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26/01/2023 | FRANCE | N°20/00730

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 26 janvier 2023, 20/00730


AFFAIRE : N° RG 20/00730

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQRH

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 10 Février 2020 - RG n° 17/00088









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023





APPELANT :



Monsieur [V] [W]

[Adresse 6]

[Adresse 6]



Comparant en personne, assisté de Me Jean-Jacques SOULAS, avocat au barreau de PARIS


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INTIMEES :



S.A.S. [3]

[Adresse 2]



Représentée par Me Aurélie VIELPEAU, avocat au barreau de CAEN



S.A.R.L. [4]

[Adresse 10]

[Adresse 10]



Représentée par Me Florence TOUCHARD, avocat au barreau de CA...

AFFAIRE : N° RG 20/00730

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQRH

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 10 Février 2020 - RG n° 17/00088

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023

APPELANT :

Monsieur [V] [W]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Comparant en personne, assisté de Me Jean-Jacques SOULAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

S.A.S. [3]

[Adresse 2]

Représentée par Me Aurélie VIELPEAU, avocat au barreau de CAEN

S.A.R.L. [4]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Florence TOUCHARD, avocat au barreau de CAEN

SA [8]

[Adresse 5]

Représentée par Me Micheline HUMMEL-DESANGLOIS, avocat au barreau de ROUEN

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS

[Adresse 1]

Représentée par Mme [R], mandatée

DEBATS : A l'audience publique du 03 novembre 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLE, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 26 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [V] [W] d'un jugement rendu le 10 février 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à la société [3], la société [4], la société [8] et la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

FAITS et PROCEDURE

M. [W] a été embauché par la société [3] en qualité d'ouvrier qualifié. Il a été mis à la disposition de la société [4] dans le cadre d'un contrat de mission temporaire.

Le 2 février 2016, il a été victime d'un accident du travail.

La société [3] a établi le 4 février 2016 une déclaration d'accident du travail dans les termes suivants : 'M. [W] réalisait une tranchée au plafond à l'aide d'un perforateur électrique. Il aurait été déséquilibré et aurait chuté se blessant au niveau du coude gauche.'.

Le certificat médical initial du 2 février 2016 a relevé les lésions suivantes : 'fracture ouverte des deux os de l'avant-bras gauche'.

L'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse) au titre de la législation sur les risques professionnels suivant décision du 20 février 2016.

Le 29 mars 2019, la caisse a notifié à M. [W] un taux d'incapacité permanente partielle de 40 %.

M. [W] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur en application des articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Par jugement du 26 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados a :

- dit que l'accident du travail dont a été victime M. [W] le 2 février 2016 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [3]

- déclaré la société [3] fondée à être garantie à hauteur des deux tiers de toute condamnation découlant de cette faute, à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, la société [4]

- fixé au maximum légal le montant de la majoration de la rente accordée à M. [W] et dit que cette majoration suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de son état de santé

avant dire-droit,

- ordonné une expertise médicale confiée au docteur [N]

- alloué à M. [W] la somme de 5000 euros à titre de provision.

L'expert a déposé son rapport définitif le 24 mai 2019 complété par une note du 11 juin 2019.

Par jugement du 10 février 2020, le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :

- débouté M. [W] de ses demandes relatives au préjudice d'agrément, à la dévalorisation sur le marché du travail et à la perte de chance, à l'aide à la tierce personne post consolidation et à l'aménagement de son habitat

- fixé ainsi qu'il suit le préjudice personnel de M. [W] :

. souffrances endurées : 30 000 euros

. déficit fonctionnel temporaire : 12 812, 50 euros

. préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

. préjudice sexuel : 1 000 euros

. préjudice de formation : 2 000 euros

. frais divers antérieurs à la consolidation : 15 655 euros

- rappelé que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision

- rappelé qu'une provision de 5000 euros avait été allouée à M. [W]

- dit que ces sommes seront versées à la victime par la caisse

- dit que la caisse bénéficie de l'action récursoire à l'égard de la société [3] en vertu de l'article L 452-3 in fine du code de la sécurité sociale

- rappelé que la société [4] a été condamnée à garantir la société [3] à hauteur des deux tiers

- condamné la société [3] à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de la sécurité sociale

- condamné la société [3] à payer les dépens

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 6 mars 2019, M. [W] a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 20 septembre 2022 soutenues oralement à l'audience, il demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés [3] et [4] à lui payer :

. 30 000 euros (souffrances endurées)

. 12 812, 50 euros (déficit fonctionnel temporaire)

. 14 655 euros (frais divers antérieurs à la consolidation)

. 3 000 euros (préjudice esthétique permanent)

. 1 000 euros (préjudice sexuel)

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté partiellement M. [W] de sa demande au titre des frais antérieurs à la consolidation et attribué une somme de 14 655 euros à ce titre au lieu des 29 910 euros demandés

* débouté M. [W] de sa demande au titre de la perte ou la diminution de ses perspectives professionnelles en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale

statuant à nouveau,

- condamner les défendeurs à lui payer une somme de 15 255 euros au titre des frais antérieurs à la consolidation en complément de la somme allouée

- condamner la société [3] à lui payer les sommes suivantes :

. 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément

. 150 000 euros au titre de la dévalorisation sur le marché du travail et la perte de chance

. 81 120 euros pour la tierce personne après consolidation

- condamner la société [4] à garantir les deux tiers du paiement de ces sommes

- dire que la caisse fera l'avance des fonds

- dire que la caisse doit réviser l'allocation versée à M. [W] en vertu du rapport du docteur [N] sur la tierce personne après consolidation, soit deux heures par semaine à compter du 29 mars 2019 en application de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale et en vertu de la décision de la Mdph qui porte le taux d'incapacité de 40 % à plus de 50 % et moins de 80 % à compter du 1er juillet 2019

- condamner la société [3] et la société [4] à lui payer 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions notifiées le 29 octobre 2020 soutenues oralement à l'audience, la société [3] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf des chefs suivants :

* souffrances endurées

* préjudice esthétique

* frais divers et assistance tierce personne avant consolidation

* préjudice de formation

statuer à nouveau de ces chefs :

- fixer les souffrances endurées à 20 000 euros et le préjudice esthétique à 2 000 euros

- débouter M. [W] de toute demande au titre des frais divers, de l'assistance tierce personne avant consolidation et du préjudice de formation

- déduire la provision de 5000 euros

- dire n'y avoir lieu à condamnation à l'encontre de la société [3] mais à fixation du préjudice qui sera pris en charge par la caisse

- débouter M. [W] de toute demande dirigée directement contre la société [3]

- rejeter toutes demandes plus amples et contraires

- dire que la caisse ne bénéficiera d'aucun recours à l'encontre de la société [3] au titre d'intérêts de retard dus du fait du retard d'exécution du jugement

- rejeter toutes demandes plus amples et contraires

- condamner la société [4] et la [8] in solidum à garantir la société [3] à hauteur des deux tiers des préjudices, majoration de rente, préjudices complémentaires et article 700 et autres frais

- condamner M. [W] ou tous succombants à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions du 25 septembre 2020, soutenues oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de:

- confirmer le jugement sur les postes suivants :

. 30 000 euros (souffrances endurées)

. 12 812, 50 euros (déficit fonctionnel temporaire)

. 3 000 euros (préjudice esthétique permanent)

. 1 000 euros (préjudice sexuel)

- débouter M. [W] de ses demandes au titre des frais divers, de l'assistance tierce personne avant consolidation et préjudice de formation

- déduire la provision de 5 000 euros

- condamner M. [W] aux dépens.

Par conclusions notifiées le 9 juillet 2020, soutenues oralement à l'audience, la société [8] (assureur de la société [4]) demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur les postes suivants :

. 30 000 euros (souffrances endurées)

. 12 812, 50 euros (déficit fonctionnel temporaire)

. 3 000 euros (préjudice esthétique permanent)

. 1 000 euros (préjudice sexuel)

. dire que de cette somme, il conviendra de déduire la provision de 5000 euros précédemment allouée par jugement du 26 mars 2018

pour le surplus,

- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 15 655 euros pour les frais antérieurs à la consolidation

- dire que la condamnation au titre du préjudice de formation professionnelle à hauteur de 2 000 euros relève d'une erreur purement matérielle

- dire que l'appel de M. [W] est non fondé

- le débouter de toutes ses réclamations

- réduire sa réclamation au titre des frais irrépétibles.

Suivant conclusions notifiées le 16 août 2022 soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- constater qu'elle s'en rapporte à justice sur le montant des préjudices

- dire qu'elle pourra exercer son action récursoire et recouvrer auprès de l'employeur dont la faute inexcusable aura été reconnue ou de son assureur, l'intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l'avance au titre de la faute inexcusable (majoration de rente ou capital, provisions et préjudices extra patrimoniaux)

- réduire à de plus justes proportions le montant des préjudices sollicités tant au titre des préjudices extra-patrimoniaux que des préjudices personnels.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

L'article L 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que : 'indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

(...)

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'

En outre, par décision du 18 juin 2010 n° 2010-8 QPC, le Conseil constitutionnel a décidé que : 'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L 452-3 ne sauraient sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que les victimes ou leurs ayants droit puissent devant les mêmes juridictions demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV.'

Il en résulte qu'en plus des postes de préjudices limitativement énumérés par l'article L 452-3, la victime est bien fondée à demander à son employeur devant la juridiction de sécurité sociale notamment, la réparation du préjudice sexuel, du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d'assistance par une tierce personne avant consolidation.

En revanche, l'assistance par une tierce personne après consolidation est indemnisée dans les conditions de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale de telle sorte que ce préjudice est couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale. Ce dommage ne peut en conséquence donner droit à indemnisation sur le fondement de l'article L 452-3 du même code.

En l'espèce, par jugement du 26 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a dit que l'accident du travail de M. [W] du 2 février 2016 est dû à la faute inexcusable de la société [3], son employeur.

M. [W] est donc bien fondé à demander devant la juridiction de sécurité sociale l'indemnisation de ses préjudices dans les conditions et limites précédemment rappelées.

En revanche, eu égard aux principes rappelés ci-avant, il convient de dire n'y avoir lieu à condamner la société [3] et la société [4] à régler à M. [W] les indemnités réparant les préjudices indemnisables devant la juridiction de sécurité sociale, la caisse étant seule tenue de faire l'avance de ces sommes.

Il sera dit que la caisse versera directement les indemnités allouées à M. [W].

I - Sur la liquidation des préjudices

Le rapport d'expertise judiciaire rappelle qu'à son admission au service des urgences de l'hôpital de [Localité 7] le 2 février 2016, M. [W] présentait une 'fracture extrêmement grave, comminutive, complexe de l'extrémité supérieure des deux os de l'avant bras, associée à une luxation du coude ouverte, classée Cauchoix 2, au niveau du coude gauche'.

M. [W] a été opéré le 4 février suivant (ostéosynthèse), puis 'repris' à plusieurs reprises au cours du printemps 2016 notamment en raison d'infections consécutives ayant nécessité la poste d'un fixateur externe.

L'expert a retenu la date de consolidation fixée par le médecin conseil au 1er janvier 2019.

À cette date, M. [W] était âgé de 43 ans.

- Sur les souffrances endurées

Ce poste indemnise les souffrances physiques et morales subies par la victime jusqu'à la date de consolidation.

L'expert a évalué ce poste de préjudice à 5 sur une échelle de 7 tenant compte des circonstances de l'accident, du traumatisme psychologique, des douleurs intenses ressenties après l'accident dans le cadre du transport puis de l'attente avant la prise en charge (les antalgiques administrés étant manifestement insuffisants), des suites opératoires, des infections successives et du cumul des interventions.

Ce poste de préjudice sera évalué à hauteur de 30 000 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.

- Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste a pour objet d'indemniser le préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique jusqu'à la date de consolidation. Ce préjudice intègre notamment la privation temporaire des activités privées et d'agrément.

L'expert a retenu un taux de déficit fonctionnel temporaire total de 100 % pendant les périodes d'hospitalisation et de 50 % en dehors de ces périodes, sur la période du 2 février 2016 jusqu'à la date de consolidation.

Sur le fondement d'une indemnisation fixée à hauteur de 25 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total et 12,50 euros par jour pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expert à 50 %, ce poste de préjudice sera évalué à la somme globale de 12 812, 50 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur le préjudice sexuel

Ce poste indemnise notamment la perte de libido et la diminution des capacités physiques en lien avec l'acte sexuel après la date de consolidation.

L'expert a retenu ce poste, rappelant que l'épouse de M. [W] avait confirmé devant lui, que la réalité de ce préjudice était établie.

Il sera évalué à 1000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur le préjudice esthétique permanent

Ce poste indemnise l'altération physique de la victime consécutive aux lésions définitives subies, c'est à dire après consolidation.

Il est constant que l'expert a évalué ce poste à 2 sur 7.

Il correspond aux cicatrices au coude et à l'avant-bras, à une déformation du coude et à la nécessité de porter une coudière.

Ce poste de préjudice sera évalué à 3000 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.

- Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité physique ou de loisirs. Ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure.

Il appartient à la victime de démontrer qu'elle pratiquait antérieurement et régulièrement une activité spécifique et qu'elle ne peut plus le faire ou qu'elle est limitée dans cette activité.

M. [W] prétend qu'il ne peut plus pratiquer la moto compte tenu de son handicap. Il ajoute qu'il lui est 'impossible de prouver la pratique antérieure à l'accident.'

Cette dernière affirmation est inexacte dans la mesure où cette preuve peut être rapportée par tous moyens notamment par des attestations de proches qui ont été témoins de la pratique du loisir allégué.

Les seuls documents produits par M. [W] pour justifier de la pratique de la moto sont une photographie le montrant assis sur une moto ainsi qu'une fiche d'immobilisation afférente à un véhicule automobile de marque Renault (pièce n° 5).

Ces documents sont insuffisants pour établir que M. [W] pratiquait habituellement la moto avant son accident à titre de loisir.

La demande d'indemnisation du préjudice d'agrément sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

- Sur les 'frais avant consolidation' (dont tierce personne temporaire)

Au titre de ce poste, M. [W] invoque des frais de transport pour les consultations et hospitalisations à [Localité 9] en mai 2017, juillet 2017, août 2017 et mars 2018 ainsi qu'un besoin d'assistance par une tierce personne à hauteur de 2 heures par jour jusqu'à la date de consolidation.

- sur les frais de transport

Les dépenses de santé et frais exposés pour les déplacements nécessités par des soins figurent parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le libre IV du code de la sécurité sociale.

Ils ne peuvent donc donner lieu à indemnisation devant la juridiction de sécurité sociale.

M. [W] sera débouté de sa demande au titre des frais de transport.

- sur l'assistance par une tierce personne

Ce chef de préjudice n'a pas à être réduit en cas de recours à un membre de la famille, ni subordonné à la production de justificatifs de dépenses effectives.

Le taux horaire peut varier pour la tierce personne en fonction du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne.

Ce poste correspond au besoin d'assistance par une tierce personne (professionnelle rémunérée à ce titre ou aide familiale non rémunérée) dans les actes de la vie courante, lié aux séquelles avant consolidation. Il a pour objet de restaurer la dignité de la victime et de suppléer sa perte d'autonomie.

Il est évalué en considération des besoins et non au regard de la justification de la dépense.

M. [W] fait valoir un besoin en tierce personne de 2 heures par jour avant consolidation et une indemnisation sur la base de 15 euros de l'heure.

L'expert n'a pas évalué le besoin en aide humaine avant consolidation.

Il résulte toutefois du rapport d'expertise qu'avant consolidation et en dehors des périodes d'hospitalisation, ce qui correspond à 997 jours, M. [W] a présenté un déficit fonctionnel temporaire évalué à 50 %.

Les douleurs sont décrites comme permanentes le jour et la nuit. Les compte-rendus médicaux antérieurs à la consolidation confirment les limitations de mouvement du bras gauche au niveau du coude, très limité en flexion et raide en pronation.

La preuve d'un besoin en aide humaine pour l'habillage, la toilette, le repas, le port de charges tel un sac de courses et la conduite de véhicule automobile pour la période antérieure à la consolidation est donc établie.

Compte tenu de ces observations, ce besoin sera évalué à une heure par jour d'aide humaine non spécialisée (sur la base d'un coût horaire de 15 euros comme sollicité) pour la période antérieure à la consolidation, soit la somme de 14 955 euros (997 heures x 15 euros).

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fixé le poste 'frais antérieurs à la consolidation' à hauteur de 15 655 euros dont 1 000 euros au titre des frais de transport et statuant à nouveau, il convient de fixer le besoin en tierce personne avant consolidation à 14 955 euros et de débouter M. [W] de sa demande au titre des frais de transport.

- Sur le besoin en tierce personne après consolidation

M. [W] sollicite l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 81 120 euros et la révision de l'allocation versée par la caisse compte tenu du besoin en tierce personne, en application de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale .

Tout d'abord, l'assistance par une tierce personne après consolidation est indemnisée dans les conditions de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale de telle sorte que ce préjudice est couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Ce dommage ne peut en conséquence donner droit à indemnisation sur le fondement de l'article L.452-3 du même code.

M. [W] sera donc débouté de sa demande d'indemnisation du besoin en tierce personne après consolidation à hauteur de 81 120 euros, le jugement étant confirmé sur ce point.

Ensuite, le taux d'incapacité permanente partielle n'a pas été fixé par l'expert judiciaire dont la mission ne portait que sur les postes susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation devant la juridiction de sécurité sociale.

Pour justifier de sa demande de versement d'une allocation pour recours à une tierce personne, M. [W] se réfère au rapport de l'expert qui conclut à un besoin d'aide humaine de 2 heures par semaine, ainsi qu'à une décision de la Mdph de porter son taux d'incapacité de 40 % à plus de 50 %.

Toutefois, l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale subordonne le versement d'une prestation complémentaire pour recours à tierce personne à la condition que l'incapacité permanente partielle soit égale ou supérieure à un taux minimum.

Ce taux est fixé à 80 % par l'article R 434-3.

M. [W] ne démontre pas qu'il présente une incapacité permanente dont le taux s'élève à 80 %.

La demande de révision de l'allocation versée à M. [W] fondée sur son taux d'incapacité et son besoin en tierce personne sera donc rejetée.

- Sur la dévalorisation sur le marché du travail et la perte de chance

L'article L 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur est en droit d'obtenir l'indemnisation devant la juridiction de sécurité sociale de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

M. [W] prétend qu'il subit un préjudice à ce titre puisqu'il ne peut plus créer sa propre entreprise comme il en avait l'intention.

Le préjudice professionnel et l'incidence professionnelle sont réparés par l'allocation d'une rente ou du capital accident du travail et par la majoration de la rente ou du capital en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, en application de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale. Il en est de même de la perte de salaire pendant l'arrêt de travail qui est indemnisée forfaitairement par le versement des indemnités journalières et de la perte de revenus futurs qui est indemnisée par la rente.

L'indemnité au titre de la perte de chance de promotion professionnelle suppose la démonstration que l'accident a privé la victime de perspectives réelles et concrètes d'obtenir un poste mieux qualifié ou rémunéré.

Il appartient au salarié d'établir qu'il aurait eu, au jour de l'accident, de sérieuses chances de promotion professionnelle.

Pour en justifier, il produit une attestation de radiation 'micro-entrepreneur' intervenu le 2 février 2016 alors qu'il était immatriculé en cette qualité depuis le 2 juin 2012.

Ce seul document est insuffisant pour établir que M. [W] avait de réelles et concrètes perspectives de bénéficier d'une meilleure rémunération en qualité de micro-entrepreneur par rapport à l'emploi qu'il occupait au sein de la société [3].

M. [W] ne justifie donc pas d'une perte ou d'une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

La demande d'indemnisation de ce poste de préjudice sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

- Sur la formation professionnelle

Le jugement a alloué à M. [W] la somme de 2000 euros au titre d'un préjudice de formation dont l'indemnisation n'était pas sollicitée. Ce poste ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune motivation.

Conformément à l'article 464 du code de procédure civile, il convient de rectifier le jugement déféré et de dire que la mention 'le préjudice de formation : 2000 euros' doit être retirée du dispositif.

- Sur la déduction de la provision

Le jugement du 26 mars 2018 a alloué à M. [W] la somme de 5000 euros à titre de provision.

Il convient de dire que la provision de 5000 euros viendra en déduction des sommes allouées à M. [W].

II - Sur l'action récursoire de la caisse

Il est constant que la caisse doit faire l'avance des indemnités allouées à M. [W] et qu'elle bénéficie d'une action récursoire pour en obtenir le remboursement, à l'encontre de son employeur, la société [3].

La société [3] demande que les intérêts de retard dus en raison d'un défaut d'exécution du jugement soient exclus du recours de la caisse.

Toutefois, elle ne justifie d'aucun défaut d'exécution du jugement par la caisse.

Elle sera donc déboutée de sa demande au titre des intérêts de retard.

III - Sur la demande de condamnation de la [8] in solidum avec la société [4]

La société [3] sollicite la condamnation in solidum de la [8] et de la société [4] à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à hauteur des deux tiers.

La société [4] a été condamnée à garantir la société [3] à hauteur des deux tiers par le jugement du 26 mars 2018 qui a statué sur la faute inexcusable.

La [8] est l'assureur de responsabilité de la société [4]. Elle ne s'oppose pas à la demande.

Il sera donc fait droit à la demande de condamnation de la société [4] et de la [8] in solidum à garantir la société [3] à hauteur des deux tiers des indemnités mises à sa charge au titre de la faute inexcusable.

IV - Sur les dépens et frais irrépétibles

Confirmé sur le principal, le jugement sera aussi confirmé sur les dépens et frais irrépétibles.

Succombant intégralement en cause d'appel, M. [W] sera condamné aux dépens afférents et débouté de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, .

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société [3] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rectifie le jugement déféré en ce sens que la mention 'le préjudice de formation : 2000 euros' est retranchée du dispositif;

Confirme le jugement déféré ainsi rectifié sauf en ce qu'il a fixé le préjudice 'frais antérieurs à la consolidation' à 15 655 euros;

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe le préjudice d'assistance par une tierce personne avant consolidation à 14 955 euros ;

Déboute M. [W] de sa demande au titre des frais de transport ;

Déboute M. [W] de sa demande de révision de l'allocation pour recours à tiers personne versée par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados ;

Dit n'y avoir lieu à condamner la société [3] et la société [4] à régler à M. [W] les indemnités réparant les préjudices indemnisables devant la juridiction de sécurité sociale ;

Dit qu'il appartiendra à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados de régler à M. [W] les indemnités allouées ;

Dit que la provision de 5000 euros viendra en déduction des sommes allouées à M. [W] ;

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados pourra dans l'exercice de son action récursoire recouvrer auprès de la société [3] l'ensemble des sommes dont elle est tenue de faire l'avance au titre de la faute inexcusable ;

Déboute la société [3] de sa demande tendant à exclure les intérêts de retard du recours de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados ;

Condamne in solidum la société [4] et la société [8] à garantir la société [3] à hauteur des deux tiers des indemnités mises à sa charge au titre de la faute inexcusable ;

Condamne M. [W] aux dépens d'appel ;

Déboute la société [3] et M. [W] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 20/00730
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;20.00730 ?
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