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26/01/2023 | FRANCE | N°20/02425

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 26 janvier 2023, 20/02425


AFFAIRE : N° RG 20/02425

N° Portalis DBVC-V-B7E-GT5K

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Pole social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 07 Octobre 2020 - RG n° 17/00151









COUR D'APPEL DE CAEN

chambre sociale - section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023





APPELANTE :



Société [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON, substitué pa

r Me Maëlle CARRIER, avocat au barreau de CAEN





INTIMEE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MANCHE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Mme [H], mandatée









DEBATS : A...

AFFAIRE : N° RG 20/02425

N° Portalis DBVC-V-B7E-GT5K

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Pole social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 07 Octobre 2020 - RG n° 17/00151

COUR D'APPEL DE CAEN

chambre sociale - section 3

ARRET DU 26 JANVIER 2023

APPELANTE :

Société [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Maëlle CARRIER, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MANCHE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Mme [H], mandatée

DEBATS : A l'audience publique du 07 novembre 2022, tenue par Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de Chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 26 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [5] d'un jugement rendu le 7 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche.

FAITS ET PROCEDURE

M. [V] a été embauché par la société [5] ('la société') du 23 décembre 2013 au 30 juin 2016 en qualité de peintre dans le cadre de contrats de mission ponctuels.

Le 1er août 2016, il a régularisé une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un 'eczéma tableau 51", sur la base d'un certificat médical initial du même jour, mentionnant 'eczéma récidivant et confirmé par test - t51 (résine epoxyl)'.

Après avoir recouru à un délai complémentaire d'instruction, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche ('la caisse') a informé la société, par courrier du 30 décembre 2016, qu'elle prenait en charge la pathologie déclarée par M. [V] au titre du tableau n° 51 des maladies professionnelles.

M. [V] a bénéficié d'arrêts de travail du 1er août 2016 au 10 juillet 2017 et de soins du 11 juillet 2017 au 11 septembre 2017.

La société a saisi le 23 février 2017 la commission de recours amiable d'un recours à l'encontre de la décision de la caisse, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale pour contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 7 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Coutances, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :

- dit que la maladie déclarée le 1er août 2016 par M. [V] doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle,

- déclaré la décision de prise en charge opposable à la société,

- débouté la société de sa demande d'imputation au compte spécial des dépenses liées à la maladie professionnelle de M. [V],

- condamné la société aux dépens.

Par acte du 6 novembre 2020, la société a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 10 octobre 2022, soutenues oralement par son conseil, la société demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer la décision déférée,

- dire que la condition du tableau n° 51 des maladies professionnelles tenant au délai de prise en charge, dont l'application est invoquée par la caisse, n'est pas remplie,

- dire à cet égard que la caisse ne pouvait se prévaloir de la présomption d'origine professionnelle visée par l'article L.461-1 alinéa 2 du code de sécurité sociale et aurait dû saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) compétent pour avis sur le caractère professionnel de la maladie en cause,

En conséquence,

- dire inopposable à la société la décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie professionnelle qualifiée de 'lésions eczématiformes'.

A titre subsidiaire,

- constater que M. [V] a été exposé aux risques ayant causé sa maladie pendant plus de 36 ans dans le secteur du bâtiment lorsqu'il travaillait au service d'autres employeurs au cours de sa carrière professionnelle,

- dire qu'il est impossible de déterminer la période d'emploi ayant provoqué la maladie prise en charge par la caisse,

Par conséquent,

- dire que les organismes de sécurité sociale ne sont pas fondés à impacter le compte employeur AT/MP de la société au titre de la maladie professionnelle,

- affecter au compte spécial.

Par écritures déposées le 18 octobre 2022, soutenues oralement par son conseil, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- dire que les conditions du tableau n° 51 des maladies professionnelles, et plus particulièrement celle relative au délai de prise en charge est remplie,

- constater que c'est à bon droit que la caisse a pris en charge la maladie de M. [V] au titre de la législation professionnelle,

- dire que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [V] est opposable à la société,

- constater que M. [V] a été exposé au risque mentionné au titre du tableau n° 51 des maladies professionnelles au sein de la société,

- dire que les dépenses relatives à l'affection de M. [V] doivent être inscrites au compte de la société,

- constater que la cour n'est pas compétente pour connaître du litige portant sur l'imputation au compte spécial des dépenses liées à la maladie professionnelle de M. [V],

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE, LA COUR,

Aux termes de l'article L.461-1 du code de sécurité sociale dans sa version applicable,

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Le délai de prise en charge s'entend comme la période au cours de laquelle, après la fin de l'exposition au risque, l'état pathologique doit se révéler et être constaté par les médecins.

Il court à compter de la première constatation médicale qui atteste l'affection.

Le tableau n° 51 des maladies professionnelles vise les lésions eczématiformes récidivant en cas de nouvelle exposition au risque ou confirmées par un test épicutané, une liste limitative de travaux (préparation des résines époxydiques - l'emploi des résines époxydiques : fabrication des stratifiés ; fabrication et utilisation de colles, vernis, peintures à base de résines époxydiques) et un délai de prise en charge de 15 jours.

En l'espèce, seul le délai de prise en charge est contesté par l'appelante.

La société fait en effet valoir que la condition tenant au délai de prise en charge de la maladie déclarée par M. [V] n'est pas respectée, se fondant en particulier sur la date à laquelle le salarié a cessé de travailler pour son compte.

La caisse rétorque qu'il convient de prendre en compte la date de la première constatation médicale et ensuite celle à laquelle le salarié a cessé d'être exposé au risque.

Il résulte du dossier que le certificat médical initial produit par M. [V] à l'appui de sa déclaration de maladie professionnelle mentionne une date de première constatation médicale au 22 avril 2016.

Contrairement à ce qu'affirme la société, la caisse n'a pas fixé la date de la première constatation médicale au 1er août 2016. Les documents produits font apparaître que cette date a été mentionnée par la caisse sur ses documents comme celle du certificat médical initial. En revanche, la consultation en pathologie professionnelle menée par le docteur [T], les conclusions du médecin conseil de la caisse, ainsi que l'enquête administrative réalisée par celle-ci visent uniformément la date du 22 avril 2016 comme celle de la première constatation médicale de la maladie. Le docteur [T] précise à ce sujet que les premiers symptômes de la maladie sont apparus en avril 2016.

C'est donc à tort que la société affirme que cette date ressort uniquement des déclarations du salarié.

Or, il est établi que ce dernier travaillait pour le compte de la société le 22 avril 2016 et était exposé au risque prévu par le tableau n° 51 des maladies professionnelles et qu'il a cessé son activité le 26 juin suivant (le 30 juin selon la société).

Il en ressort que le délai de prise en charge a été respecté.

Le jugement déféré mérite confirmation à ce titre.

- Sur l'inscription au compte spécial

Au soutien de sa demande d'inscription au compte spécial, la société fait valoir :

- que la juridiction de sécurité sociale est compétente dès lors que son taux de cotisation ne lui avait pas été notifié par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) à la date de la saisine du tribunal,

- que M. [V] n'a travaillé pour son compte que du 23 décembre 2013 au 30 juin 2016 dans le cadre de contrats de missions ponctuels et discontinus,

- qu'il a en revanche travaillé pour d'autres employeurs au cours de cette même période sans qu'il soit toutefois possible de déterminer l'entreprise dans laquelle l'exposition a provoqué la maladie,

- que sa demande d'inscription au compte spécial est donc justifiée.

Il est constant que si la contestation des décisions des CARSAT en matière de tarification d'AT/MP est de la compétence exclusive des juridictions du contentieux technique, les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial relèvent des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la CARSAT, c'est-à-dire avant la notification de son taux de cotisation à l'employeur.

En l'espèce, il n'est pas justifié que la CARSAT a notifié à la société son taux de cotisation avant la saisine du tribunal.

Les juridictions du contentieux général sont donc compétentes pour connaître de la demande présentée par la société.

Aux termes de l'article D.242-6-1 du code de sécurité sociale, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement.

Selon l'article D.242-6-4 de ce code, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures. Seules sont prises en compte dans la valeur du risque les dépenses liées aux accidents ou aux maladies dont le caractère professionnel a été reconnu.

Selon les articles D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du même code, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie, par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget, ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial.

Enfin, selon l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, sont inscrites au compte spécial, les dépenses afférentes à la maladie professionnelle qui a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque, mais qui a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale.

La CARSAT, qui a seule compétence pour l'inscription au compte spécial, n'est pas partie à la présente procédure.

Il convient en conséquence d'ordonner la réouverture des débats pour permettre à la société de la mettre en cause, afin que celle-ci fasse valoir ses observations sur cette demande.

Dans l'attente, il sera sursis à statuer sur cette demande, ainsi que sur les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- dit que la maladie déclarée le 1er août 2016 par M. [V] doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle,

- déclaré la décision de prise en charge opposable à la société [5] ;

Surseoit à statuer pour le surplus ;

Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 1er juin 2023 à 9 heures , Cour d'appel de Caen

[Adresse 6], à charge pour la société [5] de mettre en cause la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) de Normandie afin que celle-ci fasse valoir ses observations sur la demande d'inscription au compte spécial ;

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à l'audience de renvoi.

Réserve les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 20/02425
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;20.02425 ?
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