COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
clm/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02310.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 27 Septembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 01049
ARRÊT DU 18 Novembre 2014
APPELANTE :
LA SARL BDL INFORMATIQUE
8 rue André Ampère
Zone Actipôle Anjou
49450 ST ANDRE DE LA MARCHE
non comparante-représentée par Maître RAMASSAMY, avocat substituant Maître ROPARS, de la SCP ACR, avocats au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Otthman Saïd X...
...
44300 NANTES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 006713 du 06/ 09/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
comparant-assisté de Maître Guillaume QUILICHINI de la SCP CHANTEUX PIEDNOIR DELAHAIE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 18 Novembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Le 25 mai 2010, M. Otthman Saïd X..., domicilié à Nantes (44), s'est inscrit à l'Ecole Régionale d'informatique et de télécommunication (ERITEC), implantée à Nantes (44), afin de préparer, en alternance, une licence Webmaster au cours de l'année 2010/ 2011. Les cours ont débuté le 11 juin 2010.
Il ne fait pas débat (cf page 2 des écritures de l'appelante et sa pièce no 5 : attestation de M. Yannis A..., responsable du développement au sein de la société BDL Informatique) que, le 25 mai 2010, le dirigeant de la société BDL Informatique, implantée à Saint-André de-la-Marche (49), assisté de M. Yannis A..., a rencontré M. Sami B..., directeur de l'ERITEC, afin d'envisager l'accueil au sein de l'entreprise d'un ou de plusieurs étudiants dans le cadre de leur cursus pédagogique et qu'il a retenu la candidature de M. Otthman Saïd X... qu'il a reçu le 1er juin 2010 dans le cadre d'un entretien auquel M. Yannis A...participait également.
Il résulte des pièces produites aux débats qu'ont été établis :
- à Nantes, le 7 juin 2010, un contrat de professionnalisation, mentionnant que la société BDL Informatique emploierait M. Otthman Saïd X... en tant qu'analyste programmeur, à temps complet (35 heures par semaine) pour la période du 7 juin 2010 au 31 mai 2011 avec une période d'essai d'un mois, moyennant un salaire brut mensuel de 1 343, 77 ¿, le tuteur désigné étant M. Yannis A..., responsable développement au sein de l'entreprise, et la qualification préparée étant celle de " chef de projet analyste programmeur " ;
- à Nantes le 7 juin 2010, sur papier à entête de l'ERITEC-département alternance, une " convention de formation No DOTT150610CP conclue dans le cadre d'un contrat de professionnalisation " entre la société BDL Informatique, l'ERITEC et M. Otthman Saïd X... pour une durée de douze mois courant du 7 juin 2010 au 31 mai 2011, aux termes de laquelle il était convenu que ce dernier occuperait un emploi d'analyste programmeur sous le tutorat de M. Yannis A...afin d'obtenir la qualification de " chef de projet analyste programmeur " et ce, en qualité de salarié sous le régime du contrat de professionnalisation ;
- à Nantes, le 4 juin 2010, sur papier à entête de l'ERITEC, une " convention de stage-formation en milieu professionnel " conclue entre la société BDL Informatique, l'ERITEC et M. Otthman Saïd X... pour la période du 7 juin au 2 juillet 2010, aux fins d'exécution d'un stage obligatoire intégré au cursus pédagogique dans le cadre du diplôme préparé, moyennant une " gratification " d'un montant de 360 ¿ outre une participation de l'entreprise au coût de la scolarité d'un montant mensuel de 395 ¿ HT.
Seule est versée aux débats la copie du volet Cerfa no 1 du contrat de professionnalisation établi le 7 juin 2010, laquelle n'est signée d'aucune des parties. De même, la " convention de formation No DOTT150610CP conclue dans le cadre d'un contrat de professionnalisation " établie le 7 juin 2010 n'est signée par aucune des parties. La " convention de stage-formation en milieu professionnel " établie le 4 juin 2010 est seulement revêtue du cachet de l'ERITEC et de la signature de son représentant.
Il est constant que M. Otthman Saïd X... est intervenu au sein de la société BDL Informatique du 7 juin au 2 juillet 2010, et ce, chaque semaine, du lundi au jeudi, le vendredi étant consacré à la formation théorique dispensée dans les locaux de l'ERITEC.
