AFFAIRE : N° RG 19/03239
N° Portalis DBVC-V-B7D-GOEX
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 14 Octobre 2019 - RG n° 17/00004
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 20 OCTOBRE 2022
APPELANTE :
SARL [6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Yohann OLIVIER, avocat au barreau de CHAMBERY, substitué par Me Grégoire BOUGERIE, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
URSSAF de Normandie venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme MOREL, mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 16 juin 2022, tenue par Mme ACHARIAN, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de M. LE BOURVELLEC, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
Mme ACHARIAN, Conseiller,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 20 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Société de restauration événementielle d'un jugement rendu le 14 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Caen dans un litige l'opposant à l'URSSAF de Basse-Normandie.
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'un contrôle du 19 juin 2015 ( la lettre d'observations mentionne par erreur le 19 juin 2016) effectué dans le cadre de la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L.8221-1 du code du travail, les inspecteurs du recouvrement de l'URSSAF de Basse-Normandie, aux droits de laquelle vient aujourd'hui l'URSSAF de Normandie (l'URSSAF), ont notifié le 11 janvier 2016 à la [6] (la société), gérée par M. [P], une lettre d'observations du 5 janvier 2016 concluant à un redressement de 3 931 euros au titre d'un rappel de cotisations sur le titre emploi service entreprise (TESE) outre 1572 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé prévue à l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale pour la période du 1er au 30 juin 2015.
La société, par l'intermédiaire de son conseil, a fait valoir ses propres observations par lettre du 1er février 2016 à laquelle l'organisme de recouvrement a répondu le 29 février 2016.
Le 1er septembre 2016, l'URSSAF a émis une mise en demeure pour un montant de 5 793 euros (3 931 euros au titre des cotisations dues pour la période du 1er juin au 30 juin 2015, 1 572 euros au titre des majorations de redressement et 290 euros au titre des majorations de retard), notifiée à la société le 2 septembre 2016.
La commission de recours amiable de l'URSSAF, saisie d'une contestation à l'encontre de cet acte, a rendu une décision de rejet le 28 février 2017.
Estimant le redressement infondé, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados le 16 mai 2017.
Par jugement du 14 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :
- ordonné la jonction de deux contestations,
- débouté la société de ses demandes,
- confirmé le redressement opéré par l'URSSAF en référence à la lettre d'observations du 5 janvier 2016 et à la mise en demeure du 1er septembre 2016,
- condamné la société à verser à l'URSSAF la somme de 5 793 euros outre les majorations de retard restant à courir jusqu'à complet paiement du principal,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné la société à verser à l'URSSAF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 mai 2022, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- l'a déboutée de ses demandes,
- a confirmé le redressement opéré par l'URSSAF en référence à la lettre d'observations du 5 janvier 2016 et à la mise en demeure du 1er septembre 2016,
- l'a condamnée à verser à l'URSSAF la somme de 5 793 euros outre les majorations de retard restant à courir jusqu'à complet paiement du principal,
- l'a condamnée à verser à l'URSSAF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens,
- d'annuler le chef de redressement relatif au travail dissimulé de M. [V] pour un montant de 5 793 euros,
- de condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'URSSAF aux dépens.
Par dernières écritures déposées le 8 avril 2022, soutenues oralement à l'audience par sa représentante dûment mandatée, l'URSSAF demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré,
- de condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société aux dépens.
Il sera renvoyé aux conclusions pour un exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
La lettre d'observations mentionne les constatations suivantes :
' Le 19 juin 2016 à 16 heures, nous avons entendu les personnes en activité sur le stand de restauration exploité par la société [6]. Parmi celles-ci, nous avons constaté la présence de M. [V]. Au moment de l'intervention, celui-ci était derrière le bar du stand en train de servir la clientèle. [...] il a ajouté qu'il était présent tout le temps du salon en tant que bénévole. [...] Pendant que nous l'entendions en présence de M. [P], ce dernier, sollicité par une cliente, a enjoint M. [V] à la servir rapidement.
Par ailleurs, M. [V], outre un badge au nom de la [6], portait également une tenue vestimentaire logotée au nom de la SARL [6]. Il nous a expliqué que sa chemise personnelle avait été mouillée et qu'il avait dû emprunter une chemise à M. [P] (mais également un tablier et un torchon) afin d'être présentable sur le stand.
Pendant le contrôle, M. [P] nous a déclaré qu'il demanderait une facture de prestation à la société de M. [V] et de cette manière, nous ne pourrons plus l'accuser de travail dissimulé.
Le 26 novembre 2015, M. [P] nous a en effet produit une facture émanant de la société [3].
Cette facture est établie en contrepartie de la fourniture d'une vitrine frigorifique et d'une assistance sur place : elle est datée du 19 juin 2015, date de notre contrôle.
Au moment de l'intervention, ni M. [P] ni M. [V] ont évoqué la mise à disposition d'une vitrine frigorifique.'
Selon l'extrait K bis produit par les parties, depuis le 12 juillet 2013, M. [V] est gérant et associé unique et exploitant direct de la société [3] exerçant une activité de restauration dans le cadre de foires, salons et manifestations diverses, négoce de produits alimentaires, vin, spiritueux, alcool, foie gras, chocolat, vente et démonstration sur les marchés, foires, salons et manifestations diverses, d'articles de [Localité 5] sous l'enseigne [4].
Au titre de l'immatriculation de l'entreprise au registre du commerce et des sociétés, M. [V] bénéficie de la présomption selon laquelle il est travailleur indépendant et il appartient à l'URSSAF de justifier d'une relation de salariat en démontrant qu'existait entre la société contrôlée et M. [V] notamment un lien de subordination.
En l'espèce, la société [3] a établi une facture du 19 juin 2015 pour 'prestation game fair du 19 juin 2015- location vitrine frigorifique 3 jours, assistance sur place', pour un montant de 400 euros toutes taxes comprises.
Par ailleurs, M. [V] atteste le 18 janvier 2016 'avoir simplement livré une vitrine frigorifique sans avoir jamais travaillé pour le compte de la Société de restauration événementielle le 19 juin 2015 (date du contrôle).'
Enfin, M. [W], responsable logistique-chauffeur, atteste, le 22 avril 2017, 'avoir vu M. [V] livrer du matériel le vendredi 19 juin 2015 lors du game fair. M. [V] ne servait pas de client sur le stand. Je l'ai vu installer et vérifier les tirages de bière. En effet, il a reçu une poche d'eau sur lui et l'entreprise lui a prêté une chemise le temps que son tee-shirt sèche.'
L'attestation établie au nom de M. [E] sera écartée comme n'étant pas accompagnée d'une copie de pièce d'identité authentifiant la signature de son auteur.
Toutefois, force est de constater qu'aucun témoin n'évoque la livraison d'une vitrine frigorifique, laquelle n'a par ailleurs pas été constatée par les inspecteurs du recouvrement.
En outre, M. [V] portait un vêtement orné du logo de la société contrôlée mais aussi un tablier et un torchon qui n'étaient pas indispensables à une tenue de remplacement à la suite d'une intempérie et si le témoin évoque l'installation des 'tirages de bière', cette prestation ne figure nullement sur la facture et n'a pas été mentionnée par M. [V] lors de son audition.
Cette facture a été de surcroît datée du 19 juin 2015 mais communiquée à l'URSSAF le 26 novembre 2015, après que M. [P] a annoncé sa production afin d'éviter toute mise en cause pour travail dissimulé.
Enfin, les inspecteurs du recouvrement ont constaté qu'au moment de leur intervention, M. [V] 'était derrière le bar du stand en train de servir la clientèle', qu'il avait déclaré se trouver présent durant tout le salon en qualité de bénévole et que, alors qu'il était entendu en présence de M. [P], ce dernier, sollicité par une cliente, 'a enjoint M. [V] à la servir rapidement.'
Il ressort de ces éléments que M. [V] ne se trouvait pas sur le stand de la société en qualité de prestataire mais qu'il effectuait un travail de service pour la clientèle, sous la direction de M. [P] qui lui a donné des directives précises aux fins de servir une cliente.
Dans ces conditions, une relation de travail est établie et il convient de confirmer le jugement déféré.
Partie succombante, la société sera condamnée aux dépens, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé sur ce point.
La société sera également condamnée à verser à l'URSSAF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant également confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré,
Condamne la [6] aux dépens,
Condamne la [6] à verser à l'URSSAF de Normandie, venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX