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26/01/2023 | FRANCE | N°20/00786

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 26 janvier 2023, 20/00786


AFFAIRE : N° RG 20/00786

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQUZ

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 28 Février 2020 - RG n° 16/00751









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023



APPELANTE :



S.A.S. [5]

[Adresse 3]



Représentée par Me Christophe BIDAL, substitué par Me ALVES-CONDÉ, avocats au barreau de LYON





INTIMES :





Monsieur [P] [B]

[Adresse 1]



Représenté par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS

[Adresse 2]

[Adresse 4]



Représentée par Mme [N], mandatée




...

AFFAIRE : N° RG 20/00786

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQUZ

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 28 Février 2020 - RG n° 16/00751

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023

APPELANTE :

S.A.S. [5]

[Adresse 3]

Représentée par Me Christophe BIDAL, substitué par Me ALVES-CONDÉ, avocats au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur [P] [B]

[Adresse 1]

Représenté par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS

[Adresse 2]

[Adresse 4]

Représentée par Mme [N], mandatée

DEBATS : A l'audience publique du 03 novembre 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 26 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [5] d'un jugement rendu le 28 février 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à M. [B], en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

FAITS et PROCEDURE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que M. [B], salarié de la société [5] ('la société') dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en qualité de chef d'équipe, a été victime d'un accident du travail le 14 février 2011, déclaré le 25 mars 2011 sur la base d'un certificat médical initial du 15 mars 2011 faisant état d'une 'dépression réactionnelle d'angoisse liée aux conditions de travail et aux exigences et relations hiérarchiques incompatibles avec la notion de travail bien fait de M. [B]'.

Par jugement du 30 août 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen a :

- dit que l'accident dont a été victime M. [B] est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société,

- ordonné la fixation à son maximum légal de la majoration de la rente prévue par les dispositions de l'article L.452-2 du code de sécurité sociale et dit que cette majoration suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime,

- avant-dire-droit sur la réparation des préjudices personnels, ordonné une expertise médicale confiée au docteur [I] et sursis à statuer sur leur évaluation dans l'attente du rapport d'expertise,

- alloué à M. [B] une provision à valoir sur ses préjudices personnels, d'un montant de 3 000 euros versée directement par la caisse, laquelle en récupérera le montant auprès de l'employeur en application des dispositions de l'article L.452-3 du code de sécurité sociale,

- ordonné l'exécution provisoire et sursis à statuer sur ces préjudices ainsi que sur les dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 15 juillet 2019, M. [I], expert judiciaire, a été remplacé par M. [U].

Par arrêt du 16 septembre 2021, la cour d'appel de Caen a confirmé ce jugement et condamné la société à verser la somme de 2 000 euros à M. [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 février 2020, le tribunal judiciaire de Caen a :

- alloué à M. [B] en réparation des préjudices subis du fait de l'accident du travail survenu le 14 février 2011, étant précisé que la date de consolidation a été définitivement fixée au 30 septembre 2013, les sommes suivantes qui porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision :

- la somme de 4 384 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation,

- la somme de 6 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- la somme de 9 000 euros au titre de ses préjudices liés aux souffrances physiques et morales,

- débouté M. [B] de sa demande au titre du préjudice moral lequel est intégré dans les souffrances endurées,

- dit que les sommes dues seront directement payées à M. [B] par la caisse, après déduction des provisions éventuellement versées, soit 3 000 euros,

- dit que la caisse en récupérera le montant auprès de la société, employeur de M. [B], condamnée à lui rembourser les sommes avancées en application des dispositions de l'article L.452-2 et suivants du code de sécurité sociale,

- condamné la société à payer à M. [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société aux dépens de la procédure,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par acte du 2 avril 2020, la société a interjeté appel de ce jugement.

La société fait déposer le 23 mars 2022 et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau de débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, subsidiairement de réduire ses demandes à de plus justes proportions, et de le débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [B] fait déposer le 21 janvier 2022 et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a alloué la somme de 4 384 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation ainsi que la somme de 6 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- le confirmer dans son principe sur l'allocation d'une indemnité au titre des préjudices liés aux souffrances physiques et morales,

- infirmer, sur le quantum, la somme allouée au titre des préjudices liés aux souffrances physiques et morales,

- allouer à M. [B] la somme de 15 000 euros au titre des préjudices liés aux souffrances physiques et morales,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande au titre du préjudice moral,

- allouer à M. [B] la somme de 7 000 euros à ce titre,

- le renvoyer devant la caisse pour la mise en paiement de ces sommes,

- débouter la société de l'intégralité de ses demandes

En tout état de cause,

- condamner la société [5] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les éventuels dépens.

La caisse fait déposer le 16 août 2022 et soutenir oralement par son représentant des observations aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- constater que la caisse s'en rapporte à justice sur le montant des préjudices sollicitées par M. [B],

- réduire à de plus justes proportions le montant des préjudices sollicités tant au titre des préjudices extra patrimoniaux que des préjudices patrimoniaux,

- dire que la caisse pourra dans l'exercice de son action récursoire recouvrer auprès de l'employeur, dont la faute inexcusable a été reconnue, ou de son assureur, l'intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l'avance au titre de la faute inexcusable (majoration de capital ou de rente, provisions et préjudices).

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE , LA COUR

Le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il a :

- dit que les sommes dues seront directement payées à M. [B] par la caisse, après déduction des provisions éventuellement versées, soit 3 000 euros,

- dit que la caisse en récupérera le montant auprès de la société, employeur de M. [B] condamnée à lui rembourser les sommes avancées en application des dispositions de l'article L.452-2 et suivants du code de sécurité sociale,

- condamné la société à payer à M. [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société aux dépens de la procédure.

Ces dispositions sont donc acquises.

En application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En application de l'article L 452-3 du même code, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Il résulte de la réponse donnée le 18 juin 2010 par le Conseil Constitutionnel à une question prioritaire de constitutionnalité (décision n°2010-8) que la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle découlant de la faute inexcusable de l'employeur peut demander sur le fondement de l'article L 452-3 précité devant la juridiction de la sécurité sociale la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par ce texte, mais à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Il ressort du rapport d'expertise que M. [B] a présenté un état dépressif dans le cadre d'un conflit professionnel.

Il n'y a pas d'état antérieur.

Souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

Le tribunal a fixé l'indemnisation de ce poste de préjudice à 9 000 euros.

La société demande qu'elle soit ramenée à de plus justes proportions, la somme allouée n'étant pas justifiée au regard des conclusions de l'expert judiciaire.

M. [B] demande qu'elle soit portée à 15 000 euros faisant valoir que son état de santé, à la suite de l'accident de travail, a nécessité un suivi psychiatrique durant cinq ans. Il ajoute qu'il souffre également de maux de dos récurrents dus au stress de sa situation, et qu'il a dû subir quatre infiltrations pour le soulager.

M. [U] explique qu'il s'agit de 'douleurs morales pour lesquelles il n'existe pas de référentiel. Il n'y a pas eu d'hospitalisation ni de traitement intensif. Le suivi psychiatrique a duré cinq ans. Dans l'échelle indiquée par la mission, on retient une quantification à 3,5/7.'

Au regard de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a indemnisé ce chef de préjudice à hauteur de 9 000 euros.

Préjudice moral

La société estime que les premiers juges ont débouté à bon droit M. [B] de sa demande présentée de manière distincte en réparation d'un préjudice moral.

M. [B] explique qu'il a extrêmement souffert de ce que sa carrière professionnelle se soit totalement arrêtée à la date de son accident, qu'il n'a jamais pu reprendre d'activité professionnelle durant les quelques années qui ont précédé son passage à la retraite. Il indique que suite à la décision judiciaire qui a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a ordonné sa réintégration, il s'est vu attribué un poste différent de l'ancien, et il a dû apprendre un nouveau métier. Il estime avoir été réintégré à un poste sans aucune évolution de carrière, alors que ses collègues ont vu leur évolution professionnelle se poursuivre. Il soutient avoir été victime de discrimination lors de son retour dans l'entreprise, en raison de son absence d'évolution de carrière, à la suite de quoi il a à nouveau été placé en arrêt de travail pour dépression réactionnelle en raison de ses conditions de travail et du comportement de son employeur.

Il fait valoir qu'il a souffert et souffre encore moralement de ce qui lui est arrivé, qu'il suit toujours des séances de psychothérapie individuelle.

Il est constant que la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut pas demander l'indemnisation de la perte de ses revenus professionnels, le mécanisme d'indemnisation dérogeant au droit commun de la responsabilité.

La demande de M. [B], au vu de ses motifs, ne vise pas seulement la réparation d'un préjudice moral, mais également la perte de revenus professionnels et la perte de droits à la retraite.

Or, outre que M. [B] ne justifie pas de la réalité du préjudice allégué, celui-ci ne ressort pas des préjudices indemnisables tels qu'énoncés par l'article L 452-3 du code de sécurité sociale. En effet, la perte de revenus professionnels et la perte de droits à la retraite ont déjà été pris en compte par l'attribution de la rente, tandis que le préjudice moral a été intégré dans la réparation des souffrances endurées.

C'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont débouté le salarié de cette demande.

Le jugement mérite confirmation à ce titre.

Déficit fonctionnel temporaire

L'expert judiciaire a retenu un déficit fonctionnel temporaire de classe II de l'ordre de 25 % de la gêne totale du 14 février 2011 au 30 septembre 2013.

Le tribunal a retenu un taux journalier de 25 euros.

La société s'en remet à l'appréciation de la cour, tandis que M. [B] sollicite la confirmation du jugement.

Compte tenu des conclusions de l'expert, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [B] une somme de 6 000 euros sur la base d'un taux journalier de 25 euros (960 jours X 25 euros X 0,25).

Assistance tierce personne temporaire

Le tribunal a accordé à M. [B] la somme de 4 384 euros, sur la base d'un forfait horaire de 16 euros, et des conclusions de l'expert qui a retenu la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique, jusqu'à la consolidation, à hauteur de deux heures par semaine.

La société s'en remet à l'appréciation de la cour, tandis que M. [B] sollicite la confirmation du jugement.

C'est par une juste appréciation des éléments qui leur ont été soumis que les premiers juges ont estimé que M. [B] avait eu besoin de l'aide d'un tiers avant consolidation pour lui prêter assistance y compris pendant et après les périodes d'hospitalisation et qu'ils ont apprécié cette aide à la somme de 4 384 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande d'allouer à M. [B] la somme complémentaire de 1 000 euros en application de ces dispositions, dont le paiement sera mis à la charge de la société.

La société qui succombe au principal sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne la société [5] à payer la somme de 1 000 euros à M. [B] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [5] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 20/00786
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;20.00786 ?
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