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26/01/2023 | FRANCE | N°20/00684

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 26 janvier 2023, 20/00684


AFFAIRE : N° RG 20/00684

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQOU

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 28 Février 2020 - RG n° 17/00374









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023





APPELANTE :



Société [3]

[Adresse 2]



Représentée par Me SALMON, avocat au barreau de CAEN





INTIMES :



Monsieur [V] [C]



[Adresse 8]



Représenté par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN



CPAM DU CALVADOS

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Mme [F], mandatée





DEBATS : A l'audience publique du 03 novembre 2022, tenue par Mme C...

AFFAIRE : N° RG 20/00684

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQOU

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 28 Février 2020 - RG n° 17/00374

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023

APPELANTE :

Société [3]

[Adresse 2]

Représentée par Me SALMON, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [V] [C]

[Adresse 8]

Représenté par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN

CPAM DU CALVADOS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Mme [F], mandatée

DEBATS : A l'audience publique du 03 novembre 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 26 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [3] d'un jugement rendu le 28 février 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à M. [V] [C] en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

FAITS et PROCEDURE

M. [C] a été embauché à compter du 3 septembre 2007 par la société [7], devenue [3] ( la société [6]) en qualité de conducteur receveur, affecté en dernier lieu sur la ligne [Localité 5] - [Localité 4].

Le 15 janvier 2015, la société [6] a complété une déclaration d'accident du travail au titre d'un sinistre dont a été victime M. [C] le 9 janvier 2015 à 19h50 , dans les circonstances ainsi décrites 'En indiquant à un client qu'il devait descendre, ce dernier a agressé physiquement M. [C] verbalement puis physiquement.'

Le certificat médical initial du 10 janvier 2015 fait état d'un traumatisme coude droit, épaule droite et cervicalgies.

Le 21 janvier 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados ( la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Un taux d'incapacité de 5 % a été attribué par la caisse à M. [C] à compter du 1er juin 2016.

Le 30 septembre 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [C] a saisi la caisse d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'agression dont il a été victime.

En l'absence de conciliation constatée par procès- verbal du 18 avril 2017, il a saisi le 29 juin 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados aux mêmes fins.

Par jugement du 28 février 2020, le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :

- dit que l'accident du travail dont M. [C] a été victime le 9 janvier 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [3],

- ordonné la fixation au maximum légal de l'indemnité fixée par les dispositions de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale et dit que cette majoration suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime,

- dit que cette majoration sera directement versée à la victime par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados qui en récupérera le montant auprès de la société [3], en application du code de la sécurité sociale,

- alloué à M. [C] en réparation des préjudices subis du fait de l'accident du travail du 9 janvier 2015, étant précisé que la date de consolidation a été définitivement fixée au ' 6 janvier 2015", les sommes suivantes qui porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision :

* 3070,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 9 000 euros au titre des préjudices liés aux souffrances physiques et morales,

* 1 500 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire,

* 400 euros au titre des dépenses de santé futures,

* 30 000 euros au titre de son préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,

- rejeté la demande d'indemnisation complémentaire présentée au titre du déficit fonctionnel permanent,

- dit que les sommes dues seront directement payées à M. [V] [C] par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados,

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie en récupérera le montant auprès de la société [3] employeur de M. [C], laquelle est condamnée à lui rembourser les sommes avancées en application des articles L 452-3 et suivants du code de la sécurité sociale,

- condamné la société [3] à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société [3] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société [3] aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 30 mars 2020, la société [6] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions du 23 mai 2022, déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [6] demande à la cour de :

A titre principal:

- réformer le jugement dont appel,

- constater que M. [C] ne rapporte aucunement la preuve de la faute inexcusable commise par la société [3],

En conséquence,

- débouter purement et simplement M. [C] de l'intégralité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- sur la demande d'expertise, donner acte à la société [3] de ce qu'elle entend s'en rapporter à justice,

- sur la demande de provision sur dommages et intérêts, rejeter la demande présentée par M. [C],

En conséquence,

- rejeter toutes les demandes de M. [C],

A titre surabondant,

- réduire les demandes de M. [C] dans les plus amples proportions,

- condamner M. [C] à payer à la société [3] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 septembre 2022, déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sur la faute inexcusable, la majoration de capital à son taux maximum et dit que cette majoration suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime, l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire, du préjudice professionnel, l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réformer pour le surplus,

- condamner la société [3] au paiement des sommes suivantes:

* 5725 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 12 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 2000 euros au titre des dépenses de santé futures,

- dire que la caisse devra faire l'avance de ces sommes,

- débouter la société [3] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société [3] au paiement d'une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Par conclusions du 10 octobre 2022, déposées et soutenues oralement à l'audience par sa représentante, la caisse demande à la cour de:

- constater qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

Si la faute inexcusable est reconnue :

- réduire à de plus justes proportions le montant des préjudices extrapatrimoniaux sollicités par M. [C] au titre de ses préjudices de souffrances physiques et morales ainsi que sur les préjudices personnels,

- dire que la caisse pourra dans l'exercice de son action récursoire recouvrer auprès de la société [3], dont la faute inexcusable aura été reconnue, ou de son assureur, l'intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l'avance au titre de la faute inexcusable ( majoration de rente, préjudices extrapatrimoniaux et provision).

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE, LA COUR

I - Sur la faute inexcusable

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur  avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

 

Il appartient à la victime de justifier que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.

La conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.

En outre, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité soit retenue alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Pour apprécier cette conscience du danger et l'adaptation des mesures prises aux risques encourus, les circonstances de l'accident doivent être établies de façon certaine.

Il ressort des pièces produites et notamment de la plainte déposée par M. [C] que le 9 janvier 2015 à 19h40 , alors qu'il se trouvait à son poste de conduite sur la ligne [Localité 5] - [Localité 4], un passager, à qui il indiquait qu'il était arrivé à destination, lui a porté des coups de pieds notamment sur le coude droit, lesquels ont provoqué une vive douleur à l'épaule et au cou. Il précisait que lorsque le passager était monté dans le bus, il lui avait indiqué que son ticket ne lui permettait pas d'aller au delà de [Localité 9], lieu où il disait se rendre.

La société [6], appelante, fait valoir que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, M. [C] ne démontre pas qu'elle avait ou qu'elle aurait dû avoir conscience des risques auxquels il était exposé et qu'elle n'a pas pris les mesures idoines pour éviter que ne se produise l'accident.

La société [6], dont l'activité principale est le transport collectif de voyageurs, connaît le risque d'agression pesant sur ses conducteurs receveurs ainsi qu'en témoigne le rapport de 2013 qu'elle verse aux débats, émanant de la mission permanente d'évaluation de la politique de prévention de la délinquance, consacré à la prévention de la délinquance dans les transports collectifs urbains, détaillant les ' moyens efficaces et généralement déployés ' pour assurer dans les bus la protection du conducteur qui est le premier objectif.

La société ne peut ni invoquer une diminution du nombre d'agressions des chauffeurs sur le territoire national entre 2015 et 2017, ni dire que les agressions sont limitées sur le réseau [3] en comparaison du nombre de passagers transportés (5 agressions en 2015 pour 3,7 millions de passagers) pour soutenir que les conducteurs receveurs ne sont pas exposés à ce risque.

En effet, ces chiffres, qui concernent une période postérieure à l'agression de M. [C], démontrent que ce risque fait l'objet d'une surveillance et d'une analyse sur les lignes du réseau.

En outre, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, la dangerosité de l'agresseur de M. [C] était connue de l'employeur puisque par un courrier du 16 mars 2015, le directeur de la société a informé M. [C] que trois plaintes avaient déjà été déposées contre lui.

La société ne pouvait donc ignorer le risque encouru par son salarié. D'ailleurs , le directeur de la société termine son courrier du 25 janvier 2015 à l'adresse de M. [C] en ces termes : 'je pense que l'entreprise vous a soutenu, comme elle le fait pour chaque salarié lorsque se produit un incident de ce type.'

Ainsi, M. [C] démontre que son employeur était parfaitement conscient du risque auquel il était exposé.

Il reproche à son employeur de ne pas avoir mis en place de système de prévention des agressions, de type cabine protégée et/ ou passage d'agents de sécurité. Il fait valoir que seuls avaient été mis en place des dispositifs après agression.

La société rétorque que les véhicules sont équipés d'un pupitre SAE, qui permet de réagir lors de la survenance d'une agression, en permettant au conducteur d'entrer en relation avec le système central.

Cependant ce système, qui n'est pas un dispositif destiné à prévenir les agressions ou à en limiter le risque, est pour le surplus peu fiable, la notice d'utilisation précisant qu'il peut se déconnecter pour des raisons de mauvaise couverture ou de saturation du réseau,qu'il ne peut fonctionner que sur un seul itinéraire entre deux arrêts, que si le chauffeur n'effectue pas la route prévue et relevée, le système passera en ' délocalisé'.

En outre,ce système fonctionne par haut parleur ce qui ne permet pas au conducteur de l'actionner à l'insu de l'agresseur.

La société produit par ailleurs un protocole applicable en cas d'agression verbale ou physique détaillant la conduite à tenir en un tel cas.

M. [C] souligne que ce protocole s'est avéré insuffisant lorsqu'il en a fait usage le 9 janvier 2015, puisque le correspondant qui lui a répondu n'était pas de permanence mais en congés et qu'il lui a indiqué qu'il ne connaissait pas la procédure à suivre.

En outre il s'agit d'un dispositif post agression .

La société, qui emploie plus de 250 chauffeurs, ne peut prétendre protéger ses chauffeurs en indiquant que des agents sont affectés au constat des fraudes, puisqu'en réalité seuls 4 salariés sont affectés à la fraude, ce qui est dérisoire et que seule la présence de contrôleurs permet d'assurer la sécurité des chauffeurs en cas d'incivilités, de comportements violents ou de fraude.

Sur sommation de produire un document justifiant du nombre de contrôleurs affectés à la ligne de M. [C], la société n'a pas déféré, indiquant qu'elle ne disposait pas de la pièce demandée et qu'elle recherchait un document approchant.

Enfin, par courrier du 25 janvier 2015, le directeur de la société a informé M. [C] des :

' mesures prises suite à à l'incident du 9 janvier :

- sollicitation d'un rendez vous avec la police pour évoquer les difficultés rencontrées à la gare routière,

- envoi d'un courrier au Maire de [Localité 4] avec copie au Conseil Général,

- envoi d'un courrier du Conseil Général au Maire de [Localité 4],

- proposition d'exclusions de cette personne [ l'agresseur ] de nos services pour une durée de 2 mois au Conseil Général,

- modification programmée de notre règlement d'exploitation , offrant la possibilité au délégataire d'exclure temporairement ou définitivement des usagers du service sans risque de recours,

- renfort ponctuel de la sécurité à la gare routière suite aux incidents du mois de janvier.'

Ce courrier démontre à lui seul la prise de conscience de la société de l'insuffisance des mesures jusqu'alors en vigueur destinées à prévenir le risque d'agressions sur son réseau et la nécessité de prendre de nouvelles mesures.

En outre, le rapport de l'INRS ( institut national de recherche et de sécurité), consacré aux violences au travail et aux actions à mener dans le cadre du travail en contact avec le public, souligne que si la formation peut aider les salariés à mieux comprendre comment les tensions s'amplifient et à adopter des attitudes permettant de les apaiser, elle ne constitue pas une garantie de résultat.

Ainsi, les formations théoriques, préconisées dans le document d'évaluation des risques établi en 2015, après l'accident, sont insuffisantes à elles seules et ne peuvent se substituer à d'autres mesures telles que la mise en place de dispositifs de protection dans les véhicules, systèmes de vidéoprotection, bouton - alarme ou pédale d'appel d'urgence ou de cabines anti - intrusion, préconisés dans le rapport de l'INRS sur les violences au travail.

Au vu de ces éléments, M. [C] démontre que la société [6], consciente du risque auquel était exposé son salarié, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de la société [6] à l'origine de l'accident du travail dont a été victime M. [C] le 9 janvier 2015.

II- Sur les conséquences de la faute inexcusable

1) Sur la majoration de rente

Conformément aux dispositions des articles L 411-1, L 431-1, L 452-2 et L 453-1 du code de la sécurité sociale, la majoration de rente ou de capital prévue lorsque l'accident du travail est du à la faute inexcusable de l'employeur, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, ne peut être réduite que lorsque le salarié victime a lui-même commis une faute inexcusable au sens de l'article L.453-1 du même code, c'est à dire une faute d'une exceptionnelle gravité exposant son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience.

Dès lors qu'il n'est ni établi ni argué que M. [C] aurait commis une telle faute, la majoration de rente doit être fixée au maximum.

Il résulte des termes de l'article L 452-2 alinéas 2 et 3 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente ou du capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle consécutifs à la faute inexcusable de son employeur est calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle - ci reste atteinte, de sorte que cette majoration doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime.

En conséquence, il convient de dire que la majoration suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime.

Cette majoration sera versée directement à la victime par la caisse primaire d'assurance maladie du qui en récupérera le montant, auprès de l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L 452 - 2 alinéa 6 du code de la sécurité sociale.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2) Sur les demandes d'expertise et de versement de provision sur dommages et intérêts

Contrairement à ce qu'indique la société [6] , M. [C] ne sollicite devant la cour ni que soit ordonnée une expertise ni le versement d'une provision.

Dès lors il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes.

3) Sur l'indemnisation des préjudices

En application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En application de l'article L 452-3 du même code la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Il résulte de la réponse donnée le 18 juin 2010 par le Conseil Constitutionnel à une question prioritaire de constitutionnalité (décision n°2010-8) que la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle découlant de la faute inexcusable de l'employeur peut demander sur le fondement de l'article L 452-3 précité devant la juridiction de la sécurité sociale la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par ce texte, mais à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

M. [C] verse aux débats un rapport d'expertise établi par le docteur [X] [D] - [E], expert , désignée par jugement du tribunal correctionnel du tribunal de grande instance de Caen en date du 27 juin 2017 dans le cadre de la procédure de violences volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail inférieure ou égale à 8 jours. Il a également été examiné dans le cadre de cette expertise par le docteur [L], expert psychiatre.

Ce jugement n'a pas été versé aux débats.

3.1) Sur le déficit fonctionnel temporaire

Les premiers juges, retenant à ce titre un montant journalier de 23 euros, ont accordé à M. [C] une somme totale de 3070,50 euros .

Celui - ci demande qu'elle soit portée à 5725 euros, faisant valoir la jurisprudence habituelle.

Le déficit fonctionnel temporaire n'est pas couvert par les indemnités journalières et inclut pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle, le temps d'hospitalisation, les pertes de qualité de vie ainsi que des joies usuelles de la vie courante durant la maladie. La base journalière de 25 euros sera retenue.

En conséquence, il sera alloué à M. [C] :

- 25 euros x 2 jours = 50 euros (au titre du déficit fonctionnel temporaire total)

- 25 euros x 50% x 20 jours = 250 euros

- 25 euros x 25% x 486 jours = 3037,50 euros

soit un total de 3337,50 euros.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef

3.2) Sur les souffrances endurées

L'article L 452 -3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées. Sont réparables en application de l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale , les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

Il s'agit d'un seul et même poste de préjudice qui ne peut faire l'objet d'une indemnisation séparée ni a fortiori d'une double indemnisation.

M. [C] demande que ce préjudice, fixé à 9000 euros par le tribunal, soit porté à 12 000 euros faisant valoir que l'expert a fixé son préjudice à 3,5 / 7, qu'à la suite de son agression, il s'est trouvé dans un tel état de souffrance qu'il s'est fait tatouer dans le dos une tête de mort traversée d'épées, ce qui démontre son profond mal - être, qu'il est depuis lors devenu colérique ne supportant plus aucun désaccord ou conflit, que son changement de comportement a impacté sa vie de couple, ainsi que ses relations avec ses amis, que la prise de cachets particulièrement importante a une incidence sur sa vie intime.

Le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire, qui répare la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique, intègre le préjudice sexuel subi pendant cette période, de sorte que M. [C] ne peut demander l'indemnisation de ce préjudice au titre des souffrances endurées.

L'expert souligne les douleurs ressenties par M. [C] au niveau du cou et du membre supérieur droit ainsi que les troubles anxio- dépressifs importants, caractérisés par des symptômes anxieux et une altération dépressive de l'humeur, jusqu'à la date de consolidation et donc non indemnisés par la rente allouée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Le fait que M. [C] ait terminé son service après l'agression ne peut être retenu, comme le demande la société, pour minorer le préjudice par lui subi.

Au regard des éléments relevés par l'expert, c'est à juste titre que M. [C] demande que l'indemnisation soit portée à 12 000 euros.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

3.3 ) Sur le préjudice esthétique temporaire

M. [C] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a indemnisé son préjudice, évalué à 1/7, à 1500 euros.

La société conclut au rejet de ce demande et la caisse à une réduction à de plus justes proportions.

Elles ne font valoir aucun élément de nature à contredire les conclusions du rapport d'expertise.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

3.4 ) Sur les dépenses de santé futures

M. [C] demande l'infirmation du jugement qui lui a accordé à ce titre 400 euros, réitérant une indemnisation à hauteur de 2000 euros au titre des dépenses de santé non prises en charge.

Il se prévaut d'une part, du rapport de l'expert, mentionnant que son état est susceptible d'entraîner des dépenses de santé futures, à type de traitement médicamenteux psychotrope de longue durée et d'autre part, du fait qu'il est contraint à un suivi mensuel chez un psychiatre, dont l'intégralité des frais n'est pas remboursée et dont le cabinet se situe à une heure de trajet de son domicile.

La société conclut au rejet de cette demande.

A l'appui de sa demande, M. [C] produit un relevé de la caisse primaire d'assurance maladie pour la période du 1er au 30 juin 2019 faisant état de remboursement de frais médicaux sur la base d'un taux de 100% .

Les pièces produites ne permettent pas de justifier du bien fondé de la demande présentée.

Elle sera donc par voie d'infirmation rejetée.

3.5) Sur la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle

Le tribunal lui a accordé 30 000 euros en réparation de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, soulignant que si l'expert ne retient pas de répercussions de l'accident sur son activité professionnelle, il note un symptôme anxieux persistant et que M. [C] justifie qu'il aurait pu sérieusement prétendre à une promotion durable avec notamment un poste de magasinier adjoint responsable, qu'il a obtenu mais qu'il n' a pas pu consever du fait des suites psychologiques de l'accident. Les premiers juges relèvent que l'impossibilité d'exercer sa profession initiale se trouve déjà indemnisée par la rente.

M. [C] demande la confirmation du jugement sur ce point.

La société [6] conclut au rejet .

Le préjudice professionnel et l'incidence professionnelle sont réparés par l'allocation d'une rente ou du capital accident du travail et par la majoration de la rente ou du capital en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, en application de l'article L 452 - 2 du code de la sécurité sociale . Il en est de même de la perte de salaire pendant l'arrêt de travail qui est indemnisée forfaitairement par le versement des indemnités journalières et de la perte de revenus futurs qui est indemnisée par la rente .

L'indemnité au titre de la perte de chance de promotion professionnelle suppose la démonstration que l'accident a privé la victime de perspectives réelles et concrètes d'obtenir un poste mieux qualifié ou rémunéré.

Il appartient au salarié d'établir qu'il aurait eu , au jour de l'accident, de sérieuses chances de promotion professionnelle.

M. [C] ne rapporte pas la preuve qu'au jour de l'accident, le 9 janvier 2015, il avait de réelles et concrètes perspectives d'obtenir un poste mieux qualifié ou rémunéré.

C'est à tort que les premiers juges ont apprécié sa situation à une période postérieure à l'accident et non au jour de celui - ci.

Cette demande sera donc par voie d'infirmation, rejetée.

3.6) Sur le déficit fonctionnel permanent

Les dispositions du jugement déféré ayant rejeté cette demande ne sont pas remises en cause.

Elles seront donc confirmées .

III - Sur l'action récursoire de la caisse

Les dispositions du jugement déféré ayant dit que les sommes dues seront directement payées à M. [V] [C] par la caisse qui en récupérera le montant auprès de la société [3] employeur de M. [C], laquelle est condamnée à lui rembourser les sommes avancées en application des articles L 452-3 et suivants du code de la sécurité sociale, ne sont pas remises en cause, elles seront donc confirmées.

IV - Sur les autres demandes

La société [6] qui succombe, supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société [6] les dépens de première instance, rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné celle -ci à verser à M. [C] la somme de 2000 euros à ce titre.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande présentée par M. [C] en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que l'accident du travail dont a été victime M. [V] [C] le 9 janvier 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [3],

- ordonné la fixation au maximum légal de l'indemnité fixée par les dispositions de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale et dit que cette majoration suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime,

- dit que cette majoration sera directement versée à la victime par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados qui en récupérera le montant auprès de la société [3], en application du code de la sécurité sociale,

- fixé l'indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire de M. [C] à la somme de 1500 euros,

- rejeté la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel permanent,

dit que les sommes dues seront directement payées à M. [V] [C] par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados,

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados en récupérera le montant auprès de la société [3] employeur de M. [C], laquelle est condamnée à lui rembourser les sommes avancées en application des articles L 452-3 et suivants du code de la sécurité sociale,

- condamné la société [3] aux dépens,

- débouté la société [3] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [3] à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

- accorde à M. [C] les sommes suivantes:

- déficit fonctionnel temporaire : 3337,50 euros

- souffrances endurées : 12 000 euros

- rejette les demandes présentées au titre des dépenses de santé futures et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle:

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes d'expertise et de provision sur dommages et intérêts

- Condamne la société [3] aux dépens d'appel,

- Déboute M. [C] et la société [3] de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 20/00684
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;20.00684 ?
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