KG/CH
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Marne
C/
Mme [Y] exerçant sous l'enseigne [8]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
MINUTE N°
N° RG 20/00395 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FRR7
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de CHAUMONT, décision attaquée en date du 31 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/00056
APPELANTE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Marne
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Mme [W] [D] (Chargée d'audience) en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE :
Mme [Y] exerçant sous l'enseigne [8]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Charles eloi MERGER, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE substitué par Maître Antoine CHATEAU, avocat au barreau de la HAUTE-MARNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [Y] exerçant son activité sous l'enseigne de [8] a souscrit avec la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Marne (la caisse) une convention pour réaliser une prestation de transports sur prescription médicale.
A la suite d'un contrôle administratif, la caisse a relevé des anomalies entraînant, selon elle, un indu chiffré, le 13 septembre 2017, à la somme de 37 657,08 euros.
La commission de recours amiable a rejeté le recours de Mme [Y], le 13 mars 2018.
Mme [Y] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale qui, par décision du 31 juillet 2020, a :
- déclaré Mme [Z] [I] épouse [Y], gérant en nom propre une entreprise de taxi à l'enseigne [8], recevable en son recours en contestation de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de Haute-Marne en date du 13 mars 2018 lui faisant présentement grief,
- dit que la restitution à la CPAM de la Haute-Marne par l'entreprise de taxi de Mme [Z] [Y], à titre de sanction au manquement conventionnel imputé, du montant des prestations de transport de personnes ayant fait l'objet d'une prise en charge par cette caisse et concernées par ce manquement, ne figure pas au nombre des peines conventionnellement prévues et destinées à sanctionner un tel manquement,
- dit qu'en outre, les conditions légales à l'existence d'un indu au sens des dispositions de l'article 1376 du code civil, et susceptibles d'ouvrir sur une demande en restitution, ne sont pas réunies,
en conséquence,
- débouté la CPAM de la Haute-Marne de sa demande en restitution à Mme [Z] [Y] de la somme de 37 657,08 euros valant au titre supposé d'un indu en rapport au montant des prestations de transport de personnes réalisées du 22 juin 2016 au 31 janvier 2017 pour le compte de l'entreprise [8] par un salarié pris en la personne de M. [G] [T], lequel n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration auprès des services de la caisse préalablement à l'exécution desdites prestations,
- informé la décision attaquée de la commission de recours amiable de la CPAM de la Haute-Marne en date du 13 mars 2018,
- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,
- condamné la CPAM de la Haute-Marne aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 27 octobre 2020, la CPAM de la Haute-Marne a relevé appel de cette décision.
Dans le dernier état de ses conclusions reçues à la cour le 16 août 2022 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :
- infirmer la décision du tribunal judiciaire de Chaumont en date du 31 juillet 2020,
- dire et juger que l'indu notifié à la société [8] est légalement fondé,
- condamner la société [8] à lui rembourser la somme de 37 657,08 euros,
- condamner la société [7] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique 25 octobre 2022 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la société [8] demande à la cour de :
in limine litis,
- déclarer irrecevable l'appel formé par la CPAM du jugement en date du 31 juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Chaumont,
au fond et à titre reconventionnel,
- débouter la CPAM de l'entièreté de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer le jugement en date du 31 juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Chaumont en ce qu'il a :
- déclaré Mme [Y] recevable en son recours en contestation de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM en date du 13 mars 2018,
- dit que la restitution à la CPAM par l'entreprise [6] de Mme [Y], à titre de sanction au manquement conventionnel imputé, du montant des prestations de transport de personnes ayant fait l'objet d'une prise en charge par cette caisse par ce manquement, ne figure pas au nombre des peines conventionnelles prévues et destinées à sanctionner un tel manquement,
- dit qu'en outre les conditions légales à l'existence d'un indu au sens des dispositions de l'article 1376 du code civil et susceptibles d'ouvrir sur une demande en restitution ne sont pas réunies,
- débouté la CPAM de ses prétentions,
- infirmer la décision attaquée de la commission de recours amiable de la CPAM de Haute-Marne en date du 13 mars 2018,
pour le surplus, annuler le jugement en date du 31 juillet 2020 et statuant à nouveau :
- déclarer que Mme [K] n'était pas compétente pour diligenter la procédure en recouvrement d'indu,
- déclarer que la procédure est irrégulière et entachée de nullité,
- déclarer que le courrier en date du 13 septembre 2017 et la procédure qui s'en suit ne sont pas conforment aux exigences législatives et réglementaires,
- déclarer que la procédure diligentée par la CPAM est irrégulière et entachée de nullité,
- annuler la décision prise par la commission de recours amiable du 13 mars 2017,
- déclarer que l'article 4 de la convention locale des taxis de Haute-Marne ne trouve pas à s'appliquer,
- annuler la décision prise par la commission de recours amiable du 13 mars 201,
- déclarer la créance de la CPAM non causée,
- débouter la CPAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la CPAM à lui payer la somme de 37 657,08 euros à titre de dommages et intérêts,
si par extraordinaire la juridiction de céans ne faisait pas droit aux demandes susmentionnées, il sera accordé un délai de 24 mois à Mm [I] [Z] épouse [Y] pour payer la somme que la CPAM tente de recouvrer à son encontre,
en tout état de cause,
- condamner la CPAM à payer à Mme [I] [Z] épouse [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CPAM aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
- Sur la recevabilité de l'appel
Mme [Y] soutient que l'appel est irrecevable dans la mesure où la déclaration d'appel de la CPAM sollicite la réformation du jugement sans préciser les chefs de jugement critiqués et en ayant relevé appel que d'une partie du dispositif du jugement critiqué.
Elle fonde sa demande sur les dispositions des articles 4, 57 et 933 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel :
« La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision. »
À la différence de l'article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.
Il se déduit de l'article 562, alinéa 1er, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié). De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié).
Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier.
Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.
De plus, la CPAM a adressé ses conclusions et pièces le 16 août 2022, et que ces dernières reprenaient l'ensemble des prétentions de l'appelant, cette situation confirmant le caractère général de l'appel ainsi formé.
En conséquence, il y a lieu de déclarer recevable l'appel formé par la CPAM .
Il convient donc de rejeter la fin non recevoir soulevée par Mme [Y].
- Sur la demande de la créance de la caisse
- 1 sur la régularité de la notification de l'indu
Mme [Y] soutient que la notification de l'indu est irrégulière en raison du défaut de qualité du signataire, de l'absence de réception de la notification, du non respect des mentions obligatoires législatives et réglementaires fixées dans l'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale et de l'absence de délivrance d'une mise en demeure.
L'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige (à compter du 10 septembre 2012) dispose que :
" I. - La notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.
Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.
A défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.
Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.
II. - La majoration de 10% peut faire l'objet d'une remise par le directeur de l'organisme de sécurité sociale à la demande du débiteur en cas de bonne foi de celui-ci ou si son montant est inférieur à un des seuils, différents selon qu'il s'agit d'un professionnel de santé ou d'un établissement de santé, fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
III. - Les dispositions des articles R. 133-3, R. 133-5 à R. 133-7 sont applicables à la contrainte instituée par l'article L. 133-4."
- 1-2 sur la qualité du signataire
La notification de l'indu a été envoyée le 13 septembre 2017 à Mme [Y], portant la signature de Mme [K], ayant délégation du directeur adjoint M. [R] comme l'indique le tampon apposé sur la notification.
Les dispositions concernant la délégation de signature ont été respectées et Mme [K] avait bien qualité pour signer la notification précitée.
- 1-2 sur la réception de la notification
Mme [Y] reproche à la caisse de ne lui pas avoir adressée la notification de l'indu alors que la caisse indique que Mme [Y] a bien été avisée mais n'a pas retiré la lettre recommandée (pièce n° 2) et que la caisse a réitéré la notification de l'indu le 9 novembre 2017 par courrier simple (pièce n° 3).
Or, le défaut de réception effective du document qui lui a été adressée en recommandé à la dernière adresse connue, ne peut affecter la validité de la procédure puisqu'il appartenait à Mme [Y] de réceptionner cette lettre de sorte que celle-ci ne peut prétendre ne pas avoir été avisée de la notification, laquelle résulte de sa propre carence et d'autant plus, que la même notification lui a été envoyée par lettre courrier simple le 9 novembre 2017.
- 1-3 sur les motivations de la notification
Au regard de l'article précité, la motivation de la lettre de notification de paiement de l'indu doit permettre à l'établissement contrôlé d'identifier l'indu et de connaître les conditions et délais de présentation de ses observations et recours.
La lettre de notification de paiement d'indu en date du 13 septembre 2017 fait état du contrôle, à partir des documents transmis, à l'origine de la constatation des facturations erronées par suite de l'inobservation des règles de tarification ou de facturation à savoir la non déclaration préalable d'un chauffeur de taxi, M. [T], et à laquelle est joint un tableau (pièce n° 2).
Cette lettre comportait un tableau annexé fournissant les précisions suivantes :
- le motif de l'indu et son montant avec l'identification des assurés (numéro de sécurité sociale et identité), le numéro des factures, leur montant ainsi que le montant remboursé.
Ce courrier qui constitue la notification de payer prévue par l'article L133-4 alinéa 4 du code de la sécurité sociale est conforme aux exigences de l'article R.133-9-1 du même code, en ce qu'il précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, qu'il mentionne l'existence du délai pour s'acquitter des sommes dues, des conséquences du non-paiement et de la possibilité de présenter des observations.
- 1-4 sur l'absence de mise en demeure
Il est de jurisprudence constante que lorsque saisi d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable de la caisse, le juge doit se prononcer sur le bien fondé de l'indu, peu important l'absence de délivrance, par la caisse, d'une mise en demeure.
En l'espèce, la notification de l'indu est intervenue le 19 septembre 2017 et a donné lieu à recours contentieux de Mme [Y], après rejet le 13 mars 2018 de la commission de recours amiable de la caisse.
La notification de l'indu délivrée à Mme [Y] est règulière et valide.
Le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'indu sera donc écarté.
- 2 sur le bien fondé de l'indu
La caisse a constaté, lors d'un contrôle de facturation, que l'un des salariés de Mme [Y], M. [T], fait partie de l'effectif de l'entreprise de Mme [Y] mais n'avait pas été déclaré au préalable auprès de la caisse et que ce constat empêche la prise en charge du remboursement des prestations effectuées.
Elle réclame la restitution des sommes remboursées auprès de Mme [Y] correspondant aux prestations effectuées par M. [T] du 22 juin 2016 au 31 janvier 2017.
Elle fonde sa demande sur le non respect des obligations conventionnelles souscrites entre les parties à savoir l'obligation préalable de déclarer le conducteur et le véhicule auprès de la caisse pour bénéficier du remboursement par l'assurance maladie de la prestation effectuée, prévue à l'article 4 de la convention locale des taxis de la Haute Marne.
Elle estime que Mme[Y] ne rapporte pas la preuve que les documents ont été transmis avant la déclaration des factures de l'année 2016, et que les courriers qu'elle produit aux débats indiquent qu'elle reconnaît ne pas avoir respecté la convention précitée.
Elle soutient que l'inobservation des règles de tarification ou de facturation par le professionnel de santé justifie à elle-même la notification de l'indu, peu importe que la prestation ait été réalisée effectivement ou non.
Elle conclut que la sanction de suspension de la prise en charge des prestations effectués, prévue conventionnellement, ne fait pas obstacle à la demande de remboursement de l'indu.
Mme [Y] fait valoir essentiellement :
- qu'elle a transmis les informations concernant l'embauche de M. [T] directement au guichet de la caisse, le 27 juin 2016, mais n'a pas sollicité, lors de ce dépôt, une attestation auprès des agents de la caisse, qu'elle a toujours mentionné le nom de ce salarié sur les factures,
- que la caisse est négligente dans le traitement des informations en effectuant un contrôle a posteriori et non a priori alors qu'elle avait communiqué depuis plusieurs mois le nom du salarié et que la caisse engage sa responsabilité.
Selon l'article L. 322-5 du code de la sécurité sociale, les frais d'un transport effectué par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie.
Il résulte de ce texte que les frais de transport effectué par une entreprise de taxi ne peuvent être pris en charge qu'à la condition qu'ils respectent les termes de la convention conclue avec un organisme local d'assurance maladie.
En application de l'article L. 133-4, 2°, du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicable à l'espèce, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles.
La caisse est bien fondée à réclamer un indu à l'entreprise de taxi, sur le fondement de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, en cas de manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution de la convention.
L'article 2 de la convention conclue le 21 mars 2014 entre la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Marne et MmeThevenot exerçant sous l'enseigne [8], stipule que « L'entreprise de taxis respecte la législation et la réglementation du secteur des taxis, notamment les normes imposées au véhicule et à l'exercice de la profession d'exploitant taxi [...] » ;
et, selon l'article 4 de la convention : « Seul ouvre droit à remboursement de l'assurance maladie le transport effectué avec un conducteur et un véhicule déclaré dans l'annexe 1 à la présente convention.»
Toute modification des éléments figurant dans l'état récapitulatif en annexe 1 fait l'objet d'une information écrite adressée à la caisse dans les 15 jours calendaires suivant le 1er jour du changement effectif, le cachet de la poste faisant foi. Les justificatifs sont joints à cette information.
Toutefois si la modification ne porte que sur un changement provisoire de conducteur pour une durée continue inférieure à 15 jours calendaires, l'entreprise n'est pas tenue à cette obligation d'information écrite mais elle tient ces informations ainsi que leurs justificatifs, à disposition de la caisse en cas de contrôle.[...] ».
En l'espèce, la lecture du tableau inséré dans l'annexe 1 permet de constater que pour l'année d'activité de 2016, ouvrait droit à remboursement par l'assurance maladie, dans les conditions précisées par la convention, les transports effectués par M. [T] (pièce n° 6).
Or, il ressort du courrier adressé le 10 février 2017 de la caisse que Mme [Y] n'avait pas déclaré au préalable l'embauche de M. [T] en méconnaissant les dispositions de l'article 4 de la convention précitée.
Pourtant, il n'est pas contesté que durant la période du 22 juin 2016 au 31 janvier 2017, la caisse a pris en charge, après transmission de factures pour remboursement, des transports réalisés par l'entreprise de Mme [Y] pour une somme totale de 37 657,08 euros.
La condition de la déclaration préalable du conducteur dans les effectifs de Mme [Y] est bien une condition substantielle pour le droit au remboursement des prestations effectuées et non une formalité puisqu'elle permet d'identifier la qualité de celui qui conduit (titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi et l'existence du contrat de travail le liant à l'exploitant).
Peu importe que les transports ont bien été effectués par son salarié, l'indu est caractérisé à partir du moment où les facturations ont été faites en violation des règles précitées.
De plus, il convient de constater que Mme [Y] ne rapporte pas la preuve qu'elle a informé la caisse, dans le délai de 15 jours prévu par la convention, de l'embauche de M. [T], en indiquant qu'elle avait transmis l'information directement au guichet de la caisse alors que le mail du 15 novembre 2017(pièce n° 8) et le courrier du 16 novembre 2017 (pièce n° 9) indiquent "qu'elle reconnaît avoir manqué à la réglementation en ne respectant pas les délais".
Mme [Y] a régularisé tardivement auprès de la caisse la situation du salarié, le 1er février 2017.
Par ailleurs, le contrôle de la caisse, tardif selon Mme [Y], au moment de la télétransmission annuelle de l'annexe 1 de la convention, n'est pas de nature à faire disparaître le caractre irrégulier de la facturation et ne peut constituer une faute ou une négligence comme le prétend Mme [Y] puisque la caisse effectue des contrôles de facturation a posteriori.
Ainsi, la conduite d'un taxi et le transport de personnes malades ou blessées, pendant toute la période de travail de M. [T] non déclarée auprès de la caisse, tout en se faisant rembourser par la caisse, constituent un manquement de Mme [Y] à son obligation d'exécution loyale de la convention conclue avec la caisse pour la prise en charge de frais de transports au titre de l'assurance maladie.
Au vu du tableau d'indus (pièce n° 3), la caisse justifie de la nature et du montant de sa créance.
En conséquence, l'indu est bien fondé et le jugement sera donc infirmé.
- Sur les autres demandes
Mme [Y] demande, si le jugement est réformé, des dommages et intérêts correspondant aux sommes réclamées par la caisse en soutenant que la caisse a commis une faute ou au moins une négligence dans la gestion des remboursements, les effectuant sans contrôle.
Elle fonde sa demande sur les dispositions des articles 1302 et 1376 du code civil et estime que le comportement fautif de la caisse lui a causé un préjudice.
Or la caisse n'a commis aucune faute dans la mesure où elle procède par un contrôle a posteriori des remboursements versés et qu'elle présume que le prestataire est de bonne foi lorsqu'il déclare le remboursement des prestations de transport auprès de la caisse en vertu des dispositions conventionnelles.
Mme [Y] ne démontre pas, également, qu'elle a subi un préjudice en soutenant que cette créance peut mettre en péril son entreprise sans en rapporter la preuve.
La demande de dommages et intérêts de Mme.[Y] est donc rejetée.
Mme [Y] sollicite des délais de paiement.
Sa demande est rejetée, Mme [Y] ne rapportant aucun élément sur sa situation personnelle et financière au regard des dispositions de l'article 1343-5 du code civil.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [Y] et la condamne à verser à la caisse la somme de 1 000 euros.
Mme [Y] supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
- Déclare recevable l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne à l'encontre de Mme [Y] exerçant sous l'enseigne [8],
- Rejette la fin de non recevoir soulevée par Mme [Y] concernant l'irrégularité de la notification de l'indu du 13 septembre 2017,
INFIRME le jugement en date du 31 juillet 2020,
Statuant à nouveau :
- Condamne Mme [Y] exerçant sous l'enseigne [8] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne la somme de 37 657,08 euros correspondant à la répétition d'indus concernant les prestations de transport de personnes réalisées sur la période du 22 juin 2016 à 31 janvier 2017,
Y ajoutant :
- Rejette la demande de dommages et intérêts de MmeThevenot exerçant sous l'enseigne [8] ainsi que la demande de délai de paiement,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MmeThevenot exerçant sous l'enseigne [8] et la condamne à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne la somme de 1 000 euros,
- Condamne MmeThevenot exerçant sous l'enseigne [8] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION