COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00064.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 14 Décembre 2012, enregistrée sous le no F 12/ 00020
ARRÊT DU 31 Mars 2015
APPELANT :
Monsieur Philippe X...... 92200 NEUILLY SUR SEINE
non comparant-représenté par Maître Sophie LALLEMENT-JOFFE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
SAS FROMAGERIES PERREAULT 6 rue de Bellitourne-Azé CS 70416 53204 CHATEAU GONTIER CEDEX
SA A... 42 Rue Rieussec 78220 VIROFLAY
non comparantes-représentées par Maître Florence RICHARD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne JOUANARD, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 31 Mars 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE,
M. Philippe X... a été embauché en qualité de chef de produits senior par la société Gérard A... par contrat de travail à durée indéterminée du 17 juin 1996 et il y a travaillé jusqu'en décembre 1998.
Il a ensuite exercé ses activités professionnelles au bénéfice de la société Tipiak, puis Bain et Company puis dans une agence de marketing Promoactivité avant d'être embauché, le 3 mai 2004, en qualité de directeur marketing et R et D, par la société Riches Monts Groupe Sodiaal.
Dans le cadre d'un regroupement des activités de la société Compagnie des Fromages (groupe A...) et de la société Sodiaal International (Fromagerie Riches Monts), il a été créé la société CFR, Compagnie des Fromages et Richemonts à laquelle les contrats de travail des salariés de la société Sodiaal ont été transférés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
M. X... et la société Sodiaal ont signés une convention de résiliation du contrat de travail du salarié datée du 7 janvier 2008.
M X... a parallelement signé un contrat de travail avec la société Corman (filiale du Groupe A...) à effet du 1er janvier 2008 qui précise « le collaborateur bénéficie de son ancienneté acquise au Fromageries Riches Monts-Groupes Sodiaal soit au 3 mai 2004 ».
Par courrier du 24 juillet 2008 remis en mains propres, M. X... a notifié à son employeur sa démission pour des raisons familiales.
Par contrat en date du 14 novembre 2008, M. X... a été embauché, à compter du 17 novembre 2008, par la société Fromageries Perreault filiale du Groupe Soparind A... en qualité de directeur du développement LFA relevant de la catégorie « cadre dirigeant » moyennant un salaire annuel brut fixe, 13eme mois inclus, de 110 005 ¿ soit un salaire mensuel brut de 8 435 ¿, rémunération annuelle de base à laquelle s'ajoutait une prime conditionnelle d'objectifs versée annuellement à terme échu en fonction de l'atteinte de ses objectifs individuels et des résultats financiers collectifs suivant les modalités en vigueur dans l'entreprise dont le montant total pouvait atteindre 30 000 ¿ maximum. Son contrat de travail ne fait pas mention d'une reprise d'ancienneté.
La convention collective applicable à la relation de travail entre les parties était celle des industries laitières.
M. X... était hiérarchiquement rattaché au directeur général de la société Fromageries Perreault, pris initialement en la personne de Monsieur Y... et à la direction générale « activité » du groupe A....
Au départ de Monsieur Y... en avril 2010, Monsieur Z... a été nommé directeur général des Fromageries Perreault.
A partir de cette nomination des difficultés sont apparues et, après une affectation au siège du Groupe sur des missions marketing en janvier 2011, par lettre recommandée en date 16 juin 2011 M X... a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 juin 2011 en vue d'une « éventuelle mesure de licenciement ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 juillet 2011, il a été licencié dans les termes suivants :
« Je vous ai convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le 30 juin 2011 à 9 heures à l'Alliance, siège du Groupe Soparind A..., situé 42 rue Rieussec à Viroflay pour un entretien préalable à votre éventuel licenciement, entretien auquel vous ne vous êtes présenté.
Par la présente, j'ai le regret de vous notifier votre licenciement pour le motif personnel d'insuffisance et inaptitude professionnelles : vous n'avez exécuté ni votre travail ni vos missions de façon correcte et satisfaisante et avez adopté une attitude constamment accusatoire et critique vis-à-vis de votre hiérarchie et du Groupe, ainsi qu'un comportement inadapté a vos responsabilités.
Vous avez été embauché par la société les Fromageries Perreault le 17 novembre 2008 au poste de Directeur de Développement LFA, Statut Cadre Dirigeant.
Vous aviez notamment en charge : Le pilotage de la Business Unit Tranches/ Pâtes Pressées/ crèmes pour en accélérer le développement rentable L'amélioration de sa compétitivité industrielle ; Le développement des marques fortes et rentables dans le cadre du Grand Dessein de LFA en France et à l'Export : Le développement des produits nouveaux en cohérence avec les marques, dans les technologies de la Société en transversalité dans le Groupe ; La formation des collaborateurs et l'animation du service.
Vous disposiez à ce titre de la plus large autonomie dans l'organisation et la réalisation de ces missions ainsi que d'une équipe dédiée que vous deviez encadrer.
Vos insuffisances et inaptitudes à exécuter votre travail et vos missions de façon satisfaisante et avec qualité se sont traduites à de multiples reprises et ont été préjudiciables aux Fromagerie Perreault.
Ces insuffisances ont eu d'importantes répercussions chiffrées sur l'activité des Fromageries Perreault et sur lesquelles j'ai eu l'occasion de vous alerter. Je vous rappelle ainsi que notre activité sur l'année 2010 a accusé de ce fait :
Une activité en baisse et un retard important (-8. 5 %) par rapport à vos objectifs à l'Export (lesquels constituent les Y de votre activité) ;- la marque Fol Epi a connu une baisse du volume de-7. 7 % et n'a pas rencontré les objectifs budgétaires attendus (de-1, 5 %)- La marque Géramont a connu une baisse de volume de-5. 1 %- les marques de distributeurs ont connu un recul de-19. 1 %- une dégradation de la rentabilité en Allemagne liée à des lancements de nouveaux produits faiblement rentables et à une baisse de volumes sur le core-business.
Vous avez par ailleurs préconisé des investissements non rentables pour l'entreprise : à titre d'exemple, vous aviez recommandé de lancer des tranches carrées, avec une rentabilité négative, Sans mon intervention, cette décision n'aurait pas manqué de placer les Fromageries Perreault dans une situation très préjudiciable.
Vous avez également adopté des positions isolées (budgets promotionnels) en contradiction avec celles que je vous avais pourtant clairement indiquées.
En dépit de nombreuses alertes, vous n'avez pas su vous adapter à vos responsabilités et aux exigences inhérentes à votre fonction, me contraignant à intervenir personnellement pour pallier vos insuffisances.
L'ensemble de ces insuffisances traduit votre désengagement et votre manque d'intérêt dans la bonne exécution de vos missions, allant jusqu'à refuser de signer votre clause de délégation de pouvoir au mépris de vos obligations contractuelles.
J'ai moi-même dû faire le constat que vous délaissiez tant nos principaux clients que vos propres équipes.
Ainsi, le caractère superficiel de votre travail a été ressenti par nos clients allemands, lesquels se sont plaints d'un manque d'écoute de votre part, et alors même ces clients représentent 50 % de notre chiffre d'affaires. J'ai donc dû à nouveau personnellement intervenir pour rattraper ces erreurs.
Ce manque d'implication s'est traduit également par une présence physique insuffisante auprès de votre équipe manquant pleinement de ce fait à votre obligation contractuelle d'encadrement et de motivation ; ainsi, en dépit de votre engagement d'être présent 3 jours par semaine sur le site et malgré le départ de trois de vos collaborateurs, vous avez été présent moins de 2 jours par semaine sur l'ensemble de l'année 2010.
Votre absence a été tout autant remarquée sur le site de la société Rambol à Saint-Arnoult en Yvelines, également dans votre périmètre de compétence, obligeant Messieurs J..., Directeur d'usine, et K..., Responsable Développements Export à prendre en charge, à votre place, le développement de son activité.
Ces insuffisances professionnelles et comportementales vous ont été récemment rappelées par Monsieur B..., Directeur Général France A... SA, lors de votre entretien annuel d'évaluation portant sur l'année 2010. Son compte rendu fait ainsi ressortir qu'aucune des missions qui vous étaient imparties n'ont été menées de manière satisfaisante et que vos objectifs n'ont pas été atteints. Vos nombreuses défaillances notamment en termes de vision stratégique et de rentabilité sur le business tranches/ Pâtes Pressées (manque de précision, problème d'objectivité, retard volume...), en termes d'écoute vis-à-vis des valeurs du Groupe ont révélé une insuffisante maîtrise de poste par rapport au niveau requis. L'estimation du taux de votre prime d'objectif correspondant à vos objectifs personnels n'a d'ailleurs été que de 75 % pour l'année 2010, confirmant de ce fait ces insuffisances professionnelles et inaptitudes comportementales.
Confronté à cette situation, afin de trouver une solution conforme aux valeurs du Groupe, nous avons décidé, ensemble, lors d'un entretien qui s'est tenu le 22 novembre 2010 qu'il était dans votre intérêt et celui des Fromageries Perreault de repositionner vos missions. Cette décision, a été prise en application de votre contrat de travail et dans le respect du souhait que vous aviez exprimé d'évoluer au sein du Groupe A....
C'est donc de manière particulièrement surprenante que vous m'avez adressé, ainsi qu'à Messieurs B... et C..., plus d'un mois après la confirmation de cette décision, un courrier portant à mon encontre de graves accusations dénuées de tout fondement.
En dépit de la virulence des propos tenus et de leur caractère totalement fantaisiste, voire diffamatoire, nous avons décidé de ne pas revenir sur l'engagement qui avait été pris de vous repositionner, pour vous faire évoluer au sein du Groupe A....
C'est donc dans ces circonstances particulières que le Groupe vous a confié des missions au siège à compter du 2 février 2011.
Il était légitimement attendu de votre part que vous fassiez preuve de la plus grande implication dans ces missions et que vous adoptiez un comportement à la hauteur de vos responsabilités et de votre qualification.
Nous avons cependant dû faire le constat qu'aux insuffisances déjà relevées, votre comportement était manifestement incompatible avec vos missions et préjudiciable à l'intérêt de l'ensemble du Groupe. Ainsi, un mois à peine après votre arrivée au siège, vous avez pris l'initiative d'écrire directement à Monsieur A..., Président du Groupe, pour remettre en question ces missions et déplacer de la sorte le débat de la réalité de vos compétences professionnelles sur un terrain strictement personnel.
Cette démarche inappropriée a conduit Madame D..., Directrice Générale Marketing Groupe, auprès de qui vos missions s'exerçaient, à vous rappeler l'ensemble des moyens mis à votre disposition pour les accomplir, vous conduisant naturellement à mettre un terme à vos réclamations infondées.
Pourtant, votre attitude critique et contestataire a repris le dessus. En effet, Monsieur E..., Directeur Général Ressources humaines du Groupe, s'est personnellement impliqué dans le suivi de votre dossier et vos souhaits de repositionnement comme en témoignent les nombreux emails échangés, y compris en mobilisant les ressources et compétences internes pour ce faire.
Or, les échanges qui ont suivi entre vous et Monsieur E... constituent le point d'orgue de votre opposition délibérée et réitérée à l'égard de toute forme de hiérarchie. Vous avez ainsi multiplié les emails véhéments sur des sujets dont les réponses vous avaient été cependant fournies comme votre prime d'objectif. Cet acharnement n'était en aucun cas justifié puisqu'il vous avait été clairement rappelé que le versement de cette prime interviendrait dès que votre entretien d'évaluation pour l'année 2010 aurait été réalisé. Le principe du versement de cette prime n'a donc jamais été remis en cause et un acompte de cette prime vous a d'ailleurs été versé.
Surtout, vous vous êtes évertué à contester toute décision prise par la direction en multipliant les accusations, les polémiques et les sous-entendus sur une attitude prétendument adoptée par le Groupe à votre égard.
Ainsi, vous avez mis en doute la bonne foi de Monsieur E... et lui avait prêté des intentions malveillantes en lui reprochant, par exemple, d'avoir répondu le 6 mai 2011, jour du décès de votre père, à votre première demande d'explication sur votre prime d'objectifs faite le 5 mai 2011 ; vous avez de la même manière mis en cause, sans fondement, les compétences professionnelles de Monsieur B....
De surcroît, après avoir été personnellement la cible de vos accusations, vous avez reporté vos accusations déplacées de prétendu « harcèlement moral » à l'encontre de Monsieur B..., puis de Monsieur E... lui-même.
De tels faits caractérisent votre volonté polémique et un comportement visant à discréditer votre hiérarchie, votre remise en cause systématique de ses directives créant un climat de travail tendu et préjudiciable, incompatible avec les responsabilités qui vous étaient confiées.
Cette attitude harcelante est d'autant moins compréhensible que nous avons entrepris tous les efforts pour vous accompagner.
En conséquence, l'ensemble de ces faits rendent impossible votre maintien au sein de l'entreprise et fondent notre décision de procéder à votre licenciement. Nous entendons vous dispenser de votre préavis, votre rémunération vous étant intégralement payée aux échéances habituelles. »
Suivent les informations sur la remise des documents obligatoires, le crédit de formation au titre de son droit individuel à la formation, la possibilité de bénéficier du maintien des garanties complémentaires santé et prévoyance appliquées dans l'entreprise et le renonciation par l'employeur à la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail.
Contestant son licenciement et soutenant qu'il lui restait dû des soldes de salaires, de primes, d'indemnités de déplacement et des heures supplémentaires et que son employeur s'était rendu coupable de harcèlement moral, d'une exécution de mauvaise foi du contrat de travail et d'une violation à son obligation de sécurité, le 27 janvier 2012 M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de demandes en paiement subséquentes.
Par jugement contradictoire à la société Fromageries Perreault et à la société A... en date du 14 décembre 2012, le conseil de prud'hommes de Laval :- a dit que le seul et unique-employeur de M. X... était la société Fromageries Perreault,- a dit que Monsieur X... avait le statut de cadre dirigeant,- a fixé l'ancienneté de M. J... au sein de la société Fromageries Perreault, au 17 septembre 2005,- a dit que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse,- a condamné la société Fromageries Perreault, à verser à M. X... les sommes de 1 051 ¿ au titre de la prime pour objectif 2010, 5 248, 90 ¿ au titre de la prime pour objectif 2011 et 8 698, 50 ¿ au titre de primes d'ancienneté y compris les congés payés y afférents,- a dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal conformément aux articles 1153 et 1153-1 du code civil et qu'ils seront capitalisés en application de l'article 1154 du même code,- a condamné la société Fromageries Perreault à délivrer à M. X... des bulletins de salaire et attestations pole emploi rectifiés conformes à sa décision,- a rappelé l'exécution provisoire de droit et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 16 541 ¿,- a condamné la société Fromageries Perreault, à verser à M. X... la somme de 700 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- a débouté M. X... de ses autres demandes-a débouté la société Fromageries Perreault de ses demandes reconventionnelles et l'a condamné aux dépens.
Par lettre recommandée reçue au greffe le 9 janvier 2013 M. X... a régulièrement relevé appel de ce jugement à l'encontre des sociétés Fromageries Perreault et A....
MOYENS ET PRETENTIONS,
Dans ses conclusions régulièrement communiquées déposées le 16 février 2015 et à l'audience M. X... demande à la cour :
- de confirmer le principe de versement des primes d'ancienneté et d'objectifs mais de condamner solidairement les sociétés Fromageries Perreault et A... à lui verser la somme de 4 900, 61 ¿ au titre de la prime d'ancienneté, la somme de 1 359, 91 ¿ au titre des congés payés afférents à la prime d'ancienneté totale, la somme de 22 195, 50 ¿ au titre d'un solde d'indemnité de licenciement, la somme de 6 007, 50 ¿ au titre d'un solde de prime sur objectif 2010, la somme de 49 623 ¿ à titre de dommages et intérêts pour sanction pécuniaire et la somme de 661, 10 ¿ au titre d'un solde de prime sur objectif 2011,
- d'infirmer le jugement en ses autres dispositions et de condamner les sociétés Fromageries Perreault et A... à lui verser :- au principal la somme de 198 492 ¿ au titre de son licenciement nul et celle de 75 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,- subsidiairement la somme de 198 492 ¿ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- d'ordonner la remise des bulletins de salaire et de l'attestation Pole emploi conformes,- d'ordonner la capitalisation des intérêts,- de condamner les sociétés Perreault et A... à lui verser la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir en résumé :
- que lors de la rupture de son contrat de travail il avait, non pas 6 ans et 3 mois d'ancienneté mais 9 ans et 9 mois dès lors que le temps pendant lequel il a été salarié de la société Sodiaal-soit entre le 3 mai 2004 et le 1er janvier 2008- doit être pris en considération de sorte qu'il lui reste dû un solde de primes d'ancienneté et de licenciement dont il explique et justifie l'évaluation aboutissant aux sommes demandées ; que cette prise en considération résulte :- d'une part de l'usage existant dans le groupe A... qui a ainsi pris en compte, comme pour les autres salarié, son ancienneté depuis 1996 correspondant à l'origine de son intervention dans le groupe (attestation du 2 mars 2009, compte rendu d'entretien annuel d'évaluation, bulletin de salaire de janvier 2012) ;- d'autre part du fait que son contrat de travail avec la société Sodiaal a été transféré par application de l'article L. 1224-1 du code du travail lors de la création de la société CFR et le transfert à cette société des activités fromagères et laitières des sociétés Sodiaal et A..., la résiliation amiable de son contrat de travail le liant avec la société Sodiaal étant sans effet et n'emportant pas renoncement de sa part au bénéfice des dispositions de ce texte ; que ce transfert de son contrat de travail a d'ailleurs été pris en compte ainsi que le démontrent d'une part le courrier qui lui a été adressé par les services des ressources humaines en charge du partenariat entre ces deux sociétés et d'autre part les termes de son contrat de travail avec la société Corman, société du Groupe ;
- que la nullité de son licenciement résulte du harcèlement moral dont il a été victime et qui est caractérisé par une exclusion mise en ¿ uvre à son encontre qui a révélé des faits constitutifs de violence morale caractérisée et de stress managérial, une entreprise de déstabilisation et de dévaluation dirigée à son encontre qui s'est accompagnée de faits marquants tenant au dénigrement sur son travail, à l'expression de réflexions blessantes sur son titre, son salaire, de sarcasmes sur ses compétences, son expérience et encore sa personne, par le fait d'avoir vider son poste de directeur marketing LFA de son contenu pour le restreindre à de seules interventions marketing et l'orienter sur une voie d'isolement en novembre 2010 après avoir mis un terme effectif à sa fonction de directeur marketing LFA au sein des fromageries Perreault, par l'affectation « au siège » sur des missions marketing constitutive d'une modification de son contrat de travail compte tenu notamment de la dénaturation de ses fonctions et prérogatives initiales, les rares attributions confiées ne correspondant pas à son niveau d'expérience et constituant une nette rétrogradation et un manque de considération, une politique d'incitation au départ mise en ¿ uvre par cet isolement et cette exclusion aboutissant à son licenciement, ces agissements ayant entraîné une dégradation avérée de son état de santé et justifiant la nullité de son licenciement,
- que l'absence de mesures prises par l'employeur pour éviter le harcèlement moral dont il a été victime et sa mise en danger caractérisent un manquement à son obligation de sécurité justifiant sa condamnation à lui verser des dommages et intérêts ;
- subsidiairement que son licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse-parce qu'en réalité les Fromageries Perreault ont mis un terme à sa collaboration par un courrier de M Z... directeur général le 29 novembre 2010 entraînant licenciement de fait, licenciement verbalement confirmé par M Z... lors d'un entretien le 17 décembre 2010, et qu'ensuite, le 31 janvier 2011, au motif de ses prétendues insuffisances professionnelles, il s'est vu confier des missions marketing, cette affectation caractérisant, compte tenu de ses responsabilités antérieures, une modification de son contrat de travail et s'étant au surplus révélée n'être qu'un leurre dans ses contenus, l'employeur ne lui ayant pas donné par ailleurs les outils nécessaires pour les réaliser ;- parce que son licenciement est, aux termes de la lettre qu'il a reçue, fondé sur des motifs disciplinaires de sorte que l'employeur était soumis au régime de la sanction disciplinaire et de la prescription des faits fautifs et que tous les griefs retenus sont prescrits ;- parce que les griefs subsidiaires visés, qui se rapportent à une activité qu'il avait cessé d'exercer huit mois plus tôt, sont infondés et en contradiction avec les résultats de la structure, des manifestations de satisfaction exprimées par les dirigeants sur les chiffres et les volumes, outre l'atteinte par lui des objectifs reconnus dans le calcul des primes sur objectifs ainsi qu'il le détaille plus avant et en justifie ;- subsidiairement parce que, alors que du fait de la cessation de ses fonctions au sein de la société Fromageries Perreault en novembre 2009, son contrat de travail avec cette société est venu à terme et que son affectation sur de nouvelles fonctions au sein de la société A... a généré une novation de son contrat, il appartenait à la société A... de le licencier ce qu''elle n'a pas fait ;
- que ses demandes de solde de primes sur objectifs sont justifiées ; qu'elles doivent être évaluée sur l'assiette retenue l'année précédente dans la mesure où il n'a pas été informé de leur assiette préalablement ni en début d'exercice et où il ne lui a pas été fixé d'objectifs personnels et enfin où, son contrat de travail étant trop imprécis sur ce point, le juge doit procéder au calcul de la rémunération suivant les modalités de l'année précédente ;
- que la rétention abusive de la prime d'objectif 2010 ensuite de la dénonciation de harcèlement moral et ce alors que tous les autres collaborateurs l'ont perçu en avril 2011, est constitutive d'une sanction financière préjudiciable lui ouvrant droit à indemnisation en application des articles L. 1331-2 et L. 1334-1 du code du travail ;
- qu'à compter du mois de janvier 2011 après notification de la rupture de sa collaboration avec la société Fromageries Perreault, il a été exclusivement rattaché à la société A... qui est devenue son employeur de fait de sorte que les deux sociétés devront être solidairement condamnées.
Dans ses conclusions régulièrement communiquées déposées le 17 février 2015 et à l'audience les sociétés Fromageries Perreault et A... demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Fromageries Perreault à verser à M. X... les sommes de 1 051 ¿ au titre de la prime d'objectif 2010, 5 248, 90 ¿ au titre de la prime d'objectif 2011 et 8 698, 50 ¿ au titre de primes d'ancienneté y compris les congés payés y afférents et en ce qu'il a débouté cette société de sa demande en paiement d'une somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail,
- de confirmer ce jugement en ses autres dispositions,
- de condamner M X... à verser à la société Fromageries Perreault la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elles font essentiellement valoir :
- que l'action de M X... dirigée contre la société A... est irrecevable car dépourvue de fondement juridique parce que la société Fromageries Perreault est effectivement son seul employeur, que M. X... l'a toujours considéré comme tel et que le fait d'appartenir à un groupe-la société Fromageries Perreault est une filiale de la société A...- ne permet pas au salarié de la filiale de se prétendre salarié de la société mère ; que si M. X... a été amené à prendre des missions au sein du groupe c'est à sa demande et sans que, pendant ces missions, son contrat de travail avec la société Fromageries Perreault soit rompu ;
- que les demandes de rappel de primes et d'indemnités sont injustifiées :- parce que son ancienneté au 17 septembre 2005 a été à bon droit retenue par le conseil de prud'hommes qui a justement considéré que, dans la mesure où M. X... avait négocié une résiliation amiable de son contrat de travail avec la société Sodiaal, qui ne faisait pas partie du groupe Soparind A..., son contrat de travail n'avait pas été transféré à la société Corman, lors de la création de la CDF, de sorte que sa période d'emploi au sein de la société Sodiaal ne pouvait être prise en compte à ce titre ; que le fait que la société Corman soit une filiale du groupe Soparind A... est sans effet à cet égard dès lors qu'aucune disposition légale ne contraint l'employeur à comptabiliser les expériences professionnelles passées au sein d'entités appartenant au même groupe, que M. X... n'a jamais été muté d'une société à l'autre et qu'il a toujours mis fin à ses contrats de travail par la démission ou la résiliation amiable ;- parce que, si la société Fromageries Perreault a volontairement et généreusement pris en compte une ancienneté au 17 septembre 2005 pour tenir compte de sa période d'emploi dans la société Gérard A... du 17 juin 1996 jusqu'en décembre 1998, aucun engagement de sa part ne permet de considérer, comme le prétend M. X..., que sa période d'emploi au sein d'une société tierce, la société Sodiaal, doive être prise en compte, les documents produits par le salarié ne démontrant pas un tel engagement de sa part ;- parce que, au-delà du fait qu'il n'y avait pas droit dans la mesure où son ancienneté a été justement retenue au 17 septembre 2005, le calcul du solde d'indemnité conventionnelle de licenciement fait par le salarié est erroné parce qu'exprimé en net alors qu'il se base sur une moyenne de salaire brut,- parce que, s'agissant de la demande de rappel de salaire au titre de cette prime d'ancienneté, c'est à tort que le premier juge l'a condamné au paiement de la somme de 8 698, 50 ¿ ; que la demande de versement complémentaire de M. X... est infondée, dès lors qu'elle n'a, volontairement et sans y être obligé, retenue une ancienneté au 17 septembre 2005 à seule fin de calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que cette date ne peut donc être prise en compte par le salarié au soutien d'une demande de solde de prime d'ancienneté ;- parce que ses primes d'objectifs ont été correctement calculées et qu'aucune somme complémentaire n'est dû au salarié qui, contrairement à ce qu'il prétend, avait eu connaissance tant de ses modalités de calcul en début d'exercice que des objectifs personnels qui étaient fixés et évalués lors de chaque entretien annuel d'évaluation ; que selon ces règles, cette prime avait été fixée en début d'année 2010 un accord étant intervenu avec M. X... pour réévaluer son salaire et consécutivement ajuster sa prime d'objectif potentielle à 23 700 ¿ brut, accord qui avait reçu exécution ; que la somme qui lui a été versée au titre de ces primes correspondait à la somme due en considération de ce qu'il avait rempli ses objectifs personnels à 75 % en 2010 et à 100 % en 2011 (au prorata de son temps de présence dans l'entreprise en 2011) ;
- que la demande de M. X... en dommages et intérêts pour sanction financière du fait du paiement tardif des primes est injustifiée parce qu'elles lui a été normalement versées pour partie en mai 2011 et le solde en juillet 2011, un mois après la tenue de son entretien d'évaluation qui n'a pu avoir lieu plus tôt en raison de son refus de se voir évaluer par M B... et du décès de son père ;
- que le licenciement ne peut être annulé parce que M. X... n'apporte aucun élément probant de nature à laisser présumer un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie et ce notamment alors :- qu'il ne produit aucune pièce probante au soutien de son allégation de prétendues réflexions blessantes qui ne lui ont jamais été faites ;- qu'il ne justifie pas que l'attitude professionnelle de M. Z... générait une démotivation de ses équipes alors que c'est lui qui, dès l'arrivée de M Z..., s'est placé en opposition systématique en se prétendant victime ; que le fait que ce dernier soit en désaccord avec lui et le lui ait fait savoir ne caractérise pas un harcèlement moral ou managérial alors que par ailleurs les documents qu'elle produit permettent de constater que M. X... n'a cessé d'adopter un comportement de dénigrement à l'égard de M. Z... en niant ses fonctions de directeur général et en mettant constamment en doute ses compétences et ses décisions ;- qu'il utilise le décès de son père en mai 2011 pour alléguer d'une prétendue indifférence et un soit disant mépris de son employeur qui sont parfaitement injustifiés ;- qu'il n'a jamais été mis à l'écart et ne s'est pas vu imposer une affectation dans la mesure où il a toujours bénéficié d'autonomie, a toujours pu réaliser les missions et les responsabilités confiées, M. Z... ayant toujours répondu à ses interrogations et l'ayant normalement investi dans la conduite des dossiers ; qu'il en a été de même dans le cadre de ses missions au siège correspondant à l'évolution souhaitée par lui au sein du Groupe ; qu'en effet son repositionnement sur des missions au siège correspondait à un souhait exprimé par M. X... dès février 2010 ainsi qu'elle en justifie par les documents produits, affectation qu'il a acceptée et dont il ne s'est d'ailleurs jamais plaint ; que cette affectation ainsi acceptée n'a pas modifié son contrat de travail alors que ses conditions d'emploi, son statut, sa fonction, sa rémunération et ses avantages sociaux sont demeurés inchangés, qu'en outre son contrat de travail contenait une clause de mobilité prévoyant la possibilité d'être affecté dans l'une des sociétés du Groupe et qu'il a pris en charge ces fonctions pendant plus de 8 mois avant son licenciement ; que d'ailleurs contrairement à ce qu'il prétend, il n'a pas fait l'objet d'un licenciement à cette époque, la preuve en étant qu'il a postérieurement exercé ses missions de directeur de développement LFA ;- que ses primes d'objectifs lui ont été normalement versées ;- que les documents médicaux produits, dont certains n'ont aucune valeur sérieuse pour avoir été établis à sa demande expresse, ne font pas la preuve du harcèlement moral ;- enfin, que la personnalité de M. X... telle que le démontrent les documents produits-et notamment les mails adressés à sa hiérarchie-explique ses accusations et leur incohérence et inconsistance ;
- qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité-résultat alors que le harcèlement moral allégué n'est pas avéré et qu'elle a exécuté le contrat de bonne foi en convenant avec lui d'une « solution de repositionnement acceptée par lui compte tenu notamment des insuffisances professionnelles au poste d directeur de développement LFA » ;- que le motif du licenciement-exclusivement fondé sur les insuffisances professionnelles de M X... de sorte que le délai de prescription applicable en matière disciplinaire est inopposable-est réel et sérieux ainsi qu'elle le démontre par les documents produits en analysant successivement les différentes insuffisances auxquelles s'ajoute le comportement agressif et discourtois du salarié lors de son affectation au siège et ses pressions pour obtenir un poste aux Etats Unis et en faisant valoir les perturbations qu'il créait dans l'entreprise ; qu'à cet égard, la société A... qui n'était pas son employeur, n'avait pas à lui notifier son licenciement ;
- à titre subsidiaire que les demandes indemnitaires de M. X... sont fantaisistes alors qu'il a retrouvé un emploi en mars 2012 soit moins de 6 mois après son licenciement et que la somme demandée est déconnectée de son salaire et de son préjudice ;
- qu'elle est fondée en sa demande en paiement sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail (le contrat de travail est exécuté de bonne foi) compte tenu des manquements avérés de M X... à ses obligations contractuelles d'exécution loyale et de confidentialité tenant au fait pour M X... d'avoir cherché à négocier sous peine de poursuites judiciaires y compris d'ordre pénal et d'avoir, postérieurement à son licenciement, tenté de récupérer le contenu de sa messagerie professionnelle.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties il convient de se reporter à leurs écritures ci dessus visées figurant au dossier de la procédure et aux débats à l'audience du 17 février 2015.
MOTIFS DE LA DECISION,
M X... était lié par un contrat de travail en date du 14 novembre 2008 avec la société Fromageries Perreault qui l'a embauché, à compter du 17 novembre 2008, en qualité de directeur du développement LFA relevant de la catégorie « cadre dirigeant ».
La chartre de poste de M. X..., à laquelle le contrat de travail fait référence, détaille ses missions, son raccordement hiérarchique et fonctionnel, ses responsabilités et ses critères de performance.
Ses missions étaient de piloter la business Unit tranches/ PP/ Crèmes pour en accélérer le développement rentable, développer des marques fortes et rentables dans le cadre du Grand Dessein de LFA en France et à l'export, de développer les produits nouveaux avec les marques dans les technologies de la Société en transversalité dans le groupe, d'améliorer la compétitivité industrielle de la BU, de former ses collaborateurs et d'animer le service.
Il était hiérarchiquement rattaché au directeur général de la société Fromageries Perreault, pris initialement en la personne de Monsieur Y... et fonctionnellement rattaché à la direction générale « activité » du groupe A... et aux directions générales et marketing des filiales export.
Son lieu d'exercice se situait à Azé
La société Fromageries Perreault est une filiale du Groupe A... Sofarind.
M F... était le vice président directeur général du Groupe, M B... le directeur général France, M Z... le directeur général de la société Fromageries Perreault, M E... le directeur général des ressources humaines du groupe et M. C... le directeur des relations humaines et sociale de la société Fromageries Perreault
Sans qu'à ce niveau de l'exposé des faits la cour prenne quelque position que ce soit, il ne fait pas débats, et en tout cas il est établi, que des difficultés relationnelles sont nées entre M. X... et M. Z... directeur général de la société qui est devenu son supérieur hiérarchique en remplacement de M. Y... en avril 2010, difficultés dont M. X... a avisé sa hiérarchie en la personne de M. B... et M E... les 10 et 12 novembre 2010 ainsi que M C... le 20 novembre suivant en se plaignant " de ce qu'il subissait depuis plusieurs mois une rétrogradation de ses fonctions et faisait l'objet d'un dénigrement systématique de sa personne et de son travail passant par des critiques ou des réflexions blessantes " puis M. F... de la société A... le 19 décembre.
M. Z... et M. X... ont eu un entretien le 22 novembre suivi d'un courrier de M. Z... du 29 novembre lui confirmant qu'ensuite de leur entretien du 22 sa mission au sein des Fromageries Perreault devait prendre fin " pour les raisons exposées ci-dessous : une présence sur le site d'Azé insuffisante pour assurer le bon fonctionnement du service et l'animation des équipes et des difficultés à conduire le dossier Tranches en Europe, particulièrement en Allemagne. Daniel B... lors d'un entretien à fixer rapidement te précisera les contours de la mission qui te sera proposée au sein du Groupe ".
M. Z... et M. X... ont eu un nouvel entretien le 17 décembre dont M. X... a fait un résumé personnel qu'il a envoyé à M. Z... par courriel et courrier recommandé du 3 janvier 2011 et auquel M Z... a répondu le 24 janvier en lui rappelant les nombreux reproches sur son travail qu'il lui avait formulé régulièrement et en contestant lui avoir tenu des propos désobligeants.
Le 19 décembre M. X... a, à nouveau, écrit à M F... au siège du Groupe pour lui faire connaître que M Z... lui avait dit qu'il était licencié, qu'il n'avait plus sa place dans le groupe et lui demander d'intervenir.
M X... a poursuivi son travail en janvier 2011 (échange de mail entre lui et M. Z... et une discussion sur la décision de geler une campagne pour un produit) puis, par courrier de M. E... en date du 31 janvier 2011, il s'est vu confier- " dans le cadre de son contrat de travail et comme ils en ont convenus lors de leurs entretiens "- une mission marketing consistant à procéder à une analyse des marchés et de la concurrence de la société A... SA pour l'ensemble du monde et à participer à l'étude du nouveau projet de plateforme Digital France.
M. X... a pris ses fonctions dans les locaux de la Direction Marketing Groupe début février 2011 avec rattachement hiérarchique à M. B... et maintien de toutes ses conditions d'emploi.
Par lettre recommandée en date 16 juin 2011 M X... a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 juin 2011 en vue d'une éventuelle mesure de licenciement et il a été licencié le 5 juillet 2011 dans les termes ci-dessus repris.
Sur la recevabilité de l'action de M X... en ce qu'elle est dirigée contre la société A...,
M. X... était lié par son contrat de travail à la société Fromageries Perreault et il a été licencié par son employeur aux termes d'une lettre signée par M. Z... directeur général de cette société.
Sans répondre clairement à ce moyen d'irrecevabilité, pour maintenir sa demande en condamnation solidaire des sociétés Fromageries Perreault et A... SA au paiement de toutes les indemnités qu'il réclame, M X... fait exclusivement valoir « qu'il a été exclusivement rattaché à la société A... à compter du mois de janvier 2011 suivant la rupture de sa collaboration qui lui a été notifiée par la société Fromageries Perreault de sorte que la société A... est devenue son employeur de fait ».
Or si par là M X... prétend avoir eu deux employeurs successifs dans le temps et/ ou qu'il y aurait eu novation de son contrat de travail, il ne peut requérir une condamnation solidaire de ces deux employeurs au paiement de sommes qu'il estime lui être dues tant au titre de l'exécution de son contrat de travail qu'au titre de sa rupture.
Si par là il estime qu'il y a eu coemploi, il lui appartenait de l'alléguer clairement et de le justifier, ce qu'il ne fait pas, étant précisé que le seul constat de ce que la société Fromageries Perreault soit une filiale de la société A... SA ne lui permet pas, en tant que salarié de la filiale, de se prétendre salarié de la société mère dès lors que la nécessaire coordination des actions économiques entre les deux sociétés appartenant à un même Groupe et l'état de domination économique de la société A... SA sur la société Fromageries Perreault que cette appartenance a pu engendrée ne suffisent pas à considérer la SA A... comme co-employeur de M. X... salarié de la société Fromageries Perreault.
Il s'ensuit que la société Fromageries Perreault ayant été et étant restée le seul employeur de M. X... jusqu'à la rupture de son contrat de travail en juillet 2011, ses demandes à l'encontre de la société A... SA doivent être jugé irrecevables.
Sur les sommes dues au titre du contrat de travail :
Sur l'ancienneté de M X... et ses conséquences sur l'indemnité conventionnelle de licenciement et la prime d'ancienneté,
Le premier juge a considéré que, pour le calcul des droits de M X... tenant compte de son ancienneté, à savoir l'indemnité conventionnelle de licenciement et les primes d'ancienneté, il y avait lieu de prendre en considération sa période d'emploi de 1996 à 1998 comme salarié de la société Gérard A... et sa période d'emploi en 2008 comme salarié de la société Corman outre sa période d'emploi au sein de la société Fromageries Perreault.
M X... prétend que sa période d'emploi du 3 mai 2004 au 1er janvier 2008 au service de la société Sodiaal doit également être prise en compte.
La société Fromageries Perreault ne conteste pas le jugement en ce qu'il a pris en compte les périodes d'emploi de M X... en 1996/ 1998 et celle de 10 mois en 2008 au sein de la société Corman et fixé ainsi fictivement l'ancienneté de M X... au 17 septembre 2005 mais s'oppose à la demande de M. X... de prise en compte de sa période d'emploi au service de la société Sodiaal.
Elle prétend par ailleurs que les périodes d'emploi de M X... en 1996/ 1998 et en 2008 ne peuvent être prises en compte en terme d'ancienneté que pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement et non pour les primes d'ancienneté susceptibles de lui être dues. Elle s'oppose à la prise en compte de la période d'emploi du salarié au service de la société Sodiaal.
Sur la prise en compte dans l'ancienneté de M. X... de sa période d'emploi au service de la société Sodiaal,
Les dispositions de la convention collective nationale de l'industrie laitière du 20 mai 1955 prévoit en son article 5-5 que l'ancienneté du salarié s'apprécie au 1er jour du mois anniversaire et, qu'à moins qu'il n'en soit stipulé autrement, l'ancienneté dans l'entreprise à prendre en considération pour l'application des dispositions de la présente convention et de ses annexes est déterminée en tenant compte, pour le personnel sous contrat à durée indéterminée, de la présence continue dans l'entreprise, c'est-à-dire du temps écoulé depuis la date d'engagement du contrat de travail en cours, sans que soient exclues les périodes pendant lesquelles le contrat de travail était suspendu telles que et enfin, de la durée des contrats antérieurs dans l'entreprise, à l'exclusion toutefois de ceux qui auraient été rompus pour faute grave ou démission du salarié.
Dans le cadre d'un regroupement des activités de la société Compagnie des Fromages (groupe A...) et de la société Sodiaal International (Fromagerie Riches Monts) employeur de M X..., il a été créé la société CFR, Compagnie des Fromages et Richemonts.
Il n'est pas discuté-ni discutable au regard du courrier de la DRH de la société CFR du 25 février 2008- que les contrats de travail des salariés de la société Sodiaal ont été transférés à cette nouvelle société en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
M X... n'a pas démissionné de son emploi lors de ce transfert.
Le fait qu'il ait signé avec la société Sodiaal une convention de résiliation de son contrat de travail datée du 7 janvier 2008 prévoyant qu'elle était conclue alors que M X... était informé du partenariat avec transfert activités, que l'opération avait donné lieu à information et consultation des institutions représentatives du personnel, qu'il avait demandé que son cas personnel soit traité en dehors du cadre juridique ci-dessus et qu'il lui soit fait un traitement personnalisé tenant compte de son parcours, ne permet pas ispo facto de ne pas tenir compte de sa période d'emploi dans une société « absorbée » dans le groupe A....
Au surplus et surtout, M X... a simultanément signé avec la société Corman, autre filiale du Groupe A..., un contrat de travail à effet du 1er janvier 2008 qui précise clairement que « le collaborateur bénéficie de son ancienneté acquise au Fromageries Riches Monts-Groupes Sodiaal soit au 3 mai 2004 »
Par ailleurs, par courrier du 25 février 2008, soit postérieurement à la signature de son contrat de travail avec la société Corman, la DRH de la nouvelle société l'a personnellement informé de la création de cette société CFR et lui a confirmé que son contrat de travail Richemont se poursuivait en application de L. 122-12 du code du travail et que cette mutation ne modifiait aucun des éléments de sa rémunération : ancienneté, qualification, rémunération de base, acquis à cette date.
Il s'en déduit que la société Corman-Groupe A...- a volontairement accepté la reprise, dans l'ancienneté de M. X..., de sa période d'emploi chez Sodiaal, manifestation de volonté confirmée par la suite par la direction.
Les mentions des bulletins de salaire de M X... établis par la société Fromageries Perreault qui indique une entrée dans l'entreprise au 17 novembre 2008 sont sans conséquence efficace sur ce point.
Il y a lieu en conséquence, par infirmation du jugement, de dire et juger que l'ancienneté de M. X... à prendre en considération comprend, outre les périodes définitivement admises par la société Fromageries Perreault comme devant être prises en compte, sa période d'emploi du 3 mai 2004 au 31 décembre 2007.
Il est alors effectivement dû à M X... au titre d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 22 195, 50 ¿ brut.
Sur la portée de cette ancienneté,
Alors que la société Fromageries Perreault n'explique, ni a fortiori ne justifie, des raisons pour lesquelles cette ancienneté ne vaudrait que pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement et non pour celui des primes d'ancienneté, il doit être admis que toutes les périodes ayant servies à déterminer cette ancienneté doivent être prises en compte pour l'évaluation de toutes les indemnités qui en dépendent.
Il est alors dû à M X..., au titre de rappel de primes d'ancienneté la somme non discutée dans son quantum de 4 900, 61 ¿ au titre d'un solde de prime d'ancienneté et celle, non discutée dans son principe ni dans son quantum, de 1 359, 91 ¿ au titre des congés payés afférents à la prime d'ancienneté totale.
Sur le solde de primes d'objectifs,
M. X... a perçu en juillet 2011 la somme de 21 449 ¿ au titre de la prime d'objectif 2010 et de 17 856, 10 ¿ au titre de la prime d'objectif 2011 proratisée, ces sommes ayant été calculées sur une assiette de 23 700 ¿.
Pour prétendre au paiement d'un solde de primes, le salarié conteste l'assiette ainsi retenue par l'employeur en indiquant que dans la mesure ou il n'avait pas été informé de l'assiette de ces primes préalablement ni en début d'exercice et où il ne lui avait pas été fixé d'objectifs personnels et enfin où, son contrat de travail était trop imprécis sur ce point, il y avait lieu pour la cour de procéder au calcul de ces primes suivant les modalités de l'année précédente ; que la base de référence de l'année 2009 était de 28 507, 50 ¿ (en considération du fait que ses objectifs personnels avaient été remplis à 75 %). de sorte qu'il lui restait dû sur 2010 un solde de 7 058, 50 ¿ et sur 2011 un solde de 5 910 ¿.
Le contrat de travail de M X... prévoit qu'à son salaire annuel fixe s'ajoute une prime conditionnelle d'objectifs versée annuellement à terme échu en fonction de l'atteinte de ses objectifs individuels et des résultats financiers collectifs suivant les modalités en vigueur dans l'entreprise dont le montant total « pourra atteindre » 30 000 ¿ maximum. Il fixe donc un montant maximum de prime.
Ceci posé, la question de la fixation ou non des objectifs est sans incidence dans la mesure où M. X..., en soutenant que la somme qui lui est due doit être identique à celle de l'année précédente, admet ipso facto que le pourcentage d'objectif personnel qui doit être retenu pour les années 2010 et 2011 est de 75 % qui est celui qui a été pris en compte pour l'évaluation de la prime qui lui a été versée en 2010 au titre de l'année 2009.
En second lieu, outre que M. X... en sa qualité de membre du comité direction en avait nécessairement connaissance, la question de la connaissance par lui de l'assiette de ces primes préalablement ou en début d'exercice ne se pose pas d'avantage dans la mesure où ça n'est pas sur cette assiette que l'employeur a évalué les primes due au salarié et que ça n'est pas non plus sur cette assiette que M. X... évalue ce qu'il estime lui être dû.
En réalité la seule question qui se pose est celle de déterminer si, comme le prétend la société Fromageries Perreault pour s'opposer à la demande de M. X..., un accord est intervenu entre les parties pour fixer l'assiette de la prime à laquelle pouvait prétendre le salarié à 27 300 ¿.
Pour preuve de cet accord, l'employeur produit un document daté du 22 mars 2010 établi et signé par la direction qui récapitule la situation de M X... en 2009 à savoir : un salaire de 110 00 ¿, une PO théorique de 30 000 ¿ soit 27, 27 % du salaire et donc un total de rémunération annuelle de 140 000 ¿ et qui propose pour l'année 2010 : un salaire de 118 400 ¿, une PO théorique de 23 700 ¿ et donc un total de rémunération annuelle de 142 000 ¿.
M. X... ne peut de bonne foi prétendre n'avoir pas eu connaissance et ne pas avoir donné son accord à ce que l'assiette de sa PO soit fixée alors à 23 700 ¿ dès lors que cette modification a impacté toute la structure de sa rémunération et que notamment elle a eu pour conséquence une augmentation notable de son salaire mensuel dès le mois de mars 2010 qui a été porté de 8 435 ¿ à 9 080, 77 ¿- avec un rappel pour les mois de janvier et février-et que par ailleurs le 7 mars 2011 il a indiqué par courriel au DRH que son salaire était de 9 080, 77 ¿ et sa PO de 23 700 ¿ et ne soutient pas que cette modification de sa rémunération ait caractérisée une modification de son contrat de travail qui, au demeurant, lui était favorable en ce que la part fixe de sa rémunération était majorée.
Il s'ensuit que, M X... ayant été rempli de ses droits, par infirmation du jugement, il doit être débouté de sa demande en paiement d'un solde de prime d'objectif.
Sur la demande en dommages et intérêts pour sanction injustifiée en application des articles L. 1331-2 et L. 1334-1 du code du travail ;
L'article L. 1331-2 du code du travail stipule que constitue une sanction toute mesure autre que des observations verbales prise par l'employeur à la suite d'agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif
M X... prétend que le versement tardif de sa prime d'objectif 2010 caractérise une sanction prise par l'employeur à son encontre à raison du harcèlement moral dont il l'accusait et que le caractère injustifié de cette sanction lui ouvre droit à une indemnisation.
Outre que le fait de lui avoir réglé le solde de sa prime d'objectif 2010 en juillet 2011 ¿ après lui avoir versé un acompte-apparaît lié à la difficulté de trouver une date d'entretien de notation qui conviennent aux deux parties-M X... ayant refusé d'avoir cet entretien avec son notateur habituel avec lequel il était en conflit et ayant dû souffrir du décès de son père ¿ M X... procède par affirmation lorsqu'il prétend que ce retard a le caractère d'une sanction tout comme lorsqu'il prétend que ce fait serait en lien avec ses plaintes à l'encontre du comportement à son égard de M. Z... son supérieur hiérarchique direct.
Il y a lieu en conséquence de le débouter de sa demande de ce chef.
Sur le licenciement,
Sur la nullité,
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
M. X... prétend avoir été victime d'un harcèlement moral par une exclusion par la mise en ¿ uvre d'une violence morale caractérisée et d'un stress managérial, une entreprise de déstabilisation et de dévaluation dirigée à son encontre qui s'est matérialisé par :- un dénigrement de son travail et des réflexions blessantes sur son titre, son salaire, sur ses compétences, son expérience et encore sa personne,- le fait d'avoir vider son poste de directeur marketing LFA de son contenu pour le restreindre à de seules interventions marketing et l'orienter sur une voie d'isolement en novembre 2010,- le fait, après avoir mis un terme effectif à sa fonction de directeur marketing LFA au sein des fromageries Perreault, de l'avoir affecter « au siège » sur des missions marketing constitutives d'une modification de son contrat de travail compte tenu notamment de la dénaturation de ses fonctions et prérogatives initiales, les rares attributions confiées ne correspondant pas à son niveau d'expérience et constituant une nette rétrogradation et un manque de considération,- une politique d'incitation au départ mise en oeuvre par cet isolement et cette exclusion aboutissant à son licenciement, ces agissements ayant entraîné une dégradation avérée de son état de santé.
Or de l'examen de toutes les pièces produites par M. X...- et de celles produites par l'employeur en ce qu'elles se rapportent exclusivement à la matérialité des faits allégués par le salarié-qui sont quasiment exclusivement constituées de courriels et de courriers, il ressort qu'à compter du mois de septembre 2010 un désaccord est né entre M. X... et M. Z... le directeur général de la société Fromageries Perreault.
Que ce désaccord, qui s'est d'abord manifesté au niveau purement fonctionnel, M X... s'opposant aux décisions de M. Z... afférentes à son activité spécifique de directeur marketing LFA, a ensuite pris un tour plus personnel, M. X... n'acceptant pas l'intrusion et la remise en cause de son travail par sa hiérarchie directe.
Que pour autant, à l'exception du seul fait que le 9 novembre 2010 M X... n'ait pas reçu un document important concernant la préparation d'une « convention de ventes AF 2011 » diffusé à tous les salariés concernés (3-13), et dans la mesure où les propres courriels de M X... ne peuvent faire la preuve des faits qu'ils relatent-aucun des documents produits par lui ne permet d'établir que, jusqu'à ce qu'il prenne ses fonctions au siège en février 2011, il ait subi des réflexions blessantes de la part de M. Z... ni que son poste ait été vidé de son contenu pour le restreindre à de seules interventions marketing et l'orienter sur une voie d'isolement ;
Qu'ils n'établissent pas des faits type « management harcelant » de la part de M. Z... mais seulement des discussions (pièces no 68 69 72 73 74 de l'employeur) et des désaccords avec son supérieur hiérarchique.
Que si, en novembre 2010, M. Z... lui a effectivement, ensuite d'entretiens, fait connaître à deux reprises-dont l'une en réponse à ses contestations et plaintes notamment à la direction du groupe et aux DRH (3-1, 3-3, 3-3 et 3-6 et 16, 18, 21, 79, 51, 16, 35, 79 de l'employeur)- qu'à son sens son travail était critiquable le remettant alors nécessairement personnellement en cause-ce qui a entraîné pour M. X... un stress médicalement constaté par le docteur Taravel en janvier 2011 (4-1) au moment où cette relation de travail a été la plus tendue-ces mises en cause ne relèvent que de l'exercice du pouvoir de direction dès lors que leur teneur ne comporte pas autre chose que cette remise en cause.
Les courriels de la direction en décembre 2010 (3-2) et en janvier 2011 (5-1) ne font que constater l'existence d'un problème relationnel entre M. Z... et M. X... et pour l'un rapporte que M. X... a réalisé une excellente performance durant ces trois dernières années, qu'il serait dommage de le perdre et qu'il a été porté à la connaissance de la direction du Groupe que l'ambiance qui règnait chez Perreault depuis le départ de D L... était délétère, les membres du comité de direction estimant qu'ils ne sont plus écoutés et que leur DG-à savoir M Z... leur témoigne un manque de respect, ne rapportent pas de faits précis concernant M. J....
Les documents produits n'établissent pas d'avantage, au regard de l'importance des missions marketing qui lui ont été confiées en février 2011 avec son accord (2-3) et que-sauf un retard dans la fourniture d'un accès à des données (7-3)- il a pu remplir dans des conditions normales (pièces no42 à 50 et 52 à 67 de l'employeur), que cette affectation a eu pour effet de modifier son contrat de travail et a fortiori d'entraîner sa rétrogradation.
Enfin si son entretien d'objectif ne s'est tenu que fin mai 2011 alors qu'il venait de prendre ses nouvelles fonctions le 1er février précédent-ce qui a eu pour conséquence un retard de paiement du solde de sa prime d'objectif sur laquelle il avait perçu une avance-il résulte des échanges de courriels que ce report est en partie dû à l'impossibilité personnelle de M. X... d'être disponible début mai ensuite du décès de son père qui a été pris en considération par sa hiérarchie-qui lui a manifesté de la compassion lorsqu'elle l'a su-et à sa demande qu'il soit tenu par quelqu'un d'autre que M. B... son supérieur hiérarchique avec lequel il ne voulait pas avoir affaire.
Il y a lieu en conséquence de considérer que M X... n'établit pas la matérialité de faits précis, concordants et répétés de son employeur ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de santé qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité résultat,
Alors que le manquement allégué par M. X... à cette obligation trouve sa cause exclusive dans les faits de harcèlement moral dont il prétend avoir été victime et que la cour n'a pas retenu comme tel, il doit être débouté de sa demande d'indemnisation de ce chef.
Sur le caractère réel et sérieux du licenciement,
Il doit tout d'abord être constaté que, si en novembre 2010, M. Z... a fait savoir par écrit à M. X... qu'à son avis il n'avait plus sa place dans l'entreprise Fromageries Perreault, M. X... y est demeuré en fonction, ce qu'il ne conteste pas, et qu'il a continué à exercer ses activités ainsi que cela résulte d'un échange de courriels postérieurs entre M. Z... et lui sur des points techniques et notamment sur l'abandon par la direction de la société et du Groupe d'un projet qui a donné lieu à contestation de la part de M. X.... Il ne peut donc se prévaloir d'un licenciement verbal.
Ceci posé, la lettre de licenciement reçue par M. X... comporte des motifs d'insuffisance professionnelle et des motifs disciplinaires.
Relèvent ainsi de l'insuffisance professionnelle les reproches suivants : le fait de n'avoir exécuté ni son travail ni ses missions de façon correcte et satisfaisante, d'avoir eu un comportement inadapté a ses responsabilités, d'avoir adopté des positions isolées,- de ne pas avoir su s'adapter à ses responsabilités et aux exigences inhérentes à sa fonction, son désengagement et son manque d'intérêt dans la bonne exécution de ses missions, le fait d'avoir délaisser tant les principaux clients que ses propres équipes, le caractère superficiel de son travail, sa présence physique insuffisante auprès de son équipe, ses défaillances notamment en termes de vision stratégique et de rentabilité sur le business tranches/ Pâtes Pressées-et enfin le fait d'avoir pris l'initiative d'écrire directement à Monsieur A... ce qui constitue une démarche inappropriée.
Relèvent ainsi de motifs disciplinaires les reproches suivants : le fait d'avoir adopté une attitude constamment accusatoire et critique vis-à-vis de sa hiérarchie et du Groupe, d'avoir eu une attitude critique et contestataire, d'avoir envoyé des emails véhéments, d'avoir contesté toute décision prise par la direction en multipliant les accusations, les polémiques et les sous-entendus sur une attitude, d'avoir mis en doute la bonne foi de Monsieur E... et de lui avait prêté des intentions malveillantes, d'avoir mis en cause, sans fondement, les compétences professionnelles de Monsieur B... ainsi que sa volonté polémique et un comportement visant à discréditer votre hiérarchie, sa remise en cause systématique de ses directives créant un climat de travail tendu et préjudiciable et son attitude harcelante ; l'employeur ayant considéré que l'ensemble de ces faits rendait impossible son maintien au sein de l'entreprise et fondait sa décision de procéder à son licenciement.
Il appartient donc à la cour, alors qu'il n'est pas allégué que l'employeur n'ait pas respecté les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, d'examiner les motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié dès lors que, comme en l'espèce, ils procèdent de faits distincts.
Il appartient à l'employeur d'établir les faits qui ont motivés selon lui le licenciement.
L'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement dès lors qu'elle est fondée sur des éléments concrets-les griefs formulés devant être suffisamment pertinents pour le justifier-et qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise.
M X... a exercé ses fonctions au regard des taches qui lui ont été confiées à compter de 2008 sans remise en cause de la part de son employeur, le courriel adressé par M G... vice président à M A... (5-1) en étant la démonstration.
Les reproches d'insuffisance professionnelle qui lui sont fait pour justifier son licenciement sont tous afférents à la période allant de fin 2010 à début 2011, date à laquelle son employeur ne l'a pas licencié mais l'a nommé sur un autre poste au siège au titre duquel il ne lui impute aucune insuffisance et ne lui reproche d'une prise de contact inappropriée avec le dirigeant du Groupe.
Par ailleurs pour preuve des insuffisances alléguées de M. X... la société, qui ne vise aucun fait précis susceptible de les caractériser, produit :- le compte rendu des entretiens d'évaluation de M. X... par M Z... (78) et de M B... (79) en fin d'année 2010 qui, outre le fait qu'ils interviennent dans un climat de tension marquée, ne sont que l'expression de l'employeur qui ne peut de cette façon se constituer une preuve à lui-même, sont contredit par les comptes rendu des années précédentes et par les documents produits par M. X... afférents à ses résultats (7-8, 7-10 et 1-5), l'employeur lui ayant d'ailleurs alloué en 2011 une prime d'objectif prenant en considération le même pourcentage d'atteinte de ses objectif personnels que l'année précédente-des documents chiffrés établissant une baisse d'activité de l'entreprise en 2010 dont l'imputabilité exclusive à une quelconque insuffisance professionnelle de M X... n'est pas établie.
Ces éléments, qui se rapportent au surplus aux fonctions exercées par M. X... avant que son employeur lui propose une autre mission, sont ainsi insuffisants à justifier de l'insuffisance professionnelle du salarié dont au surplus l'employeur ne précise pas en quoi elle aurait perturbé la bonne marche de l'entreprise.
Le motif d'insuffisance professionnelle ayant fondé le licenciement de M X... n'est donc pas réel et sérieux.
S'agissant des motifs disciplinaires, il doit être constaté, qu'outre le fait que l'employeur ne vise pas de faits précis, il se rapporte au comportement accusatoire, critique et contestataire avéré de M. X... exprimé dans des courriels adressés à sa hiérarchie et aux DRH fin 2010- début 2011, soit avant qu'il prenne ses nouvelles fonctions à la direction marketing général et donc bien plus de deux mois avant son licenciement le 5 juillet 2011.
Il s'en déduit que les griefs d'ordre disciplinaire visés dans la lettre de licenciement ne pouvaient pas le justifier de sorte que son licenciement doit, par infirmation du jugement, être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L'employeur ne peut en effet à la fois faire valoir qu'il n'a pas licencié M X... en fin d'année 2010 et lui a « donné une seconde chance » pour ensuite justifier son licenciement par une prétendue insuffisance professionnelle et des faits dont il avait parfaitement connaissance avant la mise en ¿ uvre de cette « seconde chance ».
Sur les indemnisations,
Au regard de son ancienneté dans l'entreprise, du salaire qu'il percevait, de son âge au moment de son licenciement (45 ans) et de ses qualifications et alors qu'il a retrouvé relativement rapidement du travail, son préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 100 000 ¿ à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande reconventionnelle de l'employeur,
La société Fromageries Perreault ne rapporte pas la preuve par les documents qu'elle produit que M. X... ait commis une faute dans l'exécution de bonne foi du contrat de travail au sens de l'article L. 1222-1 du code du travail.
Les courriers du 27 juillet 2011 de M. X... et de son conseil afin d'obtenir paiement de ce qu'il estimait lui être dû et évoquant d'éventuelles « poursuites judiciaires » après son licenciement ne caractérisent pas une faute dans l'exécution de bonne foi du contrat de travail auquel l'employeur a mis fin en le dispensant par ailleurs de l'exécution de son préavis.
Le courriel adressé par M H...à M Z... (pièce 81 de l'employeur) ne permet pas de considérer que M X... ait commis une faute en tentant de récupérer des données sur son ordinateur professionnel, M H...indiquant seulement qu'il a reçu une demande en ce sens le 20 octobre 2011 de la part de Mme I... qui, contacté par M. X..., lui a demandé s'il était possible de restaurer certains mails de la messagerie de ce dernier, ce qui a donné lieu à une réponse négative de sa part.
La société doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation de ce chef.
L'équité commande la condamnation de la société Fromageries Perreault à verser à M X... la somme de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement en matière sociale par arrêt contradictoire et en dernier ressort
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il :- a dit que le seul et unique employeur de M. X... était la société Fromageries Perreault,- a dit que M. X... avait le statut de cadre dirigeant,- a dit que les sommes allouées portent intérêts au taux légal conformément aux articles 1153 et 1153-1 du code civil et qu'ils seront capitalisés en application de l'article 1154 du même code,- a condamné la société Fromageries Perreault à verser à M. X... la somme de 700 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- a débouté la société Fromageries Perreault de ses demandes reconventionnelles et l'a condamné aux dépens.
CONSTATE que M X... ne réitère pas devant la cour sa demande en paiement d'heures supplémentaires dont il a été débouté par le jugement entrepris.
INFIRME ce jugement en toutes ses autres dispositions.
STATUANT à nouveau et y AJOUTANT :
DIT et JUGE que la période d'emploi de M. X... au service de la société Sodiaal doit être prise en considération pour comptabiliser son ancienneté.
CONDAMNE la société Fromageries Perreault à verser à M. X... les sommes de 22 195, 50 ¿ au titre d'un solde d'indemnité de licenciement, de 4 900, 61 ¿ au titre d'un solde de prime d'ancienneté et de 1 359, 91 ¿ au titre des congés payés afférents à la prime d'ancienneté totale.
DEBOUTE M X... de ses demandes en paiement de solde de primes d'objectif et de sa demande d'indemnisation fondée sur les articles L. 1331-2 et L. 1334-1 du code du travail.
DEBOUTE M. X... de sa demande en nullité de son licenciement.
DEBOUTE M. X... de sa demande en dommages et intérêts pour manquement par son employeur à son obligation de sécurité résultat.
DIT et JUGE que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse
En conséquence CONDAMNE la société Fromageries Perreault à verser à M. X... la somme de 100 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.
CONDAMNE la société Fromageries Perreault à verser à M. X... la somme de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
CONDAMNE la société Fromageries Perreault aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. BODIN Anne JOUANARD