COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
aj/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02190
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 13 Septembre 2012, enregistrée sous le no 12/ 00134
ARRÊT DU 24 Février 2015
APPELANT :
Monsieur Kadir X...
...
Appt 145
72100 LE MANS
comparant-assisté de Maître Laurence PAPIN ROUJAS, avocat au barreau du MANS
INTIMES :
Maître Bertrand B..., liquidateur judiciaire de la SARL A. M. A.
Les Bureaux de l'Etoile
7 Avenue François Mitterrand
72015 LE MANS CEDEX 2
L'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC-CGEA de RENNES
Immeuble Le Magister
4 Cours Raphaël Binet
35069 RENNES CEDEX
non comparants-représentés par Maître MARTINEAU, avocat substituant Maître LALANNE de la SCP HAY-LALANNE-GODARD-HERON-BOUTARD-SIMON, avocats au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2015 à 14H00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Anne JOUANARD, président
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, assesseur
Madame Isabelle CHARPENTIER, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier : Madame BODIN, greffier
ARRÊT : du 24 Février 2015, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, Président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE,
M Kadir X... a été embauché le 4 avril 2007 en qualité de maçon niveau III position I coefficient 150 par la société A. M. A en contrat à durée déterminée puis, à compter du 11 juillet 2007, en contrat à durée indéterminée.
M X... ne conteste pas que l'entreprise employait moins de onze salariés et elle est soumise à la convention collective du bâtiment.
Dans le dernier état de la relation de travail entre les parties il percevait un salaire brut de 1 633, 49 ¿.
M. X... a été licencié pour insuffisance professionnelle le 22 mai 2010.
Contestant le bien fondé de son licenciement, le 31 décembre 2010, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de demandes d'indemnisations subséquentes ainsi que de demandes de rappel de salaires pour heures supplémentaires.
La société A. M. A a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire du 10 mai 2011 et Me B..., désigné en qualité de mandataire représentant des créanciers, et l'AGS par le CGEA de Rennes ont été appelés à la procédure.
Par jugement contradictoire en date du 13 septembre 2012 le conseil de prud'hommes du Mans :
- a dit que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande d'indemnités de ce chef,
- a dit que M. X... n'avait pas été entièrement rempli de ses droits concernant les heures supplémentaires et en conséquence a fixé sa créance sur le redressement judiciaire de société A. M. A. aux sommes de 1. 366, 92 ¿ à titre rappel de salaire pour heures supplémentaires restant à verser et de 450 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure vile,
- a rappelé que les sommes accordées porteront intérêts au taux légal à compter la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation le 13 janvier 2011 pour la créance salariale et à compter du prononcé du jugement pour la créance indemnitaire,
- a débouté la société A. M. A. et Maître B..., ès qualité de mandataire de leur demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a déclaré le jugement opposable au CGEA UNEDIC/ AGS de RENNES qui devra faire l'avance desdites créances, dans les limites légales de sa garantie,
- a condamné Maître B..., es qualité de mandataire judiciaire, de la société A. M. A., et la société A. M. A. aux entiers dépens.
Par lettre recommandée du 17 octobre reçu au greffe le 18 octobre 2012 M. X... a relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 18 septembre précédent.
MOYENS ET PRETENTIONS,
Dans ses écritures régulièrement notifiées déposées le 4 août 2014 et à l'audience, M. X... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé sa créance au titre des heures supplémentaires, de l'infirmer pour le surplus et, après avoir dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de fixer sa créance à titre de dommages et intérêts à la somme 9 800, 94 ¿, de condamner la société A. M. A à lui verser la somme de 1 200 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et de déclarer la décision opposable au CGEA Unedic AGS de Rennes.
Il fait essentiellement valoir :
- qu'il ne peut être tenu pour responsable des désordres affectant les travaux réalisés, avec d'autres salariés, sous la surveillance de son supérieur hiérarchique, lequel donnait des consignes et validait l'exécution de sa prestation de travail alors que, dans le cadre de l'édification du mur prétendument litigieux, l'employeur n'a jamais émis la moindre réserve ;
- que si l'intention de l'employeur était de le rendre responsable de ce travail, il lui appartenait de mettre en ¿ uvre son obligation de formation et d'adaptation de son salarié à l'évolution de son emploi ;
- que son licenciement fait directement suite à ses réclamations concernant le paiement de son indemnité de transport, son employeur n'ayant de cesse, à compter de cette période, de le récriminer et de le dénigrer, au point qu'il a dû solliciter l'intervention de l'Inspection du travail.
Dans ses écritures régulièrement notifiées déposées le 27 janvier 2015 et à l'audience, Me B... es qualité et la société A. M. A demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner M. X... à verser la somme de 1 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Ils exposent que la relation de travail avec M. X... a été émaillée de multiples difficultés générées par sa négligence et/ ou ses insuffisances ayant donné lieu à des avertissements des 12 décembre 2008, 17 mars 2009, 28 octobre 2009, 25 janvier 2010, que son insuffisance professionnelle est parfaitement établie et que, compte tenu de ses conséquences en terme de perte de clients, elle justifiait son licenciement.
Dans ses écritures régulièrement notifiées déposées le 26 janvier 2015 et à l'audience, le CGEA de Rennes-AGS demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, en tout état de cause, de limiter sa garantie telle qu'elle résulte des textes applicables.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient se reporter à leurs écritures ci-dessus évoquées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 27 janvier 2015.
MOTIFS DE LA DECISION,
La lettre de licenciement qui fixe les limites du juge est ainsi libellée :
« A la suite de notre entretien du mercredi 19 mai 2010, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise.
En effet, nous avons constaté que l'ouvrage de maçonnerie dont nous vous avons confié la construction, sur le chantier de Monsieur Y..., à Saint Gerrvais en Belin, entre 13 et le 19 avril 2010, présentait de graves défauts de qualité nécessitant sa complète démolition.
Nous vous avions donné comme consigne de monter un mur en brique en respectant 3 règles de base de la maçonnerie. Or, il s'avère que l'ouvrage que vous avez réalisé présente de graves problèmes de planéité, d'aplomb et d'alignement avec les jambages de fenêtres et de porte. Ces anomalies auraient être constatées et rectifiées par vos soins par simple utilisation d'un niveau.
Cette situation montre que vous ne tenez pas compte des consignes que nous vous transmettons et plus particulièrement que vous n'avez pas pris en considération les avertissements du 12 décembre 2008 et du 28 octobre 2009 que nous vous avons adressé et qui faisaient suite aux mêmes constatations de défauts de soin et de qualité d'exécution de votre travail.
Cette conduite met en cause la bonne marche de notre entreprise et plus particulièrement, elle met en grave péril nos relations avec les clients. Certains d'entre eux hésitent dorénavant à nous renouveler leur confiance et à nous commander de nouveaux chantiers ».
M. X... a donc été licencié pour une insuffisance professionnelle caractérisée par la construction, en avril 2010, d'un mur qui a présenté de graves défauts de qualité nécessitant sa complète démolition alors qu'il avait déjà fait l'objet d'avertissements antérieurs pour défauts de soin et de qualité d'exécution de son travail.
L'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement dès lors qu'elle est fondée sur des éléments concrets-les griefs formulés devant être suffisamment pertinents pour le justifier-et qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise.
Il est établi, et d'ailleurs non contesté par M X..., que le mur litigieux était effectivement atteint de malfaçons grossières et que le client Habitat Plus a écrit à la société A. M. A le 12 mai 2010 que « de gros manquements dans les règles de l'art étaient à constater à savoir un défaut de planéité de dalle, un défaut de mise en ¿ uvre des briques, de gros problèmes d'alignement des jambages de fenêtres et portes, des problèmes d'aplomb de maçonnerie et, d'une manière générale, de propreté sur le chantier » et lui a fait connaître que c'était « inadmissible », qu'il convenait de ne plus utiliser l'équipe de maçonnerie qu'elle avait mise en place sur ce chantier et pour les chantiers à venir, faute de quoi il se verrait dans l'obligation de mettre terme à leur partenariat.
Ces faits qui ont motivés le licenciement de M. X... le 22 mai 2010 sont donc précis et avérés.
Il ne résulte d'aucun des éléments produits qu'il se soit agi d'un prétexte et que son licenciement ait pu être-et a fortiori ait été-comme il le prétend la conséquence des réclamations concernant le paiement de son indemnité de transport en mars 2009 auxquelles il a été fait droit ; Il a d'ailleurs lieu de noter que M. X... avait antérieurement reçu deux avertissement, l'un le 14 mai 2008 pour absence injustifiée et comportement irrespectueux envers le chef d'équipe injurié devant témoin et abandon de son poste et l'autre en décembre 2008 pour des faits similaires à ceux retenus dans sa lettre de licenciement.
M X... est mal fondé à arguer de ce qu'il ne serait pas responsable des malfaçons parce qu'il n'aurait été qu'un des maçons de l'équipe ; en effet il résulte notamment de l'attestation de M Z... stagiaire qu'ils n'étaient que tous les deux sur ce chantier ; par ailleurs M Z... ne fait pas état et M X... ne prouve pas avoir, comme il le prétend, averti le chef d'équipe M A... mari de la gérante que le mur était déjà commencé et qu'il présentait un défaut au niveau briques ni, a fortiori, que celui-ci lui aurait répondu de « laisser tomber ».
La qualification de maçon niveau 3 coefficient 210 de M. X... ainsi que son ancienneté dans ce métier lui permettaient indiscutablement d'exécuter correctement ce travail consistant seulement à monter un mur et il ne peut donc soutenir de bonne foi que son insuffisance ainsi caractérisée aurait pour origine un manquement par son employeur à son obligation de formation.
Par ailleurs M X... avait déjà fait l'objet :
- d'un premier avertissement le 12 décembre 2008 pour manque de professionnalisme et de sérieux dans son travail, des clients s'étant plaints de manière répétée de la mauvaise qualité de son travail et de la mauvaise utilisation des matériaux de construction mis à sa disposition sur les chantiers et notamment sur les chantiers Géoxia : Brulé à Saint Logis et Caïa à Saint Jean d'Assé.
- d'un second avertissement exactement dans les mêmes termes le 28 octobre 2009 pour « manque de professionnalisme et de sérieux dans votre travail. En effet, notre client, la société Socoren s'est plainte à juste titre de la mauvaise qualité d'exécution de votre travail sur le chantier situé au Grand-Lucé... Nous vous avions demandé de « monter un mur » ¿ il s'est avéré que celui-ci ne pouvait être laissé tel que vous l'aviez maçonné sans mettre en péril le reste du chantier. Nous avons donc dû le démolir avant de le reconstruire. Ces faits démontrent un non respect de vos obligations de soin et de qualité de votre travail et freinent le bon déroulement des chantiers. Cette situation met par ailleurs en péril nos relations avec nos clients et par conséquent la situation économique et financière de notre société. Ces faits constituent un accomplissement défectueux de la tâche prévue dans votre contrat de travail et nous amènent donc à vous notifier une fois de plus par la présente lettre un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel. Ils révèlent également que vous n'avez en aucune façon tenu compte des précédents avertissements qui vous ont été adressés en décembre 2008 et en mars 2009. Si un tel accident se renouvelait, nous serons dans l'obligation à prendre votre encontre une sanction plus grave. Nous souhaitons donc vivement que vous fassiez le nécessaire pour un redressement rapide et durable de votre comportement ».
Ces malfaçons avaient alors donné lieu à des plaintes de la part des clients de la société A. M. A qui lui demandaient de ne plus faire travailler cet ouvrier sur les prochains chantiers faute de quoi ils se verraient dans l'obligation de prendre des dispositions radicales.
L'insuffisance professionnelle de M X... ainsi caractérisée et le fait avéré qu'elle a perturbé la bonne marche de l'entreprise menacée de perdre ses clients justifient que le jugement entrepris, qui a jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, soit confirmé.
L'équité commande le rejet des demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONSTATE que le jugement entrepris n'est pas contesté en ce qu'il a fixé la créance de M X... sur le redressement judiciaire de société A. M. A. à la somme de 1. 366, 92 ¿ à titre rappel de salaire pour heures supplémentaires.
CONFIRME ledit jugement entrepris en toutes ses autres dispositions.
Y ajoutant DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
CONDAMNE M X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODINAnne JOUANARD