ; Sur le licenciement :. La prise en charge, par M. X..., de la consommation d'électricité d'environ 80 euros par mois de ses parents, chez qui il ne résidait plus, afin de percevoir plus de 1 500 euros d'indemnités de grands déplacements mensuelles, et la production de justificatifs de complaisance, constituent des manoeuvres déloyales et une tentative d'extorsion d'indemnités indues qui justifie le licenciement pour faute grave.

Dans ses dernières écritures, déposées le 13 mai 2014, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions, M. X... demande à la cour de :. Infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, au paiement d'un complément de rémunération et aux congés payés afférents ;. Dire que la demande de résiliation judiciaire est bien fondée ;. Condamner la société Bouygues à lui payer 87 168 ¿ à titre de dommages-intérêts du fait de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;. A titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;. Condamner la société Bouygues à lui payer la somme de 87 168 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; En tout état de cause, condamner la société Bouygues à lui payer :. 32 688 ¿ (équivalent à six mois de salaire incluant les indemnités de grands déplacements) à titre de préjudice moral pour atteinte à la réputation et à l'honneur ;. 13 650 ¿ à titre de complément de rémunération pour la période de juin à décembre 2010 ;. 1 855 ¿, 2 722 ¿, 2 730 ¿ et 2 436 ¿ à titre d'indemnités compensatrices de congés payés sur compléments de rémunération respectivement pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010 ;. 6 538 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle ;. 16 344 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 634 ¿ à titre d'incidence de congés payés ;. 3 000 ¿ à titre de frais irrépétibles engagés en première instance et en appel ;. Fixer les intérêts au taux légal à compter du jugement pour les sommes excédant le montant des condamnations de première instance ayant bénéficié de l'exécution provisoire (12 595, 58 ¿) ;. Ordonner la capitalisation des intérêts et le remboursement aux organismes sociaux des indemnités de chômage versées du jour du licenciement jusqu'au jugement dans la limite de six mois d'indemnités. Il soutient essentiellement que : Sur le versement des indemnités de grands déplacements de juin à décembre 2010 :

. Il a résidé régulièrement lors de l'exécution de son contrat de travail à l'adresse déclarée lors de son embauche, qui correspond à celle de ses parents et à son seul domicile habituel, et il a fourni les justificatifs requis par la société pendant trois ans, au vu desquels lui ont été versées les indemnités de grands déplacements ;. Sa situation n'ayant pas changé, il appartient à l'employeur d'établir qu'il ne remplissait plus les conditions justifiant leur octroi ;. Il n'y a pas lieu de discriminer entre sa situation de célibataire rejoignant régulièrement sa famille, et celle d'un partenaire d'un pacs, non propriétaire de son domicile, rejoignant régulièrement son partenaire et il ne peut être refusé à un célibataire de fixer sa résidence habituelle au sein de sa famille ;

Sur la résiliation du contrat de travail :. L'employeur a modifié unilatéralement sa rémunération en cessant de payer les indemnités de grands déplacements qui avaient fait l'objet d'un accord entre les parties lors de l'embauche et qu'il avait versées pendant trois ans ;. La mauvaise foi caractérisée de l'employeur dans l'application du contrat de travail justifie également la résiliation du contrat de travail ;

Sur le licenciement :. La société Bouygues ne démontre ni que l'attestation que le concluant lui a remise pour justifier de son domicile était de complaisance et comportait des allégations mensongères, ni qu'il était animé d'une intention frauduleuse, ni qu'il ait tenté de l'escroquer ;. En conséquence, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les préjudices :. Le concluant a été privé de la possibilité de contribuer au plan d'épargne entreprise en raison de la diminution de sa rémunération ;. Il a été au chômage pendant plus de six mois avant de retrouver un emploi avec une rémunération inférieure à celle qu'il percevait ;

. Il a subi un préjudice moral résultant de l'atteinte à son honneur causée par les accusations portées à son encontre et à celle de sa famille ; Sur le complément de rémunération du mois de juin au mois de décembre 2010 :. la société Bouygues ayant exposé que les indemnités de grands déplacements ne remplissaient pas les conditions fixées pour être considérées comme des frais professionnels et ce, dès le début de la relation, ces indemnités ayant néanmoins été versées ne peuvent être considérées que comme une rémunération taxable ;

. Il en résulte que la société Bouygues est redevable de la somme de 2 275 ¿ correspondant à la somme de 27 299 ¿ brut, soit le montant des indemnités de grands déplacements payées en 2009 multiplié par 22 % de charges salariales, divisée par douze mois, soit 2 275 ¿ multipliée par six mois, soit 13 650 ¿ ; Sur les indemnités compensatrices de congés payés sur complément de rémunération :. Lorsque les indemnités de déplacement ne sont dénommées " indemnités de déplacement " que pour soustraire aussi bien l'employeur que les salariés au paiement des charges sociales ou fiscales, elles constituent un complément de rémunération dont il doit être tenu compte pour la détermination des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, ce qui est le cas en l'espèce ;

. Le concluant est donc bien fondé à réclamer les indemnités compensatrices de congés payés sur les compléments de rémunération qui lui ont été versés ; Sur les indemnités conventionnelles de licenciement et de préavis :. Celles-ci doivent être calculées sur la base d'une rémunération moyenne mensuelle brute de 5 488 ¿, indemnités de grands déplacements brutes comprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la contractualisation des indemnités de grands déplacement, sur le paiement de ces indemnités de juin à décembre 2010, et sur la demande de résiliation du contrat de travail : Attendu que la convention collective nationale des cadres des travaux publics du 1er juin 2004, qui a remplacé depuis le 1er janvier 2005 la convention collective du 31 août 1955 à laquelle se réfère le contrat de travail de M. X..., dispose que " le cadre dont le contrat de travail mentionne qu'il doit travailler tout ou partie de l'année en déplacement continu, a droit à une indemnité forfaitaire définie préalablement pendant la durée de ce déplacement " (article 6. 1 ; 2) ; Attendu qu'au cas particulier, le contrat de travail conclu entre M. X... et la société Bouygues, qui stipule que " du fait de ses fonctions, M. X... sera amené à effectuer de fréquents déplacements professionnels, tant en France qu'à l'étranger, ce qu'il accepte expressément ", ne prévoit pas le versement d'indemnités de déplacements, mais uniquement le versement d'une rémunération de 2 600 euros bruts mensuelle forfaitaire ; Que, cependant, il résulte du document daté du 16 avril 2007 intitulé " conditions de déplacement Bouygues TP applicables au 1er janvier 2007 ", " conditions de grands déplacements chantiers TP " qu'à la date de la signature du contrat de travail, la société Bouygues s'était engagée à verser à ses salariés des indemnités forfaitaires par jour de présence sur le site, mais aussi par jour d'absence (" week-end de retour théorique, CP, AT, M, JTL et maintien du logement ") et des indemnités kilométriques pour des voyages périodiques variant selon l'éloignement (exemple : 0 à 250 kms, 0, 17 ¿/ km retour tous les week-ends, 200 à 500 kms, 0, 19 ¿/ km retour 1 week-end sur deux) (pièce 1/ 2 intimé) ; Qu'à compter du 1er juillet 2007, la société Bouygues a modifié les " règles relatives aux indemnités de grand déplacement et aux voyages détentes ", le versement des premières étant soumis, après deux mois de présence sur un nouveau chantier, à la production d'un des justificatifs de " double domicile " limitativement énumérés, incluant une facture EDF, et libellés au nom du collaborateur ;

qu'elle en a informé les salariés concernés par courriel du 3 août 2007 dont M. X... a été destinataire (pièce 2 intimé) ; Qu'une nouvelle modification est intervenue le 1er mars 2010 par une note dont les responsables de chantiers et les responsables de pointage ont été destinataires, soumettant le versement des indemnités de grands déplacements à la fourniture de justificatifs d'un domicile principal et d'un domicile de chantier ; que s'agissant du domicile principal, étaient désormais exigés pour un collaborateur locataire un avis de taxe d'habitation individuel sur résidence principale libellé à ses nom et prénom et " lorsque l'avis de taxe d'habitation n'est pas au nom du collaborateur, un certificat de mariage, de concubinage ou de pacs " ainsi que la fourniture, tous les mois, d'une quittance de loyer principal ; Attendu que la cour tient pour acquis, contrairement à ce qu'affirme la lettre de licenciement, le fait que, de son embauche au mois de mars 2010, M. X..., dont le domicile était fixé chez ses parents, a fourni à son employeur une facture EDF établie à son nom, telle que celle du 8 février 2010 (pièce 6/ 4 intimé) satisfaisant ainsi aux exigences du courriel du 3 août 2007 précité ; Qu'en effet, à défaut, la société Bouygues ne lui aurait pas payé, pendant trois ans, des indemnités de grands déplacements ; Qu'en revanche, M. X... n'a pas été en mesure de répondre aux conditions fixées à compter du 1er mars 2010, particulièrement en ne fournissant pas de quittance de loyer principal ; Que, dès lors, il ne pouvait plus prétendre au paiement d'indemnités de grands déplacements ; Attendu que, par ailleurs, en soumettant à des conditions plus strictes de justification du domicile principal, et notamment à la production de quittances de loyer, l'octroi des indemnités de grands déplacements, la société Bouygues, qui n'était pas tenue de poursuivre le paiement de ces indemnités, lesquelles ne constituent pas un droit acquis, n'a pas manqué aux obligations inhérentes au contrat de travail ni n'a opéré une quelconque discrimination au regard de la situation de famille de M. X..., ni fait preuve de mauvaise foi à l'occasion de l'exécution de ses obligations contractuelles ; Attendu qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes tendant, d'une part, au paiement de complément de rémunération pour la période de juin à décembre 2010, et, d'autre part, à la résiliation du contrat de travail et, enfin, au paiement de dommages-intérêts au titre de la résiliation du contrat de travail ; Sur le bien fondé du licenciement : Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve ;

Attendu qu'au cas présent, la société Bouygues reproche à M. X... d'avoir tenté de la tromper par des manoeuvres frauduleuses caractérisées par la fourniture d'attestations de complaisance pour obtenir le paiement d'indemnités indues ; Attendu que, cependant, l'employeur ne démontre nullement que l'unique attestation que M. X... lui a fournie, en date du 4 mai 2010, qui émane de la mère de ce dernier, selon laquelle son fils habite régulièrement à son domicile et participe aux frais du foyer notamment en s'acquittant des factures d'électricité, est de complaisance ; Que, de plus, cette attestation ne pouvait permettre à M. X... d'obtenir le paiement d'indemnités dès lors qu'un tel document ne correspondait pas à ceux exigés dans la note précitée du 1er mars 2010. Que le motif invoqué dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, n'est ni réel ni sérieux et prive de tout fondement le licenciement ; Que le jugement sera également confirmé sur ce point ;

Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement : Attendu qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du motif du licenciement, du montant de la rémunération versée à M. X... (3358 ¿ brut), de son âge (31 ans au moment de son licenciement), de son ancienneté (3 ans et demi), des difficultés à retrouver un nouvel emploi (M. X... a été privé d'emploi pendant six mois avant d'être engagé avec une rémunération inférieure), la société Bouygues sera condamnée à lui payer une somme de 35 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant réformé de ce chef ; Attendu que M. X... ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui que lui a causé le licenciement ; Qu'il sera débouté en conséquence, par voie d'infirmation du jugement, de sa demande en paiement de dommages-intérêts à titre de préjudice moral pour atteinte à la réputation et à l'honneur ; Sur la demande en paiement d'indemnités de congés payés sur complément de rémunération pour les années 2007 à 2010 :

Attendu que M. X... ne démontre pas que les indemnités de déplacement ont été dénommées ainsi par l'employeur que pour se soustraire au paiement de charges sociales ou fiscales, et non pour compenser les dépenses supplémentaires exposés par les salariés en déplacement professionnel et empêchés de regagner chaque jour leur résidence habituelle, au sens de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ; Qu'à cet égard, la cour relève, au vu des documents du 16 avril 2007, du 3 août 2007 et du 1er mars 2010, que l'allocation de ces indemnités répond à des règles et des critères précis d'éloignement géographique, de durée de mission, et de type de journées, selon qu'elles se déroulent ou non sur le site ; Que, contrairement à ce qu'affirme l'intimé, ces indemnités n'apparaissent donc pas devoir être assimilées à un complément de rémunération versé à l'occasion du travail et dont il doit être tenu compte dans la détermination des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés ;

Qu'il sera débouté, en conséquence, de sa demande en paiement d'indemnités compensatrice de congés payés sur compléments de rémunération au titre des années 2007 à 2010 ; Sur les indemnités conventionnelle de licenciement et de préavis : Attendu qu'au vu des justificatifs produits, ces indemnités ont été exactement calculées par le conseil de prud'hommes dont le jugement sera confirmé de ces chefs ;

Attendu que le point de départ des intérêts sera fixé selon les modalités prévues au dispositif ; Attendu que le jugement sera également confirmé sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes sociaux et sur la capitalisation des intérêts ; PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement : CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les dommages-intérêts pour préjudice subi du fait des circonstances du licenciement ; Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant ;

CONDAMNE la société Bouygues Travaux Publics à payer à M. X... la somme de 35 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; DEBOUTE M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice distinct ; DEBOUTE M. X... de sa demande en paiement d'indemnités compensatrices de congés payés sur compléments de rémunération pour les années 2007 à 2010 ; RAPPELLE que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 1er décembre 2010, à défaut de demande initiale, à la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ; CONDAMNE la société Bouygues Travaux Publics aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE la demande de la société Bouygues Travaux Publics ; la CONDAMNE à payer à M. X... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposé en appel et non compris dans les dépens ; LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODIN Catherine LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01565
Date de la décision : 01/07/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2014-07-01;12.01565 ?
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