COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01130.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 11 Avril 2013, enregistrée sous le no F 12/ 00537
ARRÊT DU 12 Mai 2015
APPELANT :
Monsieur Olivier X...... 72440 COUDRECIEUX
non comparant-représenté par Monsieur Michel Y..., délégué syndical ouvrier, muni d'un pouvoir
INTIMEE :
LA SEP-TP ZA de la Forêt 72470 CHAMPAGNE
représentée par Maître Gildas BONRAISIN, avocat de la SELARL JURI OUEST, avocats au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 12 Mai 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCEDURE
M. Olivier X... a été engagé le 15 septembre 2005 en qualité d'ouvrier d'exécution par la Société Environnement Paysagiste et Travaux Publics (SEPTP). Il a toujours été classé niveau I, position 2, coefficient 110 au regard de la grille de classification de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics, applicable.
Le salarié a été absent de l'entreprise à compter du 23 août 2012.
Il a saisi le conseil de prud'hommes du Mans le 12 septembre 2012 de demandes en paiement de rappels de salaires.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire par lettre du 11 octobre 2012, il a été licencié pour faute grave le 26 octobre 2012 par courrier ainsi libellé : " (...) Vous êtes en situation d'absence ni autorisée, ni justifiée depuis la date du 23 août 2012. Le dépôt de la société SEPTP a été transféré, au mois d'octobre 2011, de Coudrecieux à Champagné. Quand bien même, il ne s'agissait que d'une modification de vos conditions d'activité professionnelle, nous avons pris la décision de mettre un fourgon à la disposition du personnel domicilié sur la commune de Coudrecieux (salarié dont vous faites partie) aux fins qu'ensemble vous puissiez utiliser ce fourgon et vous rendre quotidiennement au dépôt dorénavant situé à Champagné. Il s'agissait en ce sens d'une solution temporaire dans l'attente pour vous de vous organiser. En ce sens, parmi les 7 salariés ayant bénéficié de cet aménagement, seulement 2 salariés, dont vous-même, ont continué à utiliser ce fourgon sans aucunement vous organiser autrement. Nous vous avons rappelé à plusieurs reprises qu'il s'agissait d'un aménagement temporaire. Préalablement à la période des congés payés de cet été, une camionnette fourgon de la SEPTP est devenue hors service et nous vous prévenions que dans ces conditions, nous allions récupérer le fourgon mis à votre disposition à compter du 23 août 2012. Nous avons trouvé un palliatif consistant à vous proposer de vous rendre quotidiennement le matin à Bouloire et de profiter du fourgon, pour votre transport, mis à disposition à l'attention d'un autre de vos collègues de travail. Vous n'avez aucunement utilisé cette solution de remplacement et constatons, depuis la date du jeudi 23 août 2012, votre absence à votre poste de travail étant considéré qu'il s'agit d'une absence ni autorisée, ni justifiée. C'est dans ces conditions que par voie de correspondance du vendredi 28 septembre 2012, nous vous mettions en demeure, soit de justifier de votre absence, soit de réintégrer votre poste de travail. Bien qu'ayant accusé réception de ladite correspondance, vous n'y avez pas donné suite. Partant de ce qui précède, nous relevons, à votre égard, une situation d'absence ni autorisée, ni justifiée depuis la date du jeudi 23 août 2012, absence doublée d'une mise en demeure soit de réintégrer votre poste de travail, soit de justifier de votre absence à laquelle vous n'avez pas donné suite. Cette situation d'absence ni autorisée, ni justifiée doublée d'une mise en demeure soit de justifier de votre absence, soit de réintégrer votre poste de travail est caractéristique d'un abandon de poste de travail lui-même constitutif d'une faute grave. Dans ces conditions, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour cause de faute grave, mesure privative du droit à préavis ainsi que du droit à indemnité de licenciement (...) ".
Devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, M. X... a sollicité le paiement de rappels de salaires et congés payés afférents au titre de la classification, de rappels de salaires et congés payés afférents au titre des minima paritaires, de rappels de salaires et congés payés afférents au titre de la période du 23 août 2012 au 27 octobre 2012, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une prime de licenciement et d'une indemnité pour frais irrépétibles. Par jugement du 11 avril 2013, il a été débouté de toutes ses demandes et condamné aux entiers dépens, tandis que la société était déboutée de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le salarié, dans ses conclusions parvenues au greffe le 11 décembre 2014, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience sous réserve des précisions ci-dessous, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à l'infirmation du jugement, à la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts de droit à la date de la saisine : * rappel de salaire sur coefficient 125 depuis le 1er janvier 2010 : 1558, 00 ¿, outre congés payés afférents : 155, 80 ¿ ; * rappel de salaires du 23 août 2012 au 27 octobre 2012 : 3 029, 32 ¿, outre congés payés afférents : 302, 93 ¿ ; * indemnité compensatrice de préavis : 3 029, 32 ¿, outre congés payés afférents : 302, 93 ¿ ; * prime de licenciement : 2 150, 81 ¿ ; * article 700 du code de procédure civile : 1 500 ¿. Il demande en outre la remise de bulletins de salaire rectifiés depuis le 1er janvier 2010 et ce sous astreinte. A l'audience, il s'est expressément désisté de ses demandes relatives aux minima paritaires figurant dans ses conclusions écrites, la société ayant réglé à ce titre la somme de 563, 39 ¿ en février 2015.
Au soutien de ses prétentions, il expose qu'au regard de son expérience et de son ancienneté, il aurait dû être classé en 2010, non au coefficient 110 mais au coefficient 125 de la grille de classification des ouvriers de travaux publics.
Par ailleurs, sur le licenciement, il expose que, depuis le transfert en octobre 2011 du siège social de l'entreprise de Coudrecieux (72) à Champagné (72), il avait été mis à la disposition de son père un véhicule d'entreprise. Or, le 22 août 2012, après près d'un an, l'entreprise a cessé cette mise à disposition et demandé aux deux salariés de rejoindre l'entreprise par leurs propres moyens, modifiant ainsi leur contrat de travail. Son licenciement est ainsi dénué de cause réelle et sérieuse.
La société, dans ses dernières conclusions parvenues au greffe le 9 mars 2015, régulièrement communiquées, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à la confirmation du jugement, au débouté du salarié de toutes ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 750 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir d'abord, sur la classification, que le salarié a occupé successivement un poste d'ouvrier d'exécution paysage, exécutant des travaux d'installation d'espaces verts selon les directives d'un chef d'équipe, puis, à compter du mois de mars 2012, un poste d'ouvrier VRD, exécutant des travaux d'assainissement, de voirie et de terrassement également selon les directives d'un chef d'équipe ; le salarié ne disposait pas d'un pouvoir d'initiatives particulières. Le classement conventionnel dont il a bénéficié est conforme au poste d'exécution qu'il occupait ainsi qu'aux conditions d'exercice de son activité professionnelle en termes de responsabilité, autonomie, initiative et technicité.
Ensuite, sur le licenciement, elle indique avoir, suite au transfert de son siège social, et alors même qu'il ne s'agissait que d'une modification des conditions d'activité professionnelle, mis temporairement une camionnette à la disposition des 7 salariés domiciliés sur Coudrecieux, dont Olivier X..., cette mise à disposition étant expressément indiquée comme temporaire, ce qui a été rappelé au salarié à plusieurs reprises. Finalement, la société a été contrainte de récupérer le véhicule dont il s'agit mais lui a proposé une solution de remplacement, consistant à se rendre à Bouloire, à 6, 5 kms de son domicile, pour y être transporté par un collègue de travail disposant d'une camionnette. Le salarié n'a pas utilisé cette solution et ne s'est plus présenté à son travail, en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées. Dans ces conditions, la rupture est parfaitement bien fondée, un abandon de poste constituant une faute grave. Le salarié ne peut par conséquent pas prétendre à un rappel de salaires ni au paiement des indemnités de rupture.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la demande de rappel de salaires au titre de la classification :
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
En l'espèce, le salarié était classé durant la période litigieuse au coefficient 110 et revendique le bénéfice du coefficient 125.
La convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992 prévoit, dans son titre XII relatif à la classification, que le coefficient 110, reconnu au salarié, correspond à la position 2 du niveau I, ainsi définie : Niveau I.- Ouvriers d'exécution Position 2 Le titulaire exécute, sous contrôle fréquent, des travaux sans difficulté particulière, à partir de directives simples. Il est responsable de la bonne exécution de son travail et peut être amené, dans le cadre des tâches qui lui sont confiées, à prendre certaines initiatives élémentaires. Les emplois de cette position comportent des travaux simples : ils peuvent requérir un niveau de formation professionnelle ou une pratique professionnelle acquise en position 1. Exemples de tâches pour cette position :- travaux de terrassements avec boisage et étaiements courants :- petits travaux de mécanique d'entretien ;- mise en place de béton avec ou sans vibration dans des coffrages :- façonnage simple avec assemblage par ligatures et mise en place d'armatures dans les coffrages :- conduite d'engins d'utilisation simple avec vérification, maintien des niveaux et entretien journalier ;- pose de chemins de câbles et petits appareillages électriques, travaux de raccordement correspondants
Par ailleurs, le coefficient 125, revendiqué, correspond au niveau II, position 1, ainsi défini : Niveau II.- Ouvriers professionnels 1. Position 1 Le titulaire organise et exécute, avec initiative, à partir de directives générales, les travaux courants de sa spécialité.
Les emplois de cette position comportent l'exécution de travaux impliquant de bonnes connaissances techniques et le respect des contraintes de l'environnement. Ils nécessitent un diplôme professionnel, une formation ou une technicité acquise par expérience au niveau I.
En l'espèce le salarié n'explicite aucunement les travaux qu'il effectuait, les conditions d'accomplissement de ses tâches, ni les responsabilités qui étaient les siennes. Il n'articule aucun fait de nature à venir au soutien de ses prétentions, ne prétendant notamment pas avoir organisé des travaux ni fait preuve d'initiative particulière. Il ne conteste pas l'exactitude de la description des tâches exécutées par ses soins, telle que faite par son employeur. Il ne fournit aucune pièce à l'appui de sa demande.
Dans ces conditions, le salarié, qui ne rapporte pas la preuve de ce qu'il exécutait des tâches relevant de la classification revendiquée, sera débouté de ses prétentions, par voie de confirmation du jugement.
- Sur le licenciement :
Le salarié prétend que constitue une modification de son contrat de travail, non le changement de lieu de travail, mais la cessation de l'avantage constitué par la mise à disposition d'un véhicule de l'entreprise. A toutes fins utiles et surabondamment, on observera qu'aucun contrat de travail écrit n'est produit et que le nouveau siège social se situe, comme indiqué à l'audience, à 26 kms de l'ancien et dans le même secteur géographique. La modification du contrat de travail est caractérisée, lorsqu'elle porte sur un élément qui, même s'il ne figure pas dans le contrat de travail, a été contractualisé par les parties.
En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément que les parties aient eu la commune intention de contractualiser la mise à disposition d'un véhicule pour accomplir les trajets entre le domicile et le nouveau siège social. Il résulte en réalité clairement des correspondances de l'employeur, dont les termes ne sont contredits pas aucune pièce fournie par le salarié, que cette mise à disposition, intervenue en cours d'exécution du contrat de travail et sans qu'un avenant ne soit formalisé, revêtait un caractère temporaire dont le salarié avait été averti. On observera d'ailleurs que l'employeur a prévenu à l'avance le salarié de ce qu'il reprendrait le fourgon et proposé une solution de remplacement, quasiment équivalente, le salarié n'expliquant pas les raisons pour lesquelles il n'en a pas usé. Aucune modification du contrat de travail n'est intervenue.
Ainsi, le licenciement du salarié qui, suite à une simple modification de ses conditions de travail décidée par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, s'est trouvé en absence ni autorisée ni justifiée, alors même qu'il avait été mis en demeure de justifier de son absence ou de réintégrer l'entreprise par une lettre du 28 septembre 2012, et a abandonné en définitive son poste pendant deux mois, est justifié par une faute grave.
Le salarié sera par conséquent débouté de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents puisque s'étant trouvé en absence ni autorisée ni justifiée pendant la période du 23 août 2012 au 11 octobre 2012 durant laquelle il n'a pas accompli sa prestation de travail alors même qu'il n'en avait pas été empêché par le fait de son employeur, puis ayant été mis à pied à titre conservatoire du 12 octobre 2012 au 27 octobre 2012 dans des conditions justifiées par l'existence d'une faute grave.
Il sera également débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture, le licenciement étant justifié par une faute grave.
Le jugement sera également confirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, en matière sociale, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que M. Olivier X... s'est désisté en cause d'appel de ses demandes de rappel de salaires et congés payés afférents au titre des minima paritaires ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. Olivier X... au paiement des dépens d'appel.