COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N CLM/ OM
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02423.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MAINE ET LOIRE, décision attaquée en date du 31 Juillet 2012, enregistrée sous le no 10185
ARRÊT DU 09 Décembre 2014
APPELANT :
Monsieur Aataph X...... 49000 ANGERS
non-comparant représentée par Maître Sarah TORDJMAN, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉES :
LA SAS ADECCO 4, rue Louis Guérin 69100 VILLEURBANNE
non comparante-représentée par Maître BEGRICHE, avocat substituant Maître Laurence FOURNIER GATIER, avocat au barreau de PARIS
LA SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PAYS DE LOIRE 11 route de Gachet 44000 NANTES
non comparante-représentée par Maître DUPUY, avocat substituant Maître Philippe PAPIN, avocat au barreau D'ANGERS
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MAINE ET LOIRE 32 rue Louis Gain 49937 ANGERS CEDEX 9
représentée par M. Laurent Y... muni d'un pouvoir.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2014 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LECAPLAIN MOREL, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL conseiller Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller.
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 09 Décembre 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******* FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat signé le 14 avril 2008, la société de travail temporaire ADECCO a mis à la disposition de la société EIFFAGE Construction Pays de Loire M. Aataph X... afin qu'il occupe un poste de coffreur bancheur N 3 P 2 sur le chantier " CCI Pierre Cointreau " situé à Angers (49).
Le 30 juin 2008, la société ADECCO et M. Aataph X... ont signé un contrat de mission aux termes duquel ce dernier était embauché du 14 avril au 18 juillet 2008 en qualité de coffreur bancheur N3 P2 pour être mis à la disposition de la société EIFFAGE Construction Pays de Loire.
Le 24 avril 2008, la société ADECCO a établi une déclaration d'accident du travail exempte de réserve de laquelle il résulte que, le 22 avril 2008 à 15 heures, alors que l'horaire de travail de l'intéressé était, ce jour là, 8 h/ 11 h 45- 13h15/ 17h30, M. Aataph X... a été victime d'un accident du travail sur le chantier EIFFAGE " CCI ANGERS ", les circonstances de cet accident étant ainsi relatées : " MR X... se tenait sur la passerelle d'une banche. En s'appuyant sur le garde-corps pour récupérer un basting, le garde-corps s'est couché et M. X... a chuté sur talus ".
Le certificat médical initial d'accident du travail établi le 23 avril 2008 mentionne : " Traumatisme/ chute (environ 3 m) douleur grill costal droit + omoplate Dte + épaule droite " et prescrit des soins jusqu'au 23 mai 2008 sans arrêt de travail. Le 20 juin 2008, M. X... a été amené à consulter le Dr Franck Z..., chirurgien orthopédique et traumatologique, lequel a diagnostiqué une entorse acromio-claviculaire de l'épaule droite et prescrit des soins puis, à compter du 29 août 2008, un arrêt de travail qui a été prolongé jusqu'au 25 novembre 2009, étant précisé que le salarié victime a subi une ligamentoplastie de l'épaule droite le 27 janvier 2009. Le 26 novembre 2009, le Dr Franck Z... a établi un certificat médical final mentionnant : " Séquelles après traumatisme dorso-lombaire et luxation acromio-claviculaire droite : douleurs épaule droite + Dos + fatigabilité du membre supérieur droit ".
Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire (ci-après : la CPAM de Maine et Loire) au titre de la législation professionnelle. Le 21 novembre 2009, le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire a déclaré l'état de M. X... consolidé avec un taux d'incapacité de 0 % compte tenu de l'impossibilité d'évaluer sérieusement les séquelles de l'intéressé. Sur recours formé par l'assuré, par jugement du 24 mars 2010, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Nantes lui a reconnu un taux d'incapacité de 20 % et une rente lui a été allouée.
Sur saisine, par la victime, de la CPAM de Maine et Loire en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, un procès-verbal de carence a été dressé le 21 janvier 2010.
