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18/07/2024 | FRANCE | N°23/00048

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre sociale, 18 juillet 2024, 23/00048


ARRET N° 24/88



R.G N° 23/00048 -

N° Portalis

DBWA-V-B7H-CL3X



Du 12/07/2024





S.A.R.L. J2GS

TECHNOLOGIE



C/



[V]













COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU 18 JUILLET 2024





Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Fort de France, du 31 Janvier 2023, enregistrée sous le n° 21/00064





APPELANTE :
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S.A.R.L. J2GS TECHNOLOGIE

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Fabiola JULAN de la SELARL AJM AVOCATS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Représentée par Me Sylvette ROMER, avocat au barreau de MARTINIQUE







INTI...

ARRET N° 24/88

R.G N° 23/00048 -

N° Portalis

DBWA-V-B7H-CL3X

Du 12/07/2024

S.A.R.L. J2GS

TECHNOLOGIE

C/

[V]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 18 JUILLET 2024

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Fort de France, du 31 Janvier 2023, enregistrée sous le n° 21/00064

APPELANTE :

S.A.R.L. J2GS TECHNOLOGIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Fabiola JULAN de la SELARL AJM AVOCATS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Représentée par Me Sylvette ROMER, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIME :

Monsieur [S] [V]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par M. [D] [T] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 mars 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère, présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

- Madame Anne FOUSSE, Présidente

- Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

- Madame Séverine BLEUSE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l'audience publique du 15 mars 2024,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 17 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour. Le délibéré a été prorogé au 18 juillet 2024.

ARRET : Contradictoire

*************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SARL J2GS Technologie est une société immatriculée depuis le 4 août 2015 au RCS de [Localité 6] dont l'activité principale est la gestion du système d'information de réseaux de communication, de téléphonie, informatique et réseaux. Elle dispose d'immatriculation hors ressort notamment à [Localité 4].

M. [S] [V] a été embauché par cette société selon CDD en date 1er mai 2019, pour exercer les fonctions de Technicien Monteur Câbleur, à temps plein, pour une durée de 3 mois. Son frère, M. [N] a également été embauché par ce même employeur.

Le contrat de travail stipulait : «le salarié exercera ses fonctions à l'adresse suivante Guadeloupe, Martinique, Guyane.

Il est expressément convenu que le salarié pourra être amené à effectuer des déplacements professionnels, nécessaires à l'accomplissement de sa mission, ce qu'il reconnaît expressément.

Compte tenu de la nature de ses fonctions, le salarié prend l'engagement d'accepter tout changement de lieu de travail, nécessité par l'intérêt du fonctionnement de l'entreprise. Cette clause de mobilité n'est pas limitée à la zone géographique suivante : toute la Guadeloupe. En cas de mise en 'uvre de la présente clause, le salarié ne pourra se prévaloir d'une quelconque modification de son contrat de travail».

Le contrat de travail s'est poursuivi en CDI à l'expiration du CDD.

M. [S] [V] et son frère ont été logés dans un appartement en Guyane loué par l'employeur.

M. [S] [V] est reparti à la Martinique pour ses congés le 4 août 2020.

Le 21 décembre 2020, M. [S] [V] et son frère M. [N] ont adressé chacun à l'employeur une lettre de prise d'acte de la rupture de leur contrat de travail.

Ils ont ensuite saisi chacun le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France le 11 février 2021.

M. [S] [V] a sollicité la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité légale de licenciement, de préavis, de congés payés sur préavis. Il a par ailleurs demandé des rappels de salaires non versés, outre une indemnité pour travail dissimulé, en sus de la remise des documents de fin de contrat sous astreinte. Il indiquait en première instance être parti en congé du 4 août au 2 septembre et qu'il avait tenté de joindre l'employeur sans succès, sans accès à sa boite mail professionnelle, et que sans fourniture d'emploi, il avait été contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Sans nouvelle de l'employeur ni document de fin de contrat il s'était rendu auprès de divers organismes sociaux et avait découvert qu'il n'avait jamais été déclaré.

L'employeur indiquait de son côté que le salarié avait d'abord travaillé en Guadeloupe, puis avait accepté de partir en Guyane. L'employeur expliquait qu'il avait loué un logement meublé pour le salarié et son frère en Guyane; que la voiture louée pour eux avait été retrouvée à l'aéroport et que M. [S] [V] était parti le 4 août 2020 sans accord de la part de l'employeur, laissant l'appartement dans un état indigne, qu'il avait abandonné le poste, puis pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 21 décembre 2020.

