COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 16 Juin 2015
ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 01416.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de VANNES, décision attaquée en date du 23 Juin 2009, enregistrée sous le no 07/ 00390
APPELANT :
Monsieur Pascal X...... 56000 VANNES
non comparant-représenté par Maître Claude CHAPPEL, avocat au barreau de LORIENT-No du dossier 070232
INTIMEE :
LA SAS CELTADIS VENANT AUX DROITS DE LA STE PLOERMEL AUTOMOBILES 16 avenue Georges Pompidou 56803 PLOERMEL
représentée par Maître Marine KERROS, avocat au barreau de BREST
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Avril 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 16 Juin 2015, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. Pascal X... a été engagé à compter du 30 novembre 1998 par la société Ploermel Automobiles Triballier-devenue Ploermel Automobiles, puis Celtadis et aujourd'hui Auvendis-, laquelle exploite une concession automobile Renault, en qualité de responsable véhicules occasion, statut cadre, selon contrat à durée indéterminée du 1er juillet 1999.
Etait applicable aux relations entre les parties la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile.
Le salarié a saisi le 17 décembre 2007 le conseil de prud'hommes de Vannes de demandes en paiement de rappel de salaires à titre d'heures supplémentaires et congés payés afférents, ainsi que de dommages-intérêts au titre du repos compensateur et pour travail dissimulé, outre d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 23 juin 2009, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de toutes ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 200 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le salarié a régulièrement interjeté un appel, non limité.
Par arrêt du 7 octobre 2010, la cour d'appel de Rennes a réformé partiellement le jugement et, statuant à nouveau :- décerné acte au salarié de ce qu'il renonçait à sa demande tendant au paiement d'une indemnité au titre du travail dissimulé ;- condamné l'employeur au paiement de la somme de 10 193, 50 euros à titre de rappels de salaire, outre 1 019, 35 euros au titre des congés payés afférents ;- débouté le salarié de ses autres demandes ;- condamné la société au paiement de la somme de 1 200 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel. Pour statuer comme elle l'a fait au titre des rappels de salaires et congés payés afférents, la cour d'appel a retenu, d'une part que, si le salarié avait été rémunéré pour les heures accomplies entre 35 et 39 heures, il n'avait pas perçu la majoration légale de 10 % à laquelle il pouvait prétendre, soit une somme globale de 3 220, 50 ¿, et, d'autre part, que lui était dûe la somme de 6 973 ¿ au titre des heures accomplies durant les journées " portes ouvertes ".
Le salarié s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 mai 2011.
Par arrêt du 16 mai 2012, la Cour de cassation, statuant sur le seul pourvoi du salarié, a cassé cet arrêt " mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs ", et ce au terme des motifs suivants : Sur le moyen unique : Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ; Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 30 novembre 1998 par la société Ploërmel automobiles en qualité de responsable véhicules occasion, statut cadre ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'heures supplémentaires ; Attendu que pour l'en débouter, l'arrêt retient que, pour étayer sa réclamation, le salarié fournit ses bulletins de salaires, les horaires d'ouverture de la concession, un agenda de 2007 et trois attestations émanant de collègues de travail ; que les bulletins de paie ne sont d'aucune utilité quant aux horaires effectivement réalisés ; que rien ne permet d'établir que le salarié assurait une présence constante au sein de la concession ; que l'agenda versé aux débats ne concerne que 2007 et est inexploitable, bon nombre de rendez-vous mentionnés pouvant être effectués par téléphone ; qu'une attestation émane d'un salarié en procès avec l'employeur et les autres ne sont pas probantes ; que les éléments fournis par le salarié, qui se borne à procéder à des calculs théoriques et forfaitaires à partir d'un volume d'heures hebdomadaires qui ne correspondent même pas aux horaires qu'il prétend avoir effectués sont totalement insuffisants pour étayer sa réclamation, laquelle ne présente pas de caractère suffisamment fiable et crédible ; Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur les seuls éléments apportés par le salarié, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs, l'arrêt rendu le 7 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Cette cour, désignée comme cour de renvoi, a été saisie dans le délai de quatre mois prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.
A la suite de deux examens des 4 et 19 février 2013, le médecin du travail a déclaré le salarié " inapte au poste de travail. Reclassement à un poste sans contraintes psychologiques importantes, poste sans relation avec l'aspect commercial de l'entreprise. "
Par courrier du 13 mars 2013, la société a proposé au salarié un poste de gérant de station-service à Vire (14), que celui-ci a refusé.
Par lettre du 8 avril 2013, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par une lettre ainsi motivée : (...) Vous avez donc refusé le poste de Gérant de station service. Dans ces conditions, nous sommes malheureusement dans l'impossibilité de vous reclasser car il n'y a pas d'autre emploi disponible en interne ou dans le groupe que vous soyez susceptible d'occuper, compte tenu de votre état de santé. "
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le salarié, par conclusions intitulées " no 2 " régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 15 janvier 2015, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut :- à titre principal : * à ce que la cour prenne acte de ce qu'un accord est intervenu entre les parties en ce qui concerne les heures supplémentaires " portant sur 75 000 ¿ brut réparti ainsi qu'il suit : 1o) 55 000 ¿ brut au titre des heures supplémentaires, congés payés inclus (somme à soumettre à charges sociales) 2o) 20 000 ¿ brut au titre du repos compensateur (somme à soumettre à CSG/ CRDS) Dont à déduire du versement effectif la somme versée à titre provisionnel après la cause d'appel que M. X... conservera " ; * à la condamnation de la société Ploermel automobiles au paiement de la somme de 122 572, 80 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;- à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Ploermel automobiles au paiement des sommes suivantes : * 86 225 ¿ à titre de rappel de salaires, outre 8 622 ¿ à titre d'indemnité de congés payés ; * 32 000 ¿ à titre de dommages-intérêts sur le repos compensateur ; * 122 572, 80 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;- en toute hypothèse à la condamnation de la société Ploermel automobiles au paiement de la somme de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il expose que, si une proposition lui a été adressée en ce qui concerne le litige afférent aux heures supplémentaires et repos compensateurs au sujet de laquelle il avait manifesté son accord de principe le 28 octobre 2013, le projet de transaction qui lui a été adressé n'a pas emporté son accord, en ce qu'il devait renoncer à tout recours. Ainsi, aucune transaction écrite n'a été finalisée au vu des désaccords portant sur les concessions réciproques des parties. D'ailleurs aucun chèque ne lui a été adressé, alors même qu'un accord serait prétendument intervenu il y a près d'un an et donc aucun commencement d'exécution de cet accord n'est intervenu. L'instance pendante ne peut par conséquent être éteinte en ce qu'elle porte sur d'autres demandes que celles relatives aux heures supplémentaires et repos compensateurs. Par ailleurs, ses demandes nouvelles sont parfaitement recevables devant la cour de renvoi au regard du principe d'unicité de l'instance. Le salarié demande donc à la cour à titre principal de prendre acte de l'accord intervenu sur le règlement de la somme de 75 000 ¿, sous réserve de déduction des sommes perçues, mais également de statuer sur sa demande nouvelle de dommages-intérêts pour licenciement nul consécutif au harcèlement moral subi.
Au fond, son inaptitude, et par voie de conséquence son licenciement, trouvent leur origine dans les actes de harcèlement moral dont il a été victime de la part de M. Y..., directeur de la concession Renault de Vannes. En effet, celui-ci, sous couvert d'un objectif de rentabilité de la succursale, a mis en place de manière insidieuse une pression continuelle sur son subordonné en lui fixant notamment des objectifs toujours plus intenses et importants et en lui remettant régulièrement des lettres de remontrances le menaçant de licenciement. En dépit des excellents résultats enregistrés en 2010, M. Y... a poursuivi ses pratiques répétées de déstabilisation. En conséquence directe de ces techniques de management, M. X... s'est trouvé en arrêt de travail pour dépression réactionnelle à l'environnement professionnel ou " burn-out ".
A titre subsidiaire, sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs afférents, il demande à la cour de faire application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. En l'espèce, il a produit des éléments suffisamment précis permettant d'étayer sa demande, tandis que l'employeur n'a fourni aucun élément contraire pertinent et s'avère défaillant dans la fourniture d'éléments de nature à justifier les horaires de travail effectivement réalisés.
Son licenciement est à tout le moins dénué de cause réelle et sérieuse, la société n'ayant pas procédé à des recherches sérieuses de reclassement tant en interne qu'au sein du groupe auquel elle appartient.
La société Auvendis, par conclusions " récapitulatives et en réponse " régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 24 septembre 2014, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut :- à titre principal à ce que la cour : * constate l'extinction de l'instance par transaction ; * déclare irrecevables toutes les demandes nouvelles relatives au licenciement et au défaut d'information sur la portabilité ;- à titre subsidiaire : * sur les heures supplémentaires et le repos compensateur, à la confirmation du jugement de première instance, à défaut à la révision du quantum ; * sur le licenciement, au débouté du salarié de ses demandes, à défaut à la réduction des dommages-intérêts sollicités ;- en toute hypothèse, à la condamnation du salarié au paiement de la somme de 4000 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société expose tout d'abord à titre principal que les demandes nouvelles présentées par le salarié sont irrecevables. En effet, l'instance s'est éteinte par l'effet de la transaction, les parties ayant conclu un accord transactionnel, clair, sans équivoque et parfait, par courriers officiels échangés entre avocats le 28 octobre 2013. Cette transaction, intervenue alors que le contrat de travail était déjà rompu, a mis fin à l'instance et le principe d'unicité de l'instance interdit que soient présentées des demandes nouvelles dont la cause était alors connue.
A titre subsidiaire, sur les heures supplémentaires et congés payés afférents, le salarié procède par voie d'affirmations et n'apporte aucun élément de nature à étayer la prétendue réalisation d'heures supplémentaires. En outre, il est faux de soutenir que l'employeur ne produit quant à lui aucun élément puisqu'il fournit l'accord de réduction du temps de travail et une note de service. En réalité, la durée de travail de M. X... était de 39 heures par semaine, soit 169 heures par mois, la mention de 151, 67 heures figurant sur les bulletins de paie étant erronée et liée à une erreur de paramétrage du logiciel de paie. En tout état de cause, si la cour devait retenir l'existence d'heures supplémentaires, elle ne saurait retenir une base de 46 heures par semaine, telle que figurant dans le décompte du salarié, seul un samedi sur quatre étant travaillé de 9 heures à 12 heures et les heures supplémentaires de 35 à 39 heures ayant déjà été rémunérées par le salaire de base, à l'exclusion de la majoration. La demande en paiement de repos compensateur n'étant pas détaillée, elle sera déclarée irrecevable.
Sur le licenciement, le salarié est défaillant dans la démonstration des faits laissant présumer un harcèlement moral. M. X... n'ayant pas subi d'actes de harcèlement moral, il sera débouté de sa demande de nullité de son licenciement. Par ailleurs, la société ne disposant pas d'autres possibilités de reclassement que celle refusée par le salarié, le licenciement est fondé sur un motif réel et sérieux. Sur le quantum, le salarié ne justifie pas du préjudice qui serait le sien au-delà des 6 mois minimum fixés par les textes, étant observé qu'il a racheté les parts sociales d'une société immobilière le 11 avril 2013, soit 3 jours après la notification de son licenciement. Le salarié a donné une suite favorable aux échanges de mails relatifs à la portabilité de la prévoyance.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur l'existence d'une transaction :
Si une transaction peut résulter de l'échange de lettres, sans qu'il soit nécessaire qu'un protocole d'accord transactionnel soit formalisé et signé des parties, il convient de constater qu'en l'espèce l'échange de courriers officiels entre avocats en date du 28 octobre 2013 caractérise de simples pourparlers transactionnels, lesquels n'ont pas abouti à un accord définitif.
En effet, alors que l'affaire avait été fixée à l'audience du 29 octobre 2013, le conseil du salarié a, par lettre officielle du 28 octobre 2013, confirmé au conseil de la partie adverse l'accord de M. Pascal X... sur la proposition transactionnelle formée par la société par une lettre officielle du même jour, consistant en une indemnité transactionnelle de 75 000 ¿ bruts, soit 55 000 ¿ bruts au titre des heures supplémentaires, congés payés inclus et 20 000 ¿ au titre du repos compensateur, dont devait être déduite la somme versée à titre provisionnel suite à l'arrêt de la cour d'appel de Rennes. Mais il résulte des pièces produites que les parties n'ont pu trouver un accord sur l'étendue de leurs concessions réciproques, voire même sur l'objet de la transaction. Ainsi, le conseil de la société a sollicité le 29 octobre 2013 le renvoi de l'affaire au motif qu'un " accord transactionnel " était " en cours entre les parties ". Et il résulte de la lettre officielle du 27 janvier 2014 du conseil du salarié adressé à son confrère (lettre transmise à la présente cour le même jour et figurant au dossier de procédure), qu'un projet de transaction a été établi par la société et ce, même si à l'audience le conseil de la société a, dans ses explications verbales, contesté l'existence d'un tel projet. Ce projet, annexé à la lettre précitée, prévoyait qu'en échange du paiement d'une indemnité transactionnelle de 75 000 ¿ bruts (comme détaillée ci-dessus), le salarié renonçait à tout recours contre la société en paiement de sommes de toute nature relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail. Or, il est constant que cet accord n'a pas été signé ni au demeurant exécuté, aucun paiement n'ayant été effectué par la société.
Dans ces conditions, il convient de constater que les volontés des parties ne s'étaient pas rencontrées sur les termes d'un accord transactionnel parfait et définitif mais que la validité de l'accord était subordonnée à une formalisation, laquelle n'est jamais intervenue.
En conséquence, en l'absence de transaction, les demandes du salarié relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail sont recevables.
- Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires :
Le salarié soutient qu'il travaillait du lundi au vendredi de 8 heures 30 à 12 heures et de 14 heures à 19 heures, ainsi qu'un samedi matin sur 2, soit une durée hebdomadaire de travail d'une durée de 42 heures 30 ou de 46 heures selon les semaines travaillées. En outre, il lui arrivait également de travailler le dimanche lors des périodes de journées " portes ouvertes ", soit quatre dimanches par an.
Pour étayer ses prétentions, il fournit : * ses bulletins de salaires du 1er juin 2002 au 31 août 2007, sur lesquels les heures payées sont systématiquement mentionnées comme étant de 151, 67 heures ; * les horaires d'ouverture de la concession, tels que figurant sur le site Internet de celle-ci, soit du lundi au vendredi de 8 heures 30 à 12 heures et de 14 heures à 19 heures, ainsi que le samedi matin de 8 heures 30 à 12 heures ; * copie d'un agenda de 2007 sur lequel figurent mentions de rendez vous ou réunions, pour certains jours avant 8 heures 30 et au-delà de 19 heures, ainsi que certains samedis matins, outre la mention de journées portes ouvertes ; * trois attestations établies en 2007 par des collègues de travail :- selon M. Z..., il était présent à la concession du lundi au vendredi de 8 heures 30 à 12 heures 30 et de 14 heures à 19 heures, ainsi que le samedi matin de 9 heures à 12 heures et était également présent lors des opérations portes ouvertes annuelles ayant lieu 3 à 4 fois par an ;- selon M. A..., M. X... était présent à la concession du lundi au vendredi de 10 heures 30 à 12 heures et de 13 heures à 18 heures 30 ainsi que le samedi matin tous les 15 jours de 9 heures à 12 heures, outre lors des opérations portes ouvertes annuelles ;- selon M. B..., M. X... était présent à la concession du lundi au vendredi de 8 heures 30 à 12 heures 30 et de 14 heures à 19 heures ainsi qu'un samedi matin sur deux, de 9 heures à 12 heures, outre lors des opérations portes ouvertes annuelles ; * un décompte (figurant dans ses conclusions) des heures supplémentaires dont il est demandé le paiement pour les années 2003 à 2007, décompte établi sur la base de 42 heures 30 ou 46 heures de travail effectif selon les semaines travaillées et sur 11 mois de travail par an.
L'employeur quant à lui produit : * une convention de réduction du temps de travail en date du 30 juin 1999 laquelle prévoit une réduction de l'horaire collectif de travail mais en exclut les cadres et commerciaux ; * un courrier en date du 12 janvier 2007 adressé à M. X... par lequel était officialisée " la pratique d'usage relatif à la permanence des samedis matins pour des chefs de service de la société " (...) et lui demandant d'assurer une permanence par roulement des chefs de service de son affaire ; * un décompte des heures supplémentaires qui seraient dues pour les années 2003 à 2007 sur la base d'une durée de travail hebdomadaire de 42 heures 30, outre 3 heures de travail un samedi sur 4, décompte mentionnant un total de rappels de salaires à titre d'heures supplémentaires de 39 140, 56 ¿, outre de 21 467, 53 ¿ de repos compensateur (correspondant à 757, 50 heures).
Il résulte des pièces produites par l'une et l'autre des parties que le salarié a bien accompli des heures supplémentaires durant la période litigieuse, soit les années 2003 à 2007. En effet, ses responsabilités ne lui permettaient pas d'accomplir les tâches qui lui étaient confiées dans les limites de la durée légale du travail alors applicable, soit 35 heures. Au demeurant, il est établi que sa durée de travail a été maintenue à 39 heures après l'entrée en vigueur de la réduction de la durée légale de travail. A cet égard, on observera que le contrat à durée indéterminée du salarié prévoyant un salaire " base 39 heures ", et le seul avenant contenant des dispositions relatives au temps de travail étant celui conclu le 5 février 2008 prévoyant un forfait en jours, le salarié a été rémunéré durant la période dont il s'agit, antérieure à la conclusion dudit avenant, à hauteur de 39 heures hebdomadaires, peu important les mentions figurant sur ses bulletins de paie.
Sur le nombre d'heures supplémentaires accomplies, il sera retenu que les attestations font état d'une présence de M. X... au travail tous les samedis matin ou un samedi sur deux. L'employeur, qui prétend que la permanence du samedi n'incombait à l'intéressé qu'un samedi sur quatre ne produit aucun élément au soutien de ses allégations, n'explicitant pas par qui était assurée la permanence trois samedis sur quatre. Son décompte ne saurait en conséquence être retenu.
En l'état des pièces produites, compte tenu des éléments ci-dessus précisés, mais également de la nécessaire variabilité des horaires du salarié durant les 5 années considérées (dont les divergences entre les attestations sont l'illustration), des périodes d'absence (pour maladie et congés payés telles que figurant sur le décompte de la société) et des majorations légales, la société s'avère redevable de la somme de 50000 ¿ brut au titre des heures supplémentaires et de celle de 5 000 ¿ brut au titre des congés payés afférents.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, a droit à l'indemnisation du préjudice subi ; celui-ci sera fixé à la somme de 20 000 ¿.
Seront déduites de ces sommes celles déjà allouées par la cour d'appel de Rennes par son arrêt du 7 octobre 2010 et d'ores et déjà réglées au salarié, soit la somme de 10 193, 50 euros à titre de rappel de salaires, outre 1 019, 35 euros au titre des congés payés afférents, correspondant à la rémunération de la majoration légale des heures travaillées entre 35 et 39 heures et des heures accomplies durant les journées " portes ouvertes ".
Il sera alloué par conséquent au salarié la somme de 39 806, 50 ¿ bruts au titre des heures supplémentaires, 3 980, 65 ¿ bruts au titre des congés payés afférents et 20000 ¿ au titre du repos compensateur.
- Sur la nullité du licenciement :
Par application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
En l'espèce, le salarié invoque les faits suivants : une pression continuelle se matérialisant par la fixation d'objectifs toujours plus intenses et importants.
Pour étayer ses affirmations, il produit :- des courriers émanant de M. Y..., le directeur général de la société, courriers en date des 9 novembre 2009, 4 mars 2010 et 27 septembre 2010 par lesquels l'attention du salarié était attirée, en des termes professionnels et courtois, sur la non-réalisation de ses objectifs chiffrés et sur la possibilité pour l'employeur de " prendre en conséquence les dispositions qui s'imposent " si les résultats demeuraient insuffisants ;- des arrêts de travail du 11 mai 2011 jusqu'au 3 février 2013 établis pour certains par un médecin généraliste et pour d'autres par un psychiatre, le premier d'entre eux mentionnant " dépression réactionnelle à l'environnement professionnel ", d'autres mentionnant une " pathologie bipolaire " ;- des ordonnances prescrivant divers médicaments ;- des attestations de voisins, M. et Mme C..., relatant les dires du salarié quant à sa souffrance au travail, laquelle serait à l'origine d'une tentative de suicide ;- une attestation d'un ancien collègue de travail, M. A..., faisant état d'" écrits et de pressions " émanant de M. Y... ;- une attestation d'un autre collègue, M. E..., lequel évoque la dégradation de l'état psychologique de M. X... et ajoute que M. Y... " lui en demandait toujours plus, tout en lui refusant toute demande d'amélioration de visibilité du site ".
S'il est indéniable que le supérieur hiérarchique de M. X... suivait avec attention les résultats commerciaux de la concession que celui-ci dirigeait ainsi que la réalisation des objectifs fixés, il n'est nullement justifié de ce que les dits objectifs aient été irréalisables. Les objectifs fixés pour l'année 2010 étaient au demeurant inférieurs à ceux fixés en 2009. La société produit d'ailleurs un courrier adressé par M. Y... à M. X... le 24 novembre 2010, par lequel celui-là qualifiait les performances du service de celui-ci de globalement satisfaisantes et l'encourageait à persévérer dans ses efforts. En outre, il ne ressort nullement des pièces produites que le suivi de l'activité effectué par M. Y... ait été fait d'une manière attentatoire aux droits ou à la dignité du salarié, que la pression commerciale subie par ce dernier ait été au-delà de ce qui est inhérent à l'exercice de fonctions commerciales ou qu'aient été utilisées des méthodes de management ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. La société produit ainsi des fiches d'évaluation du salarié établies par M. Y... en septembre 2008, décembre 2008, janvier 2011, lesquelles sont libellées en des termes qui n'appellent pas de remarques.
De même, s'il est avéré que l'état de santé du salarié s'est trouvé durablement et sévèrement dégradé, on observera que celui-ci ne se fonde que sur 3 courriers dont le dernier est daté du 27 septembre 2010, alors que son premier arrêt de travail a débuté le 11 mai 2011, soit plus de 7 mois après et qu'aucun autre fait précis n'est allégué. Le médecin du travail a en outre déclaré l'intéressé inapte à son seul poste de travail et non à tout poste dans l'entreprise.
Le salarié n'établit pas ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. La demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, nouvelle en cause d'appel, doit par conséquent être rejetée.
- Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :
Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Le refus par le salarié d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation et il lui appartient d'établir qu'il ne dispose d'aucun autre poste compatible avec l'inaptitude du salarié.
En l'espèce, la société convient de l'existence d'un groupe de reclassement, tant dans la lettre de licenciement que dans ses conclusions. Elle produit, pour justifier d'une recherche de reclassement sérieuse, des courriers adressés à diverses sociétés du réseau Renault ainsi que des réponses négatives reçues de ces sociétés. Il n'est pas établi la configuration exacte du groupe de sociétés au jour du licenciement, ni produit aucun registre d'entrée et de sortie du personnel.
L'employeur ne justifiant pas de l'absence au sein de l'entreprise et du groupe auquel elle appartient d'autre poste de reclassement disponible que celui proposé au salarié, et compatible avec les préconisations du médecin du travail, par exemple un poste administratif, le licenciement sera déclaré, par voie de dispositions nouvelles, sans cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences pécuniaires de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (6 809 ¿), de son âge, de son ancienneté (14 ans), du fait qu'il exerce désormais comme gérant d'une agence immobilière (les actes de cession de parts sociales datant du 11 avril 2013) et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 90 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sera constaté qu'il n'est formé aucune demande au titre de la portabilité de la prévoyance.
S'agissant de la demande d'indemité pour travail dissimulé, dont le salarié a été débouté par le jugement déféré, il convient de rappeler que la cour d'appel de Rennes, dans son arrêt du 7 octobre 2010, a constaté que le salarié avait renoncé à ce chef de demande. Aucune prétention à ce titre n'est formulée devant la présente cour.
Selon l'article L. 1235-4 du code du travail, " dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ". Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale, en dernier ressort et sur renvoi après cassation,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. Pascal X... de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare les demandes de M. Pascal X... recevables ;
Déboute M. Pascal X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Condamne la société Auvendis au paiement à M. Pascal X... de : * 39 806, 50 ¿ bruts au titre des heures supplémentaires restant dues et 3 980, 65 ¿ bruts au titre des congés payés afférents ; * 20 000 ¿ de dommages-intérêts au titre du repos compensateur ; * 90 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 2 500 ¿ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 18 décembre 2007, et à défaut de demande initiale, à la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et sur les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;
Ordonne le remboursement par la société Auvendis des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, à compter du jour de son licenciement et dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Déboute la société Auvendis de ses demandes au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Condamne la société Auvendis au paiement des dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée.