La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2015 | FRANCE | N°12/01217

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 17 février 2015, 12/01217


COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
ic/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01217.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 11 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00608

ARRÊT DU 17 Février 2015

APPELANT :

Monsieur Frédéric X...
...
72000 LE MANS

comparant-assisté de Maître TOUZET, avocat substituant Maître FOLLEN la SELARL LEXCAP-BDH, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

LA CAISSE DE REASSURANCE M

UTUELLE AGRICOLE (CMRA) DU CENTRE DE LA MANCHE
30 rue Paul Ligneul
72043 LE MANS CEDEX 9

non comparante-représentée par Maître ...

COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale

ARRÊT N
ic/ jc

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01217.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 11 Mai 2012, enregistrée sous le no 11/ 00608

ARRÊT DU 17 Février 2015

APPELANT :

Monsieur Frédéric X...
...
72000 LE MANS

comparant-assisté de Maître TOUZET, avocat substituant Maître FOLLEN la SELARL LEXCAP-BDH, avocats au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

LA CAISSE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE (CMRA) DU CENTRE DE LA MANCHE
30 rue Paul Ligneul
72043 LE MANS CEDEX 9

non comparante-représentée par Maître Gérard LE MAITRE, avocat au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Isabelle CHARPENTIER, conseiller
Madame Clarisse PORTMANN, conseiller

Greffier : Madame BODIN, greffier.

ARRÊT : prononcé le 17 Février 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS et PROCEDURE

La société d'assurances Groupama, dont le siège social est situé au Mans, applique la convention collective nationale des sociétés d'assurances ainsi que l'accord national relatif au statut conventionnel du personnel Groupama. Elle emploie un effectif de plus de 10 salariés.

M. Frédéric X... a été recruté le 18 mai 2009 en qualité de conseiller en gestion de patrimoine par la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole (CRMA) du Centre Manche, dénommée ci-après société Groupama, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
Le contrat de travail prévoyait une rémunération fixe de 3 076. 92 euros brut, outre une prime de treizième mois, une prime d'expérience et une partie variable garantie d'un montant annuel de 6 000 euros.

Au mois d'octobre 2010, M. Y..., ancien collègue de M. X..., a été promu responsable de l'équipe des conseillers en gestion de patrimoine.

Le 10 février 2011, la société Groupama a adressé à M. X... un « courrier de recadrage » lui reprochant « des excès d'emportement, des paroles négatives, des propos déplacés " envers son supérieur hiérarchique M. Y...et « l'invitant à changer très rapidement d'attitude » sous peine d'envisager une sanction disciplinaire.
M. X... mentionnait, à réception le 21 février 2011, qu'il était en désaccord avec le contenu de ce courrier.
Le 16 mai 2011, M. Z..., directeur de réseau, recevait M. X... pour faire le point sur la situation et lui proposer une rupture à l'amiable de son contrat de travail, ce que le salarié a refusé.
Le 10 juin 2011, M. X... se plaignait auprès de M. Z...du traitement particulier dont il faisait l'objet de la part de sa hiérarchie qu'il assimilait à « du harcèlement dans le but de le faire démissionner faute de pouvoir le licencier ». Il sollicitait « une normalisation de sa situation à Groupama Centre Manche ».

Le 29 juin 2011 dans l'après-midi, M. X... a été informé par téléphone par un supérieur hiérarchique M. A...qu'une procédure de licenciement était engagée à son encontre, qu'il devait cesser toute activité à compter du 30 juin et restituer son ordinateur portable, son téléphone portable, les clés de l'agence et ses outils de travail tels que la calculatrice et la clé USB.
Le même jour, l'employeur lui adressait une convocation à un entretien préalable à un licenciement fixé au 8 juillet 2011. Il lui notifiait dans le même temps une dispense d'activité avec maintien de sa rémunération.
Le 30 juin 2011, M. X... revenait dans les locaux de l'agence alors qu'il en était dispensé.
L'entretien préalable se déroulait le 8 juillet 2011.

Le 19 juillet 2011, comme prévu par la convention collective et à la demande du salarié, un conseil a été réuni en présence de M. X... relativement à la procédure disciplinaire engagée. Les représentants du personnel ont émis un avis défavorable concernant le projet de licenciement pour faute grave envisagé par la Direction, estimant « qu'il faudrait reclasser M. X... sur un autre poste avec un changement de responsable hiérarchique ».

Par courrier du 25 juillet 2011, M. X... a reçu notification de son licenciement pour faute grave motivé par :
- son comportement au travail, notamment des propos critiques et négatifs tenus lors de deux réunions le 26 mai et le 6 juin 2011 sur un produit d'épargne,
- des insubordinations répétées à l'égard de son nouveau supérieur hiérarchique M. Y...,
- des insuffisances professionnelles en matière de prospection commerciale au cours du premier semestre 2011,

- la suppression de données professionnelles sur son ordinateur le 30 juin 2011 alors qu'il avait reçu l'ordre de ne plus revenir dans les locaux de travail.

Par requête du 27 octobre 2011, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans pour :
- contester son licenciement sans cause réelle et sérieuse, prononcer sa réintégration avec paiement des salaires dus entre la date de licenciement et la date de réintégration ou subsidiairement, en cas de non-réintégration, obtenir des dommages et intérêts,
- voir condamner l'employeur à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture et une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et une prime de diplôme.

Par jugement en date du 11 mai 2012, le conseil de prud'hommes de Le Mans a :

- dit que le diplôme obtenu par M. X... ne pouvait pas bénéficier de la prime de diplôme et débouté M. X... de la demande en paiement de cette prime,
- dit que la procédure de licenciement avait bien été respectée et que le licenciement ne pouvait pas être assimilé à un licenciement verbal,
- dit que le licenciement du salarié reposait sur des motifs réels et sérieux et relevait d'une faute grave et débouté M. X... de toutes ses demandes,
- condamné M. X... au versement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les parties ont reçu notification de ce jugement les 15 et 18 mai 2012.
M. X... en a régulièrement relevé appel général par courrier du 8 juin 2012 de son conseil.

PRETENTIONS et MOYENS des PARTIES

Vu les conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 24 novembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. X... demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire que son licenciement notifié verbalement le 29 juin 2011 est dénué de cause réelle et sérieuse,
- subsidiairement, sur les griefs invoqués dans le courrier du 29 juin 2011, dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la CRMA du Centre Manche à lui verser les sommes suivantes :
-4 580. 31 euros au titre de la prime de diplôme,
-12 000 euros à titre d = indemnité de préavis et 1 200 euros pour les congés payés y afférents,
-3 840 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-4 000 euros net de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
-48 000 euros net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 000 euros de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,
-1000 euros de dommages et intérêts pour comportement déloyal et manquement à son obligation d'information sur l'épargne salariale,
-3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l'arrêt, la remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle Emploi rectifiée.

Le salarié fait valoir en substance que :

- sur la prime de diplôme : il a obtenu le 21 mars 2011 un diplôme de 3ème cycle d'ingénierie patrimoniale, classé au niveau 1, lui permettant de prétendre à une gratification conventionnelle qui lui a été refusée le 1er août 2011 alors que son employeur avait financé ce cursus en lien direct avec son activité professionnelle et que trois collègues également diplômés ont perçu cette prime sans que cette différence de traitement soit justifiée par la société Groupama.

- sur le licenciement :
- le fait pour son supérieur hiérarchique de le sommer par téléphone le 29 juin 2011 d'annuler immédiatement ses rendez-vous et de remettre ses moyens de travail doit s'analyser comme un licenciement verbal, sans possibilité de régularisation ultérieure avec un courrier, et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- subsidiairement, les griefs articulés dans le courrier de licenciement du 25 juillet 2011 ne sont pas établis et contestés par lui sur :
- son comportement au travail en l'absence de toute pièce probante,
- ses prétendues insubordinations,
- ses insuffisances professionnelles non établies et non constitutives d'une faute grave,
- la suppression de fichiers informatiques clients le 30 juin 2011 après l'engagement de la procédure de licenciement,

- sur les indemnités :
- les préjudices subis par lui sont conséquents, le licenciement pour faute grave retenue à son encontre ayant rendu plus difficile ses recherches d'emploi,
- les circonstances de son départ, contraint de quitter sans délai son poste, sont vexatoires,
- le comportement déloyal de Groupama, à défaut de fournir d'information écrite et individuelle des salariés sur les mécanismes de l'épargne salariale, justifie son indemnisation.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 31 décembre 2014, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience selon lesquelles la CRMA GROUPAMA Centre Manche demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- dire que le licenciement est motivé par une faute grave,
- en conséquence de débouter M. X... de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Groupama soutient essentiellement que :

- sur la prime de diplôme : le salarié ne peut pas percevoir la prime conventionnelle puisque ce diplôme n'était pas délivré par l'Education Nationale ni n'était pas inscrit au registre national des certifications professionnelles au moment de son obtention,

- sur le prétendu licenciement verbal : M. X... n'a pas été licencié verbalement le 29 juin 2011, il a simplement été dispensé d'activité tout en conservant son salaire, la procédure de licenciement a été respectée avec un entretien préalable et la réunion d'un conseil spécifique,

- sur le bien fondé du licenciement pour faute grave : les griefs sont graves, précis et objectifs et constituent au regard du statut de cadre du salarié une faute grave pour :
- ses insubordinations répétées malgré le courrier de recadrage du 10 février 2011,
- la suppression délibérée des fichiers clients opérée le 30 juin 2011 sur son poste informatique, soit après l'envoi de la lettre de convocation,

- l'insuffisance professionnelle caractérisés par sa faible implication en matière de prospection,
- sur le caractère vexatoire du licenciement : le salarié ne rapporte pas la preuve des circonstances vexatoires de son licenciement.
- sur le comportement déloyal de l'employeur : le salarié ayant effectué un versement sur un Plan d'Epargne Retraite Collectif (PERCO) après son départ de l'entreprise ne peut pas prétendre en application des textes en vigueur au bénéfice de l'abondement par l'entreprise qui a délivré l'information nécessaire à M. X....

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prime de diplôme,

L'article 65 b de la convention collective nationale des sociétés d'assurances applicable en l'espèce prévoit que les salariés qui obtiennent soit un diplôme d'assurance ou relevant d'une discipline interprofessionnelle (par exemple, en comptabilité ou en bureautique) délivré par l'éducation nationale, soit un diplôme ou un titre de même nature homologué par la commission technique d'homologation des titres et diplômes de l'enseignement technologique, bénéficient d'une gratification, dès lors que le diplôme obtenu est expressément inscrit au plan de formation de l'entreprise.
Cette gratification est versée en une seule fois dans les 2 mois qui suivent la présentation du document justificatif à l'entreprise. Elle est calculée en pourcentage de la rémunération minimale annuelle en vigueur à la date d'obtention du diplôme et correspondant à la classe 2 du barème prévu à l'annexe II.
Son montant est égal à :-21 % de cette base, pour un diplôme classé au niveau III de l'éducation nationale ou à un niveau supérieur.
Selon l'article 28 de l'accord national relatif au statut conventionnel du personnel Groupama du 10 septembre 1999, le montant de la gratification prévue en application de l'article 65 b susvisés est calculé en pourcentage du salaire de fonction de base de la classe 3 applicable à la date du versement.

M. X... ayant obtenu le 21 mars 2011 le diplôme universitaire de 3ème cycle d'ingénierie patrimoniale du chef d'entreprise, classé au niveau 1, s'est heurté au refus de l'employeur le 3 août 2011 de lui accorder la gratification prévue faute d'inscription dudit diplôme au registre national des certifications processionnelles.
Il ne fait pas débat que ce diplôme IPCE a été inscrit ultérieurement le 26 avril 2013 au registre national des certifications processionnelles.
Alors que les allégations de M. X... selon lesquelles d'autres salariés M. Y..., M. B...et M. C..., titulaires de ce diplôme avant l'inscription au registre national, ont perçu ladite gratification ne sont pas contestées, la société Groupama n'a fourni aucune explication objective de nature à justifier la différence de traitement entre M. X... et ses collègues.
Aucune disposition conventionnelle n'interdisant à M. X... titulaire d'un diplôme régulièrement inscrit au registre national des certifications processionnelles depuis le 26 avril 2013 de présenter une nouvelle demande de gratification, il sera fait droit à la demande en paiement de la somme non contestée en son principe de 4 580. 31 euros brut, par voie d'infirmation du jugement.

Sur le licenciement verbal,

Selon l'article L 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Un licenciement verbal, en l'absence de notification écrite des griefs, est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il suppose que l'employeur manifeste sa volonté de mettre fin de façon irrévocable au contrat de travail, notamment en lui interdisant d'accéder à son lieu de travail et en le sommant de restituer ses outils de travail.

M. X... soutenant avoir fait l'objet d'un licenciement verbal à la suite d'un appel téléphonique le 29 juin 2011, verse aux débats :

- son courriel adressé le 30 juin 2011 (11h03) à M. A..., responsable du service Métiers Vie/ banque, avec copie à la responsable des ressources humaines : Suite à ton appel téléphonique d'hier après-midi, je suis ce matin à mon bureau de l'agence des Maillets. Je range mes affaires et laisse comme tu me l'as demandé mon ordinateur portable, téléphone portable, les clés de l'agence, la calculatrice reçue pendant la formation Aurep ainsi que la clé USB que Guillaume Y...avait remis à chaque conseiller en gestion de patrimoine contre un document signé.
Je prends bonne note que tu me demandes de cesser toute activité dès aujourd'hui. (Pièce n ? 8)

- le courrier recommandé daté du 29 juin 2011 de convocation à l'entretien préalable fixé au 8 juillet suivant :
Je vous demande de ne plus vous présenter à votre poste de travail dès la réception de la présente lettre et ce jusqu'à la décision définitive qui découlera de l'entretien. Votre rémunération sera maintenue durant cette période.

- le procès-verbal du 19 juillet 2011 de la réunion du conseil relative à la procédure disciplinaire en présence notamment de M. X..., de M. A...et de Mme D...responsable des ressources humaines :
Mme D...explique que la Direction de Groupama Centre Manche envisage un licenciement pour faute grave à l'encontre de M. X....
Le 30 juin 2011, alors que M. X... avait été informé la veille au soir qu'une procédure était engagée à son encontre et qu'il ne devait plus se présenter à son poste de travail jusqu'à l'issue de celle-ci, il est venu au point vente Les Maillets...

Mme D...souligne que M. X... ne devait plus être dans l'entreprise le 30 juin matin. Il était dispensé d'activité depuis la veille.
Les représentants du personnel se demandent pourquoi M. X... a été dispensé d'activité au début de la procédure. Les faits reprochés initialement ne justifiaient pas selon eux une telle mesure.
Mme D...et M. A...répondent que compte tenu de son tempérament et des faits reprochés, la Direction a préféré qu'il ne vienne pas travailler pendant la procédure. Il était nécessaire de protéger Groupama et les clients.
Mme D...souligne qu'il n'avait pas à revenir à son poste le 30 juin. Encore une fois, il n'a pas respecté les règles.
... M. X... a très mal vécu qu'on lui demande de restituer son matériel au début de la procédure.

- son courriel du 10 juin 2011 adressés au directeur de réseau M. Z...:
Ta proposition de licenciement lors de notre entretien du 16 mai était complètement irréaliste. Soit tu considères que tu as des éléments permettant un licenciement pour un motif réel et sérieux soit ce n'est pas le cas et alors je demande le même traitement que les autres conseillers en gestion de patrimoine, pas plus, pas moins....
Les messages de Guillaume (Y...) cherchant à me mettre en défaut étaient déjà un traitement assez particulier.
Quant à Franck A..., il ne m'adresse plus la parole, ne répond plus à mes messages email ou téléphone et fait des actions sur mon secteur sans m'en informer.
Tous ces éléments pourraient être considérés comme du harcèlement dans le but de me faire démissionner faute de pouvoir me licencier.
Je vous demande donc de revoir votre position afin que ma situation à Groupama Centre Manche soit normalisée.

Il n'est pas contesté que :
- la société GROUPAMA a proposé au salarié un mois plus tôt, lors d'un entretien le 16 mai 2011 avec M. Z...directeur de réseau, une rupture amiable en raison de la dégradation de ses relations professionnelles avec son nouveau supérieur M. Y...,
- M. A...a demandé à M. X... le 29 juin 2011 par téléphone d'annuler tous ses rendez-vous, de ne plus rencontrer aucun client et de remettre l'ensemble de ses moyens de travail,
- Mme D...responsable des ressources humaines a enjoint le 30 juin 2011 par téléphone à M. X..., revenu dans son bureau pour ranger ses affaires, de quitter immédiatement les locaux.

Les méthodes employées par l'employeur consistant à enjoindre à un salarié sur un simple appel téléphonique de cesser toute activité sur le champ, à lui interdire d'accéder à son lieu de travail, à le sommer de restituer ses outils de travail et les clés de son bureau, traduisent la volonté manifeste de la société Groupama d'évincer le salarié de son poste et de rompre son contrat de travail dès le 29 juin 2011 alors que celui-ci n'avait reçu à ce moment précis, ce qui n'est pas contesté, aucun courrier se rapportant à la procédure disciplinaire mise en oeuvre et à une mise à pied conservatoire.
Le retrait immédiat et brutal de ses fonctions par M. A..., son responsable hiérarchique, lors de cet entretien téléphonique du 29 juin 2011 doit s'analyser en un licenciement verbal intervenu avant la notification de la dispense d'activité et de l'engagement de la procédure de licenciement par la convocation à entretien préalable.

S'agissant de dispositions impératives de l'article L 1232-6 du code du travail l'irrégularité du licenciement par l'envoi postérieur du courrier de rupture ne peut pas être régularisée.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas de la date de réception par M. X... du courrier recommandé de la convocation à un entretien préalable datée du 29 juin 2011 mais il n'est pas contesté que ce courrier a été porté à la connaissance de M. X... au mieux à partir du 30 juin 2011.

Il s'ensuit que le licenciement verbal intervenu le 29 juin 2011 est nécessairement sans cause réelle et sérieuse faute d'avoir satisfait les conditions de l'article L 1232-6 du code du travail.
Le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement,

Il convient de constater que M. X... n'a pas maintenu en appel sa demande de réintégration.
Aux termes de l'article L 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas de réintégration du salarié dans l'entreprise, il est alloué au salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté travaillant dans une entreprise employant au moins 11 salariés, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois à la charge de l'employeur.
M. X... percevait une rémunération brute moyenne de 3 833. 33 euros par mois au vu du contrat de travail et en l'absence de bulletin de salaire réactualisé au moment du licenciement. Il avait 27 ans et justifiait d'une ancienneté de 2 ans et 2 mois au sein de l'entreprise.
A l'issue d'une longue période de chômage, M. X... a justifié avoir retrouvé un nouvel emploi le 2 juin 2014 mais ne fournit aucun élément sur sa situation financière actuelle.
Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'âge, de l'ancienneté du salarié et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi au regard de sa formation, il convient d'évaluer l'indemnité à la somme de 25 000 euros net au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis qui correspond en application de l'article 91 de la convention collective applicable à trois mois de salaire pour un cadre.
M. X... est donc bien fondé à obtenir une somme de 11 499. 99 euros brut au titre de cette indemnité outre les congés payés y afférent de 1 149. 99 euros, brut par voie d'infirmation du jugement.

Selon l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié licencié a droit sauf faute grave à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait avant la rupture du contrat.
Cette indemnité est fixée par l'article R 1234-2 du code du travail ou par la convention collective si celle-ci est plus favorable pour le salarié.

Il sera fait droit à l'évaluation plus favorable de l'indemnité conventionnelle, déterminée par l'article 92 de la convention collective, pour les cadres, à 4 % de la rémunération annuelle par année de présence si le nombre de ces années est inférieure à 10, ce qui représente la somme de 3 680 euros net (46 000 euros X 2 ans X 4 %)
Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

M. X... ne peut pas cumuler l'indemnité prévue à l'article L 1235-2 du code du travail en cas d'irrégularité de procédure et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail.
Sa demande d'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement sera en conséquence rejetée, et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre des circonstances vexatoires de son licenciement,

M. X... a présenté une demande distincte de dommages et intérêts en invoquant les pressions subies pour le contraindre à démissionner, les circonstances vexatoires de son éviction de l'entreprise du jour au lendemain sans aucun ménagement en laissant l'ensemble de son matériel sous le regard de ses collègues de travail ainsi que les conséquences sur son mal vécu, son image et sa réputation.

Toutefois, si les relations de travail se sont à l'évidence dégradées entre les parties à la suite de la promotion de M. Y...sur un poste convoité par M. X..., le salarié n'établit pas la preuve de faits objectifs et concrets susceptibles de caractériser un comportement abusif de la part de l'employeur indépendamment de la procédure de licenciement.

Cette demande sera rejetée par voie de confirmation du jugement.

Sur le comportement déloyal de l'employeur concernant l'épargne salariale,

Il n'est pas contesté que :
- M. X... a procédé en 2012, après son licenciement, au placement de la prime d'intéressement 2011 de l'ordre de 2 842. 93 euros net sur un plan d'épargne entreprise (PEE) et sur un Plan d'Epargne retraite Collectif Interentreprises (PERCOI),
- l'employeur a refusé d'effectuer l'abondement prévu sur chacun de ces comptes au motif que M. X... a quitté les effectifs de son entreprise.

Lors de l'ouverture d'un PERCOI et d'un PEE, M. X... a nécessairement reçu de son employeur un exemplaire des contrats et des documents annexes d'information générale sur les modalités de placement et de déblocage des fonds.
Il lui appartenait de s'y référer au moment des versements réalisés au cours de l'année 2012 alors qu'il ne faisait plus partie des effectifs de la société Groupama, comme le courrier du 4 avril 2012 le mentionne de manière expresse.
M. X... ne rapportant pas la preuve d'un manquement de la société Groupama, sera débouté de sa demande d'indemnisation comme le jugement l'a retenu à juste titre.

Sur les autres demandes,

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage payées au salarié du jour de son licenciement et ce à concurrence de six mois.

Aux termes de l'article R 1234-9 du code du travail, l'employeur doit délivrer au salarié au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d'exercer son droit aux prestations sociales.

Il convient en conséquence d'ordonner à l'employeur de délivrer à M. X... le bulletin de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectificatifs conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois suivant la notification du présent arrêt sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais non compris dans les dépens. La société Groupama sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
La société Groupama sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant, publiquement et contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de M. X... ne pouvait pas être assimilé à un licenciement verbal, dit que le licenciement reposait sur des motifs réels et sérieux et sur une faute grave, rejeté les demandes en paiement de M. X... au titre de la prime de diplôme, de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférent, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné M. X... à verser la somme de 500 euros à la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que M. X... a fait l'objet le 29 juin 2011 d'un licenciement verbal qui est considéré comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche à payer à M. X... :
- la somme de 4 580. 31 euros au titre de la prime de diplôme,
- la somme de 11 499. 99 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,
- la somme de 1 149. 99 euros brut pour les congés payés afférents à l'indemnité de préavis,
- la somme de 3 680 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- la somme de 25 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

DIT que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 23 mars 2012, date de l'audience du bureau de jugement, pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

ORDONNE à la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche de délivrer à M. X... le bulletin de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectificatifs conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois suivant la notification du présent arrêt sous astreinte de 30 euros par jour de retard pendant 30 jours.

ORDONNE le remboursement par la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche à rembourser aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié au jour de son licenciement au jour de l'arrêt prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

CONFIRME le surplus des dispositions du jugement entrepris.

DEBOUTE la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche de ses demandes.

CONDAMNE la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. BODINC. LECAPLAIN-MOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01217
Date de la décision : 17/02/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2015-02-17;12.01217 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award