Le vendredi 2 juillet 2010, par téléphone, le dirigeant de la société BDL Informatique l'a informé de ce qu'il ne souhaitait plus poursuivre leur relation et il lui a fait parvenir un chèque d'un montant de 360 ¿.
Reprochant à la société BDL Informatique de s'être, en dépit de ses demandes, refusée à signer le contrat de professionnalisation, par courrier recommandé du 11 août 2010, M. Otthman Saïd X... a contesté la rupture de ce qu'il considérait être un contrat de travail. Il arguait d'un préjudice important au motif que, privé du volet " professionnalisation ", cette rupture l'obligeait à abandonner sa formation théorique et à attendre la prochaine rentrée scolaire pour pouvoir reprendre ses études. Il ajoutait qu'il n'encaisserait pas le chef de 360 ¿ dont le montant " dérisoire " ne correspondait pas au salaire dû.
Par courrier recommandé du 17 août 2010, la société BDL Informatique lui a répondu qu'il avait toujours été convenu de faire précéder un éventuel contrat de professionnalisation " d'une période d'évaluation d'un mois sous forme d'un stage rémunéré suivant les conventions habituelles ". Elle ajoutait qu'elle avait décidé de ne pas mettre en place de contrat de professionnalisation en raison de " l'analyse de ses qualités " et de son refus de signer la convention de stage.
Le 24 novembre 2010, M. Otthman Saïd X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers. Dans le dernier état de la procédure de première instance, soutenant qu'il était lié à la société BDL Informatique par un contrat de travail à durée indéterminée, il sollicitait un rappel de salaire, une indemnité de requalification en application des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, une indemnité pour rupture injustifiée du contrat de travail.
Estimant, en l'absence d'écrit, les parties liées par un contrat de travail à durée indéterminée, par jugement du 27 septembre 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- condamné la SARL BDL Informatique à payer les sommes suivantes à M. Otthman Saïd X... :
¿ " 3000 ¿ sur le fondement de l'article L. 1245-2 du code du travail (requalification d'un CDD en CDI) ",
¿ 500 ¿ de rappel de salaire,
¿ 1 343, 70 ¿ pour non-respect de la procédure de licenciement en application des dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail,
¿ 13 437, 70 ¿ d'indemnité pour licenciement injustifié,
¿ 1 200 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société BDL Informatique de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et l'a condamnée aux entiers dépens qui seraient recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
La société BDL Informatique a régulièrement relevé appel général de cette décision par lettre recommandée postée le 23 octobre 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 23 septembre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 31 juillet 2014, régulièrement communiquées, reprises et complétées oralement à l'audience aux termes desquelles la SARL BDL Informatique demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à toutes les demandes indemnitaires de M. Otthman Saïd X... ;
- à titre principal, de dire que M. Otthman Saïd X... et elle étaient liés par une convention de stage et de débouter ce dernier de l'intégralité de ses demandes ;
- subsidiairement, en l'absence de réunion des trois critères nécessaires à caractériser un contrat de travail, de dire que M. Otthman Saïd X... et elle n'ont jamais été liés par un contrat de travail à durée indéterminée et de débouter ce dernier de l'intégralité de ses prétentions ;
- à titre infiniment subsidiaire, de le débouter de sa demande d'indemnité de requalification " du stage en CDI " au motif que le conseil de prud'hommes ne pouvait pas alloué une telle indemnité après avoir indiqué que la convention de stage et le contrat de professionnalisation n'avaient " aucune existence juridique " ;
- de limiter à 1 ¿ l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et à la somme de 1 343, 77 ¿ l'indemnité pour licenciement abusif ;
- de condamner M. Otthman Saïd X... à lui payer la somme de 1 500 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
S'agissant de la relation contractuelle, l'appelante soutient essentiellement que :
- elle a été intéressée par la candidature de M. Otthman Saïd X... car il ressortait de son curriculum vitae qu'il avait des connaissances relatives aux outils informatiques, plus précisément à l'outil de développement, qu'elle utilisait ;
- il a toujours été convenu entre elle et l'ERITEC, ce dont M. Otthman Saïd X... a " accepté le principe ", que ce dernier effectuerait en son sein, tout d'abord, un stage d'un mois, du 7 juin au 2 juillet 2010, afin de lui permettre d'apprécier ses aptitudes à la formation professionnelle dispensée, puis qu'il serait éventuellement engagé dans le cadre d'un contrat de professionnalisation d'un an si la période de stage s'avérait concluante ;
- l'ERITEC avait en charge la rédaction de la convention de stage et de l'éventuel contrat de professionnalisation ;
- la gérante de l'école " n'ayant pas compris le processus de recrutement " négocié entre elle-même et le directeur de l'ERITEC, elle a établi un contrat de professionnalisation pour la période du 7 juin 2010 au 31 mai 2011 ;
- elle n'a pas signé ce contrat de professionnalisation et elle a pris attache avec l'ERITEC pour l'informer de cette erreur et lui demander d'établir la convention de stage préalable ;
- M. Otthman Saïd X... a refusé de signer cette convention de stage ;
- constatant que ce dernier éprouvait les plus grandes difficultés à exécuter des exercices basiques, elle lui a annoncé, le 2 juillet 2010, qu'elle n'entendait pas poursuivre leur relation dans le cadre d'un contrat de professionnalisation ;
- le contrat de professionnalisation établi par l'ERITEC procédant d'une erreur et n'ayant été signé par aucune des parties, il n'a aucune existence juridique et M. Otthman Saïd X... ne peut pas s'en prévaloir ;
- ce dernier et elle étaient liés par une convention de stage, ce qui correspond à la pratique habituellement mise en oeuvre au sein de l'entreprise et, pour être valable, une telle convention ne requiert aucun formalisme, un échange oral des volontés étant suffisant pour faire naître le contrat ;
- dès lors que M. Otthman Saïd X... a, de mauvaise foi, refusé de signer la convention de stage, en promettant de le faire mais en différant toujours cette signature, il ne peut pas se prévaloir de sa propre faute pour solliciter la requalification en CDI ;
- dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas l'existence d'une convention de stage, elle ne pourrait pas retenir l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée dans la mesure où les trois éléments cumulatifs nécessaires pour caractériser un contrat de travail ne sont pas réunis en l'espèce ;
- en effet, M. Otthman Saïd X... n'a pas accompli de prestation de travail, n'a pas été affecté à des tâches productives comme les autres salariés de l'entreprise, ne s'est jamais vu remettre un cahier des charges pour réalisation d'une interface, mais il a seulement lu le manuel d'auto-formation de l'outil de développement Windev, mis en pratique ses connaissances acquises au sein de l'ERITEC et n'a réalisé que deux exercices en lien avec son diplôme (réalisation d'une centaine de lignes de codes-programmation) le tout, dans des délais d'ailleurs manifestement excessifs ;
- aucune rémunération de lui a été versée, la somme de 360 ¿ représentant une simple gratification de stage ;
- il n'était pas placé sous un lien de subordination à son égard et il ne rapporte pas la preuve d'un tel lien.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 23 septembre 2014, régulièrement communiquées, reprises et complétées oralement à l'audience aux termes desquelles M. Otthman Saïd X... demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- de condamner la SARL BDL Informatique à lui payer la somme de 2 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'intimé fait valoir essentiellement que :
- il n'a jamais été convenu de conclure une convention de stage et c'est la société BDL Informatique qui a tenté de l'imposer a posteriori alors qu'un contrat de professionnalisation à durée déterminée avait été convenu et établi ; en l'absence de convention tripartite écrite et signée par toutes les parties, elle ne peut pas se prévaloir d'une convention de stage et la preuve d'une attitude fautive de sa part quant au refus de signer une telle convention n'est pas rapportée ;
- il n'aurait d'ailleurs jamais accepté une simple convention de stage car, venant d'achever une formation BAC + 2 en informatique dans le cadre du CNAM en bénéficiant des indemnités ASSEDIC (formation financée par la Région en vertu de la réussite à un concours) et le versement de ces prestations prenant fin, il avait absolument besoin de poursuivre ses études tout en percevant une rémunération ;
- il se souvient avoir été invité par la secrétaire de la société BDL Informatique à signer le contrat de professionnalisation, ce qu'il a fait au sein des locaux de l'entreprise, l'employée conservant le contrat pour signature du dirigeant ; en dépit de ses demandes réitérées, aucun exemplaire signé par le représentant de l'appelante ne lui a jamais été remis ;
- il a bien effectué de réelles prestations de travail et non pas des tâches liées à un stage pour le compte de la société BDL Informatique puisque, lors de son arrivée, M. A..., responsable du pôle programmation, lui a remis un cahier des charges pour réaliser une interface relative à un progiciel (ERP) de gestion d'une entreprise dont il lui était demandé de développer une petite partie, ce qu'il a réalisé seul ; que, le 1er juillet 2010, M. A...a testé la fonctionnalité de cette interface et lui a confirmé qu'elle était opérationnelle ;
- l'existence d'une rémunération est établie et il était bien placé sous un lien de subordination par rapport à la société BDL Informatique puisqu'il se conformait aux directives qui lui étaient données par la hiérarchie au sein de cette entreprise ;
- " en l'absence d'un contrat de travail écrit stipulant que le contrat est conclu pour une durée déterminée, la requalification, ou plutôt, la qualification en contrat de travail à durée indéterminée est encourue au visa des dispositions de l'article L. 1245-1 du code du travail " ;
- le préjudice résultant pour lui de la rupture est important car il a dû reporter sa formation d'un an et a été privé de revenus pendant plusieurs mois ce qui l'a placé, ainsi que sa famille, dans une situation difficile.
A l'audience, la cour a demandé à la société BDL Informatique de produire, en cours de délibéré, le contrat de professionnalisation en original.
Aux termes d'une note en délibéré du 30 septembre 2014 accompagnée d'un courrier du gérant de la société BDL Informatique du 26/ 09/ 2014 et d'une attestation établie par Mme Bérengère C..., secrétaire, le 25/ 09/ 2014, le conseil de l'appelante a fait connaître que cette production n'était pas possible, l'appelante ne détenant pas un tel contrat de professionnalisation qui, selon elle, n'a jamais été signé par M. Otthman Saïd X... et qui, à supposer qu'il lui ait été remis, a fort probablement été détruit dans la mesure où " la conclusion d'une convention de stage d'un mois était prévue préalablement à tout contrat de professionnalisation ".
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la qualification de la relation contractuelle :
1) sur l'existence d'une convention de stage :
En vertu de l'article 9 de la loi no 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, " Les stages en entreprise ne relevant ni des dispositions de l'article L. 211-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle continue telle que définie par le livre IX du même code, font l'objet entre le stagiaire, l'entreprise d'accueil et l'établissement d'enseignement d'une convention dont les modalités sont déterminées par décret. ".
L'article 3 du décret no 2006-1093 du 29 août 2006 pris pour l'application de ce texte détermine les clauses que les conventions de stage doivent " impérativement " comporter et son article 5 dispose que la convention de stage doit être signée par le représentant de l'établissement dans lequel est inscrit le stagiaire, par le représentant de l'entreprise et par le stagiaire.
Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient la société BDL Informatique, les stages en entreprises doivent obligatoirement faire l'objet d'une convention de stage et que l'existence d'un écrit signé par l'ensemble des parties et comportant un certain nombre de clauses impératives est bien une condition d'existence et de validité d'une convention de stage.
En l'absence d'une telle convention écrite signée par elle-même, l'ERITEC et M. Otthman Saïd X... en application de l'article 9 de la loi du 31 mars 2006 et de son décret d'application, la société BDL Informatique est mal fondée à soutenir qu'elle était liée à ce dernier par une convention de stage et que c'est en vertu d'une telle convention qu'il est intervenu en son sein du 7 juin au 2 juillet 2010, étant observé qu'elle ne produit aucun élément, notamment aucune demande ni relance adressée à l'intimé de ce chef, à l'appui de sa thèse selon laquelle M. Otthman Saïd X... aurait, de façon fautive, refusé de signer la convention de stage qui aurait été convenue entre eux, de sorte que la preuve du refus allégué fait défaut.
De même, outre l'absence d'écrit, en tout état de cause, la preuve d'un consentement donné par M. Otthman Saïd X... à la conclusion d'une convention de stage fait défaut. En effet, aux termes de l'attestation qu'elle a établie le 25 septembre 2014, Mme Bérengère C...n'indique pas avoir été témoin d'un tel consentement donné par l'intéressé. Quant au témoignage fourni par M. Yannis A..., lequel déclare avoir assisté à l'entretien du 1er juin 2010 entre le dirigeant de la société BDL Informatique et M. Otthman Saïd X... et précise que ce dernier aurait alors accepté le protocole prévu avec l'ERITEC comportant une période de stage préalable d'un mois avant l'éventuelle conclusion du contrat de professionnalisation, il est contredit par les attestations établies par M. Sami B..., directeur de l'ERITEC qui a rencontré le dirigeant de l'entreprise le 25 mai 2010, desquelles il ressort que seule avait été convenue la conclusion d'un contrat de professionnalisation.
C'est en conséquence à juste titre qu'aux termes des motifs du jugement déféré, les premiers juges ont écarté l'existence d'une convention de stage liant la société BDL Informatique et M. Otthman Saïd X... au cours de la période du 7 juin au 2 juillet 2010, et l'appelante sera déboutée de sa demande tendant à voir juger qu'elle était liée à l'intimé par une convention de stage.
2) sur l'existence d'un contrat de travail :
Il résulte des explications précises fournies par la société BDL Informatique aux termes de ses écritures et réitérées à l'audience, de l'attestation de M. Yannis A..., analyste programmeur responsable du pôle programmation de l'entreprise au sein duquel est intervenu M. Otthman Saïd X... et du courrier établi par le gérant de la société BDL Informatique le 26/ 09/ 2014, d'une part, que cette dernière a été intéressée par le curriculum vitae de M. Otthman Saïd X... que le gérant de l'entreprise et M. A...indiquent avoir reçu le 1er juin 2010, au motif qu'il en résultait qu'il avait une connaissance et une expérience des outils de développement utilisés par l'entreprise, plus précisément, de l'outil de développement Windev, d'autre part, que le cadre contractuel envisagé pour son " recrutement " était bien un contrat de professionnalisation d'une durée d'un an (cf page 2 des écritures de l'appelante), enfin que l'appelante entendait soumettre le candidat à une période probatoire d'un mois afin, selon ses écritures (page 2) " d'apprécier ses aptitudes à la formation professionnelle dispensée " qui consistait en l'occurrence à préparer une qualification de " chef de projet-analyste programmeur ", selon l'attestation de M. Yannis A..., " de valider les acquis des stagiaires ".
Il apparaît ainsi que :
- le curriculum vitae de M. Otthman Saïd X... a laissé penser à la société BDL Informatique qu'il serait immédiatement opérationnel sur l'outil de développement Windev qu'elle utilisait, à tout le moins bien familiarisé à son utilisation pour lui permettre d'occuper l'emploi d'analyste programmeur qu'elle envisageait de lui confier ;
- elle envisageait bien, sous réserve d'une période probatoire d'un mois destinée à tester ses capacités, de le recruter pour un an dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, lequel, aux termes des articles L. 6325-1 à L. 6325-3 du code du travail :
a pour objet de permettre d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L. 6314-1 du code du travail et de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle ;
associe des enseignements généraux, professionnels et technologiques dispensés par des organismes publics ou privés de formation et l'acquisition d'un savoir-faire par l'exercice en entreprise d'une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualification recherchées ;
impose à l'employeur de s'engager à assurer au salarié une formation lui permettant d'acquérir une qualification professionnelle et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat de travail à durée déterminée ou de l'action de professionnalisation du contrat de travail à durée indéterminée, le salarié s'engageant quant à lui à travailler pour le compte de son employeur et à suivre la formation prévue au contrat.
Aux termes de l'article L. 6325-5 du code du travail, le contrat de professionnalisation est un contrat de travail à durée déterminée ou à durée indéterminée, qui est établi par écrit et qui, lorsqu'il est à durée déterminée, est conclu en application de l'article L. 1242-3 du code du travail.
Les stipulations du volet Cerfa numéro 1 de la copie du contrat de professionnalisation versée aux débats, qui prévoient une période d'essai d'un mois et qui désignent M. Yannis A...comme tuteur de M. Otthman Saïd X... dans le cadre de sa formation en alternance à la qualification de " chef de projet analyste programmeur ", sont parfaitement concordantes avec les explications fournies par l'employeur et celles fournies par M. Yannis A...aux termes de son témoignage.
Ces éléments et explications sont corroborés par les deux attestations de M. Sami B..., directeur de l'ERITEC, (pièces no 7 et 10 de l'intimé) et l'attestation de formation qu'il a établie le 26 janvier 2011 (pièce no 4 de l'intimé) desquelles il résulte que M. Otthman Saïd X... s'est bien engagé dans la préparation d'une licence Webmaster en informatique, en alternance, qu'il a été reçu par le dirigeant de la société BDL Informatique en entretien d'embauche en vue de la conclusion d'un contrat de professionnalisation et que l'accord conclu avec cette société a bien porté sur un contrat de professionnalisation d'un an en alternance à compter du 7 juin 2010, à l'exclusion d'un stage préalable à ce contrat de professionnalisation.
La société BDL Informatique verse aux débats un document intitulé " ATTESTATION " (sa pièce no 4), établi sur une feuille portant le logo de l'ERITEC, à savoir : " ESK GROUP-European School of Knowledge ", daté du 10 janvier 2011 et qui est ainsi rédigé : " Je soussigné, B...Sami directeur de l'école ERITEC-ESK'GROUP déclare avoir inscrit Monsieur X...Otthman comme stagiaire dans notre école dans le cadre d'un stage conventionné préparant à un DEES informatique. Un contrat de professionnalisation était prévu à la fin du stage, à condition que le déroulement du stage et la formation donnent satisfaction à l'école et à la société BDL ; Cette formation n'a pas pu se poursuivre puisque Monsieur X... n'a respecté les tâches qui lui incombaient en entreprise et il n'a pas montré une réelle motivation pour la formation. M. B...Directeur ERITEC-ESK'GROUP ".
L'authenticité de cette attestation, qui n'est d'ailleurs revêtue d'aucune signature, apparaît douteuse en ce que son rapprochement avec les attestations de M. Sami B... produites par l'intimé révèle qu'elle n'a manifestement pas été établie sur papier à entête de l'ERITEC en ce que, sur cette pièce no 4 de l'appelante, le logo de l'école figure en haut au centre de la feuille, la flamme du logo recouvre le mot " GROUP " et en pied de page, ne figure pas la mention " ESK'GROUP " suivie de l'adresse du siège social de l'école, de son adresse électronique, de ses coordonnées téléphoniques, de son code APE, de ses numéros de SIRET et URSSAF alors que, sur le papier à entête de l'ERITEC, le logo est situé en haut à gauche, le mot " GROUP " recouvre la flamme bleue du logo, le pied de page comporte la mention " ESK'GROUP " suivie de l'ensemble des éléments d'identification de l'école, étant ajouté que, sur la pièce no 4 de l'appelante, les termes " European School of knowledge " sont écrits en caractères majuscules et en gras et sont soulignés de deux traits tandis que, sur le papier à entête original, ils sont écrits en caractères minuscules et ne sont pas soulignés.
M. Otthman Saïd X... produit un écrit (sa pièce no 8) aux termes duquel M. Sami B... indique que " Cet attestation non signé n'a aucune valeur juridique et ne constitue en aucune manière notre avis sur ce dossier. ".
Au regard de ces éléments, aucune valeur probante ne peut être accordée à la pièce no 4 produite par la société BDL Informatique.
Etant rappelé que la preuve de la conclusion d'une convention de stage entre les parties n'est pas rapportée et souligné que le passage d'un stagiaire au sein d'une entreprise ne peut avoir qu'un but pédagogique et de formation, il ressort de l'ensemble de ces développements que, dans le cadre de la formation en alternance engagée par M. Otthman Saïd X..., la commune intention des parties a bien été de le faire intervenir au sein de la société BDL Informatique, pendant un an, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation comportant une période d'essai d'un mois qui répondait aux objectifs de la période probatoire voulue par l'entreprise.
M. Otthman Saïd X... indique qu'au cours de la période du 7 juin au 2 juillet 2010 au sein de la société BDL Informatique, il lui a été demandé par M. Yannis A...de développer une petite partie d'un progiciel, en l'occurrence d'un ERP (Enterprise ressource planning) ou PGI (progiciel de gestion intégré), outil de gestion d'une entreprise qui centralise les données et les fonctions de gestion de l'entreprise (gestion financière et comptable, gestion de production, gestion des ventes, gestion des ressources humaines) et qu'il a ainsi réalisé, seul, une interface.
Le courrier établi le 26 septembre 2014 par M. Serge G..., gérant de la société BDL Informatique, ne vient pas contredire utilement les déclarations de l'intimé mais les confortent quant à la nature des tâches accomplies puisqu'il en ressort qu'" avec l'aide des manuels d'auto-formation de l'outil de développement Windev ", ce dernier a réalisé " une centaine de lignes de codes (programmation) ", travail qui relève bien des fonctions d'un programmeur, qui, selon le gérant de l'appelante, n'ont finalement pas été intégrées aux développements réalisés par l'entreprise. Il en ressort que, nonobstant le terme d'" exercices " utilisé tant par M. Serge G...que par M. Yannis A...dans son témoignage pour désigner les tâches réalisées par l'intimé, ce dernier a bien été appelé à occuper un poste d'analyste programmeur et à réaliser seul, guidé par un manuel, des travaux de programmation consistant à réaliser au moins une centaine de lignes de code destinées à être intégrées dans le développement d'un progiciel de gestion. Il est indifférent que, comme l'affirment MM. G...et A..., l'intimé ait pu avoir besoin d'un temps jugé excessif pour réaliser ces travaux de programmation qui, selon eux, n'auraient pris que " quelques heures de développement à un programmeur expérimenté ". Il n'en reste pas moins que, peu important l'efficacité de l'intéressé et la qualité du travail fourni, il ressort des éléments du dossier et des explications apportées que M. Otthman Saïd X... a bien, du 7 juin au 2 juillet 2010, quatre jours par semaine, occupé au sein de la société BDL Informatique un poste d'analyste programmeur et fourni à l'entreprise une prestation de travail destinée à être intégrée à un progiciel.
Cette prestation de travail a donné lieu au versement d'une contrepartie financière d'un montant de 360 ¿ et M. Otthman Saïd X... était bien placé en situation de subordination par rapport à la direction de la société BDL Informatique dans la mesure où il a accompli ces travaux de programmation sur ordre et suivant les directives du responsable du pôle programmation de l'entreprise, lequel en a contrôlé l'exécution puisqu'il indique avec le dirigeant de l'entreprise que cette exécution aurait été trop lente avec un résultat insatisfaisant. En outre, comme l'indique elle-même l'appelante en page 11 de ses conclusions, l'intimé " devait se plier aux horaires ainsi qu'aux règles de discipline générale et d'hygiène et sécurité " en vigueur au sein de l'entreprise et, contrairement à ce qu'elle soutient, pour la part du temps qu'il y passait et dans le cadre du travail qu'il y effectuait, elle disposait bien du pouvoir de direction et du pouvoir disciplinaire à son égard.
Il est ainsi établi qu'à compter du 7 juin 2010, la société BDL Informatique et M. Otthman Saïd X... ont bien été liés par un contrat de travail qui, de l'intention des deux parties, était à durée déterminée. En l'absence d'écrit, en vertu de l'article L. 1245-1 du code du travail, ce contrat de travail est de plein droit réputé à durée indéterminée et, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, l'intimé est bien fondé à poursuivre cette requalification.
Sur les conséquences financières de la requalification :
En vertu de l'article L. 1245-2 du code du travail, la requalification ouvre droit à M. Otthman Saïd X... au paiement d'une indemnité qui ne peut pas être inférieure à un mois de salaire. Par voie d'infirmation du jugement entrepris, il y a lieu, en considération du préjudice subi, de ramener à 1 500 ¿ le montant de l'indemnité allouée de ce chef par les premiers juges.
Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a alloué à l'intimé un rappel de salaire, correctement apprécié et non utilement discuté, d'un montant de 500 ¿ en contrepartie de la prestation de travail fournie au cours de la période du 7 juin au 2 juillet 2010.
Dès lors que le contrat de travail liant les parties est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et que la société BDL Informatique a, en cours d'exécution, mis fin à la relation de travail par un simple appel téléphonique adressé au salarié, sans respecter la procédure de licenciement qui est d'ordre public, ni énoncer par écrit un quelconque motif de licenciement, la rupture s'analyse en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse qui ouvre droit pour M. Otthman Saïd X... aux indemnités pour licenciement irrégulier et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il réclame.
Le salarié comptant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de la rupture, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail selon lequel, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (31 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, des circonstances de la rupture, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par le salarié en lui allouant la somme de 13 437, 70 ¿ pour licenciement injustifié. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Par contre, en considération du préjudice subi, l'indemnité pour licenciement irrégulier sera ramenée à la somme de 500 ¿.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Déboute la société BDL Informatique de sa demande tendant à voir juger qu'elle et M. Otthman Saïd X... étaient liés par une convention de stage ;
Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives au montant des indemnités allouées à M. Otthman Saïd X... à titre de requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée et pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société BDL Informatique à payer à M. Otthman Saïd X... la somme de 1 500 ¿ à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée et celle de 500 ¿ pour non-respect de la procédure de licenciement
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel étant rappelé que M. Otthman Saïd X... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD