COUR D'APPEL d'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT N al/ jc
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 01472.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 16 Mai 2013, enregistrée sous le no F11/ 00229
ARRÊT DU 01 Mars 2016
APPELANT :
Monsieur Christophe X...... 53210 SOULGE SUR OUETTE
comparant-assisté de Maître Hervé CHAUVEAU de la SELARL ZOCCHETTO-RICHEFOU ET ASSOCIES, avocats au barreau de LAVAL
INTIMEE :
L'EURL LAVAL MECANIQUE Z. A. de Beausoleil 53950 LOUVERNE
représentée par Maître Pascal LANDAIS de la SELARL OUTIN GAUDIN et ASSOCIES-JURIDIQUE DU MAINE, avocats au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2015 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne LEPRIEUR, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne JOUANARD, président Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier : Madame BODIN, greffier.
ARRÊT : prononcé le 01 Mars 2016, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Anne JOUANARD, président, et par Madame BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. Christophe X... a été engagé par la société Laval mécanique en qualité de tourneur à compter du 17 juillet 2000.
Il s'est trouvé en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 12 septembre 2011, cet arrêt de travail ayant été régulièrement prolongé jusqu'au 15 décembre 2011.
Après avoir été convoqué par lettre du 27 octobre 2011 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 novembre 2011, il a été licencié pour faute grave par lettre du 14 novembre 2011 ainsi libellée : " Du 30 juin au 7 juillet 2011, vous êtes intervenu, avec Monsieur Y..., sur le site de la carrière de Bielle de la société des carrières et travaux de l'Huisne pour réparer un crible. A l'occasion de cette intervention, vous avez ramené à diverses reprises du sable de la carrière pour des besoins personnels. Outre qu'il n'est pas acceptable que vous ayez utilisé le véhicule de la société Laval mécanique pour des besoins personnels, sans mon autorisation, il s'avère que vous n'avez jamais réglé ce sable à la société des carrières et travaux de l'Huisne. En effet, la société des carrières et travaux de l'Huisne nous a informé qu'elle a été contrainte de licencier des salariés qui vendaient, à leur seul profit et au préjudice de leur employeur, des matériaux de la carrière à des tiers. Compte tenu que le sable que vous avez ramené à diverses reprises ne vous a jamais été facturé par la société des carrières et travaux de l'Huisne, vous ne pouviez pas ignorer le caractère frauduleux de l'opération. Une telle attitude est inadmissible et est inacceptable au sein de notre société. Nous ne pouvons tolérer de tels actes qui constituent une violation grave de vos obligations contractuelles et qui, au surplus, nuisent gravement à la réputation de la société Laval mécanique. (...) Nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture. Les périodes non travaillées à compter de la réception de la convocation à l'entretien préalable au jour de la présentation de cette lettre, nécessaire pour effectuer la période de licenciement, ne seront pas rémunérées ".
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 14 décembre 2011 de demandes au titre de son licenciement ainsi que de demandes en paiement de rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires et de primes de panier.
Par jugement du 16 mai 2013, le conseil de prud'hommes de Laval a débouté le salarié de toutes ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 100 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le salarié a régulièrement interjeté appel.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 18 mai 2015. Par arrêt avant dire droit en date du 13 juillet 2015, la cour, considérant que les éléments soumis à son appréciation ne permettaient pas de trancher le litige s'agissant des demandes en rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de la période de mise à pied conservatoire, a :- invité les parties à fournir des documents, diverses précisions ainsi que toutes observations utiles relatifs à la convention collective applicable à l'entreprise, aux heures supplémentaires et au rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire ;- ordonné à ces fins exclusives la réouverture des débats à l'audience du mardi 29 septembre 2015 ;- réservé les dépens et les frais irrépétibles.
A l'audience du 29 septembre 2015, l'affaire a été renvoyée au 14 décembre 2015.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le salarié, par conclusions régulièrement communiquées et déposées au greffe le 20 mars 2015, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société à lui payer, avec exécution provisoire : * 4 110, 30 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 411 ¿ au titre des congés payés afférents ; * 5 023, 70 ¿ à titre d'indemnité de licenciement ; * 1 301, 49 ¿ de rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire, soit du 28 octobre au 15 novembre 2011 ; * 24 661, 80 ¿ de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; * 10 553, 10 ¿ bruts au titre des heures supplémentaires non rémunérées durant les années 2007 à 2011 ; * 1 222, 50 ¿ à titre d'indemnités de panier ; * 2 500 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir qu'il avait été expressément autorisé par M. Z..., gérant de la société Laval mécanique, à utiliser le camion benne appartenant à la société Evron mécanique, succursale de la précédente, pour ramener du sable, de la carrière où il effectuait un chantier jusqu'à son domicile. Au demeurant, la preuve des faits reprochés incombe à l'employeur et le doute doit profiter au salarié. En tout état de cause, le grief est prescrit par application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail. Il n'a nullement dérobé du sable, ayant été autorisé par le responsable de la carrière à en emporter pour réaliser un bac à sable pour son fils, soit environ 1 m3 de sable à une quinzaine d'euros le mètre cube ; il a donné en remerciement une bouteille de Ricard qui a été déposée dans la cantine des ouvriers. Il n'a commis strictement aucune faute à l'égard de son employeur. Il n'avait pas été sanctionné antérieurement pour des agissements de même nature que ceux ayant motivé son licenciement. Son licenciement avait été décidé avant même le recueil de ses explications et constitue en réalité une mesure de rétorsion après qu'il ait osé réclamer le paiement de ses heures supplémentaires.
S'agissant des heures supplémentaires, la société ne produit pas les relevés de temps de présence établis par lui-même mais des documents dont il n'a jamais eu connaissance qu'elle intitule " relevé mensuel d'heures de travail " et qui laissent apparaître de très nombreuses incohérences, omissions, calculs erronés. En effet, certaines heures de travail n'ont pas été comptabilisées. Par ailleurs, il ne peut pas être déduit des heures au titre des jours fériés et des congés payés, tandis que la récupération d'heures supplémentaires est prohibée en l'absence d'accord d'entreprise. Enfin, les heures supplémentaires doivent être comptabilisées semaine par semaine. A la suite de l'arrêt avant dire droit, le salarié, par note régulièrement communiquée et parvenue au greffe le 14 décembre 2015, soutenue oralement à l'audience du même jour, ici expressément visée et à laquelle il convient de se référer pour plus ample exposé, a précisé que les heures supplémentaires dont il réclamait le paiement résultent de la différence entre le relevé mensuel établi par la société Laval mécanique et le bulletin de paie du même mois sur lequel apparaissent les heures rémunérées, déduction faite des absences et congés payés. La société, qui ne conteste pas l'accomplissement d'heures supplémentaires, ne justifie aucunement de ce que le salarié a bénéficié de repos compensateur de remplacement au regard des dispositions des articles D. 3171-11 et D. 3171-12 du code du travail. Dans ces conditions, il lui est dû la somme totale de 11 948, 62 ¿ bruts au titre des heures supplémentaires non rémunérées pour les années 2007 à 2011, auxquels s'ajoute l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, soit 1 195 ¿. Il ne lui a pas été remis d'exemplaire de son contrat de travail écrit. La société ne peut pas se prévaloir des dispositions de la convention collective des industries de la métallurgie de la Mayenne, alors même que son activité principale, l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie, ne figure pas dans le champ d'application de l'accord national du 16 janvier 1979. A cet égard, le code APE constitue une présomption de classement et il incombe à l'employeur de justifier qu'il n'entre pas dans le champ d'application en raison de l'activité principale exercée par lui. Il travaillait près de la moitié de son temps à l'extérieur en déplacement sur des chantiers et n'était pas astreint à des cycles de travail. Il conteste formellement le relevé mensuel d'heures de travail faisant apparaître des cycles de travail alors qu'il n'a jamais effectué ces horaires.
La société, par conclusions " no 2 " régulièrement communiquées et parvenues au greffe le 18 mai 2015, soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et au débouté du salarié de toutes ses demandes, ainsi qu'à sa condamnation au paiement de la somme de 3 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir, sur le licenciement, que la société des carrières et travaux de l'Huisne n'avait pas autorisé M. X... à se servir en sable et n'entendait pas lui en faire cadeau ; il ne peut être accordé aucun crédit aux déclarations du chef de carrière qui a été licencié pour faute grave le 14 septembre 2011 en raison de vol et de détournements de matériaux commis au détriment de son employeur. Les interventions de M. X... sur le site ne présentaient aucun caractère gracieux mais donnaient lieu à facturation ; il n'existait aucune raison objective de consentir personnellement à l'intéressé un avantage particulier en contrepartie des travaux qu'il effectuait. La quantité réelle de sable prélevée est sûrement plus importante que celle admise par le salarié, la capacité de transport du véhicule s'élevant à une tonne et deux transports étant reconnus. Le salarié avait nécessairement conscience du caractère frauduleux de ses agissements. Il résulte en outre du témoignage de MM. A... et B... que le salarié se servait en matériel, sans y être autorisé, chez d'autres clients de son employeur. Ces comportements malhonnêtes sont de nature à occasionner la perte de clients pour l'employeur, étant souligné que la société des carrières et travaux de l'Huisne est en relation régulière d'affaires avec la société Laval mécanique et appartient au groupe Pigeon qui est un acteur économique majeur du grand ouest. Ces agissements légitiment la faute grave, d'autant que le salarié avait déjà été sanctionné pour des agissements de même nature.
Le grief tiré de l'utilisation pour des besoins personnels d'un véhicule de l'employeur, sans son autorisation, n'est pas prescrit, la société Laval mécanique n'en ayant eu connaissance qu'à l'occasion de la réclamation qui lui a été adressée par sa cliente par courrier reçu le 26 octobre 2011. S'il est incontestable que le salarié était habilité par son employeur à se servir du véhicule pour se rendre sur le chantier, il n'avait pas été autorisé à utiliser ce véhicule pour des besoins personnels, à savoir le transport de sable provenant du chantier de sa cliente à son domicile. Cet agissement est d'autant plus répréhensible que le poids du sable transporté excédait la charge utile du véhicule, comme cela résulte de l'attestation de M. Y....
A titre subsidiaire, l'indemnisation sollicitée devra être substantiellement réduite.
Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires, le salarié n'a jamais formulé la moindre réclamation durant ces plus de onze années durant lesquelles il se trouvait en poste. En réalité, le salarié n'accomplissait pas toujours ses heures de travail et s'est vu administrer à plusieurs reprises des avertissements, non contestés, sanctionnant le non-respect de ses horaires de travail. La durée du temps de travail au sein de l'entreprise était de 35 heures hebdomadaires, organisée selon des cycles de 3 semaines consécutives et ainsi répartie, de façon toujours identique : semaine 1 = 30, 50 heures ; semaine 2 = 38, 25 heures ; semaine3 = 36, 25 heures. L'atelier de l'entreprise est équipé d'une badgeuse. Lorsque les salariés interviennent sur des chantiers extérieurs, les responsables de chantiers retranscrivent le nombre d'heures de travail accomplies. Les données ainsi collectées ne sont pas conservées telles qu'elles mais font l'objet d'un traitement informatique, les heures accomplies par chaque salarié apparaissant de façon synthétique sur des relevés mensuels nominatifs. Il est donc constant que la société organisait un décompte précis et quotidien des heures de travail de ses salariés. Il appartient à M. X... qui conteste ces décomptes de démontrer qu'ils ne correspondent pas à la réalité des heures qu'il prétend avoir accomplies. Or, il ne produit aucun élément suffisamment précis et sérieux de nature à étayer sa demande, ses décomptes personnels manuscrits étant indigents. Le nombre d'heures supplémentaires est décompté de façon hebdomadaire en fonction de la durée de travail de référence de la semaine du cycle considérée. Ainsi, par exemple, pour la 1ère semaine du cycle, les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de 30, 50 heures. Les heures supplémentaires accomplies par le salarié lui ont été intégralement réglées soit sous forme de rémunération, soit sous forme de repos et ce, même si elles ne faisaient pas systématiquement l'objet d'un règlement mois par mois mais pouvaient se cumuler sur plusieurs mois et faisaient alors l'objet d'un report. Les heures supplémentaires qui n'étaient pas réglées faisaient l'objet de récupérations, selon décision de l'employeur et ce par application des dispositions de l'article L. 3121-24 du code du travail, l'entreprise étant dépourvue de délégué syndical. Le salarié percevait bien les primes prévues par la convention collective pour les grands déplacements.
Le salarié ne démontre pas qu'il lui serait dû un rappel d'indemnités de panier.
A la suite de l'arrêt avant dire droit, l'employeur, par note régulièrement communiquée et parvenue au greffe le 9 décembre 2015, soutenue oralement à l'audience du 14 décembre 2015, ici expressément visée et à laquelle il convient de se référer pour plus ample exposé, a précisé qu'il n'était pas en possession d'un contrat de travail écrit. Il affirme que les accords nationaux de la métallurgie ainsi que la convention collective de la métallurgie de la Mayenne sont bien applicables à l'entreprise, le code d'activité attribué par l'INSEE n'ayant qu'une valeur indicative. La société exerce des activités de chaudronnerie, de serrurerie, d'usinage, de tuyauterie, de soudure aluminium, acier et inox, et de maintenance, lesquelles sont visées dans le champ d'application de la convention collective des industries de la métallurgie de la Mayenne qui renvoie à celui des accords nationaux, lesdites conventions étant mentionnées sur les bulletins de paie des salariés. Les accords nationaux de la métallurgie des 23 février 1982, 24 juin 1991 et 28 juillet 1998 prévoient la possibilité d'organiser la durée du travail sous forme de cycle régulier. De même, les accords nationaux prévoient la possibilité de remplacer les heures supplémentaires par des repos compensateurs. A compter du 28 octobre 2011, le salarié se trouvait en arrêt de travail pour maladie et a bénéficié d'indemnités journalières de sécurité sociale et d'indemnités complémentaires. Dans le cadre de la réouverture des débats et au terme d'un second décompte incompréhensible, le salarié réclame désormais un rappel de salaires de 11 948, 62 ¿ sans s'expliquer sur la différence avec le premier décompte.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur le licenciement :
La charge de la preuve de la faute grave incombant à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer.
L'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'" aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Dans la mesure où un fait fautif a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. Selon l'article L. 1332-5 du code précité, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.
Sur l'utilisation d'un véhicule de la société Laval mécanique pour des besoins personnels, sans autorisation, il ne fait pas débat que le salarié était autorisé à utiliser le véhicule dont il s'agit. L'employeur ne démontre pas que le salarié n'était pas autorisé à l'utiliser pour des besoins personnels, en l'espèce ramener du sable à son domicile, alors même que l'intéressé prétend avoir été expressément autorisé à ce faire et que le véhicule, équipé d'une benne basculante, qui n'était pas celui habituellement utilisé par le salarié, avait été emprunté à la société Evron mécanique, sans qu'il soit démontré qu'un tel engin était nécessaire pour les besoins du chantier sur lequel travaillait l'intéressé. L'employeur ne démontre pas dans ces conditions la date à laquelle il a eu connaissance du fait litigieux et donc le défaut de prescription du grief.
Sur le grief tiré du caractère frauduleux de l'enlèvement de sable non réglé au préjudice d'une société cliente de l'employeur, le représentant de la société des carrières et travaux de l'Huisne a écrit au responsable de la société Laval mécanique une lettre datée du 25 octobre 2011 et transmise par fax le 26 octobre 2011, libellée en les termes suivants (pièce no15 de la société) : " Pendant la période du 30 juin au 7 juillet 2011, vos employés Messieurs Christophe X... et Ludovic Y... sont intervenus sur le site de notre carrière de Beille pour réparer un crible. Il s'avère que ceux-ci auraient emmené des chargements de sable à l'aide d'un véhicule Renault Mascotte plateau avec ridelles immatriculée .... Après vérification de nos facturations de juin et juillet 2011, nous ne retrouvons pas trace de ces enlèvements de matériaux. Aussi, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir interroger vos deux employés et de nous tenir informés de la suite que vous allez donner à cet incident. Afin de conserver de bonnes relations commerciales avec votre société, nous avons besoin d'éclaircir cette affaire. " La société Laval mécanique a répondu par courrier du 4 novembre 2011 qu'elle avait pris rapidement les dispositions nécessaires pour éclaircir cette affaire, envisageait de prendre des sanctions à l'égard de M. X..., souhaitait dédommager la société cliente du sable non payé et espérait garder sa confiance. Il est établi par ces pièces que le grief n'est pas prescrit, l'employeur n'en ayant eu connaissance que lors de la réception du courrier de la société des carrières et travaux de l'Huisne, et donc moins de 2 mois avant l'engagement de poursuites disciplinaires.
Au fond, le salarié reconnaît s'être effectivement procuré du sable auprès de la société des carrières et travaux de l'Huisne, sable qu'il n'a pas réglé et qu'il a transporté en deux fois.
Dans une attestation du 5 octobre 2012, le représentant de la société des carrières et travaux de l'Huisne, qui est un client régulier de la société Laval mécanique, a indiqué que M. C..., chef de carrière, avait été licencié pour faute grave le 14 septembre 2011, la faute reprochée étant le vol et le détournement de matériaux et une procédure pénale étant en cours suite au dépôt de plainte de la société (pièce no25 de l'employeur). M. Didier C... atteste avoir " donné gracieusement " à M. X... environ une tonne de sable " pour le remercier de son dévouement à son travail " (pièce no 18 du salarié).
Il résulte de ces divers éléments que M. X..., qui ne s'est pas acquitté du prix du matériau enlevé, et qui ne pouvait sérieusement s'estimer en droit d'être gratifié par un salarié d'une entreprise cliente, alors même qu'il exécutait une prestation de travail salariée, ne pouvait ignorer le caractère frauduleux de ses agissements et le préjudice causé à la société des carrières et travaux de l'Huisne. Le comportement du salarié était de nature à nuire à son employeur, dans ses relations commerciales avec la société des carrières et travaux de l'Huisne, comme cela résulte clairement des courriers précités échangés entre les deux sociétés.
Par ailleurs, le salarié avait fait l'objet d'un avertissement par lettre du 23 septembre 2010 pour des retards répétés le matin, un comportement irrespectueux envers ses collègues, des arrangements sur les horaires de travail sans accord de la direction, ainsi que des emprunts de matériel appartenant à l'entreprise (" échelle, poste de soudure pendant vos vacances, véhicules de l'entreprise sans respecter les horaires de retour ").
Dans ces conditions, les faits commis au préjudice d'un client de l'employeur, alors même que le matériau recelé est de faible valeur, constitue une faute grave, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, nonobstant son ancienneté importante.
Par ailleurs, à supposer même établi que la décision de licenciement ait été prise avant la tenue de l'entretien préalable, ceci constituerait une irrégularité de procédure et n'aurait pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Aucune indemnité n'est sollicitée pour irrégularité de la procédure.
Enfin, le motif de licenciement est réel, aucun élément ne venant étayer les allégations du salarié selon lesquelles il aurait été licencié en mesure de rétorsion à ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, aucune réclamation antérieure à la saisine de la juridiction prud'homale n'étant établie.
Dans ces conditions, le salarié sera débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie de confirmation du jugement.
- Sur les heures supplémentaires :
Le salarié produit pour l'essentiel :- diverses attestations, notamment d'anciens collègues de travail, faisant état de l'accomplissement régulier d'heures supplémentaires et de ce que des feuilles manuscrites récapitulant les heures accomplies sur les chantiers étaient remplies par les salariés puis remises à la secrétaire de l'entreprise ;- des décomptes des heures supplémentaires non réglées dont il réclame le paiement, établis sur la base des relevés de l'employeur ;- des documents manuscrits relevant les heures de travail accomplies sur certains chantiers.
L'employeur produit quant à lui notamment :- diverses attestations de salariés et de responsables d'entreprises intérimaires avec lesquelles il est en relation, faisant état de l'absence de litige relatif aux heures supplémentaires ;- les bulletins de paie de M. X... sur lesquels figurent le paiement certains mois d'heures supplémentaires ;- des relevés mensuels d'heures pour toute la période litigieuse, mentionnant notamment par semaine les heures prévues (calculées par cycle de 3 semaines), les heures réalisées et les heures supplémentaires ;- les différents accords de la métallurgie.
A titre liminaire, il convient de fixer les principes applicables à l'espèce en ce qui concerne le décompte des heures supplémentaires.
S'agissant de la détermination de la convention collective applicable à l'entreprise et par, conséquent, des dispositions conventionnelles relatives à la durée du travail dont la société peut se prévaloir, les bulletins de paie du salarié portent tous mention de la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques, électriques et connexes de la Mayenne. Le code APE figurant sur un relevé en date du 18 août 2015 et donc résultant de la nomenclature la plus récente, est le 3320A, correspondant à l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie. A cet égard, il convient de souligner que l'accord national du 16 janvier 1979 relatif au champ d'application des accords nationaux conclus dans la branche de la métallurgie, se réfère à la nomenclature de 1973. Depuis lors est intervenu l'accord national du 26 novembre 1996 sur le champ d'application professionnel des accords nationaux de la métallurgie, lequel est basé sur l'ancienne nomenclature d'activités instaurée par le décret du 2 octobre 1992. L'activité réelle de la société est l'usinage, la serrurerie, la chaudronnerie, la tuyauterie, la soudure sur site et la maintenance industrielle. Elle relève donc bien du champ d'application des accords conclus dans la branche de la métallurgie.
Or, l'accord national du 23 février 1982, relatif à la durée du travail dans les industries métallurgiques, complété par l'accord du 24 juin 1991, contient, dans son article 5, des dispositions prévoyant la possibilité de recourir à une organisation par cycle, la durée maximale du cycle étant limitée à 12 semaines. Il s'agit donc bien d'un accord de cycle au sens de l'article L. 3122-3 ancien du code du travail, ledit accord étant, par application de l'article 20 V de la loi du 20 août 2008, resté en vigueur postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi.
Par ailleurs, l'article 7 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail, modifié par avenant du 14 avril 2003 étendu, prévoit : " Un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations y afférentes par un repos compensateur équivalent. Dans les entreprises ou établissements non pourvus de délégués syndicaux, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations y afférentes par un repos compensateur équivalent est subordonné à l'absence d'opposition du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. En l'absence de comité d'entreprise ou de délégués du personnel, le régime de remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations y afférentes par un repos compensateur équivalent peut être institué par l'employeur avec l'accord du salarié concerné. " L'article L. 3121-24 du code du travail, dans sa version issue de la loi no2008-789 du 20 août 2008, prévoyait que " Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical non assujetties à l'obligation annuelle de négocier prévue à l'article L. 2242-1, ce remplacement peut être mis en place par l'employeur à condition que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, s'ils existent, ne s'y opposent pas. La convention ou l'accord d'entreprise ou le texte soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel peut adapter les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur de remplacement à l'entreprise ".
En l'espèce, la société ne produit, en dépit des demandes de la cour formulées dans son arrêt avant dire droit, ni accord d'entreprise ou d'établissement prévoyant le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations afférentes par un repos compensateur équivalent, ni de document constatant la consultation sur le sujet du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et leur absence d'opposition. On observera que M. Ludovic Y..., rédacteur d'une attestation dans la présente procédure (pièce no4 de la société), indique être délégué du personnel au sein de l'entreprise. La société ne justifie enfin pas de l'accord du salarié par la seule production d'une attestation d'un responsable d'atelier, M. D... (pièce no 5 de la société), dont les termes ne sont au demeurant pas probants. La société n'établit pas en conséquence avoir été en droit de remplacer le paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur.
Au demeurant, et surabondamment, elle ne fournit, en dépit de la demande qui lui a été faite par la précédente décision de la cour, aucun document décomptant les repos compensateurs de remplacement attribués effectivement au salarié ainsi que les justificatifs de l'information de celui-ci. Les bulletins de paie ne portent aucune mention relative au repos compensateur. La société n'établit ainsi en aucune manière que les heures supplémentaires accomplies et non rémunérées, telles que figurant sur les relevés mensuels établis par ses soins, ont fait l'objet d'attribution de repos compensateurs.
En cet état, il résulte des pièces produites par l'une et l'autre des parties que le salarié a bien accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées et qui n'ont pas fait l'objet de repos compensateur de remplacement. Le dernier décompte du salarié est établi en fonction des relevés mensuels de temps de l'employeur (dont on rappellera, pour mémoire, qu'ils retiennent des cycles de 3 semaines, toujours identiques). Faute pour la société de produire les éléments utiles réclamés quant au mode de décompte des heures supplémentaires appliqué dans l'entreprise dans le cadre du cycle et notamment quant au traitement des absences et des jours fériés, le nombre d'heures supplémentaires restant dû sera fixé conformément au décompte du salarié. Il sera néanmoins corrigé une erreur matérielle figurant dans ce décompte au titre de la période du 28 décembre 2009 au 30 janvier 2010, le total d'heures supplémentaires accomplies durant la période s'élevant à 19, 25 et non à 29, 25 heures. Ainsi, la société est redevable au titre des heures supplémentaires majorées, des sommes suivantes : * 130, 25 heures x 13, 75 ¿ = 1 790, 93 ¿ pour l'année 2007 ; * 180, 76 heures x 14, 16 ¿ = 2 559, 56 ¿ pour l'année 2008 ; * 319 heures x 14, 59 ¿ = 4 654, 21 ¿ pour l'année 2009 ; * 140, 75 heures x 14, 80 ¿ = 2 083, 10 ¿ pour l'année 2010 ; * 67, 25 heures x 15, 04 ¿ = 1 011, 44 ¿ pour l'année 2011, soit un total de 12 099, 24 bruts, ramené à 11 948, 62 ¿ bruts, dans les limites de la demande, outre 1 194, 86 ¿ au titre des congés payés afférents.
- Sur le rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire :
Aucune mesure de mise à pied conservatoire n'a été notifiée. Par contre, la lettre de licenciement mentionnait que les périodes non travaillées à compter de la réception de la convocation à l'entretien préalable ne seraient pas rémunérées, étant observé que le salarié se trouvait en arrêt de travail pour accident du travail pendant la période litigieuse, soit du 28 octobre au 15 novembre 2011. Le bulletin de paie de novembre 2011 mentionne effectivement une déduction pour absence non rémunérée du 31 octobre 2011 au 14 novembre 2011, cette dernière date étant celle de la fin du contrat de travail. L'employeur, qui ne conclut pas sur cette demande, n'établit pas s'être acquitté des sommes dont il était redevable au regard des dispositions conventionnelles régissant l'indemnisation des absences pour maladie et accident.
Dans ces conditions, la demande sera accueillie, par voie d'infirmation du jugement, et l'employeur condamné au paiement de la somme de 1 301, 49 ¿ à titre de rappel de salaire pour la période du 31 octobre au 14 novembre 2011.
- Sur la demande en paiement de primes de panier :
Le salarié produit un récapitulatif des indemnités de panier et indemnités de repas chantier dont il prétend qu'elles ne lui ont pas été payées, par année et sans détail des jours concernés. Des indemnités de paniers et de repas figurent sur ses bulletins de paie.
En cet état, le salarié sera débouté de sa demande, par voie de confirmation du jugement.
- Sur la demande d'exécution provisoire :
Le présent arrêt n'étant pas susceptible d'un recours suspensif, la demande d'exécution provisoire est dépourvue d'intérêt.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant en matière sociale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. Christophe X... de ses demandes en paiement d'une somme au titre de " la mise à pied conservatoire ", d'un rappel d'heures supplémentaires, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Laval mécanique au paiement à M. Christophe X... des sommes suivantes : * 11 948, 62 ¿ bruts au titre des heures supplémentaires non rémunérées durant les années 2007 à 2011, outre 1 194, 86 ¿ au titre des congés payés afférents ; * 1 301, 49 ¿ à titre de rappel de salaires pour la période du 31 octobre au 14 novembre 2011 ; * 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Laval mécanique de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déclare sans objet la demande d'exécution provisoire ;
Condamne la société Laval mécanique aux dépens de première instance et d'appel.