AFFAIRE : N RG 05/01505 Code Aff. : ARRET N C.P ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 29 Mars 2005 COUR D'APPEL DE CAENTROISIEME CHAMBRE - SECTION SOCIALE 1ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2006 APPELANTE :Société CREDIPAR12 Avenue André Malraux 92300 LEVALLOIS PERRET Représentée par Me MOUCHON, substitué par Me TOUCHARD, avocats au barreau de PARISINTIMES :Monsieur Jean X...12 Rue des Champs Bailly 14280 SAINT CONTESTMonsieur Chrisitian X...12 Rue des Champs Bailly 14280 SAINT CONTESTReprésentés par Me DURAND, substitué par Me LOYGUE, avocats au barreau de CAENDEBATS : A l'audience publique du 19 Juin 2006, tenue par Madame CLOUET, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéréGREFFIER : Madame POSECOMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :Monsieur POUMAREDE, Président Madame CLOUET, Conseiller, rédacteurMonsieur COLLAS, Conseiller ARRET prononcé publiquement le 29 Septembre 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur POUMAREDE, Président, et Madame POSE, Greffier05/1505 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No2Monique X... a été embauchée à compter du 16 juillet 1963 par la société SOVAC aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société CREDIPAR.Elle occupait les fonction de chargé de clientèle à l'agence de Caen lorsqu'elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 28 décembre 2001. Contestant la légitimité de son congédiement elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.Vu le jugement rendu le 8 février 2005 par le Conseil de prud'hommes de Caen qui a condamné la Société CREDIPAR à payer à Madame X... les
sommes de 47 000 ç à titre de dommages-intérêts outre 630 ç au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et a ordonné le remboursement prévu par l'article L 122-14-4 du code du travail ; Vu les conclusions d'appel déposées, régulièrement communiquées et oralement soutenues par la Société CREDIPAR, appelante ;Vu les conclusions déposées, régulièrement communiquées et oralement soutenues par Messieurs Jean X... et Christian X... qui viennent aux droits de Monique X..., décédée le 8 mars 2006 ; MOTIFS DE LA DÉCISION- sur la légitimité du licenciement La société CREDIPAR qui a pour activité le financement des automobiles distribuées par le réseau PSA, constructeur automobile des marques PEUGEOT CITRO N a licencié Madame X... par lettre ainsi motivée : "Face à un contexte concurrentiel de plus en plus important, la fonction commerciale du Groupe Crédipar doit évoluer et s'appuyer sur de nouveaux principes :
- Mettre en place toutes les ressources expérimentées et appropriées à l'animation commerciale du réseau des prescripteurs afin de mieux soutenir les vendeurs,
- s'appuyer sur des structures opérationnelles plus réactives, aux coûts de fonctionnement moindres, regroupées au sein d'une direction régionale d'activités qui a un territoire identique à celui des marques des constructeurs automobiles Peugeot et Citroùn.L'application de ces principes conduit à décider des actions suivantes :
- La création de deux forces commerciales dédiées à l'animation des vendeurs des deux marques. Ces deux forces commerciales sont placées sous deux autorités distinctes : la direction des financements Peugeot et la Direction des financements Citroùn. Dans cette perspective, les attachés commerciaux sont affectés aux directions des financements Peugeot et Citroùn selon leur pôle d'activité. Ils
exercent leur activité sous l'autorité des directeurs régionaux d'activités assistés de directeurs d'activité d'agences.
- La mise en place de la direction des opérations et de la relation client avec des unités décentralisées à partir du réseau d'agences existant et de ses effectifs, sous la responsabilité d'un directeur régional des opérations.Cette nouvelle organisation calquée sur celle des marques ne justifie plus le maintien de petites structures d'acceptation.05/1505 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No3
C'est la raison pour laquelle il a été décidé de fermer 18 sites :
Caen, Grenoble, Béziers, Amiens, Chelles, Cannes, Clermont, Nevers, Saint Denis, Albi, Biarritz, Brest, Limoges, Reims, Saintes, Strasbourg, Nanterre, Bastilles.Aussi le poste de charge de clientèle que vous occupiez au sein de l'Agence de Caen a été supprimé".Il résulte de cette motivation que le motif du licenciement est celui d'une suppression de l'emploi de Madame X... consécutive à une réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Les pièces versées aux débats et les allégations non contestées des parties conduisent à estimer que ce motif ne caractérise pas une cause réelle et sérieuse de licenciement car si la suppression du poste de l'intimée est avérée (elle résulte de la fermeture de l'agence de Caen) rien ne permet de considérer qu'au moment de la rupture la compétitivité de la société CREDIPAR se trouvait menacée, l'ensemble des éléments produits conduisant à estimer que la suppression de l'agence de Caen procédait d'une volonté d'aligner le réseau CREDIPAR sur le réseau commercial PSA afin d'accroître les résultats financiers de ce dernier. Certes il est raisonnable d'admettre que, comme le soutient la société CREDIPAR, l'autonomie dont, aux termes du nouveau règlement européen 1400/2002 du 31 juillet 2002, les concessionnaires automobiles allaient bénéficier était de nature à induire une transformation des
relations entre les constructeurs automobiles et ces concessionnaires (dans la mesure où ces derniers qui proposent à la vente des voitures de marques différentes ne seraient plus assujettis à une marque unique et se trouveraient, de ce fait, en position de proposer à leurs clients un moyen de financement qui n'est pas nécessairement celui de l'organisme de crédit de la marque). Mais en ce qu'elle devait toucher l'ensemble des constructeurs automobiles et par conséquent l'ensemble des sociétés financières de marque, cette situation à venir ne suffit pas à caractériser l'existence d'une menace sur la compétitivité de la société CREDIPAR. Il en est de même en ce qui concerne le développement de l'activité des établissement financiers via internet et de l'intervention de plus en plus nombreux d'établissement sur le marché et concurrençant directement la société CREDIPAR.Par ailleurs si les pièces produites accréditent globalement la thèse de l'appelante en ce qui concerne l'existence d'une concurrence de plus en plus vive entre les différents opérateurs du financement automobile, l'argumentation de cette dernière quant aux menaces pesant sur sa compétitivité est contredite par les termes des rapports annuels du groupe qui font ressortir l'excellence des résultats consolidés du groupe CREDIPAR par référence à ceux des sociétés se partageant le reste du marché automobile.Ainsi était-il noté pour l'année 2000 : " Le montant de l'actif au bilan consolidé s'est établi à 29 914 millions de francs au 31 décembre 2000, en progression de 17% par rapport à la situation de décembre 1999...Cette évolution est entièrement attribuable à celle des encours de crédits qui ... ont été portés de 23 564 millions de francs au 31 décembre 1999 à 27 594 millions de francs au 31 décembre 20000et ont ainsi augmenté au même rythme que le total de l'actif du bilan...La société CREDIPAR a dégagé en 2000 un bénéfice net de 275 millions de francs alors qu'elle avait réalisé un bénéfice net de 105
millions de francs en 1999."05/1505 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No4S'agissant des résultats de l'année 2001 dont il est raisonnable de penser que l'employeur connaissait la tendance en septembre 2001, ils témoignent tout autant de la position de force de l'entreprise face à la concurrence. En effet, après avoir noté l'augmentation du taux de pénétration d'Automobiles Peugeot ( 20,21 % en 20001 contre 18,54 % en 2000) et une augmentation de 13 % du taux de pénétration d'Automobiles Citroùn) le rapport annuel de l'exercice 2001 mentionne en ce qui concerne les résultats commerciaux : "2001 a été une nouvelle année de croissante . Dans un environnement où les immatriculations des deux marques se sont développées de 12,6 %, le nombre des contrats de financement de véhicules neufs réalisés a progressé de 19 % par rapport à 2000. ...Le montant de l'actif au bilan consolidé s'est établi à 5 520 millions d'euros au 31 décembre 2001 en hausse de 21 % par rapport à la situation au 31 décembre 2 000 ( 4 560 millions d'euros). En l'état de ces éléments il ne peut être retenu qu'au moment où elle a pris la décision de se réorganiser ( présentation du projet de réorganisation au comité d'entreprise du 7 septembre 2001) la société CREDIPAR ne pouvait de bonne foi estimer que sa compétitivité était menacée. En outre, mandaté par le comité d'entreprise, le cabinet d'expertise comptable SYNDEX a procédé dans le cadre des consultations prévues par le livre IV du code du travail à une analyse de la situation du groupe.En ce qui concerne les motifs économiques avancés par l'employeur pour justifier la réorganisation avait été présenté au comité d'entreprise ce cabinet estimait en terrmes dépourvus de la moindre ambigu'té qu'il s'agissait de " motifs inadéquats qui s'appuient sur un diagnostic non pertinent." Il soulignait :" sur un marché automobile dynamique ces dernières années Crédipar a accompagné le renforcement de la position du groupe PSA (Crédipar est leader en termes de part de marché en juin 2001)... la
justification du plan de réorganisation qui repose sur la nécessitré d'améliorer la qualité du service et d'atteindre des objectifs commerciaux et de résultats n'apparaîssent pas crédible. ... Il concluait : " En réalité les fermetures d'agence et les suppressions de poste qui en résultent renvoient essentiellement à la volonté du groupe PSA de configurer le réseau Crédipar sur le sien". Dès lors qu'au moment du licenciement la société CREDIPAR était ainsi "leader en termes de part de marché" ne se trouvait pas confrontée à une menace de sa compétitivité et la réorganisation litigieuse n'était pas justifiée par la nécessité d'éviter des difficultés d'ores et déjà prévisibles. Le licenciement est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef. - sur les conséquences du licenciement Les ayants droits de Monique X... sont créanciers d'une indemnité fixée conformément aux dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail applicables en raison de l'ancienneté de cette dernière et du nombre de salariés employés dans l'entreprise. Du fait de la rupture de son contrat de travail elle avait perdu à 55 ans le bénéfice d'une ancienneté de 38 ans dans un emploi lui assurant une rémunération brute moyenne mensuelle de l'ordre de 2 000 euros. Au moment de son décès, le 8 mars 2006, elle n'avait toujours pas retrouvé d'emploi. En l'état de ces éléments l'indemnité allouée par les premiers juges apparaît constituer une juste indemnisation du préjudice subi.
05/1505 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No5- Sur les dépens et des frais irrépétiblesPartie perdante la Société CREDIPAR supportera les dépens et il n'est pas inéquitable de le condamner à indemniser les ayants droit de Monique X... des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile elle sera donc condamnée au versement d'une indemnité dont le montant sera précisé
au dispositif de la présente décision.
DÉCISION
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à tirer les conséquences du fait que Monique X... est décédée le 8 mars 2006 ;
Y ajoutant,
Condamne la Société CREDIPAR aux entiers dépens et à payer aux consorts X... la somme de 1000 ç sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENTV.POSE
A. POUMAREDE