Par jugement contradictoire du 31 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Fort-de-France a statué comme suit :

- déclare recevables les demandes de M. [S] [V],

- dit et juge que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [S] [V] est aux torts de la SARL J2GS Technologie et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence,

- condamne la SARL J2GS Technologie au paiement à M. [S] [V] des sommes suivantes :

* 1923,47 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

* 1923,47 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 480,75 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1923,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 192,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 7116,83 euros pour le paiement des salaires non versés des mois de septembre 2020-octobre 2020-novembre 2020 et du 1er au 21 décembre 2020,

* 11540,82 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- ordonne à la SARL J2GS Technologie la remise à M. [S] [V] des documents de fin de contrat conformes suivants :

* l'attestation Pôle emploi,

* le certificat de travail,

* le reçu pour solde de tout compte,

* les bulletins de paie des mois de janvier à décembre 2020,

sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant la notification du présent jugement et limité à 30 jours,

- ordonne l'exécution provisoire totale à hauteur de 13560,33 euros à compter de la notification du jugement,

- déboute la SARL J2GS Technologie de toutes ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SARL J2GS Technologie au paiement des entiers dépens y compris aux éventuels frais et actes d'exécution.

Le conseil a en effet, considéré au vu des pièces produites par les parties, que M. [S] [V] s'était absenté au mois d'août 2020 pour ses congés au vu du bulletin de paie produit par la SARL J2GS Technologie mentionnant pour le mois d'août «absence pour congés payés, pris 25 jours et un salaire brut de 1923, 47 euros ; que l'employeur ne pouvait donc ignorer le motif d'absence pour le mois d'août jusqu'au 2 septembre 2020, ni alléguer que le salarié était parti sans accord de sa part en abandonnant son poste. Il a relevé l'inexistence d'un courrier de mise en demeure de reprendre le travail adressé par l'employeur à M. [S] [V] et a considéré que l'employeur ne justifiait pas le fait de ne pas avoir donné du travail à son salarié et qu'il avait failli à son obligation de fourniture de travail.

Faute de ce faire, il en conclut que le fait de ne pas avoir donné du travail au salarié depuis la fin de son congé le 7 septembre 2020 jusqu'au 21 décembre 2020, suffisait par sa gravité à caractériser un manquement suffisamment grave de l'employeur et que la prise d'acte de M. [S] [V] devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par déclaration électronique du 28 février 2023, la SARL J2GS Technologie, a relevé appel du jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 février 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions II notifiées le 17 novembre 2023, et remises au greffe par la voie électronique, l'appelant demande à la cour de :

Vu l'article 1218, 1231 et suivants du code civil,

Vu l'article L 8221-5, L 1451-1, L 1222-1 et suivants du code du travail, la jurisprudence citée et les pièces produites,

- réformer en totalité la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France le 31 janvier 2023,

- annuler l'intégralité des condamnations prononcées par le conseil soit :

* 1750,89 euros au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

* 1750,89 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 480,75 euros au titre de l'indemnité légale,

* 1750,89 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 175,08 euros au titre des congés payés afférents,

* 6478,29 euros au titre du paiement des salaires de septembre à décembre 2020,

* 10505,34 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- rejeter la demande de prise d'acte formulée le 21 décembre 2020 par M. [S] [V] en raison du poste disponible du salarié et donc de l'effectivité de la fourniture de travail,

- rejeter la demande de prise d'acte formulée le 21 décembre 2020 par M. [S] [V] en raison de l'existence de la démission manifestée le 15 septembre 2020,

- débouter M. [S] [V] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- déclarer M. [S] [V] comme démissionnaire à compter du 21 décembre 2020 du fait de l'insuffisance de la faute reprochée à l'employeur,

A titre très subsidiaire,

- prononcer l'exonération de responsabilité de la SARL J2GS Technologie pour cause de force majeure,

A titre infiniment subsidiaire :

- fixer l'indemnité due par la SARL J2GS Technologie au titre des dommages et intérêts à la somme de 0 euros,

- déclarer la retenue sur salaire opérée par la SARL J2GS Technologie comme légitime eu égard à l'absence de reprise de poste de M. [N] (sic!),

- en tout état de cause condamner M. [S] [V] au paiement à la SARL J2GS Technologie de 2000 euros pour manquement à l'obligation de bonne foi,

- condamner M. [S] [V] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 9 septembre 2023 et déposées au greffe par son défenseur syndical, l'intimé demande à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel de la SARL J2GS Technologie à l'encontre de la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France le 31 janvier 2023,

- par conséquent,

- confirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions,

- débouter la SARL J2GS Technologie de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- y ajoutant,

- condamner la SARL J2GS Technologie au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens développés au soutien de leurs prétentions.

MOTIVATION

- Sur la prise d'acte de la rupture,

La prise d'acte de la rupture se définit comme un mode de rupture du contrat de travail par le biais duquel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.

Pour que la rupture produise les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués doivent non seulement être établis par le salarié, sur qui pèse la charge de la preuve, mais constituer, pris dans leur ensemble, des manquements suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

M. [S] [V] a pris acte de la rupture par courrier du 21 décembre 2020 dans les termes suivants :

« ...Les faits ci-après relatés et dont la responsabilité incombe entièrement à votre entreprise me contraignent à vous notifier la présente prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail.

En effet depuis le 7 septembre 2020 vous ne m'avez pas fourni de travail et je suis actuellement sans emploi, ni licenciée, ni démissionnaire. Je ne peux prétendre aux allocations de retour à l'emploi et les employeurs potentiels me réclament un certificat de travail. Cette situation constitue une violation de vos obligations contractuelles et me cause un préjudice certain.

Le refus de fournir le travail, tel qu'il ressort du contrat de travail, constitue un manquement grave qui justifie la présente prise d'acte.

Cette rupture prendra effet à la date de première présentation du présent recommandé avec accusé de réception.

L'effet de la rupture sera immédiat et sera suivi d'une assignation de J2GS Technologie devant le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France afin d'obtenir le respect de mes droits et la réparation financière du préjudice subi.

Je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tour compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi.' ».

La SARL J2GS Technologie prétend :

- en premier lieu qu'elle n'a pas commis de manquement grave puisque le salarié ne s'est pas présenté à son poste à son retour de congé ; que même si elle n'a pas initié de procédure de licenciement, le contrat était de fait rompu à l'initiative du salarié qui a en réalité démissionné.

Elle rappelle qu'en matière de prise d'acte le doute profite à l'employeur et que la charge de la preuve des faits qu'il reproche à l'employeur incombe au salarié.

Elle reconnaît au regard du bulletin du mois d'août 2020 (qu'aucune des parties n'a produit devant la Cour) qu'il mentionnait une période de congés payés, mais que celle-ci expirait le 2 septembre 2020 ; qu'ainsi le salarié avait l'obligation de reprendre son poste, lequel était disponible ; Elle mentionne qu'en réalité le salarié a pris un aller simple, abandonnant le logement mis à sa disposition dans un état déplorable ainsi que le véhicule de fonction sur le parking de l'aéroport et n'a pas repris ses fonctions, que son salaire était versé jusqu'à sa démission au cours d'un échange watsap du 15 septembre 2020, qu'elle n'a donc commis aucune faute suffisamment grave pour justifier la prise d'acte.

Elle produit pour en justifier :

- un billet d'avion de [Localité 4] à [Localité 5], le 4 août 2020 air France, sans que ne soit mentionné un retour,

- une attestation de M. [M], artisan qui indique qu'il était le propriétaire d'une maison meublée, louée par M. [U] [B] pour une année renouvelable à compter du 17 décembre 2019, mise à la disposition de deux occupants M. [S] [V] et M. [H] [N]. Aux dires du propriétaire, ces deux occupants seraient partis subitement,

- une conversation watsap entre un certain «[U]» et «[H] frère de [S]» dans lequel ce dernier demande au patron s'il a bien reçu sa lettre de démission (message du 15 septembre 2020) et qu'il a besoin de papier pour se rendre à Pôle emploi.

La réponse de «[U]» indiquant qu'un courrier lui sera envoyé et que cela dit pour faire une démission il faut être en poste et que ce n'est pas le cas,

- une attestation de M. [G] technicien télécom indiquant que M. [S] [V] et M. [N] ont quitté le département au mois d'août 2020 sous prétexte que le travail était trop dur et que le fait d'être dans un autre département les empêchait de voir leur famille. Il affirme qu'il connaissaient déjà les conséquences de leur départ....

- une attestation de Mme [W] [B], secrétaire au sein de la SARL J2GS Technologie, qui atteste que M. [S] [V] et M. [N] sont repartis en Martinique au mois d'août sans accord de qui que ce soit, que l'entreprise a du replanifier les interventions non honorées ; qu'ils ne sont pas revenus sur leur lieu de travail, qu'ils n'ont pas été licenciés et sont partis de leur propre chef avec le billet d'avion de retour que M. [U] [B] avait payé ; que des plannings ont été faits en prévision de leur retour mais qu'ils ne sont jamais revenus.

La SARL J2GS Technologie en déduit donc que le salarié ainsi que M. [N] ont démissionné ainsi qu'il résulte des échanges watsap susvisés. Aussi, selon elle le fait de ne pas avoir mis en demeure le salarié de reprendre son poste est justifié par cette manifestation claire et non équivoque, de l'existence d'une démission.

A défaut, elle fait valoir que le salarié qui invoque la non fourniture de travail comme manquement de l'employeur, doit justifier que l'employeur ne lui fournissait plus de travail antérieurement à son départ, autrement dit que le poste avait été supprimé ou occupé par un tiers. Or selon elle, le poste existait encore à son retour de congé  ; que la mise en demeure de reprendre le poste n'est en rien une obligation pour l'employeur sachant qu'il était dans l'attente d'une lettre de démission. Qu'en tout état de cause, la condition d'une prise d'acte pour non fourniture de travail est remplie que dans l'éventualité où le poste aurait été supprimé ou qu'un tiers aurait remplacé le salarié ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Elle en conclut que la prise d'acte du salarié du 21 décembre 2020 produit les effets d'une démission et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute de justifier de manquements graves de sa part.

De son côté, M. [S] [V] conteste l'existence de sa démission, antérieure à sa prise d'acte faisant échec à cette dernière.

Il rappelle que la démission doit être claire et non équivoque et que tel n'est pas le cas, dès lors qu'elle résulte d'un chantage ou d'un manquement de l'employeur de nature à la rendre équivoque.

Il soutient qu'aucune lettre de démission n'est versée aux débats permettant de corroborer la thèse de la démission ; qu'il n'était pas spécifiquement rattaché à un poste en Guyane et que le fait de manifester le souhait de ne pas revenir ne signifie pas qu'il avait une intention claire de démissionner.

Il ajoute qu'il n'est pas possible de déterminer le rédacteur du message watsap où il est question de démission. Il affirme qu'aucun mail ne lui a été envoyé, ou consignes du lieu de travail à leur retour de congés, que Mme [B] qui a témoigné n'est autre que la tante du dirigeant de la SARL J2GS Technologie ; que le billet du 4 août 2020 est un billet retour prévu depuis février 2020 et qu'il a pu avec M. [N] récupérer ce billet avec l'accord de l'employeur pour son retour. Il considère que l'employeur les a abusivement maintenus en Guyane, et qu'il ne leur a pas fourni de travail, leur faisant un chantage odieux aux papiers.

Il produit :

- le billet électronique de départ de [Localité 4] pour [Localité 5] le 4 août 2020, sur air France, pour lui même et M. [H] [N],

- une notification de prise d'acte de la rupture de contrat de travail de M. [N], (non concerné par la présente procédure) en date du 21 décembre 2020, (pièce n° 3),

- une conversation watsap entre «[U] fibre optique» et «[K]»,

Sur ce,

Le contrat de travail stipulait une clause au chapitre lieu de travail prévoyant que le salarié exerce ses fonctions en Martinique, Guadeloupe et Guyane, et qu'il pourra être amené à effectuer des déplacements professionnels, nécessaires à l'accomplissement de sa mission. M. [S] [V] a expressément pris l'engagement d'accepter tout changement de lieu de travail de sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir fourni du travail à M. [S] [V] en Guyane.

Aucune pièce ne vient décrire les différents déplacements du salarié, mais il ressort des conclusions de M. [S] [V], que celui-ci était en poste en Guyane depuis plus de onze mois au moment de la rupture du contrat de travail par lettre de prise d'acte du 21 décembre 2020.

La charge de la preuve des manquements de l'employeur incombe donc à M. [S] [V].

Il n'est pas contesté que M. [S] [V] n'a pas repris son poste à la fin de ses congés d'août 2020. Celui-ci affirme qu'on ne lui a pas fourni d'emploi, tandis que l'employeur s'est estimé fondé à le considérer comme démissionnaire.

Il est constant que bien qu'elle ne soit soumise à aucune règle de forme, la démission doit résulter d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat et ne peut pas se présumer.

Force est de constater cependant qu'aucun élément du dossier ne peut permettre à l'employeur de présumer une démission pour abandon de poste de la part du salarié. En effet l'employeur n'a pas respecté la procédure prévue à l'article L 1237-1-1 et R1237-13 du code du travail (mise en demeure adressée au salarié par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l'employeur de 15 jours minimum, de justifier son absence et reprendre son poste).

L'employeur ne peut pas plus se prévaloir d'une volonté claire et non équivoque de M. [S] [V] de démissionner.

Le message watsap produit par l'employeur entre un certain 'gregorie' et 'brice frère [S] 'ne peut être attribué à M. [S] [V]. Son nom n'y figure à aucun moment.

D'un autre côté la Cour considère que l'employeur est tenu de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition ce qu'il lui revient de démontrer, et de lui verser une rémunération en contrepartie du contrat de travail.

Or l'attestation de Mme [B] dont le seul patronyme identique à celui du dirigeant de la SARL J2GS Technologie ne peut suffire à l'écarter des débats, est suffisamment circonstanciée pour ne pas être qualifiée de partiale et établir que M. [S] [V] n'est pas revenu sur leur lieu de travail, qu'il n'a pas été licencié et est parti de Guyane vers la Martinique avec le billet d'avion de retour que M. [U] [B] avait payé ; que des plannings ont été faits en prévision de son retour mais qu'il n'est jamais revenu.

Il s'en déduit que le poste du salarié ne lui a pas été retiré et était donc disponible.

La conversation watsap produite en pièce 5 par le salarié ne peut pas plus être attribuée au représentant légal de la SARL J2GS Technologie, faute de pouvoir déterminer avec certitude l'identité de [K] et de [U] fibre optique.

En conséquence, la Cour considère au vu des éléments produits par la SARL J2GS Technologie que l'employeur n'a pas interrompu la fourniture d'emploi au salarié.

M. [S] [V] qui a utilisé le billet retour vers la Martinique payé par son employeur, ne démontre pas d'ailleurs pour sa part qu'il était de retour en Guyane pour reprendre ses fonctions à l'issue de son congé le 2 septembre 2020 et il se déduit de l'attestation du propriétaire du logement mis à sa disposition en Guyane que le salarié est parti subitement, sans retour en Guyane.

La Cour conclut à une absence injustifiée du salarié et non à une démission, ou à un abandon de poste faute pour l'employeur de justifier d'une mise en demeure de reprendre son poste.

L'emploi de M. [S] [V] ne lui ayant pas été supprimé, la Cour ne retient pas ce manquement grave de l'employeur de nature à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Enfin pour statuer sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués dans la lettre de rupture sans se limiter aux seuls griefs qui y sont mentionnés.

Au cas d'espèce, le salarié n'a pas invoqué le travail dissimulé au titre des griefs reprochés à l'employeur ni dans sa lettre de rupture, ni devant le Conseil de Prud'hommes ou encore devant la Cour d'appel. En toute hypothèse il n'établit pas qu'il avait connaissance d'une dissimulation d'emploi au moment de la prise d'acte de la rupture. En effet le Conseil de Prud'hommes indique que faute d'avoir pu joindre son employeur et d'avoir accès à sa boite mail professionnelle a été contraint de prendre acte de la rupture.

Sans document de fin de contrat, il s'est alors rendu auprès des différents organismes sociaux et a découvert qu'il n'avait jamais été déclaré.

Le salarié ne pouvant invoquer un fait qu'il ignorait au moment de la rupture, l'éventuelle dissimulation d'emploi salarié ne sera pas appréciée au titre des griefs ayant justifié la prise d'acte de la rupture.

En conséquence, le seul motif de la non fourniture d'emploi étant écarté, le jugement est infirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [S] [V] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau la Cour dit qu'en l'espèce, la prise d'acte dont s'agit produit les effets d'une démission.

- Sur la demande d'annulation des condamnations prononcées par le Conseil de Prud'hommes

La prise d'acte produisant les effets d'une démission, le jugement est réformé en ce qu'il a condamné la SARL J2GS Technologie au paiement d'indemnités pour non respect de la procédure de licenciement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité légale, d'une indemnité de préavis et de congés payés sur préavis.

Par ailleurs la SARL J2GS Technologie n'ayant pas cessé de fournir un emploi au salarié, et celui-ci n'ayant pas exécuté sa prestation de travail, n'était pas fondé à réclamer une rémunération durant son absence injustifiée.

Il s'ensuit que c'est à tort que le Conseil de Prud'hommes a condamné la SARL J2GS Technologie à payer à M. [S] [V] la somme de 7116,83 euros pour le paiement des salaires non versés des mois de septembre au 21 décembre 2020.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

- Sur la demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé

Selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 (dissimulation d'activité) ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

M. [S] [V] a soutenu devant le Conseil de Prud'hommes qu'à la suite de sa prise d'acte, il a décidé de se rendre à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique, et a reçu comme indication qu'aucune cotisation n'avait été prise en compte durant la durée de son contrat de travail. De même l'URSSAF de la Guadeloupe lui aurait confirmé qu'il n'y avait eu aucune déclaration faite à son nom.

Le Conseil de Prud'hommes a relevé que l'examen des pièces versées aux débats par les parties révèle que l'employeur se contente de verser une copie de la déclaration préalable à l'embauche (DPAE) ainsi que deux courriers : une lettre de l'URSSAF datée du 18 mars 2022, dont l'objet est une demande de rendez vous sollicité par la SARL J2GS Technologie, ainsi qu'un 2ème courrier daté du 29 mars 2022, qui confirme un second rendez vous suite à l'annulation du précédent, et un extrait du site société.com sur l'établissement secondaire de l'entreprise en Guyane.

Le Conseil de Prud'hommes a considéré que ces pièces étaient insuffisantes alors que M. [S] [V] justifiait par le PV de l'inspecteur de la CGSS daté du 22 mars 2022 ainsi que le relevé de carrière édité le 13 janvier 2021 : CGSS et retraite complémentaire AGIRC ARRCO, l'absence de déclaration aux organismes précités.

Il a ainsi retenu :

- qu'«Il résulte que l'employeur a été dans l'incapacité de délivrer les documents légaux comme par exemple : la déclaration annuelle de données sociales (DADS) qui est pourtant une formalité administrative obligatoire que doivent accomplir toutes les entreprises (y compris les administrations publiques) employant des salariés, qui permettent aux salariés de recevoir leur déclaration de revenus pré-remplie, de connaître les rémunérations brutes et plafonnées de chaque salarié, et surtout c'est sur celles ci que les cotisations patronales et salariales doivent être acquittées. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le conseil considère que la situation de M. [S] [V] relève bien du travail dissimulé».

Il lui a alloué la somme de 11540,82 euros en réparation de son préjudice correspondant à 6 mois de salaire.

En cause d'appel, la SARL J2GS Technologie demande à la Cour de dire que le salarié ne démontre pas l'existence d'un élément intentionnel caractérisant le travail dissimulé.

Elle soutient que :

l'employeur a bien délivré les bulletins de salaires de son salarié (qu'elle ne produit pas devant la Cour), a communiqué une adresse électronique de travail,

le salarié bénéficiait d'un véhicule professionnel, et que l'intégralité des frais professionnels étaient pris en charge sans plafonnement par la société,

les virements étaient réalisés,

ses interventions étaient inférieures à 3 en moyenne lui permettant de travailler en demi journée alors qu'il était embauché à plein temps,

ses déclarations étaient faites et pour une raison méconnue et extérieure elles ont cessé,

l'employeur a délégué une tâche et n'avait aucune connaissance de ce manquement et ne pouvait avoir l'intention de dissimuler ou de ne pas déclarer le salarié, cette méconnaissance exclut toute intention,

dès lors que l'employeur a eu connaissance des manquements il a engagé toutes les démarches nécessaires pour régulariser ; mais s'est retrouvé face à une administration lacunaire. Début 2022 il s'apercevait que les déclarations qu'il réalisait via la plate forme de déclaration et gestion sociale du site fiche de paie.net n'étaient pas enregistrées par l'URSSAF, il interrogeait l'URSSAF qui lui donnait rendez vous le 1er avril puis après annulation le 12 avril 2022.

le 8 septembre 2022, l'accès à l'URSSAF de la SARL J2GS Technologie était bloqué pour cause de radiation, et elle apprenait le 8 novembre 2022 que son compte avait été radié depuis le 30/04/2019,

elle était invitée à faire une DPAE, à la date d'embauche de ses salariés et à transmettre les déclarations sur ces périodes.

Le 3 mai 2023, l'URSSAF de la Guadeloupe informait son avocat que le compte cotisant de la SARL J2GS Technologie avait été réactivé,

La SARL J2GS Technologie indique donc avoir procédé à ces régularisations dès lors que son compte a été rétabli le 3 mai 2023.

Elle considère que ces difficultés d'ordre administratif ont été à l'origine de l'absence d'enregistrement de la DPAE de M. [S] [V] mais que cette formalité a bien été réalisée le 1er mai 2019. Elle fait valoir qu'elle n'avait aucune raison de croire que ses déclarations ne parvenaient pas à l'URSSAF.

Elle produit pour se justifier :

- un courrier de l'URSSAF en date du 12 mars 2022 lui confirmant un rendez-vous le 1er avril 2022 puis un courrier du 12 avril 2022 lui répondant à sa demande de rendez vous et lui indiquant la marche à suivre pour faire les DPAE,

- des conversations par courriel avec l'URSSAF en date des 2 et 3 mai 2023 pour la réactivation du compte de la SARL J2GS Technologie.

- la déclaration préalable à l'embauche de M. [S] [V] reçue le 1er mai 2019,

De son côté le salarié soutient que ces pièces ne sont pas suffisantes à exonérer l'employeur de ses obligations.

Sur ce,

Si La SARL J2GS Technologie justifie de démarches de régularisation auprès de l'URSSAF de la Guadeloupe courant 2022 , de demande de rendez -vous auprès de la CGSS de la Guadeloupe pour procéder aux DPAE de ses salariés, et de démarches de son avocate courant mai 2023 pour transmettre ses déclarations préalables à l'embauche de salariés encore actifs dans la société, elle ne démontre pas avoir réglé une quelconque cotisation pour ce dernier, depuis son embauche, alors qu'elle explique avoir fait l'objet d'une radiation le 30 avril 2019 et avoir procédé à une déclaration préalable à l'embauche de M. [S] [V] pour son établissement situé à [Localité 4], le 1er mai 2019.

Elle n 'établit pas plus avoir effectué une quelconque déclaration de salaire depuis l'embauche de son salarié, ni avoir sollicité de régularisation sur ce point avant l'année 2022 soit plusieurs années après la prise d'acte de M. [S] [V].

Il s'ensuit que l'élément intentionnel de dissimulation d'emploi salarié est caractérisé compte tenu de la durée de l'absence de déclaration et de règlements de cotisations aux organismes sociaux.

- Sur la demande subsidiaire d'exonération de sa responsabilité pour cause de force majeure,

La SARL J2GS Technologie demande à titre subsidiaire à être exonérée de sa responsabilité en application de l'article 1218 du code civil lequel dispose que «ll y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur» et de l'article 1231-1 du même code, dès lors qu'elle a été empêchée par la force majeure.

Elle expose que malgré sa bonne volonté, elle a subi une radiation, des blocages de compte, une incompétence des services, cet état de fait constituant une cause étrangère exonératoire.

Cependant, les conditions de la force majeure soit l'événement imprévisible, irrésistible et extérieur à la SARL J2GS Technologie qui l'aurait empêché d'exécuter son obligation de procéder aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales, ne sont pas réunies au regard de la durée de la négligence et de l'imprudence de l'employeur qui ne s'est jamais assuré du respect de ses obligations déclaratives dans un délai raisonnable après l'embauche du salarié. Elle ne démontre pas qu'elle ne pouvait avoir connaissance de sa radiation et qu'elle était empêchée de vérifier sa situation au regard de ses obligations déclaratives.

La cour considère que le manquement lui incombe pleinement et ne relève pas de la cause étrangère.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il condamne la SARL J2GS Technologie à payer à M. [S] [V] la somme de 11540,82 euros à titre d'indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire.

-sur la demande de dommages et intérêts formée par la SARL J2GS Technologie pour manquement à l'obligation de bonne foi,

La SARL J2GS Technologie demande à la cour de condamner M. [S] [V] à lui payer la somme de 2000 euros pour manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, nuisant à sa réputation de bien des manières, laissant notamment l'appartement de [Localité 4] mis à sa disposition dans un état indigne, ce qui a justifié le paiement au propriétaire d'une facture de 1450 euros pour la détérioration du lit , télévision, micro ondes et télévision et autres biens meubles.

Considérant qu'il s'agissait d'une demande nouvelle devant la cour , les observations des parties ont été sollicitées en cours de délibéré sur ce moyen d'irrecevabilité que la cour entendait relever d'office.

Le défenseur syndical de l'intimé a confirmé que cette demande n'avait pas été formulée en première instance.

L'appelante a en revanche répondu que le manquement à l'obligation de bonne foi du salarié avait été relevé dès la première instance et a communiqué ses conclusions n° 3 de première instance notifiées devant le Conseil de prud'hommes pour en justifier.

Sur ce,

Selon l'article 564 du code de procédure civile, «à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait».

L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La Cour observe toutefois que si dans les motifs de ses conclusions de première instance, l'appelante a évoqué la mauvaise foi du salarié pour faire obstacle à la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n'a formulé dans son dispositif aucune demande spécifique de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la dégradation imputée au salarié de l'appartement mis à sa disposition .

Or la faculté de soumettre aux juges d'appel des demandes tendant aux mêmes fins que celles portées devant les premiers juges, implique qu'une demande ait été formée devant ces derniers.

Tel n'est pas le cas en l'espèce à l'examen des conclusions de première instance.

De même la cour considère qu'une demande de dommages et intérêts en réparation d'un manquement à l'obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat ne peut être considérée comme l'accessoire, la conséquence ou le complément d'une demande soumise aux premiers juges , si aucune demande de réparation d'un quelconque préjudice n'a été formulée dans le dispositif des conclusions de première instance, l'objet du litige étant déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance ou leurs dernières conclusions.

Il s'ensuit que cette demande nouvelle de dommages et intérêts à hauteur de 2000 euros sera déclarée irrecevable.

- Sur la remise de documents de fin de contrat conformes

Le Conseil de Prud'hommes a ordonné à la SARL J2GS Technologie de remettre des documents de fin de contrat conformes tenant compte de la prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, (attestation Pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte) ainsi que des bulletins de salaires de janvier à décembre 2020, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement et limité à 30 jours.

La SARL J2GS Technologie ne justifie pas devant la Cour de la remise au salarié de l'attestation Pôle emploi ni du certificat de travail.

Le jugement est donc confirmé de ce chef. En revanche, le Conseil de Prud'hommes a été en possession des bulletins de salaire produits en première instance.

La Cour n'ayant pas confirmé la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ni fait droit à la demande de paiement de salaire de septembre à au 21 décembre 2020, il n'y a pas lieu de remettre des bulletins de paie de janvier à décembre 2020 rectifiés sous astreinte.

Le jugement est infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 31 janvier 2023, par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France , sauf en ce qu'il a condamné la SARL J2GS Technologie à payer à M. [S] [V] la somme de 11540,82 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, ordonné à la SARL J2GS Technologie de remettre à M. [S] [V] l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement et limité à 30 jours, et condamné la SARL J2GS Technologie aux dépens de l'appel,

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [S] [V] du 21 décembre 2020 produit les effets d'une démission,

Déboute M. [S] [V] de :

- ses demandes d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

- sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- sa demande d'indemnité légale de licenciement,

- sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis,

- sa demande de paiement des salaires non versés du mois de septembre 2020 et jusqu'au 21 décembre 2020,

- sa demande de remise des bulletins de paie de janvier à décembre 2020 sous astreinte,

Y ajoutant déclare irrecevable la demande nouvelle de dommages et intérêts d'un montant de 2000 euros pour manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL J2GS Technologie aux dépens de l'appel,

Et ont signé le présent arrêt Mme Anne FOUSSE, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffière

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00048
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;23.00048 ?
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