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30/05/2024 | FRANCE | N°22/03180

France | France, Cour d'appel de Caen, 3ème chambre civile, 30 mai 2024, 22/03180


AFFAIRE : N° RG 22/03180 - N° Portalis DBVC-V-B7G-HD3M



ARRET N°



B Y





ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de CAEN du 28 novembre 2022

RG n° 19/02469











COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 30 MAI 2024





APPELANT :



Monsieur [I] [V]

né le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représenté et assisté de Me Marie-sophie LAMY, avocat au barreau

de CAEN









INTIMEE :



Madame [S] [H]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Adresse 7]



représentée et assistée de Me Karine LETAVERNIER, avocat au barreau de CAEN









DEBATS ...

AFFAIRE : N° RG 22/03180 - N° Portalis DBVC-V-B7G-HD3M

ARRET N°

B Y

ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de CAEN du 28 novembre 2022

RG n° 19/02469

COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 30 MAI 2024

APPELANT :

Monsieur [I] [V]

né le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté et assisté de Me Marie-sophie LAMY, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame [S] [H]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représentée et assistée de Me Karine LETAVERNIER, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 20 février 2024,où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Avril 2024 sans opposition du ou des avocats, M. GARET, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries des parties et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIERE : Mme FLEURY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GARET, Président de chambre,

Mme DE CROUZET, Conseiller,

Madame LOUGUET, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024 par prorogation du délibéré initialement fixé le 18 Avril 2024 et signé par M. GARET, président, et Mme FLEURY, greffier

FAITS ET PROCEDURE

Mme [S] [H] et M. [I] [V] ont vécu en concubinage à partir de 1997.

Ils ont eu ensemble deux enfants, [T] et [R], toutes deux nées le [Date décès 6] 2000.

Suivant acte authentique du 19 avril 2003, Mme [H] a fait l'acquisition, seule, d'une maison sise [Adresse 2] qu'elle a financée au moyen d'une part du remploi de fonds issus de la vente d'une précédente maison dont elle était seule propriétaire, d'autre part d'un emprunt qu'elle a souscrit, toujours seule, en date du 19 avril 2003.

Cette maison a alors servi d'habitation principale au couple ainsi qu'à leurs deux enfants.

Mme [H] et M. [V] se sont mariés le [Date mariage 4] 2003, ayant fait précéder cette union d'un contrat de séparation de biens reçu devant notaire le 12 juin 2003.

Sur saisine de Mme [H], le juge aux affaires familiales de Caen, après prononcé d'une ordonnance de non-conciliation du 11 mars 2016, a prononcé le divorce d'entre les époux par jugement du 8 août 2017.

Par jugement d'omission de statuer du 14 décembre 2017, le même juge, faisant application de l'article 262-1 du code civil, a reporté la date des effets du divorce entre époux au 18 avril 2015.

Ces décisions sont désormais définitives.

Par acte du 16 août 2019, M. [V] a fait assigner Mme [H] devant le juge aux affaires familiales de Caen, cette fois aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux, de voir désigner un notaire pour y procéder, et de voir condamner Mme [H] à lui payer diverses sommes en remboursement de créances qu'il allègue à son encontre.

Par jugement du 28 novembre 2022, le juge a débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes, a débouté les deux parties de leurs demandes au titre de l'article 700 code de procédure civile, enfin a fait masse des dépens de l'instance et ordonné leur emploi en frais communs et privilégiés de partage.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 décembre 2022, M. [V] a interjeté appel de cette décision.

Il a notifié ses dernières conclusions le 9 février 2024, Mme [H], les siennes le 21 novembre 2023.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 février 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [V] demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

- ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux ayant existé entre Mme [H] et M. [V];

- désigner Me [C] [Y], notaire à [Localité 9], subsidiairement tel notaire qu'il plaira à la cour, pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts pécuniaires avec pour mission de déterminer les créances entre époux, de déterminer la valeur de la maison située [Adresse 2], ou de solliciter les actes d'acquisition et de cession;

- fixer la créance de M. [V] à l'égard de Mme [H] à la somme de 50.785,17 € à parfaire en application des dispositions de l'article 1543 du code civil au titre des échéances de l'emprunt immobilier de Mme [H] qu'il a réglées, en conséquence condamner Mme [H] à régler ladite somme à M. [V];

- subsidiairement, fixer cette créance à la somme de 50.785,17 €, en conséquence condamner Mme [H] à régler ladite somme à M. [V] ; [la cour observant ici que cette demande subsidiaire est identique à la demande principale];

- fixer la créance de M. [V] à l'égard de Mme [H] à la somme de 56.144 € au titre de l'impôt sur le revenu de celle-ci qu'il a réglé, en conséquence condamner Mme [H] à régler à M. [V] la somme de 56.144 €;

- subsidiairement, fixer cette créance à la somme de 51.383 €, en conséquence condamner Mme [H] à régler ladite somme à M. [V];

- à titre énimment subsidiaire, donner mission au notaire désigné de fixer le montant de cette créance au titre de l'impôt sur le revenu réglé par M. [V] au lieu et place de l'épouse pour la période de 2003 à 2015 inclus;

- fixer la créance de M. [V] à l'égard de Mme [H] à la somme de 7.094,40 € pour avoir financé les travaux de l'immeuble dont elle est seule propriétaire, en conséquence condamner Mme [H] à lui régler cette somme;

- condamner Mme [H] à régler à M. [V] une somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et celle de 4.500 € pour l'appel;

- condamner Mme [H] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au contraire, Mme [H] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes tendant à constater qu'il a effectué les démarches amiables en vue de parvenir à un partage amiable et à constater que le partage amiable n'a pu être effectué ;

- débouter M. [V] de ses demandes tendant à constater qu'il a effectué les démarches amiables en vue de parvenir à un partage amiable et à constater que le partage amiable n'a pu être effectué ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux ayant existé entre les époux;

- débouter M. [V] de sa demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux ayant existé entre les époux;

- débouter M. [V] de sa demande de désignation de Me [C] [Y], notaire à [Localité 9], subsidiairement tel notaire qu'il plaira à la cour, pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts pécuniaires avec pour mission de déterminer les créances entre époux, de déterminer la valeur de la maison située [Adresse 2], ou de solliciter les actes d'acquisition;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de fixation d'une créance de 50.785,17 € à parfaire en application de l'article 1543 du code civil à l'égard de Mme [H] au titre des échéances de l'emprunt immobilier qu'il indique avoir réglées ainsi que de sa

demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 50.785,14 € à ce titre;

- débouter M. [V] de sa demande de fixation d'une créance de 50.785,17 € à parfaire en application de l'article 1543 du code civil à l'égard de Mme [H] au titre des échéances de l'emprunt immobilier qu'il indique avoir réglées ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 50.785,14 € à ce titre;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande subsidiaire de fixation d'une créance de 50.785,17 € à l'égard de Mme [H] au titre des échéances de l'emprunt immobilier qu'il indique avoir réglées ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 50.785,17 € à ce titre;

- débouter M. [V] de sa demande subsidiaire de fixation d'une créance de 50.785,17 € à l'égard de Mme [H] au titre des échéances de l'emprunt immobilier qu'il indique avoir réglées ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 50.785,17 € à ce titre;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de fixation d'une créance de 56.144 € à l'égard de Mme [H] au titre de l'impôt sur le revenu qu'il indique avoir réglé ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 56.144€ à ce titre;

- débouter M. [V] de sa demande de fixation d'une créance de 56.144 € à l'égard de Mme [H] au titre de l'impôt sur le revenu qu'il indique avoir réglé ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 56.144 € à ce titre;

- débouter M. [V] de sa demande subsidiaire de fixation d'une créance de 51.383 € à l'égard de Mme [H] au titre de l'impôt sur le revenu qu'il indique avoir réglé ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 51.383 € à ce titre;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de fixation d'une créance de 7.094,40 € à l'égard de Mme [H] au titre du financement de travaux sur l'immeuble appartenant en propre à Mme [H] ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 7.094,40 € à ce titre;

- débouter M. [V] de sa demande de fixation d'une créance de 7.094,40 € à l'égard de Mme [H] au titre du financement de travaux sur l'immeuble appartenant en propre à Mme [H] ainsi que de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 7.094,40 € à ce titre;

- débouter M. [V] de sa demande subsidiaire de voir donner mission au notaire désigné de fixer le montant de la créance de M. [V] à l'égard de Mme [H] au titre de l'impôt sur le revenu qu'il indique avoir réglé au lieu et place de son épouse de 2003 à 2015 inclus ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouter M. [V] de sa demande de condamnation de Mme [H] à lui verser la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 s'agissant de la première instance ;

- condamner M. [V] à payer à Mme [H] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 s'agissant de la première instance ;

- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 en cause d'appel ;

- condamner M. [V] à payer à Mme [H] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 en cause d'appel ;

- débouter M. [V] de sa demande de condamnation de Mme [H] aux dépens ;

- condamner M. [V] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de M. [V] tendant au remboursement par Mme [H] de créances relatives à l'immeuble appartenant à celle-ci (financement de l'acquisition de l'immeuble, et financement de travaux sur l'immeuble) :

M. [V] réclame d'abord le remboursement des sommes correspondant à celles qu'il dit avoir acquittées en paiement d'une partie des échéances de l'emprunt contracté par Mme [H] pour financer l'acquisition de sa maison sise [Adresse 2], ainsi que celles qu'il dit avoir exposées pour régler des travaux sur cette maison.

Pour le débouter de toute demande à ce titre, le premier juge a retenu :

- que M. [V] et Mme [H] ont fait précéder leur mariage d'un contrat de séparation de biens prévoyant en son article 2 que les époux contribueraient aux charges du mariage en proportion de leurs facultés respectives conformément aux articles 214 et 1537 du code civil, et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne serait fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auraient pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature;

- qu'il s'agissait là d'une présomption irréfragable d'exécution régulière de la contribution de chacun des époux, au jour le jour, aux charges du mariage, de sorte qu'aucune demande judiciaire par l'un d'eux afin de revendiquer une créance contre l'autre ne pouvait être admise.

M. [V] critique cette appréciation, faisant essentiellement valoir :

- que c'est à tort que cette présomption a été qualifiée d'irréfragable, alors au contraire qu'elle aurait dû être appréciée au regard de l'économie générale du contrat, notamment de son article 1er qui prévoyait que les époux ne seraient pas tenus des dettes l'un de l'autre créées avant ou pendant le mariage;

- que pourtant, en remboursant lui-même une partie de l'emprunt contracté par Mme [H] seule avant le mariage, au surplus pour financer l'acquisition d'un bien qui était propre à celle-ci, M. [V] a en réalité réglé une dette personnelle de son ex-épouse;

- qu'il en est allé de même du financement par M. [V] de travaux d'amélioration de la maison appartenant à Mme [H], dont le coût aurait dû être assumé par elle seule;

- que dans ces conditions, la présomption édictée à l'article 2 du contrat de mariage n'était qu'une présomption simple qui pouvait être renversée par la démonstration d'une surcontribution de l'époux revendiquant sa créance;

- que cette surcontribution est caractérisée en l'espèce, dès lors que M. [V] justifie d'une contribution tout à fait excessive, puisqu'il a financé en grande partie l'acquisition de l'immeuble appartenant à Mme [H], l'appelant se prévalant en effet, à titre principal, d'avoir remboursé à la place de celle-ci une somme totale de 50.785,17 €, outre d'avoir réglé des factures de travaux pour une somme totale de 7.094,40 €, sommes dont il réclame dès lors le remboursement par Mme [H], sauf à en voir parfaire les montants en fonction de la valeur arrêtée de la maison, conformément aux principes d'évaluation prévus par les articles 1543, 1469 et 1479 du code civil.

Au contraire, Mme [H] demande à la cour de débouter M. [V] de toute demande à ce titre, faisant en effet valoir :

- que c'est à bon droit que le premier juge a qualifié d'irréfragable la présomption prévue à l'article 2 du contrat de mariage, et par là même qu'il a rejeté toute demande de compte de la part de M. [V] contre son ex-épouse;

- que la référence à l'article 1er dudit contrat n'est pas pertinente dès lors qu'elle ne concerne pas la contribution aux charges du mariage, mais seulement les dettes personnelles des époux;

- qu'ainsi, même en réglant une partie des échéances de l'emprunt immobilier (Mme [H] contestant d'ailleurs le chiffrage retenu par l'appelant), M. [V] n'a fait que contribuer aux charges du mariage, étant en effet rappelé que l'immeuble considéré constituait le logement de toute la famille où habitaient les deux époux ainsi que leurs enfants ;

- que dans ces conditions, faire droit aux demandes de remboursement de M. [V] reviendrait à le dispenser quasiment de toute contribution aux charges du mariage, et à considérer que seule Mme [H] était tenue de régler les frais de logement de la famille;

- que par ailleurs, M. [V] ne justifie nullement d'une surcontribution aux charges globales du mariage, ce d'autant plus qu'à l'exception de la seule année 2013 pendant laquelle il a effectivement connu une diminution importante de ses revenus pour cause de maladie, il a toujours bénéficié, sur l'ensemble de la période considérée, d'un revenu très supérieur à celui de son épouse, ce qui justifiait en conséquence qu'il contribuât davantage, à proportion de ce revenu;

- qu'il en va de même des quelques dépenses de travaux réglées par M. [V] qui, elles aussi, ont participé de sa juste contribution aux charges du mariage, et ce, sans qu'il puisse en demander compte à son ex-épouse, conformément aux prévisions de l'article 2 du contrat de mariage.

Sur ce, la cour rappelle :

- que l'article 2 du contrat de mariage souscrit par les futurs époux le 12 juin 2003 stipule qu'ils "contribueront aux charges du mariage e n proportion de leurs facultés respectives conformément aux dispositions des articles 214 et 1537 du code civil" et que "chacun d'eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature" ;

- qu'il résulte des articles 214 et 1537 du code civil que lorsque les juges du fond ont souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu'ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre, un époux ne peut pas, au soutien d'une demande de créance, être admis à prouver l'insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage pas plus que l'excès de sa propre contribution;

- que si la jurisprudence admet parfois la possibilité d'une preuve contraire de la part de l'époux qui se prévaut d'une créance, par là même si elle admet que la présomption précitée ne soit pas toujours considérée comme irréfragable, pour autant la cour de cassation renvoie sur ce point à l'appréciation souveraine des juges du fond.

En l'espèce, la cour observe :

- que le mariage des époux [V] et [H] a duré plus de quatorze ans dont près de douze ans de vie commune, sans qu'il soit justifié qu'aucun compte n'ait jamais été établi entre les époux sur la répartition des charges du mariage, les deux époux ayant ainsi vécu, en pratique, comme s'ils étaient mariés sous le régime de la communauté légale;

- qu'ils ont par là même ratifié le caractère irréfragable de la présomption à laquelle ils ont librement adhéré en souscrivant leur contrat de mariage, à savoir qu'ils sont convenus qu'ils contribueraient chacun, au jour le jour, aux charges du mariage, et qu'ils ne pourraient pas se réclamer mutuellement de comptes;

- qu'ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a refusé que M. [V] prétende finalement en réclamer.

En tout état de cause, la cour rappelle, pour la moralité des débats :

- qu'à l'exception d'une seule année sur l'ensemble de la période considérée (l'année 2013), M. [V] a toujours perçu un revenu très supérieur à celui de Mme [H], précisément :

* 2003 : 38.568 € contre 21.826 €, soit 63,8 % du revenu total de la famille

* 2004 : 62.128 € contre 34.189 €,soit 64,5 % du revenu total de la famille

* 2005 : 57.939 € contre 21.272 € soit 73,1 % du revenu total de la famille

* 2006 : 61.598 € contre 24.529 € soit 71,5 % du revenu total de la famille

* 2007 : 70.652 € contre 26.998 € soit 72,3 % du revenu total de la famille

* 2008 : 61.343 € contre 22.688 € soit 73 % du revenu total de la famille

* 2009 : 64.300 € contre 33.302 € soit 65,8 % du revenu total de la famille

* 2010 : 80.520 € contre 39.831 € soit 66,9 % du revenu total de la famille

* 2011 : 84.239 € contre 43.127 €, soit 66,1 % du revenu total de la famille

* 2012 : 69.393 € contre 43.348 €, soit 61,5 % du revenu total de la famille

* 2014 : 73.400 € contre 52.789 €, soit 58,1 % du revenu total de la famille

- que dans ces conditions, il était logique, en tout cas conforme au principe d'une contribution aux charges du mariage à proportion de ses propres facultés, que M. [V] règle une partie des échéances de l'emprunt souscrit par Mme [H] pour acquérir la maison qui devait servir de logement à l'ensemble de la famille, parents et enfants compris, et ce, à la place du loyer qu'il aurait dû payer ou de l'emprunt qu'il aurait dû souscrire pour se loger lui-même ainsi que pour loger ses enfants dont il avait la charge au même titre que Mme [H];

- qu'à cet égard, les 50.785,17 € qu'il dit avoir remboursés à la place de Mme [H], même additionnés aux 7.094,40 € de travaux qu'il dit avoir financés pour améliorer l'immeuble, ne représentent pas même l'équivalent de la moitié du loyer qu'il aurait dû régler pendant les quelques douze années de vie commune qu'il a partagées avec Mme [H] s'il lui avait fallu habiter dans un autre logement que celui appartenant à son épouse;

- qu'il convient aussi de rappeler que ce domicile familial a été financé non seulement au moyen du prêt que M. [V] dit avoir remboursé dans les proportions précitées, mais également d'un remploi de fonds propres appartenant à Mme [H] comme provenant de la vente d'un précédent immeuble ; qu'ainsi, M. [V] a également profité, indirectement, de ces fonds propres en occupant un logement au financement duquel il a finalement assez peu contribué;

- qu'il ne justifie pas non plus avoir particulierement participé aux autres dépenses du ménage, du moins pas dans des proportions excédant ses propres facultés financières, alors qu'il faut encore rappeler qu'il disposait de revenus significativement supérieurs à ceux de son épouse, et qu'en tout état de cause, les époux étaient convenus de ne pas se réclamer de comptes à ce titre;

- qu'ainsi et au vu des éléments du dossier, M. [V] ne justifie certainement pas d'une surcontribution aux charges du mariage, charges auxquelles il a justement contribué, conformément à ses obligations légales et contractuelles, d'une part en procédant au remboursement d'une partie seulement de l'emprunt souscrit par son épouse pour acquérir le logement familial, d'autre part en réglant certaines factures de travaux d'amélioration voire de simple entretien dudit logement, quand bien même celui-ci appartenait-il à son épouse, ces travaux, au demeurant d'un montant limité à quelques milliers d'euros seulement, ayant d'ailleurs aussi profité au propre confort de M. [V] ainsi qu'à celui de ses enfants dont il avait alors la charge.

Ainsi, il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a débouté M. [V] de sa demande en remboursement des sommes réclamées par celui-ci au titre du financement de la maison appartenant à Mme [H] ainsi qu'au titre de travaux réalisés sur celle-ci.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de M. [V] tendant au remboursement par Mme [H] d'une somme de 56.144 € (subsidiairement de 51.383 €) correspondant à la part d'impôt sur le revenu qu'il dit avoir réglée à la place de celle-ci entre 2003 et 2014 :

Le premier juge a également rejeté cette demande, toujours pour le même motif tiré des stipulations de l'article 2 du contrat de mariage selon lesquelles M. [V] et Mme [H] étaient convenus de ne pas se réclamer de comptes au sujet de leurs contributions respectives aux charges du mariage qu'ils étaient réputés avoir fournies au jour le jour.

M. [V] conteste cette décision, faisant valoir que l'impôt sur le revenu, en ce qu'il constitue une charge découlant directement des revenus personnels à chaque époux, ne fait pas partie des charges du mariage auxquelles, dans le cadre d'un régime séparatiste, chacun des époux doit contribuer.

Il considère en conséquence que Mme [H] aurait dû régler elle-même sa propre part d'impôt au prorata de ses revenus, comme si les deux époux avaient fait l'objet d'une imposition séparée.

Ainsi, pour lui réclamer le remboursement d'une somme totale de 56.144 € au titre des années 2003 à 2014, M. [V] explique avoir recalculé, année après année, l'impôt dû par Mme [H] au titre des revenus qu'elle a réellement perçus et ce, au vu de l'ensemble des avis d'imposition de la période considérée ainsi que de l'attestation de l'expert-comptable du couple qui a procédé à tous les calculs nécessaires.

M. [V] précise toutefois que l'assiette de calcul prise en compte par l'expert-comptable est erronée pour certaines années, d'où la correction qu'il a effectuée lui-même.

S'agissant de l'impôt dû au titre de l'année 2014 et des règlements que Mme [H] dit avoir déjà effectués en adressant au Trésor Public deux chèques de 3.539 € et 1.222 €, M. [V] en conteste l'imputation à l'impôt considéré, faisant observer que Mme [H] ne justifie pas de l'affectation de ces deux paiements.

Subsidiairement, il réclame le remboursement de la somme de 51.383 € (56.144 - 3.539 -1.222).

M. [V] conteste enfin avoir encaissé lui-même le trop-perçu de 10.712 € remboursé par le Trésor Public au titre de l'imposition 2014, faisant d'ailleurs observer que le courrier de l'administration ainsi que le chèque qui y était joint étaient libellés au nom des deux époux.

A titre infiniment subidiaire, il demande que le notaire à désigner se voit confier pour mission de fixer le montant de la créance qu'il revendique.

A l'inverse, Mme [H] conteste toute dette à cet égard, renvoyant d'abord à la décision du premier juge dont elle déclare s'approprier les motifs.

Elle soutient aussi qu'il existait une convention verbale entre les époux selon laquelle M. [V] réglerait l'ensemble des impôts du couple à titre de contribution aux charges du mariage.

En tout état de cause, elle conteste les calculs produits par M. [V], considérant que l'impôt ainsi calculé fictivement n'est pas en rapport avec les revenus qu'elle a perçus.

S'agissant de l'impôt afférent à l'année 2014, elle affirme avoir déjà réglé les sommes de 3.539€ et 1.222 € par deux chèques établis à l'ordre du Trésor Public, dont elle produit la copie qui témoigne de leur encaissement effectif.

Elle explique d'ailleurs avoir établi ces deux chèques sur les propres indications de l'expert-comptable qui, par un courrier du 26 janvier 2016, avait ainsi procédé à la ventilation des impôts dus par l'un et l'autre des époux au titre de l'année 2014.

Elle affirme enfin que M. [V] a lui-même encaissé un trop-perçu de 10.712 € remboursé par le Trésor Public, ce qu'il avait d'ailleurs admis dans ses conclusions de première instance.

Dès lors et à tout le moins, elle considère que les sommes de 3.539 €, 1.222 € et 10.712 € doivent être déduites des sommes aujourd'hui réclamées par M. [V].

Sur ce, la cour rappelle que l'impôt sur le revenu, qui constitue une charge découlant directement des revenus personnels à chaque époux, ne figure pas au nombre des charges du mariage auxquelles chacun des époux séparé de biens doit contribuer.

En ce cas, la contribution de chacun des époux à la dette fiscale est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée.

Ainsi, dès lors que le contrat de séparation conclu par M. [V] et Mme [H] ne contient pas de clause étendant expressément aux dettes d'impôt sur le revenu le régime prévu par les époux pour la contribution aux charges du mariage, soit l'absence de tous comptes et de tous recours ultérieurs, Mme [H] ne démontre pas que M. [V] ait entendu régler l'ensemble des impôts du couple à titre de contribution aux charges du mariage, ce d'autant plus qu'il est établi qu'il a déjà contribué par ailleurs auxdites charges, notamment en réglant une partie des échéances de l'emprunt immobilier contracté par son épouse, ou encore en finançant certains travaux d'amélioration du domicile familial.

Partant, M. [V] est fondé à réclamer le remboursement de la part d'impôt sur le revenu qu'il a réglée pour le compte de Mme [H], et ce, pour l'ensemble de la période considérée, soit de 2003 à 2014.

Quant aux sommes qui auraient dû être réglées à ce titre par Mme [H] elle-même, M. [V] explique les avoir recalculées, sur la base de la méthode utilisée par l'expert-comptable (détaillée en pièce n° 9 de l'appelant), mais en y appliquant d'autres assiettes que celles retenues par ce professionnel, l'appelant expliquant s'être appuyé sur les assiettes figurant dans les divers avis d'imposition du couple, faisant valoir en effet que certaines des assiettes retenues par l'expert-comptable seraient erronées.

La cour ne saurait valider cette méthode.

En effet, de deux choses l'une :

- soit M. [H] produit son propre mode de calcul, auquel cas il doit l'expliciter, ce qu'il ne fait pas en l'espèce,

- soit il se prévaut du mode de calcul retenu par l'expert-comptable et certifié par celui-ci, auquel cas il ne peut pas le critiquer pour partie.

La cour s'en remettra donc à l'attestation du professionnel du chiffre, qui certifie avoir ventilé l'impôt sur le revenu dû par le couple au prorata des revenus perçus par l'un et par l'autre des époux et qui, par ailleurs, explicite sa méthode de calcul (affectation des revenus fonciers et des contributions sociales correspondantes à Mme [H], seule propriétaire immobilière, affectation d'un crédit d'impôt formation à son bénéficiaire, enfin partage par moitié du crédit d'impôt pour l'emploi de salariés à domicile).

Mme [H] ne justifie pas non plus en quoi ce calcul de l'expert-comptable serait erroné.

En conséquence, il y a lieu de retenir que l'impôt dû par Mme [H] au titre de la période considérée s'élevait à la somme totale, non pas de 56.144 € comme revendiqué par M. [V], mais de 54.805 € comme retenu par l'expert-comptable au titre des années 2003 à 2014.

Il convient encore de déduire de cette somme :

- d'une part, les réglements partiels déjà effectués par Mme [H] à hauteur de 3.539 et 1.222 €, paiements dont elle justifie par la production de la copie des chèques correspondants, tous deux libellés à l'ordre du Trésor Public, qu'elle est parvenue à se procurer et qui portent des cachets de [10] qui justifient de leur encaissement par leur destinataire ; par ailleurs, M. [V] ne justifie pas, ni même n'explicite, à quelles autres dettes fiscales ces paiements auraient pu être affectés sinon à l'impôt sur le revenu de 2014 ; en tout état de cause, ces deux règlements correspondent aux sommes que l'expert-comptable avait recommandé à Mme [H] de régler, par un courrier du 26 janvier 2016, au titre de sa part d'impôt sur le revenu 2014;

- d'autre part, la somme de 10.712 € correspondant au chèque que le Trésor Public a adressé aux époux au mois de juillet 2016 à titre de remboursement d'un trop-versé d'imposition, chèque que M. [V] a encaissé pour son propre compte ainsi qu'il l'avait reconnu dans ses conclusions n° 3 de première instance valant aveu judiciaire qu'il ne saurait utilement remettre en cause devant la cour (cf pièce n° 29 de l'intimée : "S'agissant par ailleurs de la somme de 10.712 € restituée par le Trésor Public le 6 juillet 2016, M. [V] ne conteste pas avoir encaissé seul cette somme").

Ainsi M. [V] est-il fondé à réclamer la condamnation de Mme [H] à lui rembourser une somme restant due de 39.332 € (soit 54.805 - 3.539 - 1.222 - 10.712) au titre de la part d'impôt sur le revenu qu'il a réglée pour le compte de celle-ci au titre de la période considérée.

Le jugement sera infirmé en ce sens, et Mme [H] condamnée au paiement de ladite somme.

Sur les autres demandes :

M. [V] demande encore à la cour d'ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux ayant existé entre Mme [H] et lui-même.

Cependant, force est de constater :

- qu'il n'existe aucun bien indivis entre les ex-époux, a fortiori aucune communauté à liquider entre eux, étant encore rappelé qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation de biens;

- qu'il n'existe non plus aucun compte à réaliser entre les parties, puisqu'il vient d'être jugé que M. [V] ne pouvait se prévaloir d'aucune autre créance que celle, déjà liquidée par la cour à hauteur de 39.332 €, au titre de la part d'impôt sur le revenu qu'il a réglée pour le compte de son ex-épouse;

- que dans ces conditions, la désignation d'un notaire ne présenterait aucun intérêt, l'estimation de l'ancien domicile familial, qui appartient exclusivement à Mme [H], n'ayant aucune utilité, notamment pour l'évaluation des autres créances revendiquées par M. [V], dont il vient d'être jugé qu'elles étaient inexistantes.

En conséquence, M. [V] sera débouté du surplus de ses demandes, et les parties renvoyées à l'exécution pure et simple du présent arrêt pour solder leurs comptes.

Enfin, le caractère familial du litige justifie que chacune des parties conserve la charge de ses propres frais irrépétibles ainsi que de ses propres dépens de première instance et d'appel, le jugement devant être infirmé en ce sens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition :

- confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande tendant à l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux ayant existé entre lui et Mme [H];

- confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande de remboursement des sommes qu'il réclame au titre du financement de la maison appartenant à Mme [H] ainsi qu'au titre des travaux réalisés sur cet immeuble;

- confirme le jugement en ce qu'il a débouté les deux parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- l'infirmant en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande en paiement d'une créance au titre de la part d'impôt sur le revenu qu'il a réglée pour le compte de Mme [H], et statuant à nouveau de ce chef, condamne Mme [H] à payer à ce titre à M. [V] une somme restant due de 39.332 €;

- l'infirmant en ce qu'il a fait masse des dépens de première instance et ordonné leur emploi en frais communs privilégiés de partage, et statuant à nouveau de ce chef, dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance;

- y ajoutant :

* déboute les parties du surplus de leurs demandes;

* déboute les deux parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

* dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT

Estelle FLEURY Dominique GARET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 3ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03180
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.03180 ?
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