COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N cp/
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00157.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 27 Décembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 00107
ARRÊT DU 17 Février 2015
APPELANTE :
Madame Anne Marie X... ...49450 VILLEDIEU LA BLOUERE
non comparante-représentée par Maître MARQUET, avocat substituant Maître Jean-Pierre BOUGNOUX, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
LA SAS CATIMINI 94 rue Choletaise 49450 ST MACAIRE EN MAUGES
non comparante-représentée par Maître Jérôme BENETEAU, avocat au barreau de LYON-No du dossier 90110285
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2015 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse PORTMANN, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Clarisse PORTMANN, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 17 Février 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******* FAITS ET PROCÉDURE :
Mme X... a travaillé au sein de la société GTM, exploitant la marque Catimini, à compter du 26 septembre 1987 (ancienneté reprise au 17 août 1987), en qualité de patronière gradueuse, étant précisé qu'elle avait déjà travaillé pour cette société de 1976 à 1980 et qu'elle avait démissionné de son emploi pour élever ses enfants.
La convention collective applicable est celle des industries du textile.
Dans le cadre d'une mobilité intra groupe, son contrat de travail a été transféré à la société Catimini à compter du 1er décembre 1996.
En 2004, il a été décidé d'une polyvalence entre les emplois de patronières-gradueuses, qui déclinent les modèles en différentes tailles et les modélistes, qui conçoivent le modèle dans la taille de référence, une formation sur un logiciel Modaris étant dispensée aux salariées.
Mme X... a été affectée pendant deux ans au poste de placement sérigraphie-broderie, puis en septembre 2007, au poste d'assistante technique. Elle a remplacé une collègue au lancement produit de septembre 2007 à février 2008.
Ce n'est donc que postérieurement à ce remplacement, qu'elle a exercé des fonctions de modéliste.
Après plusieurs arrêts de travail, elle a été déclarée inapte par Mme Y..., médecin du travail le 1er mars 2010. Son employeur lui a proposé de la reclasser sur un poste de modéliste vacant à Saint Chamond pour un contrat à durée déterminée de neuf mois, par courrier du 15 mars 2010.
Mme X... ayant refusé cette proposition, elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude le 15 avril 2010.
Par courrier parvenu au greffe de la juridiction le 2 février 2011, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers de diverses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le 20 février 2011, Mme X... a déposé une plaine pour harcèlement moral.
Suivant un jugement du 27 décembre 2011, le conseil de prud'hommes a :
- dit que Mme X... n'a pas été victime d'un harcèlement moral,- dit que son licenciement n'est pas atteint d'une cause de nullité et qu'il repose bien sur une cause réelle et sérieuse,- en conséquence, débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes et rejeté la demande pour frais irrépétibles présentée par la société Catimini.
Mme X... a interjeté appel de cette décision par une lettre recommandée postée le 23 janvier 2012.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, aux dernières conclusions respectivement :
- du 18 septembre 2013 pour Mme X...,- du 23 septembre 2013 pour la société Catimini, soutenues à l'audience, ici expressément visées et qui peuvent se résumer comme suit.
Mme X... demande à la cour :
A titre principal,- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers,- de dire nul le licenciement dont elle a fait l'objet,- de condamner la société Catimini à lui payer les sommes suivantes : *la somme de 41363, 74 euros correspondant à 22 mois de salaire, *une somme de 3760, 34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, *ure somme de 1235 euros au titre du temps alloué pour la recherche d'un emploi, *une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
A titre subsidiaire,- de dire que son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse,- de condamner son employeur à lui verser, sur ce fondement, les sommes susvisées.
Elle précise tout d'abord qu'elle ne maintient pas sa demande de sursis à statuer, l'enquête pénale ayant abouti à un classement sans suite. Elle prétend qu'elle peut, dans le cadre de la présente instance, produire les procès verbaux de l'enquête préliminaire, non couverts par le secret, et dont le procureur de la république a autorisé, en toute connaissance de l'utilisation qui en serait faite, la transmission.
S'agissant de l'existence d'un harcèlement, elle fait valoir que son employeur l'a délibérément placée dans une situation d'échec, en ne tenant pas compte de la particularité de son parcours, en lui refusant une formation pourtant demandée et en lui demandant un rendement identique à celui de ses collègues. Elle soutient également avoir fait l'objet d'une pression incessante de sa supérieure, Mme A..., qui n'a eu de cesse de multiplier les emails, de l'épier et de l'humilier. Elle explique s'être également trouvée déstabilisée et anéantie lorsqu'il lui a été demandé de réaliser un travail très compliqué et qu'il lui a été fait reproche d'avoir mis plus d'une journée à le faire. Elle précise qu'elle a perdu toute confiance en elle et qu'elle ne pouvait plus se concentrer sur son travail. Dans la mesure où le son inaptitude résulte directement des agissements de harcèlement moral dont elle a fait l'objet, son licenciement doit être considéré comme nul.
Subsidiairement, elle prétend que la société Catimini a manqué à son obligation de reclassement, soutenant que l'intimée ne démontre pas qu'elle a entrepris des démarches effectives et sérieuses en ce sens.
La société Catimini sollicite de la cour qu'elle :
- dise que Mme X... n'a pas été victime d'une situation de harcèlement moral,- dise que le licenciement de Mme X... n'est pas atteint d'une cause de nullité et repose bien sur une cause réelle et sérieuse,- déboute Mme X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,- condamne l'appelante à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, elle fait valoir que Mme X... ne peut produire les procès verbaux de l'enquête préliminaire, couverts par le secret, dès lors qu'elle ne justifie pas d'une autorisation du procureur de la république.
Soulignant que Mme X... n'avait pas invoqué l'existence de harcèlement moral lors de la saisine du conseil de prud'hommes, elle prétend que son adversaire n'apporte pas d'éléments précis et concordants pouvant laisser supposer la situation alléguée. Elle précise que les preuves que Mme X... s'est constituées pour elle même sont inopérantes et conteste la pertinence des attestations et autres éléments produits. Elle soutient qu'en tout état de cause, Mme X... n'avait pas besoin d'une formation complémentaire pour utiliser le logiciel modaris dont elle se servait lorsqu'elle était au service placement sérigraphie en 2004 et 2005 et qu'il a été tenu compte de sa situation professionnelle en l'affectant soit sur des " reconduits " soit sur des modèles simples. Elle souligne que seuls deux mails lui ont été adressés par Mme A...en 20 mois. Sur ces derniers, elle précise qu'ils étaient justifiés par les erreurs commises et que l'entretien du 6 novembre 2008 était lié à son insuffisance quantitative.
En ce qui concerne le reclassement, elle prétend avoir satisfait à ses obligations en proposant un poste à Saint Chamond à Mme X... et en interrogeant à nouveau le médecin du travail. Compte tenu du courrier de celui-ci, daté du 8 mars 2010, par lequel il s'oppose à tout reclassement dans l'entreprise et dans le groupe et de la volonté de Mme X... de ne pas revenir dans la société, tout reclassement était selon elle impossible.
Elle ajoute, sur les demandes indemnitaires, que Mme X... a retrouvé un travail moins d'une année après son licenciement, qu'elle a perçu une somme de 11712, 27 euros à titre d'indemnité de licenciement, laquelle tient compte de son ancienneté, et que la signature du solde de tout compte fait obstacle à ce qu'elle sollicite une indemnité de préavis. Enfin, elle précise qu'en l'absence d'exécution d'un préavis, Mme X... ne peut prétendre à une indemnité de temps alloué à la recherche d'un emploi.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I-Sur le harcèlement moral :
Il convient tout d'abord de relever qu'aucun texte n'interdit à une partie, qui a obtenu copie des procès verbaux d'enquête préliminaire dans les conditions prévues à l'article R155 du code de procédure pénale, de les produire dans une instance civile, dès lors que l'enquête dont s'agit est achevée.
Or, en l'espèce, il est constant que la plainte déposée par Mme X... a été classée sans suite. Si elle ne produit pas la demande faite au procureur de la république, le seul fait qu'elle dispose des procès verbaux établis par les services de gendarmerie démontre que cette demande a bien été faite. Par suite, ces documents peuvent être versés aux débats dans le cadre de la présente instance.
Néanmoins, la cour n'est pas tenue par la décision de classement sans suite.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
Au soutien de ses prétentions, Mme X... fait valoir tout d'abord qu'elle faisait l'objet de remarques incessantes de la part de sa supérieure hiérarchique, Mme Delphine A..., concernant la lenteur de son travail. La réalité de ce grief est établi par les divers témoignages reçus par les gendarmes. Ainsi :
- Mme G...indique : " j'entendais des paroles pas très discrètes. Je pense que Delphine aurait du s'isoler avec Anne Marie car lorsqu'elle lui faisait des reproches toute le monde entendaient.... Elle reprochait à Anne Marie qu'elle n'avançait pas assez vite dans son travail. Du genre " Tas rien fait ce matin, t'as fait que çà ".
... Je pense que Delphine profitait de la faiblesse de tempérament d'Anne Marie ".
- Mme Coquelin déclare : " Delphine parlait mal à Anne Marie. Tout le monde entendait. Delphine était notre responsable. Je pense que Delphine n'a pas fait preuve de diplomatie. Elle parlait à Anne Marie, pour ma part cela me faisait mal.... c'est loin. Je n'ai pas d'exemple, mais sur le coup je me souviens, j'aurai eu envie de dire à Anne Marie de se révolter. On tient à notre boulot. Pour ma part il m'est arrivé de penser aller voir Delphine et de lui dire stop.... Je ne vais plus au travail avec la boule au ventre (depuis le départ de Mme A...). Je pense que Delphine avait la pression. Lorsqu'elle rentrait de réunion on savait tout de suite si cela c'était déroulé ou pas. Si elle vous avait dans le collimateur... on trinquait ".
- Mme B...: " les réflexions se faisaient ouvertement trop à mon goût. Je n'ai pas de réflexions de mémoire. Mais lorsque Delphine en faisait à Anne Marie cela me choquait ".
- Mme H...: " Delphine parlait de façon antipathique à Anne Marie. Anne Marie est faible psychologiquement et Delphine a profité de cet état pour la rabaisser.... je n'ai plus la boule au ventre avant d'aller au travail. Il est arrivé au vue de l'attitude de Delphine d'essayer de faire une formation afin de quitter la société. J'en étais rendue là. "
- M. I...: " Delphine faisait subir à Anne Marie une pression au travail. Elle lui demandait " t'as pas encore fini, t'en est ou ". Elle était toujours sur son dos ".
- Mme Monteiro Dos Santos : " Oui Mme X...se faisait réprimander par sa responsable Mme A...devant tout le monde (15 personnes environ). Les termes employés étaient toujours péjoratifs (as tu fini tel ou tel modèle... Réponse de Mme X...non et là Mme A...rétorquait c'est tout ce que tu as fait...) Elle humiliait Mme X...devant tout le monde ".
- Mme Rousseau, qui indique qu'elle n'a pas remarqué de paroles blessantes de la part de Mme A...précise quand même : " Anne Marie était plus lente, elle le savait. Elle était très consciencieuse. C'est pour cela qu'elle était plus contrôlée par Delphine qui essayait de la booster ".
Si Mme D..., qui a remplacé Mme A...pendant son congé maternité et pendant un arrêt de travail indique : " Je pense qu'il n'y a pas lieu de qualifier cette histoire de harcèlement moral. Je sais qu'Anne Marie est plus faible psychologiquement ", elle reconnaît qu'" elle n'était pas de taille pour affronter le travail qu'on lui demandait ".
Il est constant que Mme X... a fini par être placée sur le poste de travail le plus proche de Mme A....
Il convient également d'ajouter, qu'il n'est pas contesté que Mme X... s'est vue reprocher sa lenteur également par le responsable des ressources humaines, dans le cadre d'entretiens auxquels elle a été convoquée le jour même, sans en connaître l'objet (juin 2008, novembre 2008 et avril 2009).
L'appelante invoque également le fait qu'elle avait sollicité une formation complémentaire sur Modaris. Mme A...le confirme dans son audition, précisant qu'elle n'avait pu être mise en place.
Or, en dépit de cette situation, et de sa lenteur d'exécution, il lui a été demandé, le 20 octobre 2009, de réaliser un modèle complexe (doudoune avec capuche, col et poches passepoilées, avec dessus une petite veste en lainage avec plis sur le dos, devant et manches, col, découpes princesse "). Or Mme X... a non seulement passé plusieurs jours sur ce patronage, mais le modèle réalisé n'était pas satisfaisant, ce que Mme A...n'a pas manqué de lui faire remarquer par écrit (deux emails des 5 et 9 novembre 2009) avec beaucoup de détails sur ce qui n'allait pas, et en lui demandant de faire parvenir une réponse directement à leur supérieur, M. E.... Le 10 novembre suivant, elle devait lui rappeler encore, par un courriel, sa lenteur.
Or, Mme F...indique : " J'ai réalisé un assemblage de sept tissus différents composé d'une superposition de deux modèles et comptant pour un seul. Le choix de Delphine de confier ce travail de modéliste à Anne Marie " était un moyen de la faire craquer et de la mettre sous pression. " Mme B...confirme : " Pour ma part, Delphine faisait faire des modèles bien trop compliqués pour Anne Marie afin de faire attester les failles dans le travail d'Anne Marie. Sa qualité de travail est reconnue mais elle manque de confiance en elle ". A la suite de ces faits, Mme X... n'est pas revenue travailler.
Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent présumer un harcèlement ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible d'altérer la santé physique ou mentale de la salariée, qui, à partir d'avril 2008, date d'arrivée de Mme A...comme supérieure hiérarchique, a eu plusieurs arrêts de travail, avant de faire l'objet d'une décision d'inaptitude.
Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement mais que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Or, s'il résulte de l'ensemble des témoignages recueillis lors de l'enquête de gendarmerie que Mme X... était moins rapide que d'autres salariées dans l'exécution de ses tâches, ce qui pouvait donner lieu effectivement à des remarques de la part de sa hiérarchie dans le cadre de son pouvoir de direction, cette insuffisance quantitative ne justifiait pas que de telles remarques soient faites en public, de manière parfois blessante et aussi répétées, alors qu'en vingt ans d'ancienneté, elle n'avait pas eu d'observations.
En outre, l'employeur ne démontre pas qu'il ne pouvait assurer à Mme X... la formation complémentaire qu'elle sollicitait, ni même qu'elle utilisait déjà de manière régulière l'intégralité du logiciel Modaris. Il ne justifie pas non plus des raisons pour lesquelles le poste de travail de Mme X... a été placé au plus près de celui de sa responsable.
Compte tenu de la fragilité psychologique avérée de l'appelante, et pour respecter son obligation, de résultat d'assurer la sécurité de ses salariés, l'employeur se devait de veiller à ce que ne soient pas confiées à Mme X..., sans une aide extérieure et/ ou une formation préalable, des tâches excédant ses compétences, et encore moins, en cas d'échec, d'insister de manière particulièrement appuyée (deux courriels et lettre du 25 novembre 2009) sur ses difficultés.
En outre, contrairement à ce que soutient l'employeur, si Mme X... n'a pas fait état de harcèlement lors de la saisine du conseil de prud'hommes, elle y avait fait référence dans ses courriers à ses supérieurs les 10 novembre 2009 et 23 décembre 2009, et en avait informé l'inspection du travail et le médecin du travail en avril 2009.
L'employeur succombe donc dans la preuve qui lui incombe. Il sera par suite retenu que Mme X... a été victime de harcèlement moral.
II-Sur le licenciement :
En application de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
Or, en l'espèce, le licenciement de Mme X... résulte de son inaptitude, laquelle est elle même consécutive aux faits de harcèlement qu'elle a subis, ainsi que cela résulte de la mise en oeuvre de la procédure de danger immédiat par le médecin du travail et du courrier établi le docteur J... le 15 mars 2010. En effet, si celui-ci fait état d'antécédents d'épisodes dépressifs, il indique également : " sur le plan du rapport subjectif au travail, Mme X... décrit un vécu de pression
constante, de disqualification de ses compétences professionnelles, de surveillance constante, d'incitation à la démission (une rupture conventionnelle aurait été évoquée dès décembre 2008, sans suite), de crainte permanente de faire des erreurs, d'appréhension anxieuse croissante de se rendre au travail, d'apparition de troubles de l'attention et de la concentration la gênant dans son travail. On ne note aucune facteur de compensation en lien avec la vie privée ".
Par suite, le licenciement est nul et la salariée peut prétendre à une indemnité au moins équivalente à celle visée à l'article L. 1235-3 du code du travail.
Si Mme X... ne justifie pas de son activité avant le mois d'avril 2012, étant précisé qu'elle avait déclaré aux gendarmes, en février 2011, qu'elle travaillait en tant qu'ouvrière en confection, elle démontre que postérieurement, elle a eu des missions d'intérim.
Compte tenu de son ancienneté, de son âge (née en 1955), et de son dernier salaire (1 880, 17euros), il convient de condamner la société Catimini à lui payer une somme de 40 000 euros.
Le reçu pour solde de tout compte signé le 1er mai 2010 par Mme X... ne vaut que pour les sommes qui y sont mentionnées, à savoir en l'espèce, un solde de rémunération. Il ne fait donc pas obstacle à la recevabilité de la demande en paiement d'une indemnité de préavis par l'appelante. Compte tenu de la nullité du licenciement, cette indemnité, correspondant à deux mois de salaire, soit 3760, 34 euros, est due.
En revanche, le préavis n'ayant pas exécuté, la salariée a eu du temps pour rechercher un emploi, de sorte qu'elle ne peut prétendre à une indemnité de ce chef.
III-Sur les demandes accessoires :
Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la société Catimini à payer à Mme X... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Partie succombante, elle supportera les entiers dépens tant de première instance que d'appel, et sera subséquemment déboutée de sa demande pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant en matière sociale, contradictoirement et publiquement,
- Infirme le jugement du 27 décembre 2011 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Dit que Mme X... a été victime de harcèlement moral,
- Déclare son licenciement nul,
- Condamne la société Catimini à payer à Mme X... :
*une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, *une somme de 3 760, 34 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, soit 376, 03 euros,
- Rappelle que les créances salariales, dont l'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, produisent des intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle la demande faite en justice a été portée à la connaissance de l'employeur, soit en l'espèce le 8 février 2011, et que les autres créances seront productives d'intérêts au même taux à compter du prononcé de cet arrêt,
- Condamne la société Catimini à payer à Mme X... une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejette les demandes pour le surplus,
- Condamne la société Catimini aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODINAnne JOUANARD