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09/02/2023 | FRANCE | N°21/00236

France | France, Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 09 février 2023, 21/00236


OM/CH













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S.A.S. AMEFO prise en la personne de ses représentants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège











































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023



MINUTE N°



N° RG 21/00236 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FVTT



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section Encadrement, décision attaquée en date du 08 Mars 20...

OM/CH

[Z] [X]

C/

S.A.S. AMEFO prise en la personne de ses représentants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00236 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FVTT

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section Encadrement, décision attaquée en date du 08 Mars 2021, enregistrée sous le n° 20/00036

APPELANT :

[Z] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Emmanuel MOUCHTOURIS de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS SAINT CYR AVOCATS, avocat au barreau de LYON, et Me Nicolas PANIER, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

S.A.S. AMEFO prise en la personne de ses représentants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Sébastien CELLIER de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, et Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [X] (le salarié) a été engagé le 20 juillet 2015 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable achats, statut cadre, par la société AMEFO (l'employeur).

Il a été licencié le 27 juillet 2018 pour faute grave.

Estimant ce licenciement infondé et avoir été victime de harcèlement moral, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 8 mars 2021, a rejeté toutes ses demandes et a déclaré une partie de ses demandes prescrites.

Le salarié a interjeté appel le 1er avril 2021.

Il demande l'infirmation du jugement, qu'il soit fait sommation à la société de produire le registre du personnel dans sa partie entrée/sortie et le paiement des sommes de :

- 14 466,33 euros de rappel d'heures supplémentaires, à titre subsidiaire, pour la période de janvier 2016 à juillet 2018,

- 10 162,35 euros d'indemnité de préavis,

- 1 016,24 euros de congés payés afférents,

- 2 709,96 euros d'indemnité de licenciement,

- 13 549,80 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les mêmes demandes sont formulées, à titre subsidiaire, dans le cas où le licenciement serait fondé sur une cause réelle et sérieuse, à l'exception de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Des demandes subsidiaires sont formées.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 3 septembre et 1er décembre 2021.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

L'employeur soulève la prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail en relevant que le licenciement a été notifié le 27 juillet 2018 et que le conseil de prud'hommes a été saisi le 27 février 2020, soit plus d'un an après la rupture du contrat, même si des faits de harcèlement moral sont invoqués.

Le salarié répond qu'il a victime d'un harcèlement moral, que la prescription quinquennale n'est pas acquise et que l'absence de prescription : "emporte novation de ses autres demandes".

Il est jugé que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée.

Mais, il est, aussi, jugé que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.

Avec, toutefois, une limite en ce que l'effet interruptif attaché à une demande relative à l'exécution du contrat de travail ou à sa rupture ne s'étend pas à la demande reconventionnelle tendant à voir prononcer la nullité du même contrat.

Ici, il sera relevé que le salarié ne demande pas la nullité du licenciement pour harcèlement moral, mais seulement des dommages et intérêts pour préjudice moral, le licenciement étant contesté par ailleurs.

Le délai de prescription de 5 ans s'applique pour l'action exercée en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et ce en application des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail dont le 3ème alinéa exclut les deux premiers alinéas pour ce type d'action, ce qui revient à appliquer le droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.

La cour est donc saisie d'une action relative à l'exécution du contrat, soit celle portant demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral qui n'est pas prescrite et de la contestation du licenciement pour faute grave laquelle est prescrite, sans pouvoir bénéficier de l'extension de l'effet interruptif de la prescription, dès lors que ces deux actions ne concernent pas l'exécution du même contrat de travail mais, d'une part, l'exécution de celui-ci et, d'autre part, sa rupture et alors, au surplus, que l'action relative à la rupture du contrat était déjà prescrite au moment de la saisine du conseil de prud'hommes.

Le jugement sera donc confirmé partiellement en ce qu'il a dit prescrite l'action en contestation du licenciement pour faute grave.

Sur les heures supplémentaires :

Le salarié demande un rappel de paiement d'heures supplémentaires de janvier 2016 à juillet 2018.

L'employeur soulève la prescription de façon générale en visant "la prescription de toute contestation".

Cette demande est soumise au délai de prescription de l'article L. 3245-1 du code du travail soit trois ans.

Le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 27 février 2020, l'action du salarié est recevable.

Sa demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat, soit à compter du 27 juillet 2015.

La demande n'est donc pas prescrite.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié produit un tableau récapitulatif (pièce n° 15) et les attestations de Mme [M] et M. [R] faisant état de l'accomplissement de telles heures, au regard de la charge de travail à accomplir.

L'employeur conteste devoir ce rappel en soulignant qu'aucune autorisation n'a été donnée pour effectuer de telles heures et que le salarié est soumis à l'horaire collectif applicable dans l'entreprise qui vaut décompte du temps de travail.

Toutefois, le fait de soumettre le salarié à l'horaire collectif de l'entreprise ne dispense pas l'employeur de procéder à un décompte effectif des heures de travail accomplies.

Cependant, il convient de relever que le salarié n'a jamais demandé l'autorisation d'effecteur ces heures contrairement aux affichages concernant les horaires de travail (pièce n° 32) et que l'employeur a refusé de payer de telles heures quand elles sont demandées, comme le 26 septembre 2017, en l'absence d'accord du supérieur hiérarchique (pièce n° 29).

Il n'en résulte donc pas un accord tacite de l'employeur pour laisser le salarié effectuer des heures supplémentaires.

La demande sera donc rejetée et le jugement confirmé.

Sur le harcèlement moral :

En application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de la loi. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements indiqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié soutient qu'il a subi un arrêt de travail pour cause de maladie pour troubles anxieux rapportés à une situation professionnelle conflictuelle et qu'à son retour, le 29 août 2017, son bureau avait été déplacé lui imposant de multiples trajets, que le local du bureau est de 16 m2 pour deux personnes, sans fenêtre, situé dans l'atelier de production soumis à de forte nuisances sonores et jouxtant un transformateur électrique.

Il ajoute que le CHSCT a été informé de sa situation en août 2017, que ce réaménagement l'a contraint à des pauses déjeuner de 30 minutes, que les nuisances sonores ont perduré jusqu'en octobre 2017, date à laquelle il a saisi à nouveau le CHSCT, que M. [Y] a orchestré ses conditions de travail et que le non-paiement des heures supplémentaires est institutionnalisé au sein de l'entreprise.

A cet effet, il produit des échanges de mails avec le Dr [G], d'autres échanges de mails, l'attestation de Mme [M], le certificat médical du Dr [E] en date du 16 mars 2021 et le procès-verbal du comité d'entreprise du 5 octobre 2016 (pièces n° 10 à 14, 26, 27, 29, 53 et 54).

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur conteste cette supposition en relevant que les attestations de suivi par le médecin du travail, des 8 juin et 14 décembre 2017 (pièces n° 22.2 et 22.3) ne comportent aucune observation particulière.

Il se reporte aux attestations de MM. [I] et [V] qui n'ont jamais constaté de la part de M. [Y] de pressions morales ou d'acte harcelant à l'encontre du salarié.

Il est établi que le projet de changement de bureau a été présenté lors d'une réunion le 19 juillet 2017, au personnel concerné (pièces n° 24.1 et 24.4) et que le salarié a été reçu par le médecin du travail, le 14 septembre 2017, sans observation d'incompatibilité de sa part et sans que la preuve d'un stratagème pour tromper ce médecin ne soit apportée.

De même, le bureau a fait l'objet d'une seconde visite par le médecin du travail, le 12 octobre suivant, avec les membres du CHSCT et au cours de laquelle Mme [L], assistante au service des achats a été entendue (pièce n° 24.5), sans qu'aucune préconisation n'ait été formulée.

Enfin, M. [P], responsable hiérarchique du salarié, a proposé d'échanger de bureau avec le salarié ce qui a été effectif le 31 octobre 2017 et le salarié a admis (pièce n° 24.9) que le nouveau bureau n'était pas bruyant.

En conséquence, ces éléments objectifs permettent de renverser la supposition retenue.

En l'absence de harcèlement moral, la demande de dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé.

Sur les autres demandes :

1°) La demande du salarié relative à la production du registre du personnel dans sa partie entrée/sortie devient sans objet.

2°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du salarié et le condamne à payer à l'employeur la somme de 1 500 euros.

Le salarié supportera les dépens d'appel, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour son conseil.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Infirme le jugement du 8 mars 2021, uniquement en ce qu'il déclare prescrit l'ensemble des demandes de M. [X] ;

Statuant à nouveau sur ce chef :

- Dit que l'action tendant au paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est prescrite ;

- Dit que l'action tendant au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires n'est pas prescrite ;

- Rejette la demande de M. [X] en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Y ajoutant :

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [X] et le condamne à payer à la société AMEFO la somme de 1 500 euros ;

- Condamne M. [X] aux dépens d'appel, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour Me Panier.

Le greffier Le président

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00236
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;21.00236 ?
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