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16/06/2022 | FRANCE | N°20/00316

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 16 juin 2022, 20/00316


DLP/CH













[P] [W]





C/



S.A. POMONA DE SURVEILLANCE





















































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



































RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 16 JUIN 2022



MINUTE N°



N° RG 20/00316 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FQ2A



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section COMMERCE, décision attaquée en date du 18 Août 2020, enregistrée sous le n° 19/00402







APPELANT :



[P] [W]

[Adresse...

DLP/CH

[P] [W]

C/

S.A. POMONA DE SURVEILLANCE

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

MINUTE N°

N° RG 20/00316 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FQ2A

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section COMMERCE, décision attaquée en date du 18 Août 2020, enregistrée sous le n° 19/00402

APPELANT :

[P] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par M. Pascal GRAPPIN (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE :

S.A. POMONA DE SURVEILLANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélie LEJEUNE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [W] a été engagé par la société Passion Froid du groupe Pomona en qualité de chauffeur livreur par contrat de travail à durée indéterminée du 2 septembre 2013.

Il bénéficiait d'une reconnaissance de travailleur handicapé.

Le 4 avril 2019, il s'est vu adresser un avertissement qu'il a vainement contesté par courrier du 24 avril 2019.

Par requête reçue au greffe le 14 juin 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester son avertissement et de voir condamner son employeur à lui verser 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire.

Par jugement du 18 août 2020, le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes de M. [W].

Par déclaration enregistrée le 18 septembre 2020, le salarié a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 9 décembre 2020, il demande à la cour de :

- infirmer intégralement le jugement déféré,

Par suite,

- dire et juger que la sanction est en contradiction avec l'article L. 1332-4 du code du travail,

- prononcer le retrait de l'avertissement du 4 avril 2019,

- condamner la SA Pomona à lui payer les sommes suivantes :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Pomona aux entiers dépens qui comprendront l'intégralité des frais d'exécution du jugement,

- ordonner l'exécution provisoire de toutes les condamnations qui n'en bénéficierait pas de plein droit.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 1er mars 2021, la société Pomona demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner à lui régler une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que M. [W] supportera les entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

M. [W] soutient que, si l'employeur n'avait pas à le convoquer si la sanction était un simple avertissement, la lettre de notification précise cependant qu'un entretien a eu lieu le 26 mars 2019. Dès lors, il relève que la procédure n'a pas été respectée et qu'il aurait, notamment, dû bénéficier de l'assistance d'une personne de son choix.

En réponse, la société Passion froid fait valoir que l'entretien mentionné dans le courrier litigieux était informel et n'était pas un entretien préalable à une éventuelle sanction.

En vertu de l'article L. 1332-2 al.1 du code du travail, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

Il est constant que lorsque la sanction envisagée est un avertissement, l'employeur n'est pas tenu d'observer la procédure de l'entretien préalable, quel que soit le nombre des avertissements et quand bien même il serait accompagné d'une menace de licenciement en cas de récidive. En revanche, dès lors que l'employeur a choisi de convoquer le salarié selon les modalités fixées par le code du travail, il est tenu d'en respecter tous les termes, quelle que soit la sanction finalement infligée.

Ici, le salarié s'est vu notifier sa sanction disciplinaire par voie de courrier lequel fait toutefois référence à un entretien du 26 mars 2019. L'employeur ne conteste pas la réalité de cet entretien dont il précise qu'il a eu lieu entre M. [W], M. [R], son responsable hiérarchique, et M. [Y], le directeur régional. L'intimée ne peut valablement soutenir que cet entretien n'était pas un préalable à une éventuelle sanction alors que la lettre notifiant l'avertissement y fait expressément référence. Ainsi, la société Passion froid aurait dû convoquer M. [W] par écrit, dans un délai de 5 jours ouvrables, et lui permettre d'être assisté par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. N'ayant pas respecté ses obligations à ce titre, la procédure est irrégulière.

Pour autant, cette irrégularité ne remet pas en cause le bien-fondé de la sanction disciplinaire et il appartient à M. [W] qui réclame des dommages et intérêts de ce chef de rapporter la preuve de son préjudice. Or, M. [W] n'en justifie par aucun élément.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [W].

SUR LA PRESCRIPTION DES FAITS FAUTIFS

M. [W] se prévaut des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail dont il résulte qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il sera toutefois observé qu'il ne soulève aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de ses écritures se contentant de demander à la cour de 'retirer', de ce chef, l'avertissement litigieux.

En tout état de cause, la lettre d'avertissement indique « depuis votre reprise » de sorte que, M. [W] ayant repris son poste le 4 mars 2019 et la notification de l'avertissement ayant eu lieu le 4 avril 2019, la prescription n'est pas acquise.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la régularité de la procédure disciplinaire et refusé d'annuler la sanction de ce chef.

SUR LE BIEN-FONDÉ DE LA SANCTION DISCIPLINAIRE

M. [W] conteste les faits objets de la sanction qui lui a été notifiée. Il invoque à ce titre le fait que le motif de l'avertissement est ambigu et imprécis et que sa sanction est discriminante en ce qu'il aurait été sanctionné en raison de son handicap.

La société Passion réplique que le motif est clairement exprimé dans la lettre de notification et que la sanction n'est pas intervenue en raison de l'état de santé du salarié. Elle estime également avoir aménagé le poste de ce dernier conformément aux prescriptions du médecin du travail.

1) Sur l'imprécision des motifs

La lettre d'avertissement notifiée à M. [W] le 4 avril 2019 est libellée en ces termes :

'[...] Nous déplorons le non-respect des consignes de sécurité dans l'exercice de votre fonction de chauffeur livreur.

Depuis juin 2016, des opérations chirurgicales des deux épaules vous ont éloignées de votre emploi, et ce jusque début mars 2019.

Suite à ces interventions, et aprés de nombreuses réunions auxquelles participaient la médecine du travail, le SAMETH, un ergothérapeute, nous avons pris l'engagement de mettre à votre disposition du matériel adapté.

Nous avons acheté un diable électrique avec un systeme de levée manuelle. Ce dernier vous est entièrement dédié et vous permet de franchir les escaliers sans avoir besoin de tirer sur vos bras ni de solliciter vos épaules. Ce diable relativement lourd nécessite impérativement d'utiliser le hayon pour accéder à la caisse du camion.

Toutefois, depuis votre reprise, et malgré les consignes qui vous été données, vous vous entêtez à soulever le diable à bout de bras et à utiliser les portes latérales pour charger ou décharger le diable de la caisse du camion, sans jamais vous servir du hayon.

Nous vous avons rappelé que la sécurité est au coeur de nos préoccupations et que notre mission est de tout mettre en oeuvre pour protéger votre santé.

En ne respectant pas les consignes de sécurité, vous mettez en danger votre propre intégrité. Les explications fournies n'étant pas de nature à modifier notre appréciation des faits, et compte tenu de ce qui précéde, nous sommes contraints de vous notifier un avertissement qui figurera dans votre dossier personnel. [...]'.

Il en ressort que les faits reprochés consistent à ne pas avoir respecté les consignes de sécurité destinées à préserver l'état de santé du salarié et ce, depuis le 4 mars 2019. Le motif est suffisament clair, circonstancié et précis.

2) Sur la discrimination

Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison, notamment, de son état de santé.

Il est constant qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Ici, M. [W] excipe de ce que l'employeur invoque son état de santé dans le courrier lui notifiant son avertissement.

Or, cette référence, telle qu'elle est libellée dans le courrier litigieux, ne saurait laisser présumer l'existence d'une discrimination dès lors qu'elle ne sert, en réalité, qu'à restituer le contexte dans lequel la sanction est intervenue et à expliquer les raisons qui ont conduit l'employeur à prendre un avertissement, à savoir le non-respect des préconisations du médecin du travail.

Il en résulte qu'aucune discrimination ne saurait être retenue à l'encontre de l'employeur.

3) Sur le bien-fondé de l'avertissement

M. [W] prétend que l'employeur ne lui a pas donné les moyens adaptés d'accomplir sa mission en toute adéquation avec son handicap. Il précise à cet égard que le transpalette était inadapté et qu'il n'était pas chargé avant son départ en tournée.

Il est admis aux débats que l'appelant qui a été recruté en qualité de travailleur handicapé occupait, depuis son embauche, un poste de chauffeur-livreur qui impliquait des sollicitations dorsales, un port de charges et des mouvements des membres supérieurs.

L'employeur justifie qu'une première étude de poste a été organisée le 12 janvier 2017 à 10h30 (pièce 6) en présence, notamment, du médecin du travail et d'un représentant du SAMETH (service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés). Un bilan a été établi le 30 mai 2017 à l'issue duquel il a été préconisé la mise en place d'un outil d'aide à la manutention, maniable et permettant de franchir les obstacles urbains (trottoirs notamment), la mise en place d'un diable avec assistance électrique permettant de franchir les marches d'escalier et la mise en place de mesures permettant au salarié d'ouvrir la porte intérieure de son véhicule sans rencontrer de contraintes posturales ni même d'efforts de levage. II a notamment été préconisé, sur ce dernier point, la mise en place d'un système d'ouverture qui se fasse de manière horizontale plutôt que verticale (pièce 7 de l'intimée).

L'employeur a rencontré le médecin du travail le 1er septembre 2017 lequel a conclu à l'aptitude de M. [W] à la reprise.

M. [W] a ensuite été arrêté du 29 décembre 2017 au 3 mars 2019, période à l'issue de laquelle le salarié a, de nouveau, rencontré le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise qui s'est tenue le 4 mars 2019. Ce médecin a conclu à son aptitude en précisant que sa tournée devait être aménagée avec moins de manutention et qu'il convenait de prévoir un transpalette électrique, ainsi qu'un aménagement ergonomique tel que préconisé par le SAMETH.

La société Passion froid justifie de l'acquisition d'un transpalette électrique (pièce 13) et il n'est pas contesté que le salarié était accompagné, lors de ses tournées, d'un collègue de travail.

M. [W] ne démontre pas en quoi le transpalette mis en place était inadapté, étant observé que, le 22 mars 2019, des chaufffeurs de la société ont alerté leur responsable hiérarchique, M. [X], du fait que M. [W] n'utilisait pas le hayon mis à sa disposition dans le cadre de l'aménagement de son camion, ni le diable à assistance électrique (pièces 17 à 19 de l'employeur).

Il doit être rappelé que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de moyen renforcée et que la société Passion froid, qui était tenue de respecter les préconisations du médecin du travail, ce qu'elle a fait, se devait à ce titre de mettre le salarié en demeure de les respecter lui-même.

Aucun manquement de l'employeur n'est donc caractérisé alors qu'il est, en revanche, établi que M. [W] n'a pas respecté les consignes de sécurité puisqu'il n'utilisait pas le matériel adapté mis à sa disposition afin, précisément, de préserver son état de santé.

Il s'infère de ces énonciations que l'avertissement délivré à l'encontre de M. [W] est justifié, le jugement querellé étant sur ce point confirmé.

Enfin, il sera précisé que l'argumentation du salarié sur les conditions dans lesquelles le contrat de travail a été rompu est sans emport, la cour n'étant pas saisie d'une demande relative à cette rupture.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [W], qui est à l'origine d'un appel non fondé, doit prendre en charge les entiers dépens d'appel et supporter, à hauteur de cour, une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Rejette la demande de M. [W] au titre du caractère discriminatoire de la sanction notifiée le 4 avril 2019,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [W] et le condamne à payer complémentairement en cause d'appel à la société Passion froid groupe Pomona la somme de 1 000 euros,

Condamne M. [W] aux dépens d'appel.

Le greffierLe président

Frédérique FLORENTINOlivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00316
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;20.00316 ?
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