Le 30 mars 2010, M. Aataph X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine et Loire lequel, par jugement du 31 juillet 2012 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, a :- dit que ni la société ADECCO ni la société EIFFAGE Construction Pays de Loire n'avaient commis de faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime le 22 avril 2008 ;- débouté le salarié de l'ensemble de ses prétentions et la société EIFFAGE Construction Pays de Loire de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande, formée par l'entreprise utilisatrice, en inopposabilité du taux d'incapacité permanente partielle allégué par le demandeur et a laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Statuant sur appel de ce jugement formé par M. Aataph X... le 8 novembre 2012, par arrêt du 3 décembre 2013 auquel il est renvoyé pour un ample exposé, la présente cour a :- infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,- dit que l'accident du travail dont M. Aataph X... a été victime le 22 avril 2008 alors que, salarié de la société ADECCO, il se trouvait mis à la disposition de la société EIFFAGE Construction Pays de Loire, a trouvé sa cause dans une faute inexcusable de cette dernière, substituée dans la direction à la société employeur ADECCO, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;- en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ordonné la majoration au maximum de la rente versée à M. Aataph X... par la CPAM de Maine et Loire et dit que cette majoration, qui, le cas échéant, suivra l'évolution de son taux d'incapacité, serait productive d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;- déclaré l'arrêt commun à la CPAM de Maine et Loire ;- avant dire droit sur la réparation des préjudices à caractère personnel de M. Aataph X... définis à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, ordonné une mesure d'expertise médicale aux frais avancés de la CPAM de Maine et Loire ;- alloué à M. Aataph X... une indemnité provisionnelle d'un montant de 4 000 ¿ à valoir sur la réparation de ses préjudices à caractère personnel ;- dit que la CPAM de Maine et Loire verserait directement à M. Aataph X... l'ensemble des majoration et indemnités destinées à réparer ses préjudices, notamment, la majoration de la rente qui lui est versée ainsi que la provision de 4 000 ¿ ;- rejeté la demande de la société ADECCO tendant à voir " dire et juger qu'aucun capital représentatif d'une majoration de rente ne peut être mis à sa charge " ;
- dit que la CPAM de Maine et Loire récupérerait, auprès de la société ADECCO, le montant des majoration et indemnités versées à M. Aataph X..., conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jour où elle aurait versé ces indemnités complémentaires ;- dit que, si elle est assurée contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'elle s'est substitués, la société ADECCO devrait communiquer à la CPAM de Maine et Loire les coordonnées de sa compagnie d'assurance ;- renvoyé l'affaire à l'audience du 17 juin 2014, la notification de l'arrêt valant convocation des parties à la dite audience ;- réservé les frais irrépétibles et l'application des dispositions de article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
Le Dr Patrick B... désigné en qualité d'expert a établi son rapport le 20 mars 2014 et il l'a déposé au greffe le 22 avril suivant.
Statuant sur la requête en omission de statuer déposée au greffe le 10 mars 2014 par la société ADECCO, par arrêt du 13 mai 2014, la présente cour a :
- constaté que l'arrêt no 680/ 13 prononcé le 3 décembre 2013 était entaché d'une omission de statuer sur la demande en garantie formée par la société ADECCO contre la société EIFFAGE Construction en application de l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale ;- réparé cette omission et dit que le dispositif de cet arrêt devait être complété par la formule : " Condamne la société EIFFAGE Construction à garantir la société ADECCO de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, en principal, intérêts et frais, au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail dont M. Aataph X... a été victime le 22 avril 2008 ", le reste demeurant sans changement ;- dit que la décision rectificative serait mentionnée sur la minute et sur les expéditions de l'arrêt complété et notifiée comme lui ;- laissé les dépens de la procédure en rectification à la charge du Trésor public.
Lors de l'audience du 17 juin 2014, à la demande des parties, l'affaire a été renvoyée contradictoirement au 21 octobre 2014.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 21 octobre 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 11 juin 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles M. Aataph X... demande à la cour :
- en application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, d'ordonner la majoration au taux maximum de la rente qui lui est allouée ;
- de fixer aux sommes suivantes les indemnités propres à réparer ses préjudices : ¿ frais d'assistance par son avocat aux opérations d'expertise : 500, 00 ¿ ¿ préjudice patrimonial permanent : 20 000, 00 ¿ ¿ déficit fonctionnel temporaire du 22 avril 2008 au 26 décembre 2013 : 13 198, 74 ¿ ¿ souffrances endurées : 6 000, 00 ¿ ¿ préjudice esthétique temporaire : 1 500, 00 ¿ ¿ préjudice esthétique permanent : 2 000, 00 ¿ ¿ préjudice d'agrément : 5 000, 00 ¿
- de condamner in solidum la CPAM de Maine et Loire, la société ADECCO et la société EIFFAGE Construction Pays de Loire à lui payer ces sommes après déduction de la provision de 4 000 ¿ déjà versée par la caisse ainsi que celle de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;- de les condamner in solidum aux entiers dépens.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 16 juin 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société ADECCO demande à la cour :
- de réduire le montant des indemnités sollicitées par M. Aataph X... en réparation des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et du déficit fonctionnel temporaire ;- de le débouter de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle qu'il qualifie de " préjudice patrimonial permanent " et de sa demande au titre des frais d'assistance aux opérations d'expertise médicale, ces frais entrant le champ des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du code de procédure civile ;- de déduire des indemnités qui seront allouées la somme de 4 000 ¿ déjà versée à titre de provision ;- de réduire l'indemnité sollicitée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la mettre à la charge exclusive de la société EIFFAGE Construction, auteur de la faute inexcusable ;- de rappeler la condamnation de cette dernière à la garantir elle-même de l'ensemble des condamnations qui seront prononcées à son encontre tant en principal, intérêts, frais et frais relevant de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 21 août 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience aux termes desquelles la société EIFFAGE Construction Pays de Loire demande à la cour :
- de fixer à la somme de 12 511, 97 ¿ le montant de l'indemnité qui pourra être allouée à M. Aataph X... en réparation du déficit fonctionnel temporaire ;- de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités qu'il sollicite au titre des souffrances physiques et morales endurées et du préjudice esthétique permanent ;- de le débouter du surplus de ses prétentions ;- de déduire des indemnités qui seront allouées la somme de 4 000 ¿ déjà versée à titre de provision ;- de condamner la société ADECCO à lui payer la somme de 3 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Oralement à l'audience, la Caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes indemnitaires de M. Aataph X... et de dire qu'elle-même récupérera auprès de l'employeur, sur le fondement des articles L. 452-2 et suivants du code de la sécurité sociale, les sommes qu'elle sera amenée à régler à l'assuré ainsi que les frais d'expertise.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la majoration de rente :
Aux termes de son arrêt du 13 décembre 2013, la présente cour a déjà, en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ordonné la majoration au maximum de la rente versée à M. Aataph X... par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire et dit que cette majoration, qui, le cas échéant, suivrait l'évolution de son taux d'incapacité, serait productive d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt. Il n'y a donc pas lieu de statuer à nouveau sur ce point.
Sur la réparation des préjudices à caractère personnel du salarié :
Il résulte du rapport d'expertise établi le 20 mars 2014 par le Dr Patrick B... que l'accident du travail litigieux a été pour M. Aataph X..., lequel ne présentait aucun état antérieur, à l'origine d'un traumatisme de l'épaule et de l'hémi-thorax, caractérisé notamment par une entorse acromio-claviculaire de l'épaule droite, qui a entraîné d'importantes douleurs, justifié de nombreux soins et séances de rééducation ainsi que la réalisation d'une ligamentoplastie de l'épaule droite le 27 janvier 2009.
Les séquelles constatées par l'expert sont constituées par une raideur serrée de l'épaule droite, une diminution de la force musculaire de l'ensemble du membre supérieur droit ainsi qu'un impact psychologique non négligeable.
L'expert a évalué comme suit les éléments du préjudice corporel de M. Aataph X... :- déficit fonctionnel temporaire : total les 27 et 28 janvier 2009 (période d'hospitalisation) partiel à 50 % du 22/ 04/ 2008 au 26/ 01/ 2009 partiel à 60 % du 29/ 01 au 29/ 04/ 2009 partiel à 40 % du 30/ 04 au 31/ 07/ 2009 partiel à 20 % du 1er/ 08/ 2009 au 25/ 12/ 2013- date de consolidation : 26 décembre 2013- souffrances physiques et morales : 4, 5/ 7- préjudice esthétique temporaire : 1, 5/ 7- préjudice esthétique permanent : 1/ 7- préjudice d'agrément lié à l'impossibilité pour la victime de s'adonner comme auparavant à l'ensemble de ses activités sportives compte tenu des séquelles en rapport avec une raideur serrée de son épaule droite ;- perte ou diminution de promotion professionnelle : " compte tenu de sa formation et de son activité, la victime ne peut plus pratiquer d'activité professionnelle nécessitant l'accomplissement de travaux de force, des travaux de soulèvement et des mouvements des épaules, ce qui constitue un frein dans sa recherche d'emploi. ".
Il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
- sur le déficit fonctionnel temporaire :
L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique et jusqu'à la date de consolidation, n'est pas couverte par le livre IV du code de la sécurité sociale, les indemnités journalières, qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire, ne couvrant pas ce poste de préjudice.
Il ressort du rapport d'expertise que le déficit fonctionnel temporaire de la victime, non discuté par les intimées, s'établit comme suit :- déficit fonctionnel total les 27 et 28 janvier 2009 (2 jours-période d'hospitalisation),- déficit fonctionnel partiel à 60 % du 29/ 01/ 2009 au 29/ 04/ 2009 date à compter de laquelle il n'utilisera plus son immobilisation (91 jours),- déficit fonctionnel partiel à 50 % du 22/ 04/ 2008 au 26/ 01/ 2009 (275 jours),- déficit fonctionnel partiel à 40 % du 30/ 04/ 2009 au 31/ 07/ 2009 (92 jours),- déficit fonctionnel partiel à 20 % du 1er/ 08/ 2009 au 25/ 12/ 2013 (1585 jours), ce qui justifie, sur la base d'une indemnité de 23 ¿ par jour pour un DFT total, l'allocation d'une indemnité d'un montant global de 12 601, 70 ¿.
- sur le préjudice patrimonial permanent :
A l'appui de ce chef de prétention, M. Aataph X... fait valoir que, depuis son entrée dans la vie professionnelle, il a toujours occupé des emplois du bâtiment et gravi de nombreux échelons de la convention collective s'y rapportant ; que les séquelles dont il est atteint l'ont contraint à abandonner son " souhait " de devenir chef de chantier ; que l'expert conclut à l'existence d'une perte ou d'une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle en raison de son incapacité à réaliser désormais des travaux nécessitant des mouvements de force, de soulèvement et des mouvements des épaules ; que sa vie professionnelle est en conséquence grevée d'une très lourde contrainte constitutive d'un handicap certain d'accès à l'emploi de sorte qu'il n'a d'ailleurs pas retrouvé d'emploi compatible avec ses qualifications et son état de santé ; que l'impossibilité dans laquelle il se trouve " d'occuper certaines catégories d'emplois en raison de son handicap séquellaire doit être indemnisé au titre de la perte de chance " par l'allocation d'une somme de 20 000 ¿.
Toutefois, comme le font exactement valoir la société ADECCO et la société EIFFAGE Construction Pays de Loire, la demande de la victime ne peut être accueillie ni au titre du préjudice patrimonial permanent, ni au titre de la perte des possibilités de promotion professionnelle.
En effet, les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle de l'incapacité et le déficit fonctionnel permanent subis par la victime étant déjà indemnisés par l'octroi à son profit d'une rente mensuelle majorée, il s'ensuit que le préjudice patrimonial permanent est déjà couvert par le Livre IV du code de la sécurité sociale de sorte que l'appelant ne peut pas prétendre à ce titre à une indemnisation sur le fondement de l'article L. 452-3 du même code ou sur le fondement d'une perte de chance.
S'agissant de la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, elle est distincte du préjudice professionnel (perte ou changement d'emploi) et de l'incidence professionnelle (dévalorisation de la victime sur le marché du travail), lesquelles sont indemnisées par l'attribution d'une rente majorée. Ce préjudice spécifique suppose que la victime ait amorcé un cursus de qualification ou de formation professionnelle de nature à lui laisser sérieusement espérer une promotion professionnelle dont elle aurait été privée du fait de la survenance de l'accident. Or M. Aataph X... ne justifie pas qu'il avait, avant l'accident, mis en oeuvre un tel cursus de nature à déboucher sur une chance sérieuse de promotion professionnelle.
Ce chef de prétention sera donc rejeté.
- sur les souffrances endurées :
Il s'agit là d'indemniser les souffrances physiques et morales subies au cours de la période de soins, jusqu'à la consolidation, les souffrances permanentes étant indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente d'accident du travail majorée.
Quantifiées par l'expert à 4, 5/ 7 aux termes de ses " conclusions médico-légales définitives " motivées, quantification qui n'est pas discutée par les intimées, l'indication d'une quantification à 3, 5/ 7 dans le tableau récapitulatif figurant en dernière page du rapport procédant manifestement d'une erreur matérielle, les souffrances physiques et morales subies par M. Aataph X... antérieurement à la consolidation sont constituées par les douleurs contemporaines de l'accident et les circonstances de celui-ci, par l'intervention chirurgicale, l'immobilisation post-chirurgicale et les 133 séances de rééducation. En considération de ces éléments, il convient d'allouer de ce chef à l'appelant une indemnité de 6 000 ¿.
- sur le préjudice esthétique temporaire et le préjudice esthétique permanent :
L'expert a quantifié à 1, 5/ 7 le préjudice esthétique avant consolidation et à 1/ 7 le préjudice esthétique postérieur à la consolidation, le premier étant caractérisé par le port du gilet d'immobilisation, le second étant représenté par la cicatrice opératoire légèrement concave d'une douzaine de centimètres.
La société ADECCO fait valoir que l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne distingue pas entre préjudice esthétique temporaire et préjudice esthétique permanent et que les sommes sollicitées sont en tout cas globalement excessives. La société EIFFAGE Construction Pays de Loire soutient quant à elle que le préjudice esthétique visé par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est uniquement le préjudice esthétique permanent.
Ce texte prévoit, notamment, " la réparation... de ses préjudices esthétique et d'agrément... ". Si l'emploi du singulier dans la rédaction de l'adjectif " esthétique " permet de considérer que l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne vise que le préjudice esthétique permanent, en vertu de l'interprétation donnée à ce texte par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2010-8 QPC du 18 juin 2010, M. Aataph X... peut, dans le cadre de la présente instance, demander à l'employeur la réparation de son préjudice esthétique temporaire avant consolidation dans la mesure où ce préjudice est distinct de son préjudice esthétique permanent et où il n'est pas déjà couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale.
En considération des éléments produits, notamment de la durée du port du gilet d'immobilisation et, s'agissant de la cicatrice permanente, de ses caractéristiques, de sa localisation et de l'âge de M. Aataph X... (né en 1973) au moment de la consolidation, il convient de lui allouer la somme de 300 ¿ au titre préjudice esthétique temporaire et celle de 1 000 ¿ en réparation de son préjudice esthétique permanent.
- sur le préjudice d'agrément :
Le préjudice d'agrément réparable au titre de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.
A l'appui de ce chef de prétention, M. Aataph X... argue de ce qu'il était très sportif et a dû arrêter la pratique de la musculation, de la boxe thaï, du basket-ball, du football et du cyclisme qu'il pratiquait régulièrement. Par la production de l'attestation établie par l'association AJR, il justifie de ce qu'il pratiquait régulièrement le " futsal " et la boxe thaï depuis 2001, qu'il encadrait ponctuellement des activités multisports et qu'il a cessé ces activités à la suite de l'accident litigieux. L'expert confirme que les séquelles constituées par la raideur serrée de l'épaule et la diminution de la force musculaire de l'ensemble du membre supérieur droit ne permettent plus à la victime de s'adonner à ces activités sportives. L'existence d'un préjudice d'agrément est donc établie et il sera justement réparé par l'allocation d'une somme 4 000 ¿.
- sur la demande formée au titre de l'assistance aux opérations d'expertise :
Le coût de cette assistance constitue des frais qui entrent dans le champ de ceux prévus par l'article 700 du code de procédure civile et il sera pris en compte dans le cadre de l'indemnité qui sera allouée à l'appelant de ce chef.
III) Sur le paiement des indemnités par la caisse et le recours de celle-ci :
La victime d'un accident du travail ne peut pas poursuivre, devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, la réparation de son préjudice selon les règles du droit commun de la responsabilité contractuelle.
En vertu du dernier alinéa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse verse directement à la victime les indemnités allouées en réparation des préjudices prévus par ce texte. Le bénéfice de ce versement direct s'applique également aux indemnités réparant les préjudices non énumérés par ce texte et non indemnisés par le livre IV du code de la sécurité sociale. M. Aataph X... ne peut donc pas prétendre à la condamnation in solidum de la société ADECCO, de la société EIFFAGE Construction Pays de Loire et de la CPAM de Maine et Loire à lui payer les indemnités arbitrées en sa faveur en réparation de ses préjudices. La CPAM de Maine et Loire lui versera directement l'ensemble de ces indemnités sous déduction de la somme de 4 000 ¿ déjà payée à titre provisionnel et elle en récupérera le montant, ainsi que le coût des frais d'expertise, auprès de la société ADECCO, employeur.
IV) Sur la garantie due par la société EIFFAGE Construction Pays de Loire à la société ADECCO :
Il convient de rappeler que, comme il a été jugé aux termes de l'arrêt du 3 décembre 2013 de la présente cour complété par celui du 13 mai 2014, la société EIFFAGE Construction Pays de Loire doit garantir la société ADECCO de l'ensemble des sommes mises à sa charge en principal, intérêts et frais au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail dont M. Aataph X... a été victime le 22 avril 2008.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Vu les arrêts de la présente cour en date des 3 décembre 2013 et 13 mai 2014 ;
Vu le rapport d'expertise du Dr Patrick B... en date du 20 mars 2014 ;
Rappelle que la majoration au maximum de la rente versée à M. Aataph X... par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire a déjà été ordonnée par l'arrêt du 3 décembre 2013 ; en conséquence, dit n'y avoir lieu à statuer à nouveau de ce chef ;
Fixe aux sommes suivantes les indemnités dues à M. Aataph X... en réparation de ses préjudices personnels :
¿ déficit fonctionnel temporaire : 12 601, 70 ¿ ¿ souffrances endurées avant consolidation : 6 000, 00 ¿
¿ préjudice esthétique temporaire : 300, 00 ¿ ¿ préjudice esthétique permanent : 1 000, 00 ¿ ¿ préjudice d'agrément : 4 000, 00 ¿
Déboute M. Aataph X... de sa demande formée au titre du préjudice patrimonial permanent ;
Dit que, sous déduction de la somme de 4 000 ¿ déjà payée à titre provisionnel, les indemnités susvisées seront directement versées à M. Aataph X... par la CPAM de Maine et Loire ;
Dit que cette dernière en récupérera le montant, ainsi que celui du coût de l'expertise judiciaire, auprès de la société ADECCO conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jour où elle aura versé ces indemnités complémentaires ;
Rappelle que la société EIFFAGE Construction Pays de Loire doit garantir la société ADECCO de l'ensemble des sommes mises à sa charge en principal, intérêts et frais, y compris les frais d'expertise, au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail dont M. Aataph X... a été victime le 22 avril 2008 ;
Déclare le présent arrêt commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de Maine et Loire ;
Déboute M. Aataph X... de sa demande tendant à voir condamner in solidum la CPAM de Maine et Loire, la société ADECCO et la société EIFFAGE Construction Pays de Loire à lui payer les indemnités arbitrées en sa faveur ;
Condamne in solidum la société ADECCO et la société EIFFAGE Construction Pays de Loire à payer à M. Aataph X... la somme de 3 000 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la société EIFFAGE Construction Pays de Loire à garantir intégralement la société ADECCO de ce chef de condamnation ;
Déboute M. Aataph X... de sa demande formée au titre des frais irrépétibles en ce qu'il la dirige contre la CPAM de Maine et Loire ;
Déboute la société EIFFAGE Construction Pays de Loire de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société ADECCO ;
Rappelle que la présente procédure est gratuite et sans frais.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD