KG/CH
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire (CPAM)
C/
Société [5]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 1er DECEMBRE 2022
MINUTE N°
N° RG 20/00049 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FNEE
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de MACON, décision attaquée en date du 26 Décembre 2019, enregistrée sous le n° 17/00098
APPELANTE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire (CPAM)
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Mme Stéphanie BERTOUT (Chargée d'audience) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉE :
Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Bruno BRIATTA de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 27 octobre 1981, M. [U] [K] a été embauché par la société [5] en qualité de maçon puis, depuis 2005, en qualité de grutier au sol.
Le 30 juin 2015, M. [K] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire (la CPAM) une déclaration de maladie professionnelle concernant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, le certificat médical du docteur [J] du 16 juin 2015 indiquant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite objectivée par IRM et arthroscanner. Le certificat médical initial du 5 novembre 2015 mentionne une tendinopathie de l'épaule selon le certificat médical du 16 juin 2015.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (la CPAM) de la Loire a notifié à la société [5] la prise en charge de la maladie de M. [K] au titre de la législation sur les risques professionnels, tableau n° 57, rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 février 2016, réceptionnée le 23 février 2016, la société [5] a formé un recours devant la commission de recours amiable.
Par requête du 20 février 2017, la société [5] a contesté la décision implicite de rejet de la CRA devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et a sollicité de voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée de M.[K].
Par jugement du 26 décembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Mâcon a :
- déclaré la société [5] recevable en son recours,
- annulé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM de la Loire,
- déclaré inopposable à la société [5] la décision du 23 décembre 2015 de la CPAM de la Loire de prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels la maladie de M. [K] déclarée le 30 juin 2015,
- condamné la CPAM de la Loire au paiement des entiers dépens.
Par déclaration reçue le 24 janvier 2020, la CPAM de la Loire a relevé appel de cette décision.
Elle demande de réformer le jugement entrepris et déclarer opposable la décision du 23 décembre 2015 de la CPAM de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie de M.[K], de rejeter la demande de condamnation de la CPAM au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [5] demande dans ses conclusions de :
"A TITRE PRINCIPAL :
- CONFIRMER intégralement le jugement du Tribunal de Grande lnstance de Mâcon du 26 décembre 2019,
- JUGER inopposable à la sociéié [5] la décision de la CPAM de la Loire de prise en charge du 23 décembre 2015, en raison du non-respect des conditions médico-Iégales du tableau n° 57 des maladies professionnelles et de l'absence de saisine d'un CRRMP en l'absence de réunion de ces conditions,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- ORDONNER avant-dire-droit à la CPAM de la Loire de verser au débat Ies arrêts de travail de Monsieur [K] depuis la date de la première constatation médicale jusqu'à la date de consolidation,
- JUGER que Ia sociéié [5] apporte Ies commencements de preuve jusitifiant qu'une mesure d'expertise médicale soit ordonnée aux fins de déterminer si Ia présompiion d'imputabilité au travail des arrêts de travail et soins est applicable,
- ORDONNER avant-dire-droit une experiise médicale judiciaire afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM au titre de la maiadie déclarée le 30 juin 2015,
EN TOUTE HYPOTHÈSE :
- CONDAMNER la CPAM de la Loire à payer a la société [5] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'artic|e 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers depens."
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties , aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience.
MOTIFS
La CPAM soutient que la maladie déclarée de M.[K] remplit les conditions du tableau n° 57 des maladies professionnelles : l'avis du médecin conseil valide le certificat médical initial et inscrit cette maladie dans le tableau susvisé, et le délai de prise en charge fixé par le tableau d'un an est respecté, à savoir une première constatation médicale le 11 décembre 2014 avec une déclaration de la maladie le 30 juin 2015.
En vertu de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles, et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Trois conditions doivent être réunies :
- l'existence d'une maladie prévue à l'un des tableaux,
- un délai de prise en charge, sous réserve d'un délai d'exposition pour certaines affections,
- la liste, limitative ou indicative, des travaux susceptibles de provoquer la pathologie.
Lorsque l'une des conditions tenant au délai de prise en charge ou à la liste limitative des travaux n'est pas remplie, la maladie peut néanmoins être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime sur avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
La maladie telle qu'elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d'appréciation fixés par chacun de ces tableaux. Dans la mesure où la qualification de la maladie professionnelle procède de l'application d'une règle d'ordre public, la désignation des maladies aux différents tableaux est d'interprétation stricte mais non restrictive. Il en résulte que la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs, et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus. La réunion des conditions du tableau s'apprécie à la date de la déclaration de la maladie.
En ce qui concerne la désignation de la maladie :
Cette condition est parfaitement remplie comme il résulte de l'avis du médecin-conseil en date du 2 décembre 2015 et de l'ensemble des éléments sur lesquels se fonde ce diagnostic (IRM notamment) (pièce n° 3-9).
L'employeur n'apporte pas la preuve d'élément contraire en visant le rapport du médecin de la société, le Docteur [H], qui s'interroge et donc ne donne pas un avis précis sur la maladie.
La motivation des premiers juges, pertinente sur ce point, est adoptée par la cour.
En ce qui concerne les conditions relatives au délai de prise en charge avec exposition aux risques et à la liste, limitative ou indicative, des travaux susceptibles de provoquer la pathologie :
La société remet en cause la première constatation médicale prise en compte par la CPAM et le fait que le poste de travail de maçon puis de grutier au sol de M. [K] puissent relever de la liste limitative des travaux pouvant provoquer la maladie déclarée.
Le délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à relever l'existence de cette maladie.
Elle ne doit pas étre confondue avec la date du certificat médical initial, date à laquelle la victime est informée de son lien entre son affection et l'activité professionnelle.
La date de première constatation médicale doit être établie par des éléments médicaux à même d'éclairer l'employeur et le juge, en cas de contestation, sur le lien entre la maladie et l'activité professionnelle.
La pièce caractérisant la date de premiere constatation médicale n'est pas au nombre des documents constituant le dossier prèvu à l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et qui doit étre mis a la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur. ll appartient seulement aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis a l'employeur d'être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue.
Il résulte à la lecture des pièces produites aux débats que la première constatation médicale de la maladie est intervenue en mai 2014 comme le mentionne la déclaration de maladie professionnelle en date du 30 juin 2015, et non comme le prétend la CPAM par le constat du médecin conseil, dans la fiche du colloque médico-administratif au 11 décembre 2014, ce dernier ne précisant pas des informations concernant le délai de prise en charge.
De plus, M. [K] était en arrêt de travail dès le 15 mai 2014 et n'a pas repris son activité professionnelle au sein de la société [5].
Au vu des motifs susvisés, la CPAM ne rapporte pas la preuve que la condition relative au délai de prise en charge avec exposition aux risques était respectée au titre de la maladie déclarée de M. [K] puisque la déclaration de la maladie professionnelle du 30 juin 2015 est postérieure au délai d'un an après l'exposition aux risques survenue le 15 mai 2014.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la CPAM et la condamne à verser à la société [5] la somme de 1 500 euros à ce titre.
La CPAM supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement en date du 26 décembre 2019,
Y ajoutant :
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et la condamne à verser à la société [5] la somme de 1 500 euros,
- Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION