AFFAIRE : N° RG 20/02020
N° Portalis DBVC-V-B7E-GTK6
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVREUX en date du 15 septembre 2016 - RG n° 21500316
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
APPELANT :
URSSAF DE HAUTE NORMANDIE
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.S. [7]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Sébastien GRANGE, substitué par Me CAGNIN, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 06 octobre 2022
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 08 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
FAITS et PROCEDURE
La société [7] (la société) a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette par les services de l'Urssaf de Haute- Normandie (l'Urssaf), au sein de ses locaux sis à [Localité 6] ( 27) portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
La lettre d'observations du 11 mai 2014 mentionnait sept chefs de redressement entraînant un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant de 31 022 euros.
Par lettre du 12 juin 2014, la société a contesté le chef de redressement n° 2 intitulé: Retraite supplémentaire: contributions bénéficiant des dispositions d'exclusion d'assiette d'un montant de 29 344 euros.
Par courrier en réponse du 17 juin 2014, l'Urssaf a ramené le montant du redressement à la somme de 23 604 euros.
Le 21 juillet 2014, l'Urssaf a adressé une mise en demeure à la société.
Le 20 août 2014, la société a contesté ce chef de redressement devant la commission de recours amiable laquelle, par décision du 11 février 2015, a rejeté son recours.
La société a dès lors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evreux aux mêmes fins.
Par jugement du 15 septembre 2016, ce tribunal a :
- annulé le chef de redressement contesté,
- condamné l'Urssaf de Haute Normandie à rembourser à la société [7] la somme de 27594 euros, majorations de retard incluses.
L'Urssaf a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 20 mars 2019, la cour d'appel de Rouen a :
- infirmé le jugement en ce qu'il a annulé le redressement contesté et condamné l'Urssaf de Haute -Normandie à rembourser à la société la somme de 27 594 euros, majorations de retard incluses,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- confirmé le chef de redressement intitulé : retraite supplémentaire : contribution bénéficiant des dispositions d'exclusion d'assiette
- débouté la société [7] de ses demandes,
- l'a condamnée aux éventuels dépens d'appel.
La Cour de cassation, saisie sur un pourvoi de la société, a , par arrêt du 24 septembre 2020, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 20 mars 2019 entre les parties par la cour d'appel de Rouen, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Caen , condamné l'Urssaf de Haute- Normandie aux dépens et rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour, au visa de l'article 455 du code de procédure civile disposant que tout jugement doit être motivé et que la contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs, a retenu que :
' Pour valider le chef de redressement relatif aux transactions litigieuses, l'arrêt énonce d'abord que les sommes versées en exécution de la transaction ont incontestablement la nature de dommages- intérêts, puis retient ensuite que les sommes versées en application de la transaction doivent être considérées comme une rémunération et, comme telles, soumises à cotisations sociales,
En statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Par ces motifs,
Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel de Rouen.'
Le 20 octobre 2020, l'Urssaf a saisi la présente cour en tant que juridiction de renvoi.
Par arrêt du 18 novembre 2021, la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 3 mars 2022, à charge pour la société [7] de communiquer, avant le 15 décembre 2021 à l'Urssaf de Basse Normandie les pièces n° 5 conformes à son bordereau de communication de pièces.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 6 octobre 2022.
Aux termes de ses conclusions du 4 mai 2021, déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'Urssaf Haute- Normandie demande à la cour:
- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evreux le 15 septembre 2016,
- de confirmer la décision rendue par la commission de recours amiable le 11 février 2015,
- de confirmer le redressement contesté,
- de rejeter les autres demandes pouvant être formulées par la société [7].
L'Urssaf fait valoir:
- que les salariés concernés par le contrat de retraite supplémentaire, qui apparaît avoir été dénoncé irrégulièrement par l'employeur au 1er janvier 2003, ont demandé une indemnisation pour clôture irrégulière de ce contrat considérant qu'ils étaient lésés par la perte du régime dans la mesure où l'employeur le finançait par une contribution de 8% du salaire brut,
- que les salariés ont transigé avec la société à l'occasion de l'exécution de leur contrat de travail,
- que les protocoles transactionnels prévoient, en leur article 2, que les indemnités transactionnelles versées réparent le préjudice dont se prévalent les salariés pour le non paiement des cotisations de 8 % au titre de la retraite supplémentaire,
- qu' en l'absence de reconnaissance par l'employeur du bien fondé des demandes formulées par les salariés, l'issue des éventuelles procédures judiciaires qui auraient pu être engagées par les salariés concernés n'était pas certaine,
- qu'en conséquence, l'existence d'un préjudice devant donner lieu à réparation n'est pas démontrée,
- que c'est à tort que la société et le tribunal des affaires de sécurité sociale ont considéré que les sommes litigieuses s'analysaient comme des dommages et intérêts et qu'elles ne devaient pas être assujetties à des cotisations sociales.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 2 septembre 2021 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [7] demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré,
- d'annuler en conséquence le redressement notifié par lettre d'observations du 11 mai 2014,
Y ajoutant,
- de condamner l'Urssaf de Haute- Normandie à lui verser une somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'ordonner à l'Urssaf de Haute- Normandie de lui rembourser la somme de 27 594 euros outre les intérêts légaux depuis son versement avec anatocisme.
Elle fait valoir que l'indemnité qui a été versée aux salariés l'a été, non pas afin de compenser des éléments à caractère de salaire, mais bien en réparation du préjudice subi en raison du non paiement par la société des cotisations auprès de l'assureur au titre de la retraite supplémentaire.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, sont assujetties à cotisations sociales l'ensemble des sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.
L'article 2044 du code civil définit la transaction comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit et implique, pour être valable, des concessions réciproques.
Une indemnité transactionnelle ne peut être exonérée de cotisations sociales que pour sa fraction représentative d'une indemnité elle-même susceptible d'être exonérée.
Il appartient à la juridiction saisie d'un litige portant sur l'assujettissement aux cotisations sociales des sommes versées en application d'une transaction, de rechercher la qualification à donner à ces sommes.
En l'espèce, les transactions versées aux débats en date des 1er août 2011, 22 août 2011, 26 septembre 2011 ont été conclues avec les salariés à la suite de deux instances engagées contre la société par deux cadres devant le conseil de prud'hommes, aux termes desquelles la cour d'appel de Lyon par arrêt du 23 mai 2008 et le conseil de prud'hommes d'Evreux, par jugement du 22 janvier 2008, ont retenu que la résiliation unilatérale par l'employeur du contrat leur garantissant une pension de retraite complémentaire dont les cotisations se montaient à 8% de la masse salariale des cadres, était irrégulière et ont condamné la société [7] à réparer le préjudice subi du fait de cette résiliation.
Les autres cadres de l'entreprise avaient donc, au vu de cette jurisprudence, une chance certaine et actuelle d'obtenir eux -mêmes gain de cause s'ils saisissaient une juridiction prud'homale pour formuler les mêmes demandes .
C'est dans ce contexte que les parties ont décidé d'établir une transaction afin de prévenir la contestation à naître et d'éviter tout aléa judicaire.
C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les droits à la retraite complémentaire des salariés ont été réduits en raison des agissements de l'employeur, qu'il était logique que celui - ci ne reconnaisse pas le bien fondé des arguments invoqués par les salariés, car cela l'aurait conduit à réparer intégralement le préjudice par eux subi, qu'en signant ces protocoles transactionnels, les salariés ont perdu une chance de faire valoir leurs droits en justice et d'obtenir des indemnités supérieures, qu'il existe donc bien une disparition actuelle et certaine d'une issue favorable qui est la réponse judiciaire, que cette perte de chance est réparée par l'octroi des sommes prévues au protocole.
En outre, l'indemnité qui a été versée aux salariés l'a été, non pas afin de compenser des éléments à caractère de salaire, mais en réparation du préjudice subi en raison du non paiement par la société des cotisations auprès de l'assureur au titre de la retraite supplémentaire.
Les transactions ont fixé le préjudice subi par les salariés concernés à 8% des rémunérations perçues entre le 1er janvier 2003 et le 30 juin 2007.
Contrairement à ce que soutient l'Urssaf, les indemnités transactionnelles versées aux salariés concernés ne sont pas exactement égales au montant de la contribution employeur au régime de retraite. A cet égard, il convient de rappeler, à l'instar des premiers juges, qu'il ne s'agissait pas de sommes qui revenaient aux salariés mais de la part patronale qui aurait dû être affectée entre 2003 et 2007 au contrat de prévoyance qui a été dénoncé.
Ainsi, les sommes versées dans le cadre des transactions ont bien un caractère indemnitaire et non salarial. Elles ne sont donc pas soumises à cotisations sociales.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé le redressement litigieux et condamné l'Urssaf à rembourser à la société la somme de 27 594 euros, majorations de retard incluses.
Cette somme sera assortie des intérêts légaux depuis son versement avec anatocisme.
- Sur les autres demandes
L'Urssaf qui succombe supportera les dépens d'appel.
L'équité commande de condamner l'Urssaf à payer à la société la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Vu l'arrêt rendu le 24 septembre 2020 par la Cour de cassation,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Assortit la somme de 27 594 euros des intérêts légaux depuis son versement, avec anatocisme,
Condamne l'Urssaf de Haute Normandie à payer à la société [7] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Urssaf de Haute Normandie aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX