COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
ic/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02716.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 21 Juin 2011, enregistrée sous le no
ARRÊT DU 03 Février 2015
APPELANTS :
Maître Odile X..., ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de l'EURL KLV CONSTRUCTIONS
...
...
49002 ANGERS CEDEX 01
non comparante-ni représentée
L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés-CGEA de RENNES
Immeuble Magister
4 cours Raphaël Binet
35069 RENNES
non comparante-représentée par Maître CADORET, avocat substituant Maître CREN, avocat au barreau D'ANGERS
L'EURL KLV CONSTRUCTIONS
LE CHEILLON
49170 ST GEORGES SUR LOIRE
représentée par Maître BREGEON, avocat substituant Maître PINEAU, avocat au barreau D'ANGERS
en présence de Monsieur Lassine Z..., gérant
INTIME :
Monsieur Issa Y...
...
49800 TRELAZE
comparant-assisté de Maître POUPEAU de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocats au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2014 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 03 Février 2015, réputé contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS et PROCÉDURE,
L'EURL KLV Constructions dont le siège social est situé à Saint Georges sur Loire, est une entreprise de bâtiment de moins de 11 salariés. Elle applique la convention collective nationale du bâtiment.
Le 18 février 2008, M. Issa Y... a été embauché par la société KLV Constructions en qualité d'ouvrier maçon niveau 1, coefficient 150, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée de type Contrat Nouvelles Embauches.
Le contrat de travail prévoyait une rémunération fixe de 1 281. 61 euros brut pour 35 heures hebdomadaires.
En dernier lieu, il occupait le poste d'ouvrier professionnel niveau 2 coefficient 185 moyennant un salaire brut de 1459. 07 euros par mois outre les heures supplémentaires.
Estimant que son employeur ne respectait ni les dispositions légales ni celles de la convention collective, M. Y... a adressé le 23 février 2010 à la société KLV Constructions un courrier recommandé pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Faute de réponse de son employeur, M. Y... a fait assigner en référé le 30 mars 2010 la société KLV Constructions devant le conseil de prud'hommes d'Angers en paiement d'une provision d'une créance salariale.
Par ordonnance de référé en date du 20 avril 2010, la juridiction prud'homale a fait droit à sa demande de provision à hauteur de la somme de 1 000 euros au titre du rappel de salaires, la somme de 1 000 euros au titre des congés payés et de l'indemnité en compensation de la fermeture de l'entreprise, la somme de 200 euros au titre de l'indemnité de déplacement, outre la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'employeur a été condamné sous astreinte à remettre au salarié le bulletin de salaire de février 2010, le certificat de travail et l'attestation Assedic.
Les sommes ont été réglées le 8 novembre 2010 après l'intervention d'un huissier de justice.
L'astreinte a été liquidée à la somme de 1 500 euros par ordonnance de référé du 21 décembre 2010.
Parallèlement, suivant requête du 22 juillet 2010, M. Y... a saisi le conseil de prud'Hommes d'Angers sur le fond pour voir :
- dire que le salarié était fondé à prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'employeur au versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture, des rappels de salaires et des indemnités de déplacement.
Par jugement en date du 21 juin 2011, le conseil de prud'hommes d'Angers a :
- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. Y... le 23 février 2010 devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société KLV Constructions à payer au salarié les sommes suivantes :
- la somme de 610. 55 euros bruts à titre de salaires y compris les congés payés,
- la somme de 134. 90 euros à titre d'indemnité de déplacement,
- la somme de 223. 12 euros bruts au titre des congés payés,
- la somme de 2 918. 14 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- la somme de 291. 81 euros bruts de congés payés y afférents,
- la somme de 583. 63 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- la somme de 700 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier,
- la somme de 4 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... a reçu notification de ce jugement le 2 juillet 2011. Le courrier de notification adressé à l'EURL KLV Constructions est revenu avec la mention " non réclamé ".
Faute de paiement, M. Y... a fait assigner son employeur en novembre 2012 devant le tribunal de commerce d'Angers pour obtenir l'ouverture d'un redressement judiciaire.
Par jugement du 16 janvier 2013, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société KLV Constructions et a désigné Me X...comme mandataire judiciaire.
M. Y... a indiqué avoir perçu le 16 mai 2013 de Me X...désigné dans le cadre de la procédure collective la somme de 3 206. 86 euros en paiement de ses créances salariales.
Le 15 janvier 2014, un plan de continuation a été adopté, Me X...étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le 17 décembre 2012, la société KLV Constructions a interjeté appel du jugement du 21 juin 2011.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES,
Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 4 novembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'EURL KLV Constructions demande à la cour de :
- dire que son appel est recevable en raison de l'irrégularité et de la nullité de l'acte de signification du jugement frappé d'appel, de sorte que le délai d'appel n'avait pas commencer à courir
-dire que la prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié n'est pas justifiée et doit prendre les effets d'une démission,
- constater que M. Y... ne rapporte pas la preuve de la fermeture de l'entreprise sur une période excédant ses congés payés,
- annuler les condamnations prononcées à son encontre,
- condamner M. Y... à lui rembourser une somme de 1 500 euros en vertu de l'ordonnance de référé du 21 décembre 2001 (en fait 21 décembre 2010) liquidant l'astreinte outre la somme de 1 194 euros au titre des frais d'exécution,
- condamner M. Y... au versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société fait valoir en substance que :
- sur la recevabilité de l'appel : le jugement rendu le 21 juin 2011 par le conseil de prud'hommes a été signifié par acte d'huissier le 10 août 2011, mais cet acte étant affecté d'une irrégularité de forme en raison du caractère erroné des voies de recours y figurant, l'employeur a été empêché d'interjeter appel dans le délai légal ; cette irrégularité faisant grief à la société KLV Constructions, le délai d'appel n'a pas commencé à courir et l'appel du 17 décembre 2012 est recevable.
- sur le rappel des indemnités de congés payés : l'employeur était fondé à ne pas régler l'indemnité de congés payés, le salarié ayant pris des congés excédant ses droits et ne démontrant pas que l'entreprise était fermée au delà des cinq semaines de congés légaux.
- sur les indemnités de déplacement : M. Y..., qui rejoignait son employeur au siège de l'entreprise, était rémunéré en temps de travail effectif et se rendait avec le gérant M. Z...sur les chantiers au moyen d'un véhicule de l'entreprise. Il n'est pas fondé à réclamer l'indemnité de petits déplacements prévue par la convention collective.
- sur la prise d'acte : M. Y... n'est pas fondé à justifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail le 23 février 2010 alors qu'il n'a adressé aucune réclamation préalable, que l'employeur a régularisé la situation dès le 25 mars 2010 par l'envoi du certificat de travail et de l'attestation Assedic, que ni la créance salariale limitée à 25. 79 euros par mois ni les autres réclamations infondées ne justifiaient une prise d'acte de la part de M. Y...
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 23 septembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles M. Y... demande à la Cour de :
- constater l'irrecevabilité de l'appel faute pour l'employeur d'avoir formé un recours dans le mois suivant la signification du jugement par acte du 10 août 2011.
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- dire que les sommes allouées resteront acquises à M. Y... et qu'il lui reste dû :
- la somme de 185. 55 euros à titre de rappel de salaires,
- la somme de 134. 90 euros au titre de l'indemnité de déplacement,
- la somme de 223. 12 euros au titre des congés payés,
- inscrire lesdites sommes au passif de la société KLV, Constructions,
- condamner Me X...es qualité et la société KLV Constructions au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient essentiellement que :
- sur l'irrecevabilité de l'appel : l'appel formé après l'expiration du délai d'un mois est irrecevable,
- sur le rappel de salaires : il a réclamé la revalorisation de son salaire horaire au regard du taux conventionnel minimal applicable depuis le 1er juin 2009, ce qui représentait au moment de sa prise d'acte la somme de 1 464. 14 euros en principal. Après déduction des provisions perçues à la suite de l'ordonnance de référé et du mandaire judiciaire, il lui reste dû la somme de 185. 55 euros.
- sur les indemnités de déplacement : il n'a pas été indemnisé de la sujétion de se rendre en dehors du temps de travail sur le chantier et d'en revenir : il a réclamé le paiement de la somme de 334. 90 euros dont il n'a perçu en référé qu'une provision de 200 euros.
- sur l'indemnité de congés payés : la société KLV Constructions a fermé l'entreprise durant une période excédant les droits à congés payés acquis par lui et n'a pas fait de demande de chômage partiel pour compenser la perte de salaires. Il est donc fondé à réclamer le maintien de sa rémunération pour les périodes non travaillées, ce qui représente la somme de 1 223. 12 euros dont il faut déduire la provision de 1 000 euros accordée en référé.
- sur la prise d'acte de la rupture : ayant constaté les graves manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, il était fondé à prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société KLV Constructions.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 9 décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles le CGEA de Rennes en qualité de gestionnaire de l'AGS demande à la cour, sous réserve de l'intervention volontaire de Me X...es qualité de commissaire à l'exécution du plan, de :
- lui donner acte de qu'il s'en rapporte à justice sur le moyen d'irrecevabilité soulevé par M. Y... pour appel tardif,
- confirmer le jugement, si l'appel principal est jugé irrecevable tout comme l'appel incident,
- le mettre hors de cause, la société KLV Constructions étant redevenue in bonis et dire qu'il n'y a pas lieu de fixer de créance au passif de la société,
- dire qu'il interviendra en garantie des sommes dues par la société KLV Constructions à M. Y... en exécution de l'arrêt uniquement en cas de résolution du plan de redressement et dans les limites prévues par l'article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Me X..., es qualité de mandataire judiciaire au redressement de l'EURL KLV Contructions, régulièrement convoquée, n'a pas comparu ni personne pour elle.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la recevabilité de l'appel,
En application de l'article 528 du code de procédure civile, le délai à l'expiration duquel le recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement.
Selon l'article 680 du code de procédure civile, l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours.
L'acte de signification du jugement du 21 juin 2011, suivant acte d'huissier du 10 août 2011, comporte la mention erronée que l'appelant doit " charger un avoué près de la cour d'appel afin d'accomplir les formalités nécessaires ".
Il s'ensuit qu'en application des textes susvisés, l'acte du 10 août 2011 n'a pas fait courir le délai de recours et que l'appel enregistré le 17 décembre 2012 de la part de la société KLV Constructions est recevable.
Sur le rappel de salaires,
M. Y... a demandé à bénéficier des dispositions conventionnelles garantissant un salaire minimal pour les ouvriers du bâtiment de la région des Pays de la Loire, selon accord du 21 mai 2008 applicable à compter du 1er juillet 2008.
Il ne fait pas débat que :
- cet accord conventionnel s'applique aux salariés de la société KLV Constructions,
- M. Y... classé en niveau II, coefficient 185 depuis le 1er février 2009 a perçu un salaire horaire de 9. 45 euros, inférieur au minima conventionnel de 9. 62 euros de l'heure fixé à compter du 1er juin 2009,
- le décompte du rappel de salaires arrêté au 23 février 2010 (pièce no36 intimé) s'établissant à 1 464. 14 euros en principal outre 146. 14 euros de congés payés n'a pas été contesté par l'employeur,
- une provision de 1 000 euros a été versée au salarié en exécution de l'ordonnance de référé.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de M. Y... à concurrence de la somme de 610. 55 euros (1 464. 14 euros + 146. 41 euros-1000 euros).
Sur les indemnités de trajet,
La convention collective prévoit au profit des ouvriers du bâtiment des Pays de la Loire, par accord régional du 1er décembre 2006 étendu par arrêté du 21 décembre 2007, des indemnités de petits déplacements, ayant pour objet d'indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérente à leur mobilité de travail.
L'indemnité dite " de trajet ", correspond " à un forfait journalier qui indemnise la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement et en dehors du temps de travail sur le chantier et d'en revenir. "
M. Y... soutient qu'il se rendait chaque jour au siège social, qu'il devait charger le camion de l'entreprise avant d'arriver sur les chantiers extérieurs à l'heure d'embauche et que ces déplacements étaient effectués en dehors du temps de travail.
Pour contester le droit de M. Y... à percevoir l'indemnité sus visée la société fait valoir qu'elle est réservée aux salariés non sédentaire, que M. Y... ne justifie d'aucune dépense personnelle s'agissant de l'utilisation du véhicule de l'entreprise et que, contrairement à ce qu'il soutient, son temps de travail était décompté à partir de son arrivée au siège de l'entreprise à Saint Georges sur Loire avant le départ vers les chantiers extérieurs ;
La demande de M Y... ne porte pas sur un rappel de salaire mais sur le paiement de l'indemnité dite de trajet.
Or cette indemnité n'est destinée qu'à défrayer les salariés du déplacement effectués par eux entre leur domicile et les chantiers extérieurs en dehors du temps de travail.
M Y... doit donc être débouté de sa demande en paiement de cette indemnité à laquelle il ne peut prétendre.
Sur l'indemnité de congés payés,
M. Y... soutient que l'entreprise a fermé plus de 25 jours par an, au delà des droits à congés légaux indemnisés par la caisse de congés payés du bâtiment. Il considère qu'il a été pénalisé faute pour l'employeur de déposer une demande de chômage partiel en vertu de l'article R 5122-10 du code du travail.
Considérant que ses absences au travail ne sont pas de son fait mais résultent de la fermeture de l'entreprise, il a évalué ses pertes de salaires à :
- la somme de 853. 76 en août 2008,
- la somme de 281. 58 euros en décembre 2008 et janvier 2009,
- la somme de 204. 76 euros en avril 2009,
- la somme de 984. 80 euros en août 2009,
- la somme de 259. 22 euros en décembre 2009,
soit la somme totale de 2 584. 12 euros bruts dont il a déduit la somme de 1 361 euros bruts versée par la caisse de congés payés.
L'employeur a contesté la demande en expliquant seulement que M. Y... a pris des vacances au-delà de ses droits acquis en matière de congés payés.
M. Y... ne rapporte pas la preuve des droits acquis pour ses congés au regard de sa date d'embauche au 1er février 2008 et s'abstient de verser aux débats le relevé établi par la caisse des congés payés pour l'année 2008, se contentant de produire le relevé de l'année 2009.
Le salarié ne justifie pas davantage des dates de fermeture obligatoire de l'entreprise excédant les cinq semaines de congés légaux.
En l'absence de tels éléments, il est impossible de déterminer ses droits à congés payés depuis le mois d'août 2008.
Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande en paiement, et le jugement infirmé de ce chef.
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail,
Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur en empêchant la poursuite.
Il incombe au salarié d'apporter la preuve des griefs qu'il reproche à l'employeur, qui doivent être d'une gravité suffisante pour caractériser un manquement significatif de ce dernier à l'exécution de ses obligations contractuelles.
Si les faits justifient la prise d'acte par le salarié, la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le 9 février 2010, M. Y... a adressé le courrier recommandé suivant à son employeur :
" Je vous informe de la fin de ma collaboration avec votre entreprise.
Malgré vous avoir fait part oralement et à plusieurs reprises d'observations sur ce sujet, le non-respect persistant de mon contrat de travail me contraint à prendre acte de la rupture de ce dernier aux torts de l'EURL KLV Constructions pour les motifs suivants :
- le non-respect du taux horaire imposé par la convention collective du bâtiment
-le non-respect de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment des Pays de la Loire et son avenant no1,
- le non-paiement de la totalité des congés payés dus,
- le non-paiement de la journée travaillée du 31 août 2009,
- le non respect de mon droit au chômage partiel pour la semaine de fermeture du 25 décembre 2009 au 3 janvier 2010,
- le non-paiement des indemnités de trajets,
- le non-paiement des heures supplémentaires effectuées.
Cette prise d'acte prendra effet le 23 février 2010... "
Il est établi que l'employeur était redevable envers M. Y... à la date du 23 février 2010 d'un rappel de salaires d'un montant total de 1 464. 14 euros outre 146. 14 euros de congés payés y afférents, faute d'avoir revalorisé le taux horaire conventionnel minimal, ainsi que des indemnités de trajets d'un montant de 334. 90 euros.
La société KLV Constructions, dans un courrier de réponse du 25 mars 2010, loin de contester la légitimité des réclamations de son salarié, s'est excusé " pour le retard de l'envoi des documents.... espérant qu'il ne lui tiendra pas trop rigueur, sachant les difficultés de personnel et de trésorerie rencontrées en ces temps par l'entreprise ".
Le versement d'un salaire inférieur au minima conventionnel ainsi que le retard de paiement de la créance salariale, constituent à eux seuls des manquements suffisamment graves de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Le jugement, qui a conclu à juste titre que M. Y... était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, doit être confirmé.
Cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences indemnitaires,
L'effectif de l'entreprise au moment du licenciement était de moins de onze salariés. Les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail ne sont pas applicables.
Aux termes de l'article L 1235-5 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.
A la date de la prise d'acte, M. Y..., âgé de 39 ans, justifiait d'une ancienneté de deux années et 23 jours au sein de l'entreprise. Il a indiqué ne pas avoir retrouvé d'emploi stable, il travaille en missions d'intérim avec un salaire équivalent au SMIC.
Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'âge, de l'ancienneté du salarié et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de son expérience professionnelle, il convient d'évaluer l'indemnité à la somme de 4 500 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de faire droit à la demande de M. Y... par voie de confirmation du jugement.
Aux termes de l'article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire pour un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté.
M. Y... est donc bien fondé à obtenir la somme réclamée de 2 918. 14 euros bruts (1 459. 07 euros X 2) au titre de cette indemnité outre les congés payés y afférent de 291. 81 euros bruts. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Selon l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié licencié a droit sauf faute grave à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait avant la rupture du contrat.
Cette indemnité fixée par l'article R 1234-2 du code du travail et correspondant à la somme non contestée de 583. 63 euros nets sera allouée au salarié, par voie de confirmation du jugement.
Il est décerné acte à M. Y... de ce qu'il a perçu le 16 mai 2013 de Me X...es qualité de mandataire judiciaire de la société en redressement judiciaire la somme de 3 206. 86 euros net en paiement des créances salariales.
Sur l'indemnité pour irrégularité de procédure
Le salarié à l'origine de la prise d'acte n'est pas fondé à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure de licenciement et à réclamer une indemnité de ce chef. Le jugement sera donc infirmé à cet égard.
Sur la demande reconventionnelle de la société KLV Constructions
La société KLV Constructions a demandé le remboursement de la somme de 1 500 euros qu'elle a dû verser au titre de la liquidation de l'astreinte selon l'ordonnance de référé du 21 décembre 2010.
Cette décision est définitive et la demande reconventionnelle en remboursement de la société KLV Constructions qui est étrangère au litige doit être rejetée.
Sur les demandes du CGEA, association gestionnaire de l'AGS,
L'EURL KLV Constructions placée en redressement judiciaire selon jugement d'ouverture du tribunal de commerce d'Angers du 16 janvier 2013, bénéficie d'un plan de continuation suivant jugement du 15 janvier 2014.
En application de l'article L622-22 du code de commerce, l'instance prud'homale suspendue au moment de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ne peut être reprise qu'en vue de la constatation de la créance et de la fixation de son montant à l'exclusion de la condamnation de l'employeur même si ce dernier bénéficie d'un plan de continuation et qu'il est redevenu in bonis.
La rupture du contrat de travail étant intervenue le 23 février 2010 soit avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de son employeur, il convient de fixer les créances de M. Y..., s'agissant de créances antérieures au jugement d'ouverture, au passif de la société KLV Constructions même après l'adoption du plan de redressement.
La demande de mise hors de cause du CGEA sera rejetée en ce que l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.
L'arrêt sera déclaré opposable au commissaire à l'exécution du plan, la mission du mandataire judiciaire étant achevée à la suite de d'adoption du plan de redressement de la société KLV Constructions.
Sur les autres demandes,
Aux termes de l'article R 1234-9 du code du travail, l'employeur doit délivrer au salarié au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d'exercer son droit aux prestations sociales.
Il convient en conséquence d'ordonner à l'employeur de délivrer à M. Y... une attestation Pôle Emploi rectifiée (date de naissance, montant des salaires) et conforme au présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sous astreinte de 30 euros par jour de retard pendant 30 jours, délai au terme duquel il sera à nouveau fait droit.
La société KLV Constructions sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. Y... les frais non compris dans les dépens. La société KLV Constructions sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrepétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile
La société KLV Constructions sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant, publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,
- INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné l'EURL KLV Constructions à payer à M. Y... la somme de 223. 12 euros bruts au titre des congés payés, la somme de 134. 90 euros au titre des indemnités de déplacement, la somme de 700 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- DÉBOUTE M. Y... de ses demandes en paiement de l'indemnité de congés payés, des indemnités de trajet et de l'indemnité pour licenciement irrégulier.
- REJETTE les demandes reconventionnelles de la société KLV Constructions en remboursement au titre de la liquidation de l'astreinte et en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONFIRME les autres dispositions du jugement entrepris,
- FIXE le montant de la créance de M. Y... au passif du redressement judiciaire de la société KLV Constructions aux sommes de :
-610. 55 euros bruts à titre de rappel de salaires y compris les congés payés,
-2 918. 14 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-291. 81 euros bruts de DÉCLARE payés y afférents,
-583. 63 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-4 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- DÉCERNE ACTE à M. Y... de ce qu'il a déjà perçu le 16 mai 2013 en paiement des créances salariales dans le cadre de la procédure collective de la société KLV Constructions la somme totale de 3 206. 86 euros net.
- CONDAMNE la KLV Constructions à payer à M. Y... la somme de 1 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- DÉBOUTE M. Y... du surplus de ses demandes.
- ORDONNE à l'EURL KLV Constructions de délivrer à M. Y... l'attestation Pôle Emploi rectifiée (date de naissance, montant des salaires) et conforme aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sous astreinte de 30 euros par jour de retard pendant 30 jours aux termes desquels il sera à nouveau fait droit.
- DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'Association pour la Gestion du régime de garantie des créances des Salariées intervenant par le CGEA de Rennes, association gestionnaire de l'AGS,
- DIT que celle-ci sera tenue à garantir les sommes allouées à M. Y... dans les limites et plafonds définis aux articles L 3253-8 à L 3253-17, D 3253-2 et D 3253-5 du code du travail.
- DÉCLARE le présent arrêt opposable à Me X...mandataire judiciaire es qualité de commissaire à l'exécution du plan.
- CONDAMNE l'EURL KLV Constructions aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD